mardi 6 juillet 2010

Paris Cinéma

LE PALMARES 


La Rivière Tumen de Zhang Lu

Le verdict vient de tomber sur le palmarès de la huitième édition de Paris Cinéma. Le film sud coréen La Rivière Tumen de Zhang Lu remporte deux récompenses : le prix du Jury, composé de professionnels, et le prix des étudiants (voir interview). Les deux jurys ont voulu distinguer une des oeuvres les plus maîtrisées de la sélection qui raconte, à la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, un drame familial sur fond d'aide aux clandestins. Le film, d'une beauté plastique indéniable, est pourtant l'emblème, parfois décrié, du film de festival évoqué plus bas par Caroline Vautrot. En effet, par un minimalisme trop millimétré, le film, d'une pesante lenteur, se complaît souvent dans un maniérisme un peu lassant. (Sortie en salle le 25 août)


Cleveland contre Wall Street de Jean-Stéphane Bron

Le prix du Public est allé à Cleveland Contre Wall Street de Jean-Stéphane Bron, un documentaire très remarqué au dernier festival de Cannes. Le film est un faux procès entre les habitants de Cleveland dépossédés du jour au lendemain de leur maison et les responsables des banques d'investissement américaines. Une charge très efficace, explicitant avec force la situation économique et le problème des subprimes. Ce sont les vrais témoins de l'affaire, avocats, partie civile, magistrats, qui jouent leur propre rôle avec une aisance confondante. Seul le sentiment de manipulation parvient à perturber la vision du film car on ne sait jamais vraiment s'il s'agit de la réalité ou de pure mise en scène. Mais la toute fin, avec les mots faussement rassurants d'Obama tout juste élu, jette un regard plein d'ironie sur un monde politique pieds et poings liés avec la grande finance. (Sortie en salle le 18 août)


Le Braqueur de Benjamin Heisenberg

Enfin, le prix des Blogueurs a récompensé Le Braqueur de Benjamin Heisenberg. Inspiré d'une histoire vraie, le film nous raconte le parcours criminel d'un braqueur de banque et coureur de marathon auréolé de succès. Ce personnage double, insaisissable, et incarné parfaitement par Andreas Lust, est l'acteur tendu d'un film très maîtrisé, réaliste et d'une froideur toute germanique. Toutefois, le cinéaste semble avoir eu peur de son sujet et ne le traite pas jusqu'au bout. Mais certaines images restent en mémoire comme l'agonie finale du personnage filmé comme une bête traquée jusqu'à son dernier souffle. (Sortie en salle le 10 novembre). 

Mon Cinématographe retient deux films qui n'ont pas eu les honneurs des jurys : Sawako decides de Yuyi Ishii, sans doute le film le plus libre et le plus décalé de cette sélection. Un portrait en variations constantes d'une jeune femme incapable de prendre sa vie en main mais qui, lorsqu'elle apprend que son père est gravement malade, se laisse convaincre de reprendre la ferme familiale. Une peinture acide de la société nippone mise en valeur cette année à Paris Cinéma. Un film très déconcertant, symbole d'un cinéma japonais à contre-courant. Le film n'a malheureusement pas de sortie prévue.

Alamar de Pedro Gonzalez-Rubio

Alamar de Pedro Gonzalez-Rubio est un étonnant voyage initiatique entre un fils et son père au milieu d'un décor sublime, la barrière de corail de Chinchorro au Mexique, l'une des plus grandes de la planète. Le jeune cinéaste qui a fait ses armes dans le documentaire laisse vivre les personnages et les paysages sans intervenir et nous livre une touchante relation filiale où la transmission et le partage sont traités avec une grande simplicité. Un charme presque évident se dégage du film car il n'appartient à aucun genre et reste toujours à bonne distance. Une excellente surprise à découvrir en salle le 1er décembre.

Cette compétition était dans l'ensemble de bonne facture, sans grande révélation ni canard boiteux. Il faut souligner la diversité proposée même si l'on peut regretter l'absence de films américains. Une sélection qui a montré la vitalité du cinéma européen à travers l'Autriche et la Roumanie et la recrudescence du cinéma asiatique. Même si certains des films ne seront pas visibles en salle, Paris Cinéma a parfaitement tenu son rôle de découvreur d'oeuvres fragiles qui n'ont pas les moyens de la production mainstream. Souhaitons pour l'année prochaine que cette mission soit aussi bien remplie.

Voici quelques photos des lauréats de la cérémonie de clôture de Paris Cinéma.  


La distributrice de La rivière Tumen entourée des membres du jury. 

Le réalisateur Jean-Stéphane Bron, Prix du public pour Cleveland contre Wall Street. 


Yann Kacou, le distributeur du Braqueur, Prix des Blogueurs. 

Charlotte Rampling, Présidente de Paris Cinéma. 




L' INTERVIEW 


Mon Cinématographe a rencontré Caroline Vautrot, programmatrice de Paris Cinéma.
  • Comment s'élabore la sélection de Paris Cinéma ?
Il y a un processus qui est mis en place depuis 2007. Le calendrier commence en janvier, date à laquelle on lance un appel à candidature aux vendeurs, producteurs, distributeurs et réalisateurs. La majorité des films qui nous arrive vient de cet appel, l'autre partie est liée à nos contacts qu'on active tout au long de l'année en allant chercher les films dans les festivals internationaux, en grande majorité en Asie et en Europe. Début février, on fait des relances téléphoniques et on commence à poser les jalons pour les avant- premières. On clôt la réception des films le 16 avril, une date qu'on respecte dans la majorité des cas même si on se réserve encore le temps de visionner jusqu'au début du festival de Cannes. Pour le faire, on est une toute petite équipe. Aude Hesbert, qui est déléguée générale, est aussi directrice artistique. C'est elle qui a le final cut sur cette sélection. Delphine Agut, programmatrice, Cécile Nhoybouakong, régisseuse et programmatrice et moi-même complétons l'équipe. En tant que programmatrice et coordonnatrice des programmes, j'ai une vue d'ensemble sur l'intégralité des films. Je m'occupe plus particulièrement de la compétition, du Japon à l'honneur avec Aude et des hommages à Eugène Green et Louis Garrel.

  • Combien de films avez-vous visionné pour la compétition ?
On a visionné 1050 films cette année, on en a retenu huit pour la compétition. On a voulu une plus petite sélection. L'année dernière, on avait encore une compétition de longs et de courts métrages. Cette année, pour des raisons budgétaires et logistiques, on a préféré mettre en stand bye la compétition de courts métrages et proposer à la place une petite sélection de coups de coeur.

  • Quels sont vos critères de sélection ?
On a aucune contrainte de temps, de pays, de genre, de sujet. Ce sont vraiment des coups de coeur. Grâce aux avant-premières, on a l'opportunité de programmer des films très grand public, des films de genre, la compétition est donc une sélection subjective. Choisir un film, c'est être capable de le défendre malgré ses défauts car ce sont souvent des premiers et des deuxièmes films. On ne construit pas volontairement cette compétition. Quand il y a une unanimité sur un film, on n'attend pas de savoir si on va avoir un autre film du même genre. Mais je ne peux pas vous mentir, sur les derniers sélectionnés, on fait attention à la répartition géographique, à ne pas donner trop de « films de festivals ». Les films de la compétition sont fragiles, ce sont des propositions de cinéma, des expériences parfois mais on ne s'interdit pas pour autant de rire, comme le montre le film japonais Sawako Decides.


Sawako decides de Yuya Ishii

  • Quels sont les thèmes qui se dégagent entre tous ses films ? Il y a deux deux aspects marquants cette année : une grande diversité et une frontière de plus en plus ténue entre la réalité et la fiction (Alamar, Le Braqueur, Cleveland...) Est-ce un choix délibéré ?


Pas du tout. Si on a une thématique, c'est plutôt celle du pays à l'honneur. Le fait qu'il y ait deux films japonais en compétition n'est pas une volonté affichée. Tous ces films ont un regard sur le monde qui en disent beaucoup sur notre société. J'ai un vrai coup de coeur pour Mundane History. Si on décide de lâcher prise et de se laisser aller, c'est un moment vraiment magique. Ou le film roumain If I want to whistle, I whistle. On s'est vraiment battu pour ce film qu'on a eu beaucoup de mal à avoir.

If I want to whistle, I whistle de Florin Serban

  • La moitié des films de la compétition n'a pour l'instant pas de distributeur. Quel est l'impact de Paris Cinéma pour un film primé ou sélectionné ?


On estime que la circulation des films et des auteurs est l'une de nos missions à travers les films en compétition. Paris Cinéma permet de mettre des films en lumière et leur garantir un accompagnement de qualité jusqu'à la sortie en salle. Parce qu'on a sans doute la même sensibilité, on travaille depuis plusieurs années avec le distributeur ASC qui sort des films très audacieux comme Le Braqueur, présenté cette année. En 2009, ils avaient montré La Nana qui avait remporté le Prix du Public. Grâce au soutien de Paris Cinéma, ils avaient pu faire une sortie en salle remarquée. Le fait que les producteurs, durant le festival, commencent à percevoir la réaction des gens, qu'ils sentent qu'il se passe quelque chose autour du film les amènent à s'investir davantage. C'est le début du travail de promotion qui se ferait de manière plus restreinte sans l'appui du festival. Et les films qui ont déjà un distributeur comme Alamar ou Cleveland contre Wall Street préparent déjà leur sortie. Pour Le Braqueur, on a parlé avec ASC du titre. Ils venaient de l'acheter à Cannes et le film s'appelait alors The Robber. Ils nous ont demandé quel titre choisir car nous avions besoin de le connaître pour nos publications. Une réflexion entre nous s'est alors instaurée. De manière générale, on apporte notre avis sur la façon dont on peut sortir un film.

  • Comment les films ont-ils été reçus par le public ?


Notre public est très cinéphile. On est surpris par la confiance qu'ils nous accordent. On leur fait des propositions et ils viennent les yeux fermés. Ce sont pourtant des films dont ils n'ont jamais entendu parler. Ils ont des goûts assez audacieux, parfois bien plus que notre jury professionnel qui a peut être un regard plus formaté parce qu'ils savent ce qui marche, ce qui ne marche pas, ce qu'il faut soutenir et ce qu'il ne faut pas soutenir.

  • Un film peut-il obtenir plusieurs prix ?
Absolument. Il y a quatre prix qui sont tous des aides à la distribution, l'optique étant toujours de permettre au film d'accéder au chemin de la salle. Le prix du Jury est une récompense très attendue car il est particulièrement bien doté. Le vote du prix du Public s'est fait à l'issue de chaque projection. Le prix des Blogueurs est une belle nouveauté 2010 car ce sont des personnes très cinéphiles et ils sont un très bon relais médiatique. Enfin le Prix des Etudiants qui est souvent un choix radical. Ils délibèrent en présence de Charlotte Rampling. Un même film peut donc rafler tous les prix, ce qui n'est pas impossible. Réponse ce soir ! 


LE PROGRAMME


Le festival Paris Cinéma a ouvert ses portes samedi dernier et se poursuit jusqu'au 13 juillet. Le programme de cette nouvelle édition est des plus éclectiques.

Des hommages sont rendus à Jane Fonda, Louis Garrel et le réalisateur Eugene Green à travers des rétrospectives de leurs films et des rencontres avec les artistes.

Le Festival propose un cycle sur le cinéma japonais avec, en autre, un hommage au réalisateur franc-tireur Koji Wakamatsu, une importante sélection de longs métrages inédits, une thématique Le Japon vu par... et des Histoires de fantômes japonais avec les pièces maîtresses du cinéma d'épouvante nippon. Sans oublier la grande rétrospective Kurosawa à la Cinémathèque.

De très nombreuses avant-premières, en présence des cinéastes et des comédiens, sont prévues tout au long de la semaine : la grande majorité des films primés du dernier Festival de Cannes dont les deux principaux lauréats : Oncle Bonmee et Des Hommes et des Dieux mais aussi certaines des sorties les plus attendues des prochains mois dont une journée consacrée à  Toy Story qui aura lieu dimanche prochain. Et pour les plus cinéphiles, de nombreuses ressorties seront présentées. Citons, entre autre, Du Silence et des Ombres de Robert Mulligan, Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone ou Taking Off de Milos Forman.

Enfin, le festival ne serait pas sans sa traditionnelle compétition. Huit longs métrages venus du monde entier s'affronteront pour décrocher quatre prix. La jury rendra son verdict le lundi 12 juillet lors de la cérémonie de clôture.

Mon Cinématographe couvre l'évènement et vous retrouverez, dès l'annonce du palmarès, un bilan de la compétition et les coups de coeur de votre serviteur.

Les films sont présentés dans plusieurs lieux de la capitale. Pour obtenir toute information et retrouver le programme complet, vous pouvez aller sur le site de Paris Cinémawww.pariscinema.org

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