jeudi 30 juillet 2015

Les sorties de l'été

LE PETIT PRINCE - COUP DE CHAUD - WHILE WE'RE YOUNG - LA NINA DE FUEGO - LA RAGE AU VENTRE - LA BELLE SAISON - AMNESIA - ABSOLUTELY ANYTHING
 
Mon Cinématographe prend ses quartiers d'été mais vous propose avant cela une sélection de son cru des sorties estivales.


LE PETIT PRINCE - En salles 


Quelle part d'audace ou d'inconscience a-t-il fallu à Mark Osborne et à ses producteurs pour entreprendre l'adaptation du livre le plus lu dans le monde après la Bible ? Le Petit Prince n'avait curieusement jamais eu le droit à un long métrage d'animation au cinéma, c'est désormais chose (plutôt) bien faite. Au lieu de transposer littéralement l’œuvre de Saint-Exupéry, le cinéaste a préféré l'agrémenter d'une histoire parallèle, celle d'une petite fille programmée par sa mère pour être la meilleure qui va découvrir, au contact d'un aviateur excentrique et facétieux, le monde du Petit Prince.

Mark Osborne réussit un mélange harmonieux entre l'animation 3D, sans grande aspérité, et le stop-motion image par image qui retranscrit de manière poétique l'univers du célèbre personnage. Si le réalisateur choisit des moyens détournés, on ressent bien son amour du livre qui transparaît à l'écran. Sans mièvrerie ni sentimentalisme, il nous convie à un voyage émerveillé et haletant, une ode à l'enfance respectueuse de son public.

France - 1h46
Réalisation : Mark Osborne - Scénario : Irena Brignull et Bob Persichetti d'après l’œuvre d'Antoine de Saint-Exupéry
Avec les voix de : André Dussollier (L'Aviateur), Clara Poincarré (La petite fille), Florence Foresti (La mère), Vincent Cassel (Le renard)


COUP DE CHAUD - Sortie le 12 août


On avait beaucoup aimé le film précédent de Raphaël Jacoulot, Avant l'aube. Il adapte cette fois un fait divers mais ne se départit par de la même atmosphère chabrolienne. Au cœur d'un été caniculaire, dans un petit village tranquille, le quotidien des habitants est perturbé par Josef Bousou, l'idiot du village, qui est désigné par ses habitants comme la raison de tous leurs maux. Jusqu'au jour où l'on retrouve son corps, sans vie, dans la maison familiale...

Le film démarre par cette scène puis fait remonter le temps afin d'explorer les âmes de ce village non identifié, en apparence banal, écrasé par la chaleur et les problèmes de sécheresse. Le cinéaste dissèque le cas d'un bouc émissaire devenu le réceptacle des peurs et frustrations des habitants. Mais il instaure un malaise palpable dès les premières minutes par la personnalité même de ce Josef Bousou (étonnant Karim Leklou), à la fois attendrissant et inquiétant. Au moyen d'ellipses savamment entretenues, Raphaël Jacoulot laisse délibérément planer le doute sur la culpabilité de ce jeune homme exclu et désœuvré, vivant dans une famille de gitans sédentaires. Et ne diabolise pas non plus les autres protagonistes, tous extrêmement bien interprétés (Carole Frank, Gregory Gadebois, Isabelle Sadoyan...). A l'image du maire du village campé par un Jean-Pierre Darroussin dépassé par la situation au point de disparaître progressivement, le spectateur se met lui aussi à douter des actes et des intentions de chacun malgré une résolution moins convaincante. Une étude de caractères à la tension crescendo, contaminée par une ambiguïté qui envahit l'écran.  

France - 1h42
Réalisation : Raphaël Jacoulot - Scénario : Lise Macheboeuf et Raphaël Jacoulot
Avec : Jean-Pierre Darroussin (Daniel Huot-Marchand), Grégory Gadebois (Rodolphe Blin), Carole Franck (Diane), Karim Leklou (Josef Bousou)


WHILE WE'RE YOUNG - En salles


En l'espace de quelques films, dont le surestimé Frances Ha, le réalisateur Noah Baumbach est devenu le nouveau radiographe de la jeunesse bobo new-yorkaise. Dans While we're young, il aborde le conflit de générations à travers deux couples, Ben Stiller et Naomi Watts d'un côté, Adam Driver (la valeur montante du moment, vu dans Hungry Hearts) et Amanda Seyfried de l'autre. Malgré leurs vingts ans d'écart, une relation se noue entre eux et ils deviennent vite inséparables. Mais derrière la façade se cache des motivations moins louables.

Dialogues ciselés, ton légèrement acide, quadras blasés en quête de jouvence, tous les ingrédients sont réunis pour un bon Woody Allen. Noah Baumbach n'est pas le fameux cinéaste binoclard et opère donc en mode mineur mais le résultat est néanmoins plaisant. Fort de son casting, il nous fait partager les doutes existentiels de ses protagonistes, leur peur de vieillir et leur regret de ne pas avoir d'enfant. Baumbach y greffe une réflexion pertinente sur l'éthique du documentaire (Ben Stiller joue un réalisateur) que le personnage d'Adam Driver malmène allègrement. Bien que le cinéaste se défende de juger ses personnages, il ne peut s'empêcher in fine de tacler une jeunesse arrogante et manipulatrice. Ce qui finit par rendre le film moins sympathique et un poil condescendant.

Etats-Unis - 1h37
Réalisation et Scénario : Noah Baumbach 
Avec : Ben Stiller (Josh), Naomi Watts (Cornelia), Adam Driver (Jamie), Amanda Seyfried (Darby), Charles Grodin (Leslie)


LA NINA DE FUEGO - Sortie le 12 août


Pedro Almodovar a dit de ce film "qu'il était la grande révélation du cinéma espagnol de ce siècle", et on est pas loin de partager le grand enthousiasme du réalisateur de La Piel que Habito. Primé au festival de San Sebastian et aux Goyas, La Nina De Fuego est en effet une œuvre marquante, au parfum capiteux. L'intrigue, sinueuse, aux nombreuses ramifications, voit Barbara, une femme psychologiquement instable, subir le chantage d'un homme prêt à tout pour acheter le cadeau dont sa jeune fille, malade, rêve d'obtenir. Un prêtre, tout juste sorti de prison, lui, ne veut pas revoir Barbara.

Le réalisateur Carlos Vermut entremêle avec maestria un scénario tortueux dans lequel les vérités des protagonistes vont se dévoiler par petites touches. Nourri d'une lenteur millimétrée paradoxalement très captivante, le film gagne progressivement en intensité tout en conservant une part importante de mystère. Certains points de l'intrigue demeurent opaques et un second visionnage serait sans doute nécessaire pour percer à jour tous les secrets d'une œuvre qui nous parle aussi du conflit entre passion et déraison. Les personnages sont entraînés dans un bain empoisonné de vengeance et de ressentiment, une danse violente et macabre qui alterne différentes identités visuelles, des maisons de banlieue aux bars de quartier en passant par une étrange villa. Vénéneux et fascinant, La Nina de Fuego vous poursuit longtemps après la projection. 

Espagne - 2h07
Réalisation et Scénario : Carlos Vermut 
Avec : José Sacristan (Damian), Barbara Lennie (Barbara), Luis Bermejo (Luis), Israel Elejalde (Alfredo) 


LA RAGE AU VENTRE - En salles


Quel acteur n'a t-il pas un jour rêvé d'interpréter un boxeur, le rôle idéal pour décrocher une récompense ? Après Robert De Niro, Sylvester Stallone ou plus récemment Mark Whalberg, c'est au tour de Jake Gyllenhaal d'enfiler les gants pour une énième histoire de rédemption qui voit le champion du monde de boxe Billy Hope mener une existence fastueuse qui s'effondre soudainement après la mort de sa femme. Sombrant dans l’alcoolisme, il perd la garde de sa fille. Au plus bas, il va trouver en la personne de Tick Willis (Forest Whitaker) une aide précieuse pour remonter sur le ring.

Le début fait craindre le pire, accumulant péniblement les clichés à la truelle. Mais dès lors que le personnage de Jake Gyllenhaal est à terre, le film se met à se bonifier jusqu'à un combat final de grande ampleur. Les interprètes y sont pour beaucoup, à commencer par Jake Gyllenhaal qui confirme, après Prisoners et Night Call, qu'il est devenu un acteur incontournable. On finit par partager son combat pour relever la tête et le film, tout en suivant une voie très classique et sans surprises, nous procure un vrai plaisir de spectateur. 

Etats-Unis - 2h03
Réalisation : Antoine Fuqua - Scénario : Kurt Sutter
Avec : Jake Gyllenhaal (Billy Hope), Forest Whitaker (Tick Willis), Rachel McAdams (Maureen Hope), Naomi Harris (Angela Rivera)


LA BELLE SAISON - Sortie le 19 août


Catherine Corsini nous plonge dans la France du début des années 70 en racontant une histoire d'amour entre une professeur d'espagnol (Cécile de France), activiste féministe, et une jeune femme (Izïa Higelin) qui quitte sa campagne natale pour monter dans la capitale.

Cécile de France se prénomme Carole comme l’héroïne du film de Todd Haynes, primé au dernier festival de Cannes (voir article). Les deux films partagent la même idée, celle de filmer une relation amoureuse homosexuelle au sein d'une société corsetée et puritaine. Mais si l'Amérique des années 50 se prête formidablement à ce projet, la France libérée des années 70 un peu moins. C'est d'ailleurs dans l'élan féministe qui traverse le pays à cette époque que le film est le plus réussi. En évitant le piège de la reconstitution factice, la réalisatrice arrive à nous transmettre la fièvre militante de ces femmes qui se battaient alors contre une société phalocrate et patriarcale. La fougue et l'énergie de Cécile de France contraste avec la pudeur et la réserve du personnage d'Izïa Higelin qui, revenue auprès de sa mère pour sauver la ferme familiale, ne peut se résoudre à lui dévoiler la nature de ses sentiments. Le film, plus convenu, devient un huis-clos champêtre où excelle la toujours exquise Noémie Lvovsky, assez éloignée des stéréotypes de la paysanne conservatrice. Sans transcender le genre ni le sublimer, Catherine Corsini signe un mélo engagé et vibrant.

France - 1h45
Réalisation : Catherine Corsini - Scénario : Catherine Corsini et Laurette Polmanss
Avec : Cécile De France (Carole), Izïa Higelin (Delphine), Noémie Lvovsky (Monique), Kévin Azaïs (Antoine)


AMNESIA - Sortie le 19 août 

 
Révélé en 1969 avec More, le réalisateur Barbet Schroeder retourne à Ibiza sur les lieux de son premier long métrage. Après une carrière éclectique, allant du documentaire (L'Avocat de la Terreur) au film hollywoodien (Le Mystère Von Bülow), le cinéaste s'est inspiré de l'histoire de sa propre mère pour dessiner le portrait d'une femme ayant fui l'Allemagne avant la guerre et qui, installée depuis dans une maison d'Ibiza, refuse de parler sa langue maternelle ni d'évoquer la passé de l'Allemagne. A l'aube des années 90, elle fait la rencontre d'un jeune musicien venu participer à la révolution de la musique électro. Entre eux se noue une relation platonique dans laquelle les certitudes et les sentiments vacillent. 

On est un peu désarçonné au départ par l'apparente ringardise de la mise en scène, tout sonnant un peu faux dans cet Ibiza pourtant éloigné des clichés. Mais progressivement, le film gagne en profondeur, dévoilant une femme perdue dans ses contradictions, juste dans ses récriminations mais dure et méprisante envers ses compatriotes dont elle dénonce la complicité durant les crimes du nazisme. Marthe Keller, digne et belle sans artifices, ne cherche pas à rendre son personnage plus sympathique qu'il ne l'est mais nous émeut par sa secrète vulnérabilité. Barbet Schroeder fouille les fantômes cachés de son pays, convoquant le grand Bruno Ganz lors d'une scène un peu grandiloquente de règlement de comptes familial. S'il n'évite pas les maladresses, le cinéaste nous interroge sur le refoulement de nos origines et les conséquences qu'il engendre. Une œuvre personnelle (ce qui n'est pas toujours une qualité) qui interpelle.

Suisse / France - 1h36
Réalisation : Barbet Schroeder - Scénario : Emilie Bickerton, Peter F. Steinbach, Susan Hoffman et Barbet Schroeder
Avec : Marthe Keller (Martha), Max Riemelt (Jo), Bruno Ganz (Bruno), Corinna Kirchhoff (Elfriede)


A éviter : ABSOLUTELY ANYTHING - Sortie le 12 août 


Mais qu'est-il donc arriver à Terry Jones ? Le réalisateur des mythiques Sacré Graal ! et Le Sens de La Vie a convié ses vieux camarades des Monty Python dans une piètre pantalonnade dans laquelle ils incarnent vocalement des aliens bien déterminés à détruire notre belle planète. Désespérés par les terriens, ils décident cependant de leur accorder une dernière chance en donnant à l'un d'entre eux (Simon Pegg) le pouvoir de faire tout ce qui lui passe par la tête. De son comportement dépendra l'avenir de l’humanité.

D'une laideur visuelle ahurissante, Absolutely Anything est une catastrophe à tous les niveaux. Exploitant paresseusement son pitch qui aurait pu donner libre court à une comédie déjantée, le scénario ne fait qu'accumuler lourdement les situations comiques, sans aucune fluidité ni originalité. Si certains gags font sourire, l'ensemble fait davantage pitié dont ces hideux extraterrestres numériques tout droit sortis d'une mauvaise série Z. A l'image d'un Simon Pegg égaré et d'une Kate Beckinsale décorative, le film ne trouve jamais sa note, englué dans une intrigue incroyablement poussive. Et si l'on éprouve une brève nostalgie en entendant la voix de Robin Williams qui interprète le chien Dennis, la gêne et la tristesse nous gagnent. Voir les génies du nonsense tomber si bas fait vraiment mal au cœur.

Grande-Bretagne / États-Unis - 1h25
Réalisation : Terry Jones - Scénario : Gavin Scott et Terry Jones 
Avec : Simon Pegg (Neil Clarke), Kate Beckinsale (Catherine), Eddie Izzard (Le directeur), La voix de Robin Williams (Dennis)



Parmi les autres sorties, citons également Les Chaises Musicales, un premier film bancal mais sensible de Marie Belhomme avec une pétulante Isabelle Carré, Aferim ! de Radu Jude (le 5 août), Ours d'Argent du dernier Festival de Berlin, sur la persécution des tziganes dans la Roumanie du XIXème siècle, La Peur de Damien Odoul (le 12 août), un récit âpre et fort sur un soldat emporté dans l'enfer des tranchées de la Première Guerre Mondiale, sans oublier la reprise de l'excellent The Rose de Mark Rydell, réalisé en 1979, l'un des meilleurs biopics musicaux (voir la vidéo ci-dessous). 

Passez un très bel été dans les salles obscures !  

Antoine Jullien


lundi 27 juillet 2015

Jeu-Concours Frank


LE JEU-CONCOURS EST TERMINE. LA REPONSE ETAIT : STEVE McQUEEN 

Mon Cinématographe vous propose de visionner gratuitement le film Frank de Lenny Abrahamson avec Michael Fassbender sur la plateforme VOD d'UniversCiné. 

Pour cela, vous devez répondre à la question suivante : 

Avec quel réalisateur Michael Fassbender a-t-il tourné trois longs métrages ?  

A) Ridley Scott 
B) Steve McQueen
C) Quentin Tarantino

Merci de donner votre réponse dans la section "Commentaires" en choisissant l'onglet "Anonyme", accompagnée de votre Email afin que nous puissions identifier les gagnants. Les réponses ne seront pas publiées. 

Les 5 premiers qui répondront correctement remporteront le concours. 

Bonne chance ! 

Pour retrouver la fiche technique du film sur UniversCiné, c'est ICI.

dimanche 26 juillet 2015

Interview de Sara Giraudeau pour Les Bêtises


A l'occasion du Champs-Elysées Film Festival, nous avons rencontré la comédienne Sara Giraudeau, venue présenter Les Bêtises, le premier long métrage de Rose et Alice Philippon (en salles depuis mercredi).

Une comédie aux teintes burlesques qui se veut un hommage à Jacques Tati et Blake Edwards mais qui demeure inaboutie. Le scénario tente de mêler la quête identitaire du personnage principal joué par Jérémie Elkaïm, parti à la recherche de sa mère biologique, à une soirée qui va virer au grand n'importe quoi, sous les airs de la chanson de Sabine Paturel, Les Bêtises, très joliment réinterprétée.

Mais les réalisatrices ne parviennent pas à faire coexister ces deux trajectoires et le film, malgré sa courte durée, s’essouffle vite. Heureusement, les acteurs réussissent à donner un peu d'allant à l'ensemble, notamment Sara Giraudeau, vue récemment dans la série de Canal Plus, Le Bureau des Légendes.

Antoine Jullien

France - 1h19
Réalisation et Scénario : Rose et Alice Philippon
Avec : Jérémie Elkaïm (François), Sara Giraudeau (Sonia), Jonathan Lambert (Fabrice), Anne Alvaro (Elise), Jacques Weber (André).


jeudi 23 juillet 2015

Love

 
Refoulé lors de la séance de minuit du festival de Cannes qui avait laissé aux portes du Théâtre Lumière des centaines de festivaliers frustrés et furieux, votre serviteur n'avait pas pu votre rendre compte de l'effervescence délirante autour du nouveau film de Gaspar Noé, Love. Présenté comme un porno en 3D, le film en a pourtant fait débander plus d'un et divisé une nouvelle fois la critique. Passé l'hystérie cannoise, qu'en reste-il, à part une futile polémique autour de son interdiction en salles aux mineurs ? Il y a bien du sexe non simulé dans Love * mais on est loin d'une banale production masturbatoire. Gaspar Noé est un auteur, n'est-ce pas, et le monsieur tient bien à ce qu'on ne l'oublie pas. 

Un matin, le téléphone de Murphy sonne. L'américain de 25 ans se réveille entouré de sa femme et de son enfant de 2 ans. Sur le message, la mère d'Electra, très inquiète, demande au jeune homme s'il n'a pas de nouvelles de sa fille qui a disparu depuis plusieurs mois. Au cours de cette journée, Murphy, seul dans son appartement, se souvient de sa grande histoire d'amour avec Electra. 

 Karl Glusman, Aomi Muyok et Klara Kristin

Depuis ses débuts, Gaspar Noé provoque, fascine, consterne et il aime ça. Le scandale suscité par Irréversible l'avait réjoui et le trip hallucinatoire d'Enter the Void l'a installé comme un réalisateur incontournable, que l'on déteste ou que l'on adule. Avec son compère Vincent Maraval de Wild Bunch, le réalisateur a une fois encore réussi à provoquer une attente parfaitement orchestrée à coup d'affiches choc et propos ad hoc. Une stratégie à double tranchant quand on constate que le film n'a pas grand chose à voir avec tout ce barnum. Gaspar Noé, pris au piège de son propre souffre ? 

Le cinéaste a voulu raconter une intense histoire d'amour comportant des scènes de sexe frontales car les sentiments et la chair sont indissociables. Une démarche un peu gratuite sur le papier qui prend une dimension nouvelle à l'écran. Les personnages, filmés en plan séquence (une habitude chez Noé), le plus souvent en plongée ou de dos, sont confrontés au désir et à ses excès dans un espace temps totalement fragmenté. Le cinéaste malmène la narration en utilisant un procédé de montage particulièrement efficace, le clignement d’œil. L'enchaînement des séquences se fait au moyen d'un bref fondu au noir qui donne au film une étonnante cohérence, un long souvenir syncopé se révélant par bribes et nappé (un peu trop !) d'une bande son qui alterne presque tous les genres musicaux.

L'équipe du film lors du Festival de Cannes

Bien qu'elle soit moins expérimentale et radicale que dans les films précédents de Gaspar Noé, la forme nous convainc donc... au détriment du fond. Cette fois, pas de roublardise coupable ou de manipulation stérile. Noé est d'une sincérité indéniable, croit en son histoire et au pouvoir dévastateur de l'amour. On aimerait y adhérer mais le réalisateur ne semble pas véritablement s'intéresser à ses protagonistes (assez antipathiques) mais plutôt à lui-même. Il prénomme le fils du héros Gaspar, intervient dans le rôle d'un odieux galeriste et se permet même de placer ici et là des références à ses propres films (le Love Hotel d'Enter the Void que l'on distingue en arrière plan). Surtout, il ne peut s'empêcher d'en rajouter avec des dialogues au bord du ridicule ou de l'insignifiance, c'est selon, dont cette réplique éclairée : "C'est quoi le sens de la vie ? Aimer". 

Le réalisateur pêche à nouveau par une sorte de trop plein (le film dure 2h15) et laisse toujours planer le doute sur la pertinence ou l'indigence de son propos. Cette histoire d'amour sans filtre, aux contours mortifères, ne nous procure pas le grand frisson escompté. Si Gaspar Noé se montre comme un grand romantique, nous n'aurons fait qu'effleurer le vertige de cette romance.

Antoine Jullien

* Suite à une décision du tribunal administratif de Paris, le film est finalement interdit aux -18 ans

France - 2h14
Réalisation et Scénario : Gaspar Noé
Avec : Karl Glusman (Murphy), Aomi Muyok (Electra), Klara Kristin (Omi). 


Disponible en DVD et Blu-Ray chez Wild Side Video.  

lundi 20 juillet 2015

Leonardo DiCaprio, à nouveau en route pour l'Oscar ?


Aviator, Blood Diamond, Les Noces Rebelles, Inception, J. Edgar, Le Loup de Wall Street... à chaque fois ou presque, Leonardo DiCaprio est sur les starting blocks pour remporter l'Oscar du meilleur acteur qui ne cesse de se dérober à lui. Une cruelle injustice ? Une terrible malédiction ? Le bonhomme tourne avec les meilleurs (Scorsese, Tarantino, Eastwood, Nolan...), choisi ses scénarios minutieusement, livre des prestations hors normes et pourtant... Alejandro Gonzalez Iñárritu inversera-t-il la donne ? A la vue des premières images de son nouveau film, The Revenant, on serait tenté de le croire. 

Le réalisateur oscarisé de Birdman change radicalement de registre en filmant la star de Titanic dans la peau d'un trappeur assoiffé de vengeance après que ses compagnons l'aient abandonné suite à l'attaque d'un ours. L'histoire, tirée du roman de Michael Punke, se déroule en 1820 au milieu des forêts enneigées du Missouri, et compte également au casting Tom Hardy et Domhnall Gleeson. 

Après être passé de main en main durant plusieurs années, le projet a finalement été confié à Iñárritu qui a pris son temps. Le tournage, long et difficile (conditions extrêmes, dépassement de budget, techniciens renvoyés), semble avoir accouché d'un film halluciné et visuellement bluffant, une habitude désormais pour le tandem Iñárritu-Emmanuel Lubezki (son talentueux chef opérateur). Réponse le 25 décembre aux États-Unis et le 20 janvier 2016 dans nos contrées.

vendredi 17 juillet 2015

Expo Antonioni : Derniers Jours


Vous avez jusqu'à dimanche pour découvrir l'exposition Michelangelo Antonioni à la Cinémathèque française. Le réalisateur de Blow Up, Palme d'Or en 1967, a souvent été considéré comme le cinéaste du vide existentiel et de l'incommunicabilité. Une dénomination forcément réductrice pour un artiste qui a bouleversé la forme cinématographique et entraîné de vives polémiques autour de ses œuvres. 

En parcourant les allées de l'exposition, il suffit de lire les articles de presse parus au moment de la sortie de l'Avventura en 1960 pour s'en convaincre. "Un mauvais mélo" selon Raymond Gimel de France Soir, "Un des films les plus beaux de l'histoire du cinéma" pour Michel Aubriant de Paris Presse. Antonioni fascine, déconcerte, subjugue, irrite, et ses films suivants (La Nuit, L'Eclipse, Le Désert Rouge), portés par son actrice fétiche, Monica Vitti, continueront de diviser la critique et le public, ce qui ne l'empêchera pas d'être récompensé dans les plus grands festivals internationaux (Cannes, Venise, Berlin). 


Se sentant de plus en plus éloigné de son pays natal, l'Italie, Antonioni part d'abord en Angleterre où il devient le propagateur de la vague pop grâce à Blow Up, puis aux Etats-Unis où il tourne Zabriskie Point, un trip hippie visuellement explosif autant qu'une violente critique de la société consumériste. Après un long documentaire sur le Chine, le cinéaste fera même tourner la star Jack Nicholson dans Profession : Reporter. On peut d'ailleurs visionner un reportage dans lequel le cinéaste explique brillamment la mise en place très élaborée du dernier plan du film. Antonioni n'était donc pas qu'un réalisateur cérébral mais aussi un très grand connaisseur de la technique.

Zabriskie Point (1970)

On découvre enfin des lettres de réalisateurs admiratifs dont celle d'Andreï Tarkovski qui souligne à quel point il est compliqué de faire un film, et aussi celle d'Alain Delon refusant un projet du cinéaste car il devait tenir le rôle de Lawrence D'Arabie dans le film de David Lean (l'histoire en décidera autrement).

Atteint d'une AVC en 1985, Antonioni, devenu partiellement paralysé et presque totalement privé de la parole, co-réalisera Par-delà les nuages avec Wim Wenders et participera au film collectif Eros. Mort en 2007, il continue d'influencer le cinéma contemporain, pour le meilleur et pour le pire. 

Antoine Jullien

Antonioni - Aux origines du pop jusqu'au 19 juillet à la Cinémathèque française. 
Renseignements : http://www.cinematheque.fr/

mardi 14 juillet 2015

Microbe et Gasoil


Michel Gondry avait besoin de se ressourcer. Après l'accueil très mitigé (et assez injuste) réservé à son adaptation imparfaite de L'Ecume des Jours, le réalisateur a préféré revenir à un cinéma plus léger et peut-être aussi plus personnel. Microbe et Gasoil, ces deux jeunes ados qui ne se retrouvent nulle part si ce n'est dans l'imaginaire et l'évasion, sont l'incarnation évidente d'un cinéaste qui s'est souvent senti à la marge. Issu comme ses deux héros de la très stricte société versaillaise, Michel Gondry a toujours été attiré par les personnes un peu rejetées, à l'écart. De ses souvenirs est né ce huitième long métrage qui recèle un vrai charme mais qui ne nous convainc pas pleinement.

Alors que les vacances approchent, Daniel et Théo, surnommés Microbe et Gasoil, n'ont aucune envie de passer leurs vacances avec leurs familles. Ils décident alors de fabriquer leur propre voiture, à l'aide d'un moteur de tondeuse et de planches de bois, et de partir à l'aventure sur les routes de France.

Dire que le film de Michel Gondry est sympathique pourrait paraître condescendant mais il s'agit pourtant bel et bien de sa qualité première. On ne peut éprouver que de l'empathie pour ces deux gaillards qui se moquent des conventions étriquées, bricolant eux-mêmes une improbable voiture qui va les emmener sur des chemins bigarrés. Un entraînant périple en miniature qui contient de jolis moments, filmé par un réalisateur totalement épris de ses personnages. A travers cette histoire, Michel Gondry réalise une ode tendre à l'amitié, mettant en majesté la camaraderie dans tous ses états. Au bout de la route, une quête de l'absolu forcément entravée mais pleine de souvenirs gravés à jamais. 

Théophile Bacquet et Ange Dargent

Les deux jeunes comédiens que le cinéaste a choisi servent superbement ce dessein. Ils s’appellent Ange Dargent (Microbe) et Théophile Bacquet (Gasoil). L'un est complexé qu'on le prenne sans cesse pour une fille, l'autre veut tracer sa voie, en dépit des modes et d'une histoire familiale compliquée. Son langage un peu décalé nous ravit tout comme la maladresse amusante de Microbe qui enterre de manière inattendue son téléphone portable. On est ainsi heureux de voir une jeunesse très éloignée du formatage ambiant, à l'heure ou le triomphe des Profs nous désespère. On le doit à la personnalité de Michel Gondry qui envahit tous les ports de l'image mais avec une discrétion qu'on ne lui connaissait pas. A l'exception de la voiture bricolée, très peu de trouvailles visuelles, de trucs et astuces qui ont fait la marque de fabrique du cinéaste mais qui commençaient à envahir son univers fantaisiste.

De là vient paradoxalement la limite du film. Car si Gondry est un réalisateur inventif et surprenant, le scénariste, lui, est plus sage. Et la fin, bâclée, renforce cette impression d'un film un peu inachevé, d'une parenthèse rafraîchissante mais mineure. Un road-movie qui ne bouscule pas assez nos habitudes, une épopée intimiste qui aurait mérité plus d'ampleur (visuelle, notamment). Un très sympathique petit film, en somme. 

Antoine Jullien

France - 1h43
Réalisation et Scénario : Michel Gondry 
Avec : Ange Dargent (Daniel surnommé Microbe), Théophile Bacquet (Théo surnommé Gasoil), Audrey Tautou (La mère de Daniel).  

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal

jeudi 9 juillet 2015

Les Minions


Il fallait que ça arrive ! Après les cartons Moi, Moche et Méchant 1 & 2, il était devenu impensable d’échapper au spin-off basé sur les Minions, ces fameux petits êtres jaunes, cousins pas si éloignés des Lapins-crétins, serviteurs dévoués mais maladroits du (faux) méchant Gru. Toujours réalisé par le français Pierre Coffin, affublé cette fois-ci du technicien américain Kyle Balda (Le Lorax), on pouvait s’interroger sur la nécessité d’un tel projet reposant exclusivement sur des personnages très drôles mais pas forcément intéressants sur 90 minutes.

Après avoir passé des millions d’années à œuvrer pour les plus grands méchants que la Terre ait porté (du Tyrannosaurus Rex à Napoléon), les Minions se retrouvent sans maître, et donc sans aucun but dans leur vie. Pour parer à leur désarroi, trois d’entre eux, Kevin, Stuart et Bob décident d’aller trouver un nouveau méchant à servir. En arrivant à New York en 1968, ils découvrent l’existence de la super-méchante Scarlett Overkill qui rêve de s’emparer du trône d’Angleterre. En engageant nos trois aventuriers, elle va vite se rendre compte de leur efficacité à double tranchant.


Comme prévu, ce long métrage d’animation ne repose que sur les frêles épaules des Minions. Même si l’on retiendra une famille de braqueurs (et leur chat !) assez savoureuse ainsi qu’une Reine Élisabeth haute en couleur, aucun personnage n’arrive à leur cheville lorsqu’il s’agit de tout faire sauter dans la joie et la bonne humeur. Leur langage mélangeant le français, l’italien, l’espagnol et l’anglais (mais aussi quelques mots indonésiens, indiens, etc.), est particulièrement bien élaboré et leur confère un humour universel. Les Minions n’ont ni pays, ni âge, ni opinion, ni aucun arc narratif, mais leur caractérisation est évidente. En travaillant leurs trois héros, les réalisateurs nous permettent de nous attacher à ses petits monstres qui n’étaient jusqu’alors que les faire-valoir humoristiques des films Moi, Moche et Méchant.

Le rythme soutenu est parsemé d’une avalanche de gags destinés aux petits comme aux grands, permettant à ses Minions de réussir haut la main leur passage en tête d’affiche, tout en réservant bon nombre de surprises (et c’est rare pour ce genre de films à la promotion souvent dévastatrice). Sans atteindre le niveau d’une production Pixar (la saga Toy Story, Vice Versa, Là-haut, etc.) Les Minions semblent bien partis pour conquérir le monde et risque de faire un peu d’ombre à leur saga d’origine.

Alexandre Robinne

Etats-Unis - 1h31
Réalisation : Kyle Balda et Pierre Coffin - Scénario : Brian Lynch

mardi 7 juillet 2015

Love&Mercy


Le biopic musical est un genre tellement rebattu que l'on ne peut que se réjouir lorsqu'un film s'en éloigne en fuyant son académisme bon teint. Pour son premier long métrage, le producteur Bill Pohlad trace la vie du chanteur (un peu oublié) des Beach Boys, Brian Wilson. Alors que la musique de ce fameux groupe des sixties a bercé toute une génération, le réalisateur a voulu montrer que derrière ces balades en apparence inoffensives se cachait l'âme d'un créateur de grand talent qui a sombré dans l'abime avant de renaître grâce à l'amour.

Le film raconte Brian Wilson sur deux périodes. Dans la première qui se déroule dans les années 60, Paul Dano incarne le chanteur écartelé entre sa vision d'artiste et la pression de son entourage qui voit d'un mauvais œil l'évolution du style des Beach Boys, cantonnés alors à de gentils surfeurs californiens. Dans la deuxième, John Cusack prête ses traits à un Brian Wilson vieilli et liquéfié sous la coupe d'un dangereux docteur qui contrôle sa vie et ses fréquentations (inquiétant Paul Giamatti). Mais une femme (Elizabeth Banks) va s'opposer à lui et tenter de sortir Brian Wilson de ses griffes.

Paul Dano

Les allers-retours entre ces deux époques est la principale qualité de Love&Mercy, évitant ainsi le banal récit d'une énième success-story. La fluidité du montage et de la réalisation insuffle au film un rythme qui ne faiblit pas et donne à cette histoire une autre dimension, une réflexion pertinente et intime sur les tourments de la création artistique. Il faut voir Brian Wilson, alors un gamin, mener à la baguette tout un orchestre lors d'une étonnante séquence d'enregistrement. On est fasciné par sa méticulosité, son souci de la nouveauté, son perfectionnisme qui impressionne ses musiciens. Car le chanteur et compositeur veut faire parler son inventivité et sortir du conformisme ambiant. Mais son père aura raison de lui et stoppera net l'élan créatif de son fils indocile. 

Bien que le scénario n'évite pas certains clichés du genre (le complexe paternel, la descente aux enfers irrémédiable), il ne les rend jamais édifiants. Il est aussi servi par deux comédiens très inspirés, à commencer par Paul Dano, touchant dans sa volonté de s'extirper d'un monde dans lequel il se sent prisonnier. John Cusack hérite lui d'un personnage plus chargé mais parvient à lui apporter un mélange de douce folie et de tendresse qui émeut. Enfin, le film vaut aussi (et surtout) pour sa musique, non seulement celle des Beach Boys qu'on se met à fredonner avec plaisir mais aussi celle du compositeur Atticus Ross (The Social Network, Gone Girl) qui accompagne superbement ces mélodies devenues cultes. Un regard juste et sincère sur une musique et une époque qui aiment à se rappeler à notre bon souvenir. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h
Réalisation : Bill Pohlad - Scénario : Oren Moverman et Michael E. Lerner d'après la vie de Brian Wilson
Avec : Paul Dano (Brian Wilson), John Cusack (Brian Wilson plus âgé), Elizabeth Banks (Melinda Ledbetter), Paul Giamatti (Dr. Eugene Landy).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Arp Sélection.

vendredi 3 juillet 2015

Victoria

 
Victoria va-t-il, selon Darren Aronofksy, "renverser le monde" ? Le réalisateur de Black Swan, président du dernier festival de Berlin où le film était présenté, a exprimé son admiration profonde devant le quatrième long métrage de l'allemand Sebastian Schipper. Le festival de Beaune également, qui lui a remis son Grand Prix (voir la vidéo) ainsi que les Lola, les Césars allemands, qui lui ont décerné six récompenses majeures (film, réalisateur, acteur, actrice, photographie et musique). Le phénomène est en marche et il fait (beaucoup) parler. Pour quelle raison ? Pour un plan séquence de 2h14. 

Sebastian Schipper réalise une prouesse, filmer son histoire en un seul plan dans les rues de Berlin, en temps réel, muni d'un scénario d'une dizaine de pages dont un grande part des dialogues furent improvisés. Lui et son équipe ont du s'y reprendre à trois fois avant d'obtenir un résultat satisfaisant. Un exercice de style étonnant qui n'a que très peu d'équivalent dans l'histoire du cinéma mondial (mis à part L'Arche Russe de Sokourov). Mais une fois l'incroyable attraction dépassée, qu'en reste-il vraiment ? 
 
Il est 5h42 dans la capitale allemande. Sortie de boite de nuit, Victoria, une espagnole fraichement débarquée, est accostée par une bande de garçons qui lui propose de les suivre dans les rues berlinoises. Une virée nocture débute, entre rires et alcool, jusqu'au moment où la soirée bascule.


Lorsque le générique de fin apparaît, on est surpris de voir crédité en premier le nom du chef opérateur avant celui du réalisateur. Une reconnaissance essentielle à Sturla Brandth Grovlen qui tient la caméra pendant plus de deux heures dans des situations souvent périlleuses. Une performance technique tellement accomplie que l'on demeure incrédule lorsque l'on apprend qu'il ne s'agit que d'un seul et même plan. La maîtrise de la lumière et de l'espace subjugue et l'unité de temps qui découle de ce processus formel décuple la tension du long métrage. Le film prend dès le départ des chemins de traverse lorsque Victoria rencontre la bande de garçons. Le climat étrange de ce moment laisse à penser que la jeune femme est en danger.  Un suspense s'installe progressivement avant que la situation ne lui échappe. Où tout cela va-t-elle la mener ?

Mais si l'on vide le film de son stupéfiant dispositif, certaines faiblesses demeurent. En premier lieu la crédibilité du personnage de Victoria  qui s'enfonce tête baissée dans une aventure risquée aux conséquences supposées néfastes. On pourrait y adhérer si elle avait été davantage développée. Et Sebastien Schipper finit par être piégé par son propre tour de force en allongeant inutilement son intrigue dans une dernière partie artificielle aux coutures scénaristiques un peu trop visibles. Car le réalisateur a voulu absolument transfigurer son portrait d'une jeunesse inquiète de son avenir emportée dans un tourbillon d'adrénaline en une histoire d'amour tragique. Une convention qui dessert le film mais qui ne doit pas empêcher la vision de ce cauchemar éveillé empli d'une sincérité qu'il faut saluer, et porté de bout en bout par la révélation Laia Costa. Elle est le pouls et l'âme de Victoria, œuvre puissante et imparfaite.

Antoine Jullien

Allemagne - 2h14
Réalisation : Sebastian Schipper - Scénario : Sebastian Schipper, Olivia Neergaard-Holm et Eike Frederik Schultz
Avec : Laia Costa (Victoria), Frederick Lau (Sonne), Franz Rogowski (Boxer), Burak Yigït (Blinker).  



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Version Originale Condor/Jour de fête