mercredi 28 juillet 2010

Ressorties de l'été

DU SILENCE ET DES OMBRES / TAKING OFF / IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST

La période estivale est propice aux ressorties. Deux films invisibles depuis longtemps ont la chance de retrouver les salles obscures. Sans oublier un classique du western dont on ne se lasse pas.

Du Silence et des Ombres de Robert Mulligan est un film culte aux USA mais relativement méconnu chez nous. Il est adapté du best-seller d'Harper Lee To Kill A Mockingbird, Prix Pulitzer en 1961, et valu à son interprète principal, Gregory Peck, l'Oscar du meilleur acteur. Dans une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch, un avocat qui élève seul ses deux enfants, est commis d'office pour défendre un homme noir accusé de viol. L'histoire est racontée du point de vue des deux enfants qui vont être brutalement confrontés à la haine et à la violence des hommes. Protégés par un père dont ils ne supposaient pas l'intégrité, ils perdront une partie de leur innocence mais se forgeront une conscience humaniste à une époque où le racisme est à son paroxysme.

Robert Mulligan filme avec beaucoup de sensibilité cet éveil à l'âge adulte et l'on retrouvera cette même pudeur quelques années plus tard dans Un été 42. Le cinéaste montre, dans un noir et blanc vaporeux à la lisière du fantastique, les peurs enfantines et l'ombre menaçante d'un marginal reclus qui hante les habitants. Puis vient le temps du procès dans lequel Gregory Peck, impérial, fait preuve de tout son talent en clamant haut et fort sa soif de justice. Le film, tourné en 1962 au moment de l'avènement de Martin Luther King, aborde un sujet très sensible sans être moralisateur. Si un certain didactisme pointe par endroit, Mulligan sait être lucide en éveillant les consciences sur les dangers du repli sur soi et de la peur de l'autre. Des sujets qui n'ont malheureusement pas perdu de leur actualité.

Taking Off, réalisé en 1971, est le premier film américain de Milos Forman. Le cinéaste avait du quitter la Tchécoslovaquie après l'accueil désastreux qui lui avaient réservées les autorités sur Au Feu les Pompiers, virulente critique du système communiste. Aidé par son ami Claude Berri, il part au pays de l'oncle Sam tourner la révolution culturelle qui est en marche. Mais au lieu de s'intéresser aux enfants hippies, ils préfère raconter le parcours de leurs parents en totale perte de repères devant le comportement de leurs rejetons.

Le film a une approche très documentaire, avec un début où des jeunes pris sur le vif chantent dans une sorte de Star Ac avant l'heure. Jean-Claude Carrière, le co-scénariste du film, estimait qu'il n'était pas très pertinent de filmer les jeunes en train de fumer et proclamer la paix dans le monde mais plutôt de montrer la déconfiture sociologique et morale de leurs aînés. Un choix narratif audacieux qui permet de savourer des séquences caustiques et parfois burlesques, notamment lors d'un hilarant dîner entre parents qui vire au striptease intégral. Taking Off offre un instantané d'une époque où la liberté d'être et de penser était l'obsession de tous, Forman se montrant déjà un redoutable analyste de la société américaine qu'il décryptera magistralement dans ses oeuvres suivantes. Un film rare, très drôle, à consommer sans modération.


Comment ne pas terminer cette saison sans évoquer le retour de Sergio Leone avec le mythique Il était une fois dans l'Ouest. Tout a déjà été dit sur ce chef d'oeuvre indépassable qui réiventa à jamais le western. Musique géniale de Morricone, cadrages insensés, interprétation mémorable où trône Henry Fonda dans son seul rôle de salaud, revoir ou re-revoir le film sur grand écran est une vraie cure de jouvence. Comme un baptême du feu.

Antoine Jullien 

Inception



Votre esprit abrite la scène du crime. Cette accroche mystérieuse a minutieusement décuplé l'attente autour d'Inception, le septième long métrage de Christopher Nolan. Alors que le paysage hollywoodien regorge de suites, remakes et autres adaptations, un long métrage original se permet le luxe de voler la vedette à tous ses concurrents en devenant l'évènement de l'été. Son intriguant sujet, son acteur vedette, ses effets spéciaux spectaculaires ne font pas tout. Il lui faut une âme... torturée, comme toujours avec Christopher Nolan.

Dan Cobb est un voleur de rêves. Sa spécialité consiste à s'approprier les secrets les plus précieux d'un individu durant son sommeil. Alors qu'il veut rentrer chez lui, il décide d'accepter, avec son équipe d'espions, une ultime mission : pratiquer l'inception, autrement dit implanter une idée dans la tête de l'héritier d'une multinationale. Mais l'esprit de l'un des joueurs va faire dérailler la machine...


Depuis The Dark Knight, Christopher Nolan est devenu le maître étalon du "blockbuster cérébral". Disposant de moyens considérables et d'une liberté artistique dont seuls quelques-uns à Hollywood ont accès, il a compris que le public était en attente d'histoires fortes, aux enjeux complexes, avec des personnages tiraillés par leur propre dualité. The Dark Knight était un miracle, un très grand film sur l'Amérique Post-11 septembre doublé d'une étonnante réflexion sur le mal personnifié par l'insaississable Joker. Avec Inception, Nolan pousse encore plus loin son ambition. Malgré Matrix et plus récemment Avatar, il se coltine à son tour au monde des rêves et des réalités parallèles mais dans le but d'explorer le trauma intérieur de son personnage, la source des péripéties à venir.

Il est troublant de constater que Leonardo DiCaprio, bien qu'il ait changé d'univers, n'a pas varié en névroses. Après Shutter Island, le voilà à nouveau rattrapé par une morte. Dan Cobb, son personnage, à force de confondre le monde réel et imaginaire, a vu sombrer sa femme jusqu'à la folie (belle présence de Marion Cotillard). Il tente de s'en échapper mais sa mission vient douloureusement lui rappeler qu'on ne peut pas contrôler son esprit qui peut vite devenir votre pire ennemi. Cette histoire au-delà de la mort où un homme veut à tout prix revenir dans le monde des vivants est la plus bouleversante partie d'un film épuisant.

Christopher Nolan

En effet, Christophe Nolan a voulu multiplier les strates de rêves, comme un millefeuille dans lequel il serait de plus en plus difficile de distinguer la crème des différents couches. A ce niveau de rêves superposés, il faut faire un sérieux effort de concentration pour ne pas décrocher. Nolan, considérant que le spectateur doit "travailler" durant son film, ne le ménage pas. Le scénario, une architecture très élaborée, est éblouissant dans sa construction et regorge de chausses-trappes et de pièges parfaitement agencés. Le cinéaste joue à merveille sur la dilatation du temps et filme "au ralenti" ces moments suspendus qui semblent ne jamais se terminer. Mais l'architecte finit par ajouter trop de pierres à son édifice et le mille-feuille devient un peu écoeurant à force de surenchères pyrotechniques et de sous-intrigues inutilement compliquées.

Reste une mise en scène d'une incomparable élégance et un savant dosage d'effets visuels tous aussi sidérants les uns que les autres. Joseph Gordon Levitt en apesanteur, Paris se refermant sur elle-même, les limbes en décomposition, tant d'images qui prouvent une fois encore le talent du cinéaste. Mais le dernier plan, d'une suprême roublardise, altère un peu notre jugement. Qu'a-t-on vu ? se demande-t-on alors. S'est-on fait roulé dans la farine ? Seul le magicien Nolan a les réponses à ces exténuantes questions.

Antoine Jullien

mardi 20 juillet 2010

Toy Story 3


Lorsque John Lasseter lance Toy Story en 1995, il ne s'imaginait sans doute pas qu'il venait de révolutionner à jamais le cinéma d'animation. Quinze ans plus tard, le fondateur de Pixar a passé la main à Lee Unkrich mais la recette fonctionne toujours. Comment ce miracle est-il possible ? Comment, après tant de chefs d'oeuvre, Pixar peut-il encore atteindre une telle perfection ? Le génie ? Le mot, trop galvaudé, n'est peut-être pas le mieux adapté. Un admirable savoir-faire ? Toy Story 3 va bien au-delà des définitions et pose une des plus belles pierres de l'édifice Pixar.

Andy a bien grandi depuis la fin de Toy Story 2. Il s'apprête à partir à l'université mais il ne sait plus quoi faire de ses jouets. Délaissés, Woody, Buzz l'éclair et leurs compagnons se retrouvent dans une crèche qui va vite devenir un cauchemar. Mais l'évasion semble impossible tant que le maître des lieux, un nounours d'apparence affable, sème la terreur auprès de ses "prisonniers".

Le synopsis de ce nouvel opus résume à lui seul l'inventivité et l'audace de Pixar. Faire d'un gentil nounours à l'odeur de fraise un odieux dictateur qui fait payer aux autres l'abandon dont il a été victime met sérieusement à mal l'univers aseptisé de l'enfance. Pixar a toujours pris les enfants pour des adultes en devenir et leur vision du monde s'en ressent à chaque film. Les gentils ne sont pas forcément ceux que l'on croit et les méchants sont plus complexes que l'on veut bien le penser.


L'aventure est trépidante, parsemée de rebondissements spectaculaires et le scénario ménage son lot de surprises et de retournements de situation. L'enfant comme l'adulte ne peut que se laisser emporter par cette histoire où les personnages ont une place de choix, tous aussi savoureux les uns que les autres.  L'humour, autre marque de fabrique de la maison, est omniprésent et l'on est pas prêt d'oublier la soudaine transformation de Buzz l'éclair en matador espagnol virevoltant où la séquence d'essayage de Ken, transformé pour l'occasion en hilarant playboy décervelé obnubilé par ses multiples tenues et considéré par ses camarades comme "un jouet de fillette". 


Les créateurs de Pixar ne sont pas des opportunistes et s'ils ont décidé de réaliser cet ultime volet, c'est bien pour évoquer la transmission et les choix qui, à un moment donné, s'imposent à nous. La tonalité nostalgique du métrage devient émouvante et l'on ne peut s'empêcher de s'identifier à tous ses personnages, avec à la clef cette question : que faire de notre enfance qui nous taraude tant ? Le film y répond de la plus belle des manières.

Antoine Jullien

Copacabana et Tamara Drewe


En ces temps ensoleillés, deux films lumineux sortent coup sur coup sur les écrans. Copacabana de Marc Fitoussi est l'une des meilleures surprises de cette période estivale. Le film explore les rapports compliqués et conflictuels entre une mère et sa fille et s'attache surtout à croquer avec beaucoup de sensibilité la personnalité fantasque et immature de Babou, interprétée par Isabelle Huppert.

Parce qu'elle veut à tout prix retrouver l'estime de sa fille qui ne veut pas d'elle à son mariage, Babou part à Ostende travailler dans l'immobilier. Etonnamment, elle se débrouille mieux que les autres et trouve grâce auprès de sa patronne jouée finement par Aure Atika. Cette parenthèse flamande va être l'occasion pour Babou de s'accomplir et de retrouver le chemin de sa fille.

Lolita Chammah et Isabelle Huppert

Même si Isabelle Huppert a déjà oeuvré dans des registres plus légers, l'actrice s'était cantonnée depuis quelques temps dans un style de films identiques où la "performance" était le maître mot. Quel bonheur de la retrouver telle qu'on ne l'avait presque jamais vue. Irrésistible, mal fagotée, touchante, audacieuse, l'actrice est rayonnante et se renouvelle entièrement, elle dont on commençait à percevoir les ficelles d'un jeu un peu trop contrôlé. Marc Fitoussi s'est aussi appuyé sur un des scénarios les mieux écrits de cette année. Jonglant intelligemment entre la comédie de moeurs et la réalité sociale peu enviable d'Ostende, le réalisateur arrive à traiter ces deux univers et tenir son histoire jusqu'au bout. Le scénario, d'une grande justesse, offre aux comédiens quelques répliques bien senties. Seule la fille de Babou, incarnée par Lolita Chammah, la propre fille d'Huppert, manque d'épaisseur et semble un peu stéréotypée.

Pour son deuxième long métrage, Marc Fitoussi a gagné ses galons de cinéaste à suivre. En parvenant à filmer Huppert sous un angle rare et sensible, il nous propose une comédie enthousiasmante dont il serait dommage de se priver. A regarder de préférence entre mère et fille.



Stephen Frears est, lui, dans une veine nettement plus satirique. Avec Tamara Drewe, le réalisateur des Liaisons dangereuses pose sa caméra dans un petit village de l'Angleterre. Une pétulante jeune femme, la Tamara Drewe du titre, quitte Londres pour revenir dans son hameau natal. Avec ses jambes interminables, Tamara a bien changé depuis qu'elle s'est fait refaire le nez et devenue journaliste à "The Independant". Elle va semer le trouble et la confusion au milieu des bobos et ruraux qui vont tous succomber à sa beauté pyromane.

Les saisons passent et les sentiments des protagonistes sont de plus en plus contrariés. En adaptant le roman graphique de Posy Simmonds, Stephen Frears a trouvé un formidable terrain de jeu pour dépeindre, comme il sait si bien le faire, la petite médiocrité ordinaire, le mensonge érigé en valeur refuge, la frustration latente et le désir jamais assouvi d'une petite communauté d'écrivains d'où trône Nicolas Hardiment, la cruelle incarnation de l'auteur suffisant et lâche. Cette galerie de personnages haut en couleurs est manipulée, et là est l'idée ingénieuse du film, par deux gamines qui veulent donner enfin un peu de piquant à ce village endormi. Les deux jeunes interprètes sont stupéfiantes de spontanéité et, bien que le cinéaste s'en serve parfois pour pallier les carences du scénario, dynamitent le récit et sont le révélateur de comportements étranges et insolites.

Gemma Arterton 

Ni farce hilarante ni comédie aigre, Frears opte plutôt, selon ses propres termes, pour une "comédie pastorale", un jeu de massacre qui souffre malheureusement d'une sérieuse baisse de régime au milieu du gué et l'on se demande alors où le cinéaste veut en venir. Mais dans la dernière partie, la plus féroce mais la plus réussie, Frears retrouve le mordant et la saveur de The Queen. Le film devient une succession de petites catastrophes où le cinéaste subvertit les genres, une scène de western comme une attaque de bétail se transformant en un moment cocasse d'humour noir. Il dépouille ses personnages de leur apparat et les met à nu. Tamara Drewe, sur un mode léger, n'est finalement que la pièce supplémentaire de l'édifice bâti depuis toujours par Stephen Frears, soit les petits arrangements avec la vie.

Antoine Jullien



mardi 6 juillet 2010

Paris Cinéma

LE PALMARES 


La Rivière Tumen de Zhang Lu

Le verdict vient de tomber sur le palmarès de la huitième édition de Paris Cinéma. Le film sud coréen La Rivière Tumen de Zhang Lu remporte deux récompenses : le prix du Jury, composé de professionnels, et le prix des étudiants (voir interview). Les deux jurys ont voulu distinguer une des oeuvres les plus maîtrisées de la sélection qui raconte, à la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, un drame familial sur fond d'aide aux clandestins. Le film, d'une beauté plastique indéniable, est pourtant l'emblème, parfois décrié, du film de festival évoqué plus bas par Caroline Vautrot. En effet, par un minimalisme trop millimétré, le film, d'une pesante lenteur, se complaît souvent dans un maniérisme un peu lassant. (Sortie en salle le 25 août)


Cleveland contre Wall Street de Jean-Stéphane Bron

Le prix du Public est allé à Cleveland Contre Wall Street de Jean-Stéphane Bron, un documentaire très remarqué au dernier festival de Cannes. Le film est un faux procès entre les habitants de Cleveland dépossédés du jour au lendemain de leur maison et les responsables des banques d'investissement américaines. Une charge très efficace, explicitant avec force la situation économique et le problème des subprimes. Ce sont les vrais témoins de l'affaire, avocats, partie civile, magistrats, qui jouent leur propre rôle avec une aisance confondante. Seul le sentiment de manipulation parvient à perturber la vision du film car on ne sait jamais vraiment s'il s'agit de la réalité ou de pure mise en scène. Mais la toute fin, avec les mots faussement rassurants d'Obama tout juste élu, jette un regard plein d'ironie sur un monde politique pieds et poings liés avec la grande finance. (Sortie en salle le 18 août)


Le Braqueur de Benjamin Heisenberg

Enfin, le prix des Blogueurs a récompensé Le Braqueur de Benjamin Heisenberg. Inspiré d'une histoire vraie, le film nous raconte le parcours criminel d'un braqueur de banque et coureur de marathon auréolé de succès. Ce personnage double, insaisissable, et incarné parfaitement par Andreas Lust, est l'acteur tendu d'un film très maîtrisé, réaliste et d'une froideur toute germanique. Toutefois, le cinéaste semble avoir eu peur de son sujet et ne le traite pas jusqu'au bout. Mais certaines images restent en mémoire comme l'agonie finale du personnage filmé comme une bête traquée jusqu'à son dernier souffle. (Sortie en salle le 10 novembre). 

Mon Cinématographe retient deux films qui n'ont pas eu les honneurs des jurys : Sawako decides de Yuyi Ishii, sans doute le film le plus libre et le plus décalé de cette sélection. Un portrait en variations constantes d'une jeune femme incapable de prendre sa vie en main mais qui, lorsqu'elle apprend que son père est gravement malade, se laisse convaincre de reprendre la ferme familiale. Une peinture acide de la société nippone mise en valeur cette année à Paris Cinéma. Un film très déconcertant, symbole d'un cinéma japonais à contre-courant. Le film n'a malheureusement pas de sortie prévue.

Alamar de Pedro Gonzalez-Rubio

Alamar de Pedro Gonzalez-Rubio est un étonnant voyage initiatique entre un fils et son père au milieu d'un décor sublime, la barrière de corail de Chinchorro au Mexique, l'une des plus grandes de la planète. Le jeune cinéaste qui a fait ses armes dans le documentaire laisse vivre les personnages et les paysages sans intervenir et nous livre une touchante relation filiale où la transmission et le partage sont traités avec une grande simplicité. Un charme presque évident se dégage du film car il n'appartient à aucun genre et reste toujours à bonne distance. Une excellente surprise à découvrir en salle le 1er décembre.

Cette compétition était dans l'ensemble de bonne facture, sans grande révélation ni canard boiteux. Il faut souligner la diversité proposée même si l'on peut regretter l'absence de films américains. Une sélection qui a montré la vitalité du cinéma européen à travers l'Autriche et la Roumanie et la recrudescence du cinéma asiatique. Même si certains des films ne seront pas visibles en salle, Paris Cinéma a parfaitement tenu son rôle de découvreur d'oeuvres fragiles qui n'ont pas les moyens de la production mainstream. Souhaitons pour l'année prochaine que cette mission soit aussi bien remplie.

Voici quelques photos des lauréats de la cérémonie de clôture de Paris Cinéma.  


La distributrice de La rivière Tumen entourée des membres du jury. 

Le réalisateur Jean-Stéphane Bron, Prix du public pour Cleveland contre Wall Street. 


Yann Kacou, le distributeur du Braqueur, Prix des Blogueurs. 

Charlotte Rampling, Présidente de Paris Cinéma. 




L' INTERVIEW 


Mon Cinématographe a rencontré Caroline Vautrot, programmatrice de Paris Cinéma.
  • Comment s'élabore la sélection de Paris Cinéma ?
Il y a un processus qui est mis en place depuis 2007. Le calendrier commence en janvier, date à laquelle on lance un appel à candidature aux vendeurs, producteurs, distributeurs et réalisateurs. La majorité des films qui nous arrive vient de cet appel, l'autre partie est liée à nos contacts qu'on active tout au long de l'année en allant chercher les films dans les festivals internationaux, en grande majorité en Asie et en Europe. Début février, on fait des relances téléphoniques et on commence à poser les jalons pour les avant- premières. On clôt la réception des films le 16 avril, une date qu'on respecte dans la majorité des cas même si on se réserve encore le temps de visionner jusqu'au début du festival de Cannes. Pour le faire, on est une toute petite équipe. Aude Hesbert, qui est déléguée générale, est aussi directrice artistique. C'est elle qui a le final cut sur cette sélection. Delphine Agut, programmatrice, Cécile Nhoybouakong, régisseuse et programmatrice et moi-même complétons l'équipe. En tant que programmatrice et coordonnatrice des programmes, j'ai une vue d'ensemble sur l'intégralité des films. Je m'occupe plus particulièrement de la compétition, du Japon à l'honneur avec Aude et des hommages à Eugène Green et Louis Garrel.

  • Combien de films avez-vous visionné pour la compétition ?
On a visionné 1050 films cette année, on en a retenu huit pour la compétition. On a voulu une plus petite sélection. L'année dernière, on avait encore une compétition de longs et de courts métrages. Cette année, pour des raisons budgétaires et logistiques, on a préféré mettre en stand bye la compétition de courts métrages et proposer à la place une petite sélection de coups de coeur.

  • Quels sont vos critères de sélection ?
On a aucune contrainte de temps, de pays, de genre, de sujet. Ce sont vraiment des coups de coeur. Grâce aux avant-premières, on a l'opportunité de programmer des films très grand public, des films de genre, la compétition est donc une sélection subjective. Choisir un film, c'est être capable de le défendre malgré ses défauts car ce sont souvent des premiers et des deuxièmes films. On ne construit pas volontairement cette compétition. Quand il y a une unanimité sur un film, on n'attend pas de savoir si on va avoir un autre film du même genre. Mais je ne peux pas vous mentir, sur les derniers sélectionnés, on fait attention à la répartition géographique, à ne pas donner trop de « films de festivals ». Les films de la compétition sont fragiles, ce sont des propositions de cinéma, des expériences parfois mais on ne s'interdit pas pour autant de rire, comme le montre le film japonais Sawako Decides.


Sawako decides de Yuya Ishii

  • Quels sont les thèmes qui se dégagent entre tous ses films ? Il y a deux deux aspects marquants cette année : une grande diversité et une frontière de plus en plus ténue entre la réalité et la fiction (Alamar, Le Braqueur, Cleveland...) Est-ce un choix délibéré ?


Pas du tout. Si on a une thématique, c'est plutôt celle du pays à l'honneur. Le fait qu'il y ait deux films japonais en compétition n'est pas une volonté affichée. Tous ces films ont un regard sur le monde qui en disent beaucoup sur notre société. J'ai un vrai coup de coeur pour Mundane History. Si on décide de lâcher prise et de se laisser aller, c'est un moment vraiment magique. Ou le film roumain If I want to whistle, I whistle. On s'est vraiment battu pour ce film qu'on a eu beaucoup de mal à avoir.

If I want to whistle, I whistle de Florin Serban

  • La moitié des films de la compétition n'a pour l'instant pas de distributeur. Quel est l'impact de Paris Cinéma pour un film primé ou sélectionné ?


On estime que la circulation des films et des auteurs est l'une de nos missions à travers les films en compétition. Paris Cinéma permet de mettre des films en lumière et leur garantir un accompagnement de qualité jusqu'à la sortie en salle. Parce qu'on a sans doute la même sensibilité, on travaille depuis plusieurs années avec le distributeur ASC qui sort des films très audacieux comme Le Braqueur, présenté cette année. En 2009, ils avaient montré La Nana qui avait remporté le Prix du Public. Grâce au soutien de Paris Cinéma, ils avaient pu faire une sortie en salle remarquée. Le fait que les producteurs, durant le festival, commencent à percevoir la réaction des gens, qu'ils sentent qu'il se passe quelque chose autour du film les amènent à s'investir davantage. C'est le début du travail de promotion qui se ferait de manière plus restreinte sans l'appui du festival. Et les films qui ont déjà un distributeur comme Alamar ou Cleveland contre Wall Street préparent déjà leur sortie. Pour Le Braqueur, on a parlé avec ASC du titre. Ils venaient de l'acheter à Cannes et le film s'appelait alors The Robber. Ils nous ont demandé quel titre choisir car nous avions besoin de le connaître pour nos publications. Une réflexion entre nous s'est alors instaurée. De manière générale, on apporte notre avis sur la façon dont on peut sortir un film.

  • Comment les films ont-ils été reçus par le public ?


Notre public est très cinéphile. On est surpris par la confiance qu'ils nous accordent. On leur fait des propositions et ils viennent les yeux fermés. Ce sont pourtant des films dont ils n'ont jamais entendu parler. Ils ont des goûts assez audacieux, parfois bien plus que notre jury professionnel qui a peut être un regard plus formaté parce qu'ils savent ce qui marche, ce qui ne marche pas, ce qu'il faut soutenir et ce qu'il ne faut pas soutenir.

  • Un film peut-il obtenir plusieurs prix ?
Absolument. Il y a quatre prix qui sont tous des aides à la distribution, l'optique étant toujours de permettre au film d'accéder au chemin de la salle. Le prix du Jury est une récompense très attendue car il est particulièrement bien doté. Le vote du prix du Public s'est fait à l'issue de chaque projection. Le prix des Blogueurs est une belle nouveauté 2010 car ce sont des personnes très cinéphiles et ils sont un très bon relais médiatique. Enfin le Prix des Etudiants qui est souvent un choix radical. Ils délibèrent en présence de Charlotte Rampling. Un même film peut donc rafler tous les prix, ce qui n'est pas impossible. Réponse ce soir ! 


LE PROGRAMME


Le festival Paris Cinéma a ouvert ses portes samedi dernier et se poursuit jusqu'au 13 juillet. Le programme de cette nouvelle édition est des plus éclectiques.

Des hommages sont rendus à Jane Fonda, Louis Garrel et le réalisateur Eugene Green à travers des rétrospectives de leurs films et des rencontres avec les artistes.

Le Festival propose un cycle sur le cinéma japonais avec, en autre, un hommage au réalisateur franc-tireur Koji Wakamatsu, une importante sélection de longs métrages inédits, une thématique Le Japon vu par... et des Histoires de fantômes japonais avec les pièces maîtresses du cinéma d'épouvante nippon. Sans oublier la grande rétrospective Kurosawa à la Cinémathèque.

De très nombreuses avant-premières, en présence des cinéastes et des comédiens, sont prévues tout au long de la semaine : la grande majorité des films primés du dernier Festival de Cannes dont les deux principaux lauréats : Oncle Bonmee et Des Hommes et des Dieux mais aussi certaines des sorties les plus attendues des prochains mois dont une journée consacrée à  Toy Story qui aura lieu dimanche prochain. Et pour les plus cinéphiles, de nombreuses ressorties seront présentées. Citons, entre autre, Du Silence et des Ombres de Robert Mulligan, Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone ou Taking Off de Milos Forman.

Enfin, le festival ne serait pas sans sa traditionnelle compétition. Huit longs métrages venus du monde entier s'affronteront pour décrocher quatre prix. La jury rendra son verdict le lundi 12 juillet lors de la cérémonie de clôture.

Mon Cinématographe couvre l'évènement et vous retrouverez, dès l'annonce du palmarès, un bilan de la compétition et les coups de coeur de votre serviteur.

Les films sont présentés dans plusieurs lieux de la capitale. Pour obtenir toute information et retrouver le programme complet, vous pouvez aller sur le site de Paris Cinémawww.pariscinema.org

vendredi 2 juillet 2010

Tournée


Elles s'appellent Mimi Le Meaux, Dirty Martini, Kitten on the keys, Roky Roulette, Evie Lovelle, Julie Atlas Muz. Elles composent le "New Burlesque", une troupe de strip tease pleine d'exubérance et de sensualité. Ces silhouettes aux formes généreuses réinventent l'art du déshabillé avec un panache et une énergie communicatives. Accompagnées d'un ancien producteur de télévision reconverti en manager, elles parcourent les villes de France devant un public conquis. Mais en coulisses, la réalité de leurs vies est moins glamour...

Le "pitch" est trompeur car le personnage central de cette drôle de tournée est bien le producteur joué par Mathieu Amalric lui-même qui signe ici son quatrième long métrage. Auréolé à Cannes d'un prix de la mise en scène qui a même étonné son auteur tant la réalisation se veut invisible, Tournée est fait de pleins et de trous qui s'enchaînent avec plus ou moins de bonheur. Les flottements et les ruptures de ton laissent le spectateur dans une position inconfortable. On est tour à tour amusé par l'insouciance et le naturel débridé des demoiselles et presque gêné dès qu'il s'agit du personnage d'Amalric tant le film est d'une cruauté sans pitié pour ce type pathétique, parfois odieux mais touchant dans sa maladresse et son incapacité à assumer son rôle de père. A l'origine prévu pour un autre comédien, Amalric en fait un homme sans cesse humilié, sur le fil du rasoir, menaçant d'exploser à tout instant.

A la fois par économie budgétaire et aussi par authenticité, le cinéaste a décidé, pour les besoins du tournage, d'organiser une vraie tournée comme il s'en explique : "Du Havre à la Rochelle en passant par Nantes, on a offert un spectacle gratuit aux gens qui signaient une décharge. On n'aurait jamais pu payer tous ces figurants !"


Mimi Le Meaux

La frénésie du monde du cabaret est manifeste grâce à un subtil travail de la caméra, filmant les effeuillages des demoiselles, empreints d'une belle poésie, dans toute leur simplicité. Le film, qui n'est pas sans heurts, atteint malheureusement sa limite dans sa dernière partie. Rattrapé par les conventions dramatiques, Amalric se focalise sur l'une des personnalités du New Burlesque en créant une fausse histoire d'amour avec le manager. La vitalité du film disparaît et laisse place à une démonstration appuyée de film d'auteur, le réalisateur voulant peut-être revenir au cinéma dont il est issu. Un choix d'autant plus regrettable qu'il avait su auparavant apporter un style très personnel n'appartenant à aucune chapelle.

La critique dithyrambique faite à Tournée devrait donc être plus raisonnable pour un film dont la principale qualité, le charme, est aussi la principale faiblesse. Mais les moments de complicité, les échanges impromptus dans une station service, les regards fugaces, les fugues inopinées sont bel et bien les manifestations des grands bonheurs et petits ratés de la vie d'artiste. Amalric a eu le mérite de les rendre vivants.

Antoine Jullien