jeudi 30 juillet 2015

Les sorties de l'été

LE PETIT PRINCE - COUP DE CHAUD - WHILE WE'RE YOUNG - LA NINA DE FUEGO - LA RAGE AU VENTRE - LA BELLE SAISON - AMNESIA - ABSOLUTELY ANYTHING
 
Mon Cinématographe prend ses quartiers d'été mais vous propose avant cela une sélection de son cru des sorties estivales.


LE PETIT PRINCE - En salles 


Quelle part d'audace ou d'inconscience a-t-il fallu à Mark Osborne et à ses producteurs pour entreprendre l'adaptation du livre le plus lu dans le monde après la Bible ? Le Petit Prince n'avait curieusement jamais eu le droit à un long métrage d'animation au cinéma, c'est désormais chose (plutôt) bien faite. Au lieu de transposer littéralement l’œuvre de Saint-Exupéry, le cinéaste a préféré l'agrémenter d'une histoire parallèle, celle d'une petite fille programmée par sa mère pour être la meilleure qui va découvrir, au contact d'un aviateur excentrique et facétieux, le monde du Petit Prince.

Mark Osborne réussit un mélange harmonieux entre l'animation 3D, sans grande aspérité, et le stop-motion image par image qui retranscrit de manière poétique l'univers du célèbre personnage. Si le réalisateur choisit des moyens détournés, on ressent bien son amour du livre qui transparaît à l'écran. Sans mièvrerie ni sentimentalisme, il nous convie à un voyage émerveillé et haletant, une ode à l'enfance respectueuse de son public.

France - 1h46
Réalisation : Mark Osborne - Scénario : Irena Brignull et Bob Persichetti d'après l’œuvre d'Antoine de Saint-Exupéry
Avec les voix de : André Dussollier (L'Aviateur), Clara Poincarré (La petite fille), Florence Foresti (La mère), Vincent Cassel (Le renard)


COUP DE CHAUD - Sortie le 12 août


On avait beaucoup aimé le film précédent de Raphaël Jacoulot, Avant l'aube. Il adapte cette fois un fait divers mais ne se départit par de la même atmosphère chabrolienne. Au cœur d'un été caniculaire, dans un petit village tranquille, le quotidien des habitants est perturbé par Josef Bousou, l'idiot du village, qui est désigné par ses habitants comme la raison de tous leurs maux. Jusqu'au jour où l'on retrouve son corps, sans vie, dans la maison familiale...

Le film démarre par cette scène puis fait remonter le temps afin d'explorer les âmes de ce village non identifié, en apparence banal, écrasé par la chaleur et les problèmes de sécheresse. Le cinéaste dissèque le cas d'un bouc émissaire devenu le réceptacle des peurs et frustrations des habitants. Mais il instaure un malaise palpable dès les premières minutes par la personnalité même de ce Josef Bousou (étonnant Karim Leklou), à la fois attendrissant et inquiétant. Au moyen d'ellipses savamment entretenues, Raphaël Jacoulot laisse délibérément planer le doute sur la culpabilité de ce jeune homme exclu et désœuvré, vivant dans une famille de gitans sédentaires. Et ne diabolise pas non plus les autres protagonistes, tous extrêmement bien interprétés (Carole Frank, Gregory Gadebois, Isabelle Sadoyan...). A l'image du maire du village campé par un Jean-Pierre Darroussin dépassé par la situation au point de disparaître progressivement, le spectateur se met lui aussi à douter des actes et des intentions de chacun malgré une résolution moins convaincante. Une étude de caractères à la tension crescendo, contaminée par une ambiguïté qui envahit l'écran.  

France - 1h42
Réalisation : Raphaël Jacoulot - Scénario : Lise Macheboeuf et Raphaël Jacoulot
Avec : Jean-Pierre Darroussin (Daniel Huot-Marchand), Grégory Gadebois (Rodolphe Blin), Carole Franck (Diane), Karim Leklou (Josef Bousou)


WHILE WE'RE YOUNG - En salles


En l'espace de quelques films, dont le surestimé Frances Ha, le réalisateur Noah Baumbach est devenu le nouveau radiographe de la jeunesse bobo new-yorkaise. Dans While we're young, il aborde le conflit de générations à travers deux couples, Ben Stiller et Naomi Watts d'un côté, Adam Driver (la valeur montante du moment, vu dans Hungry Hearts) et Amanda Seyfried de l'autre. Malgré leurs vingts ans d'écart, une relation se noue entre eux et ils deviennent vite inséparables. Mais derrière la façade se cache des motivations moins louables.

Dialogues ciselés, ton légèrement acide, quadras blasés en quête de jouvence, tous les ingrédients sont réunis pour un bon Woody Allen. Noah Baumbach n'est pas le fameux cinéaste binoclard et opère donc en mode mineur mais le résultat est néanmoins plaisant. Fort de son casting, il nous fait partager les doutes existentiels de ses protagonistes, leur peur de vieillir et leur regret de ne pas avoir d'enfant. Baumbach y greffe une réflexion pertinente sur l'éthique du documentaire (Ben Stiller joue un réalisateur) que le personnage d'Adam Driver malmène allègrement. Bien que le cinéaste se défende de juger ses personnages, il ne peut s'empêcher in fine de tacler une jeunesse arrogante et manipulatrice. Ce qui finit par rendre le film moins sympathique et un poil condescendant.

Etats-Unis - 1h37
Réalisation et Scénario : Noah Baumbach 
Avec : Ben Stiller (Josh), Naomi Watts (Cornelia), Adam Driver (Jamie), Amanda Seyfried (Darby), Charles Grodin (Leslie)


LA NINA DE FUEGO - Sortie le 12 août


Pedro Almodovar a dit de ce film "qu'il était la grande révélation du cinéma espagnol de ce siècle", et on est pas loin de partager le grand enthousiasme du réalisateur de La Piel que Habito. Primé au festival de San Sebastian et aux Goyas, La Nina De Fuego est en effet une œuvre marquante, au parfum capiteux. L'intrigue, sinueuse, aux nombreuses ramifications, voit Barbara, une femme psychologiquement instable, subir le chantage d'un homme prêt à tout pour acheter le cadeau dont sa jeune fille, malade, rêve d'obtenir. Un prêtre, tout juste sorti de prison, lui, ne veut pas revoir Barbara.

Le réalisateur Carlos Vermut entremêle avec maestria un scénario tortueux dans lequel les vérités des protagonistes vont se dévoiler par petites touches. Nourri d'une lenteur millimétrée paradoxalement très captivante, le film gagne progressivement en intensité tout en conservant une part importante de mystère. Certains points de l'intrigue demeurent opaques et un second visionnage serait sans doute nécessaire pour percer à jour tous les secrets d'une œuvre qui nous parle aussi du conflit entre passion et déraison. Les personnages sont entraînés dans un bain empoisonné de vengeance et de ressentiment, une danse violente et macabre qui alterne différentes identités visuelles, des maisons de banlieue aux bars de quartier en passant par une étrange villa. Vénéneux et fascinant, La Nina de Fuego vous poursuit longtemps après la projection. 

Espagne - 2h07
Réalisation et Scénario : Carlos Vermut 
Avec : José Sacristan (Damian), Barbara Lennie (Barbara), Luis Bermejo (Luis), Israel Elejalde (Alfredo) 


LA RAGE AU VENTRE - En salles


Quel acteur n'a t-il pas un jour rêvé d'interpréter un boxeur, le rôle idéal pour décrocher une récompense ? Après Robert De Niro, Sylvester Stallone ou plus récemment Mark Whalberg, c'est au tour de Jake Gyllenhaal d'enfiler les gants pour une énième histoire de rédemption qui voit le champion du monde de boxe Billy Hope mener une existence fastueuse qui s'effondre soudainement après la mort de sa femme. Sombrant dans l’alcoolisme, il perd la garde de sa fille. Au plus bas, il va trouver en la personne de Tick Willis (Forest Whitaker) une aide précieuse pour remonter sur le ring.

Le début fait craindre le pire, accumulant péniblement les clichés à la truelle. Mais dès lors que le personnage de Jake Gyllenhaal est à terre, le film se met à se bonifier jusqu'à un combat final de grande ampleur. Les interprètes y sont pour beaucoup, à commencer par Jake Gyllenhaal qui confirme, après Prisoners et Night Call, qu'il est devenu un acteur incontournable. On finit par partager son combat pour relever la tête et le film, tout en suivant une voie très classique et sans surprises, nous procure un vrai plaisir de spectateur. 

Etats-Unis - 2h03
Réalisation : Antoine Fuqua - Scénario : Kurt Sutter
Avec : Jake Gyllenhaal (Billy Hope), Forest Whitaker (Tick Willis), Rachel McAdams (Maureen Hope), Naomi Harris (Angela Rivera)


LA BELLE SAISON - Sortie le 19 août


Catherine Corsini nous plonge dans la France du début des années 70 en racontant une histoire d'amour entre une professeur d'espagnol (Cécile de France), activiste féministe, et une jeune femme (Izïa Higelin) qui quitte sa campagne natale pour monter dans la capitale.

Cécile de France se prénomme Carole comme l’héroïne du film de Todd Haynes, primé au dernier festival de Cannes (voir article). Les deux films partagent la même idée, celle de filmer une relation amoureuse homosexuelle au sein d'une société corsetée et puritaine. Mais si l'Amérique des années 50 se prête formidablement à ce projet, la France libérée des années 70 un peu moins. C'est d'ailleurs dans l'élan féministe qui traverse le pays à cette époque que le film est le plus réussi. En évitant le piège de la reconstitution factice, la réalisatrice arrive à nous transmettre la fièvre militante de ces femmes qui se battaient alors contre une société phalocrate et patriarcale. La fougue et l'énergie de Cécile de France contraste avec la pudeur et la réserve du personnage d'Izïa Higelin qui, revenue auprès de sa mère pour sauver la ferme familiale, ne peut se résoudre à lui dévoiler la nature de ses sentiments. Le film, plus convenu, devient un huis-clos champêtre où excelle la toujours exquise Noémie Lvovsky, assez éloignée des stéréotypes de la paysanne conservatrice. Sans transcender le genre ni le sublimer, Catherine Corsini signe un mélo engagé et vibrant.

France - 1h45
Réalisation : Catherine Corsini - Scénario : Catherine Corsini et Laurette Polmanss
Avec : Cécile De France (Carole), Izïa Higelin (Delphine), Noémie Lvovsky (Monique), Kévin Azaïs (Antoine)


AMNESIA - Sortie le 19 août 

 
Révélé en 1969 avec More, le réalisateur Barbet Schroeder retourne à Ibiza sur les lieux de son premier long métrage. Après une carrière éclectique, allant du documentaire (L'Avocat de la Terreur) au film hollywoodien (Le Mystère Von Bülow), le cinéaste s'est inspiré de l'histoire de sa propre mère pour dessiner le portrait d'une femme ayant fui l'Allemagne avant la guerre et qui, installée depuis dans une maison d'Ibiza, refuse de parler sa langue maternelle ni d'évoquer la passé de l'Allemagne. A l'aube des années 90, elle fait la rencontre d'un jeune musicien venu participer à la révolution de la musique électro. Entre eux se noue une relation platonique dans laquelle les certitudes et les sentiments vacillent. 

On est un peu désarçonné au départ par l'apparente ringardise de la mise en scène, tout sonnant un peu faux dans cet Ibiza pourtant éloigné des clichés. Mais progressivement, le film gagne en profondeur, dévoilant une femme perdue dans ses contradictions, juste dans ses récriminations mais dure et méprisante envers ses compatriotes dont elle dénonce la complicité durant les crimes du nazisme. Marthe Keller, digne et belle sans artifices, ne cherche pas à rendre son personnage plus sympathique qu'il ne l'est mais nous émeut par sa secrète vulnérabilité. Barbet Schroeder fouille les fantômes cachés de son pays, convoquant le grand Bruno Ganz lors d'une scène un peu grandiloquente de règlement de comptes familial. S'il n'évite pas les maladresses, le cinéaste nous interroge sur le refoulement de nos origines et les conséquences qu'il engendre. Une œuvre personnelle (ce qui n'est pas toujours une qualité) qui interpelle.

Suisse / France - 1h36
Réalisation : Barbet Schroeder - Scénario : Emilie Bickerton, Peter F. Steinbach, Susan Hoffman et Barbet Schroeder
Avec : Marthe Keller (Martha), Max Riemelt (Jo), Bruno Ganz (Bruno), Corinna Kirchhoff (Elfriede)


A éviter : ABSOLUTELY ANYTHING - Sortie le 12 août 


Mais qu'est-il donc arriver à Terry Jones ? Le réalisateur des mythiques Sacré Graal ! et Le Sens de La Vie a convié ses vieux camarades des Monty Python dans une piètre pantalonnade dans laquelle ils incarnent vocalement des aliens bien déterminés à détruire notre belle planète. Désespérés par les terriens, ils décident cependant de leur accorder une dernière chance en donnant à l'un d'entre eux (Simon Pegg) le pouvoir de faire tout ce qui lui passe par la tête. De son comportement dépendra l'avenir de l’humanité.

D'une laideur visuelle ahurissante, Absolutely Anything est une catastrophe à tous les niveaux. Exploitant paresseusement son pitch qui aurait pu donner libre court à une comédie déjantée, le scénario ne fait qu'accumuler lourdement les situations comiques, sans aucune fluidité ni originalité. Si certains gags font sourire, l'ensemble fait davantage pitié dont ces hideux extraterrestres numériques tout droit sortis d'une mauvaise série Z. A l'image d'un Simon Pegg égaré et d'une Kate Beckinsale décorative, le film ne trouve jamais sa note, englué dans une intrigue incroyablement poussive. Et si l'on éprouve une brève nostalgie en entendant la voix de Robin Williams qui interprète le chien Dennis, la gêne et la tristesse nous gagnent. Voir les génies du nonsense tomber si bas fait vraiment mal au cœur.

Grande-Bretagne / États-Unis - 1h25
Réalisation : Terry Jones - Scénario : Gavin Scott et Terry Jones 
Avec : Simon Pegg (Neil Clarke), Kate Beckinsale (Catherine), Eddie Izzard (Le directeur), La voix de Robin Williams (Dennis)



Parmi les autres sorties, citons également Les Chaises Musicales, un premier film bancal mais sensible de Marie Belhomme avec une pétulante Isabelle Carré, Aferim ! de Radu Jude (le 5 août), Ours d'Argent du dernier Festival de Berlin, sur la persécution des tziganes dans la Roumanie du XIXème siècle, La Peur de Damien Odoul (le 12 août), un récit âpre et fort sur un soldat emporté dans l'enfer des tranchées de la Première Guerre Mondiale, sans oublier la reprise de l'excellent The Rose de Mark Rydell, réalisé en 1979, l'un des meilleurs biopics musicaux (voir la vidéo ci-dessous). 

Passez un très bel été dans les salles obscures !  

Antoine Jullien


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire