vendredi 2 juillet 2010

Tournée


Elles s'appellent Mimi Le Meaux, Dirty Martini, Kitten on the keys, Roky Roulette, Evie Lovelle, Julie Atlas Muz. Elles composent le "New Burlesque", une troupe de strip tease pleine d'exubérance et de sensualité. Ces silhouettes aux formes généreuses réinventent l'art du déshabillé avec un panache et une énergie communicatives. Accompagnées d'un ancien producteur de télévision reconverti en manager, elles parcourent les villes de France devant un public conquis. Mais en coulisses, la réalité de leurs vies est moins glamour...

Le "pitch" est trompeur car le personnage central de cette drôle de tournée est bien le producteur joué par Mathieu Amalric lui-même qui signe ici son quatrième long métrage. Auréolé à Cannes d'un prix de la mise en scène qui a même étonné son auteur tant la réalisation se veut invisible, Tournée est fait de pleins et de trous qui s'enchaînent avec plus ou moins de bonheur. Les flottements et les ruptures de ton laissent le spectateur dans une position inconfortable. On est tour à tour amusé par l'insouciance et le naturel débridé des demoiselles et presque gêné dès qu'il s'agit du personnage d'Amalric tant le film est d'une cruauté sans pitié pour ce type pathétique, parfois odieux mais touchant dans sa maladresse et son incapacité à assumer son rôle de père. A l'origine prévu pour un autre comédien, Amalric en fait un homme sans cesse humilié, sur le fil du rasoir, menaçant d'exploser à tout instant.

A la fois par économie budgétaire et aussi par authenticité, le cinéaste a décidé, pour les besoins du tournage, d'organiser une vraie tournée comme il s'en explique : "Du Havre à la Rochelle en passant par Nantes, on a offert un spectacle gratuit aux gens qui signaient une décharge. On n'aurait jamais pu payer tous ces figurants !"


Mimi Le Meaux

La frénésie du monde du cabaret est manifeste grâce à un subtil travail de la caméra, filmant les effeuillages des demoiselles, empreints d'une belle poésie, dans toute leur simplicité. Le film, qui n'est pas sans heurts, atteint malheureusement sa limite dans sa dernière partie. Rattrapé par les conventions dramatiques, Amalric se focalise sur l'une des personnalités du New Burlesque en créant une fausse histoire d'amour avec le manager. La vitalité du film disparaît et laisse place à une démonstration appuyée de film d'auteur, le réalisateur voulant peut-être revenir au cinéma dont il est issu. Un choix d'autant plus regrettable qu'il avait su auparavant apporter un style très personnel n'appartenant à aucune chapelle.

La critique dithyrambique faite à Tournée devrait donc être plus raisonnable pour un film dont la principale qualité, le charme, est aussi la principale faiblesse. Mais les moments de complicité, les échanges impromptus dans une station service, les regards fugaces, les fugues inopinées sont bel et bien les manifestations des grands bonheurs et petits ratés de la vie d'artiste. Amalric a eu le mérite de les rendre vivants.

Antoine Jullien

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