mardi 7 juillet 2015

Love&Mercy


Le biopic musical est un genre tellement rebattu que l'on ne peut que se réjouir lorsqu'un film s'en éloigne en fuyant son académisme bon teint. Pour son premier long métrage, le producteur Bill Pohlad trace la vie du chanteur (un peu oublié) des Beach Boys, Brian Wilson. Alors que la musique de ce fameux groupe des sixties a bercé toute une génération, le réalisateur a voulu montrer que derrière ces balades en apparence inoffensives se cachait l'âme d'un créateur de grand talent qui a sombré dans l'abime avant de renaître grâce à l'amour.

Le film raconte Brian Wilson sur deux périodes. Dans la première qui se déroule dans les années 60, Paul Dano incarne le chanteur écartelé entre sa vision d'artiste et la pression de son entourage qui voit d'un mauvais œil l'évolution du style des Beach Boys, cantonnés alors à de gentils surfeurs californiens. Dans la deuxième, John Cusack prête ses traits à un Brian Wilson vieilli et liquéfié sous la coupe d'un dangereux docteur qui contrôle sa vie et ses fréquentations (inquiétant Paul Giamatti). Mais une femme (Elizabeth Banks) va s'opposer à lui et tenter de sortir Brian Wilson de ses griffes.

Paul Dano

Les allers-retours entre ces deux époques est la principale qualité de Love&Mercy, évitant ainsi le banal récit d'une énième success-story. La fluidité du montage et de la réalisation insuffle au film un rythme qui ne faiblit pas et donne à cette histoire une autre dimension, une réflexion pertinente et intime sur les tourments de la création artistique. Il faut voir Brian Wilson, alors un gamin, mener à la baguette tout un orchestre lors d'une étonnante séquence d'enregistrement. On est fasciné par sa méticulosité, son souci de la nouveauté, son perfectionnisme qui impressionne ses musiciens. Car le chanteur et compositeur veut faire parler son inventivité et sortir du conformisme ambiant. Mais son père aura raison de lui et stoppera net l'élan créatif de son fils indocile. 

Bien que le scénario n'évite pas certains clichés du genre (le complexe paternel, la descente aux enfers irrémédiable), il ne les rend jamais édifiants. Il est aussi servi par deux comédiens très inspirés, à commencer par Paul Dano, touchant dans sa volonté de s'extirper d'un monde dans lequel il se sent prisonnier. John Cusack hérite lui d'un personnage plus chargé mais parvient à lui apporter un mélange de douce folie et de tendresse qui émeut. Enfin, le film vaut aussi (et surtout) pour sa musique, non seulement celle des Beach Boys qu'on se met à fredonner avec plaisir mais aussi celle du compositeur Atticus Ross (The Social Network, Gone Girl) qui accompagne superbement ces mélodies devenues cultes. Un regard juste et sincère sur une musique et une époque qui aiment à se rappeler à notre bon souvenir. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h
Réalisation : Bill Pohlad - Scénario : Oren Moverman et Michael E. Lerner d'après la vie de Brian Wilson
Avec : Paul Dano (Brian Wilson), John Cusack (Brian Wilson plus âgé), Elizabeth Banks (Melinda Ledbetter), Paul Giamatti (Dr. Eugene Landy).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Arp Sélection.

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