Bong Joon-ho n'a pas eu l'honneur de la compétition cannoise, a contrario de son compatriote Park Chan Wook. Les deux cinéastes coréens ont beaucoup de talent mais manifestement il n'y avait qu'une place disponible dans le plus grand festival du monde. Bong Joon-ho a tout même été sélectionné à Un certain de regard. Pas mal, me direz-vous, mais lorsque le réalisateur de Memories of murder signe son film le plus abouti, on pouvait légitiment espérer davantage de lauriers.
Une mère (formidable Kim Hye-Ja) apprend que son fils vient de tuer une jeune fille. Toutes les preuves sont contre lui. La police a déjà enterré l'affaire mais la mère ne l'entend pas de cette oreille. Elle va tout faire pour prouver son innocence, quitte à s'affranchir de certaines règles.
Le "pitch" est réducteur car le cinéaste à toujours su marier différents genres mais il n'avait encore jamais réussi à imbriquer aussi habilement l'enquête policière, l'étude de moeurs et le drame familial. Le premier plan où l'on voit cette mère danser en pleine nature nous apparaît comme une image hors de tout contexte et de toute temporalité. Cet instant de légèreté éphémère précède une histoire "d'amour" entre un gamin légèrement attardé et sa mère aimante mais castratrice. Une scène le résume terriblement : alors que le jeune homme urine contre un mur en attendant son bus, sa mère lui fait boire un bol de café. Le plan, d'une étonnante symétrie, subjugue car il dit tout de cette relation déviante.
Le réalisateur Bong Joon-ho
Le déroulé de l'intrigue, parsemée de chausses trappes et de coups de théâtre, est menée de main de maître (hitchcockien ?), chaque séquence répondant à la précédente, et filmée avec une très discrète maestria. Bong Joon-ho n'est pas dans l'épate gratuite, il construit son film savamment avec un art diabolique du suspense, de la manipulation et des ruptures de ton, une poignante quête maternelle se disputant à la critique acide et parfois cocasse d'une société indifférente au malheur.
Depuis une petite décennie, le cinéma coréen est devenue l'une des plus passionnantes cinématographies actuelles car les cinéastes ont eu à coeur de renouveler des genres que l'on pensait vus et revus. Mother est la preuve éclatante de cette insolente vitalité. Mais cette fois, Bong Joon-ho pousse les pions plus loin en dessinant un bouleversant portrait de femme. Celui d'une mère qui aime son fils au-delà de toute rationalité, un amour proche de la folie. Et lorsqu'elle croit leur relation apaisée, elle se voit rappeler innocemment par son fils la cruelle réalité : une existence basée sur le mensonge et la transgression. Alors elle préfère la fuite. Un dernier mouvement magnifique, tragique et lumineux. Peut-etre celui d'une renaissance.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
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