mercredi 27 juillet 2011

Super 8


Alors adolescents, J.J. Abrams et son compère Matt Reeves (le futur réalisateur de Cloverfield) ont un jour reçu un coup de téléphone de Kathleen Kennedy, alors assistante d'un cinéaste qui avait vu leurs films dans un festival. Celui-ci leur proposait de restaurer et monter les films super 8 qu'il avait lui-même réalisé quelques années auparavant. Le cinéaste s'appelait Steven Spielberg.

La réalisation de Super 8 vient en partie de cette filiation entre le papa d'E.T. et le créateur de la série Lost. Les deux hommes ont étroitement collaboré à cette histoire originale écrite par Abrams qui revient aux sources de sa passion pour le cinéma. Nous sommes à l'été 1979. Dans une petite ville de l'Ohio, un jeune garçon qui vient de perdre sa mère participe au tournage d'un film de zombies mené par l'un de ses camarades dont la vedette est une jeune fille étrange et introvertie (Elle Fanning, la découverte de Somewhere). Mais un gigantesque accident ferroviaire l'interrompt brutalement. Le groupe ignore que la caméra super 8 a enregistré la collision tandis que de mystérieuses disparitions inquiètent les habitants de la petite ville... 


La formule "c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures confitures" ne pourrait pas mieux résumer le sentiment que l'on éprouve à la sortie de la projection de Super 8. J.J. Abrams a souhaité retrouver le cinéma de son enfance qui l'avait fait rêver. Le réalisateur, plus habitué jusqu'à présent à recycler des franchises en déclin (Mission : Impossible 3 et Star Trek) n'a pas vainement pastiché un genre mais se l'est réapproprié de manière très personnelle. Si le décorum des années 70 est bien présent avec ses accessoires indispensables, il n'étouffe pas le film mais lui donne une authenticité qui ravit dès les premières minutes. L'adulte qui a tant frémit devant les films de sa jeunesse retrouve immédiatement le même plaisir de spectateur. Les jeunes générations ne devraient pas être en reste et seront tout autant captivées par cette histoire haletante menée de main de maître. A l'heure où le numérique envahit tous les espaces au point d'annihiler l'émotion, J.J. Abrams l'utilise à bon escient, faisant confiance à sa mise en scène audacieuse (l'usage du lens flare décrié par certains) et suggestive (l'habileté du hors-champ) afin de nous offrir un long métrage à la fois très spectaculaire (l'impressionnante séquence de l'accident) et intimiste.

Le réalisateur J.J. Abrams avec Joel Courtney et Riley Griffiths

Là où Abrams se pose en digne héritier spielbergien est dans la quête de l'être disparu et l'impossibilité de faire son deuil. Le jeune garçon délaissé de E.T. se retrouvait au contact de l'extraterrestre. Abrams établit un lien plus indirect mais néanmoins touchant. L'arrivée de la pellicule super 8 amène alors une dimension intemporelle et poétique. Lorsque les deux ados regardent le film de la mère disparue, J.J. Abrams intervertit subtilement la réaction de celui qui regarde. Ce n'est pas le garçon qui pleure mais la jeune fille qui a elle aussi perdu sa mère. Une douleur que partage les deux êtres et qui va les unir tout au long du film. 

Les dernières images rompent subitement notre enthousiasme. Cette fin très mélodramatique pourrait sembler appuyée et inutile si elle n'était pas l'hommage ultime que rendait Abrams à son père de cinéma. Une émouvante déclaration d'amour autant qu'un vivifiant encouragement à tous les créateurs en herbe. Attention, re ratez pas le générique et son désopilant film de monstres. Du grand art avec des bouts de ficelle ! (Le film sort en salles le 3 août)

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez Paramount Video.

jeudi 21 juillet 2011

Quelques idées cinéphiles...

J'AI RENCONTRE LE DIABLE / THE MURDERER / THE TRIP / LES CONTES DE LA NUIT

Afin de profiter au mieux des salles obscures, voici quelques conseils estivaux.


Le cinéma coréen, on ne cesse de le répéter dans ces colonnes, est l'une des cinématographies les plus excitantes du moment. Deux longs métrages venus tout droit de Corée du Sud confirment et infirment en même temps cette tendance. 

J'ai rencontré le diable est le nouveau long métrage de Kim Jee-woon, le réalisateur de A bittersweet life et Deux soeurs. Il fait se confronter un agent secret et le meurtrier de sa femme enceinte. Un jeu du chat et de la souris qui n'empreinte jamais les voies que l'on attend. Car la force du cinéma coréen est d'avoir bousculé les codes du film de genre en malmenant ses stéréotypes. Le chasseur et sa proie se confondent sans cesse car la violence qui les unit finit par brouiller les repères du spectateur. L'homme qui veut venger la mort de sa femme ne veut pas seulement tuer l'assassin, il veut le faire souffrir autant que sa compagne a souffert. Un jeu sadique et pervers qui met les nerfs du spectateur à rude épreuve. La violence extrême du film, souvent insoutenable, est une implacable démonstration visuelle pour montrer les abîmes du mal dans lesquels plongent les deux protagonistes. Tour à tour film d'horreur et thriller haletant, J'ai rencontré le diable, titre évocateur, est une descente aux enfers jusqu'au-boutiste dans un cerveau malade. Mais avec une pointe d'humour par endroits, Kim Jee-woon nous désarçonne tout en nous glaçant d'effroi et réussit, grâce à une mise en scène au cordeau et de nombreux rebondissements (pas toujours crédibles), à maintenir l'intensité de son récit. Ne nous épargnant aucune sévisse, le cinéaste abuse par moments de son art de manipulateur en se complaisant dans un déferlement de violence gratuite mais parvient in extremis à nous livrer une morale tragique où le mal par le mal conduit irrémédiablement à la désolation et au malheur. Âmes sensibles s'abstenir. 




Hong-jin Na est devenu très prometteur depuis son premier film The Chaser, présenté au festival de Cannes. Il a eu à nouveau les honneurs de la Croisette, dans la sélection Un certain Regard, avec The Murderer. Gu-nam, chauffeur de taxi, mène une vie misérable à Yanji, ville chinoise de la préfecture de Yanbian, coincée entre la Corée du Sud et la Russie. Un parrain local lui propose de l'aider à passer en Corée pour retrouver sa femme dont il est sans nouvelle et ainsi rembourser ses dettes de jeu. En contrepartie, il devra assassiner un inconnu. L'aspect social du film est le plus intéressant, les activités illégales de cette contrée rarement montrée côtoyant la misère la plus grande. Mais dès lors que Gu-nam se retrouve pris au piège à Séoul, le film perd pied. Malgré sa maestria étourdissante, encore plus marquée que dans The Chaser, le cinéaste se fourvoie dans une intrigue multipliant les incohérences et les invraisemblances. On ne croit plus à ce qui se passe à l'écran tant la virtuosité de la mise en scène ne parvient pas à masquer les énormités du scénario où les protagonistes, malgré cinquante coups reçus sur le crâne, se relèvent miraculeusement. Et on assiste là encore à un déchaînement de violence dont la banalisation finit pas être embarrassante. Ne retrouvant pas l'originalité de son premier film, Hong-jin Na ne surprend plus. Et déçoit. 




Si vous souhaitez vous reposer après ce déluge d'hémoglobine, vous pouvez aller humer l'air de la campagne anglaise dans The Trip de Michael Winterbottom. Le réalisateur britannique adapte à l'écran la mini-série diffusée sur la BBC qui voit Steve Coogan et Rob Brydon passer une semaine gastronomique dans le nord de l'Angleterre. En grande partie improvisé, le film devrait réjouir les amateurs de l'humour so british. Les deux énergumènes sont souvent irrésistibles et leurs saillies drolatiques font mouche plus d'une fois surtout lorsqu'ils se livrent à un concours d'imitation du meilleur Michael Caine. Le spectateur flâne avec eux au gré de leurs rencontres, féminines pour la plupart, mais pourra rester au bord de la route car le film, d'une durée excessive, tourne un peu à vide. Et la mise en scène de Winterbottom, toujours aussi impersonnelle, ne permet pas au long métrage de dépasser l'anecdote. Mais le charme est là. 




Enfin, succombez aux récits imaginaires de Michel Ocelot et ses Contes de la nuit. Le papa de Kirikou, devenu le maître étalon du cinéma d'animation français, nous propose six histoires qui nous font voyager aux Antilles, en Afrique et au Tibet. Dans une salle de cinéma, un garçon, une fille et un vieux technicien s'amusent à inventer et à jouer des histoires de sorcières, de fées, de loups garous et de rois. A propos de son rôle de conteur, Michel Ocelot déclare : "J'ai un goût extrême pour les contes, pour l'agencement de petites mécaniques qui se mettent à tourner joliment. Ce sont des cadeaux que j'offre aux gens car j'aime faire plaisir, épidermiquement, et je l'espère, profondément". Un cinéma destiné d'abord au jeune public que le réalisateur ne prend jamais par la main, misant avant tout sur son intelligence et sa capacité d'émerveillement. Un pari plutôt réussi où le style très personnel du cinéaste, avec ses personnages en ombres chinoises dotés simplement d'un regard, tend vers l'épure. Malgré une utilisation un peu terne du relief, il nous embarque aisément dans ses différentes fables et en profite pour nous donner quelques messages un peu appuyés sur la tolérance et le dépassement de soi. Un plaisir inégal mais revigorant comme les déguisements de notre enfance.

Antoine Jullien

mercredi 20 juillet 2011

Ressorties de l'été

DEEP END / TRAVAIL AU NOIR / LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE / LE CHARME DISCRET DE LA BOURGEOISIE / COMMENT VOLER UN MILLION DE DOLLARS / BIRD / IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE 


La saison estivale est propice aux ressorties et cet été ne déroge pas à la règle. Deux cinéastes sont particulièrement à l'honneur en cette période pluvieuse. Jerzy Skolimowski, le réalisateur polonais dont un hommage a été rendu au festival Paris Cinéma, est relativement méconnu malgré une quinzaine de titres parmi lesquels le récent Essential Killing. Deux de ses oeuvres majeures ressortent en copies neuves. Deep end, réalisé en 1970, explore les émois d'un jeune garçon embauché dans un établissement de bains publics de l'est londonien. Il y fait la connaissance d'une collègue, Susan, qui va le faire plonger dans une dangeureuse spirale de fantasmes et d'obssession. Prenant à rebourds les clichés du Swinging London des sixties dépeints par son compatriote Polanski dans Répulsion et Antonioni dans Blow Up, Skolimowski évoque un quartier défavorisé dans lequel le décor déliquescent des bains joue un rôle essentiel. Prouvant ses talents de plasticien, le cinéaste filme le lieu comme une métaphore des chamboulements interieurs du jeune homme en jouant sur une gamme chromatique allant du jaune au vert jusqu'au déchaînement final de peinture rouge. Film déstabilisant sur un état adolescent en pleine mutation, Deep end, par un montage abrupt et une musique lancinante signée Cat Stevens et le groupe Can, est une tragédie amoureuse autant qu'une étude du désir dans ce qu'il a de plus irrationnel. 



Travail au noir, tourné en 1982, raconte l'arrivée à Londres de trois maçons polonais et leur contremaître, Novak (Jeremy Irons), venus travailler au noir. Lorsqu'il prend connaissance du coup d'état en Pologne, Novak tait la nouvelle à ses compatriotes. Contrairement à Deep End, un peu trop prisonnier d'une époque, Travail au noir frappe par sa contemporanéité. Allégorie de tous les totalitarismes, le film dissèque une société repliée sur elle-même à l'image de ces caméras de surveillance qui scrutent les clients d'un supermarché. Skolimowski réalise un étrange huis-clos aux accents kafkaïens dans lequel la voix intérieure de Jeremy Irons dit la condition dérisoire d'hommes devenus étrangers à eux-mêmes. 


L'immense Luis Buňuel est aussi à l'honneur à travers deux de ses joyaux, Le journal d'une femme de chambre et Le charme discret de la bourgeoisie. On ne se lasse pas d'admirer l'incroyable audace du cinéaste et de son fidèle scénariste Jean-Claude Carrière qui ne reculaient devant aucun tabou. Si Le Journal d'une femme de chambre, qui marque le début de la période française de Buňuel, est une charge féroce sur la religion et la société bourgeoise, Le Charme discret de la bourgeoisie, sans doute le sommet de son oeuvre, navigue davantage dans les eaux du surréalisme qui fut, dès Un chien andalou, la pierre angulaire du cinéaste. A l'image de la scène récurrente où les protagonistes marchent le long d'une route de campagne déserte, le film ne condamne pas ses personnages mais les abandonnent au principe de la répétition que le réalisateur décline génialement, usant d'une inventivité ahurissante. Comme le disait le cinéaste dans un élan de provocation dont il était coutumier : "Un scénariste doit chaque jour tuer son père, violer sa mère et trahir sa patrie". 


Bande Annonce - LE REGARD DE BUNUEL par artcinefeel



Si l'on préfère savourer un moment de détente garanti, allez voir Comment voler un millions de dollars, une comédie sophistiquée réalisée par William Wyler en 1966 qui entraîne la pétillante Audrey Hepburn et le distingué Peter O'Toole dans une histoire de statue volée dans un musée parisien. Un divertissement hollywoodien haut de gamme où My fair  Lady et Lawrence D'Arabie tombent amoureux dans les décors classieux du grand Alexandre Trauner. 




C'est avec Bird, présenté au festival de Cannes en 1988, que Clint Eastwood acquiert ses galons de grand cinéaste. Si la critique française commence (enfin) à le reconnaître, le réalisateur reste encore enfermé dans le costume de L'inspecteur Harry. Avec cette évocation très personnelle du saxophoniste Charlie Parker, Eastwood fait taire ses détracteurs. Filmé comme une partition de jazz avec ses fulgurances et son rythme syncopé, Bird n'est pas qu'un simple biopic, Eastwood retrouvant l'essence même de la musique pour nous raconter la vie d'un homme dont le génie précoce et l'abus de drogue finiront par lui être fatals. Il offre en outre à Forest Whitaker une performance magistrale qui lui vaudra le prix d'interprétation. Quand la passion du jazz chère à Eastwood fait se croiser l'une de ses légendes, cela donne un grand film magnifié par une bande son d'exception. 


Enfin, comment ne pas terminer ce flot de reprises avec Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, soit l'un des plus beaux films du monde. S'étalant sur plus de soixante ans, cette sublime fresque raconte la vie de Noodles, de son enfance miséreuse à New York jusqu'à son ascension au sein du grand banditisme. Porté par la magnifique musique d'Ennio Moriconne et l'interprétation exceptionnelle de Robert de Niro et James Woods, le film est une déchirante méditation sur la vie corrompue, ses trahisons et ses regrets éternels. Sergio Leone se livre comme il ne l'avait encore jamais fait et montre une créativité constante, en témoigne la séquence du plus long coup de téléphone de l'histoire du cinéma qui résume à elle seule la trajectoire de Noodles. Et cette réplique légendaire que De Niro lance à l'un de ses amis qui lui demande : "Qu'as-tu fait durant toutes ces années ? - Je me suis couché tôt". Chef d'oeuvre.

Antoine Jullien





mercredi 13 juillet 2011

Billet de (très) mauvaise humeur


Lorsque l'on s'adonne à l'exercice de la critique, il faut faire parler notre subjectivité mais essayer, le mieux possible, de déceler les qualités et les défauts objectifs d'un film. Truffaut disait lui-même : "Les français ont deux métiers, le leur et critique de cinéma." Le critique a ses goûts, ses préférences, ses univers de prédilection mais il se doit d'être le plus éclectique possible, allant vers des cinématographies qui ne sont a priori pas les siennes. Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Love est le parfait exemple du film que je me suis obligé d'aller voir. Pour une fois, je vais employer le "je" tant ce billet, comme son titre l'indique, est un message de colère et de protestation afin de comprendre le divorce latent entre la critique et le public. 

Ce divorce peut s'expliquer lorsqu'il s'agit d'oeuvres expérimentales ayant une approche radicale du medium cinema. Des films contestés et parfois contestables, que l'on adore où que l'on déteste mais qui ont le mérite d'avoir un regard et un style singuliers. The tree of life de Terrence Malick en est le spécimen récent le plus probant, certains y voient un chef d'oeuvre tandis que d'autres crient à la supercherie. 

Mais ce divorce n'est guère possible si l'oeuvre n'a rien de singulier ni d'original. Le film de Mia Hansen -Love a eu les éloges de la presse à tel point que l'on se demandait si elle ne s'était pas trompée de cinéaste. Un délire critique que l'on peut déjà expliquer par une indéniable connivence. En effet, avant d'être réalisatrice, la jeune femme était critique aux Cahiers du cinéma. Non que tous les critiques passés à la réalisation reçoivent systématiquement des louanges de leurs pairs mais le bienveillance semble de mise. 


On ne va pas faire la liste des superlatifs vus ou entendus à propos du film mais on constate simplement que l'on peut aisément écrire les mêmes dithyrambes d'une oeuvre d'Almodovar, Eastwood ou Polanski que d'un film de Mia Hansen-Love. Cependant, Mon Cinématographe avait déjà évoqué son précédent film, Le père des mes enfants, et en avait plutôt dit du bien, sans doute parce que son sujet fort donnait de la matière au récit, soit tout l'inverse de cet Amour de jeunesse. 

Alors, de quoi ça parle ? Et bien d'un amour de jeunesse, pardi ! Le titre n'est pas trompeur et l'on se farcit pendant 1h50 les atermoiements d'une jeune fille qui ne peut pas oublier son premier amour. On s'accroche dans un premier temps mais on perd vite espoir quand les deux tourtereaux, partis dans la maison de campagne des parents de la demoiselle, se disputent à coups de dialogues sortis tout droit d'un Arlequin du grenier. La suite ne donne guère d'encouragements, la réalisatrice instaurant un "terrible" suspense pendant dix plombes quand le petit ami va se baigner tandis que sa copine attend tout en préparant son petit-déjeuner. Devant tant de vacuité, on s'intéresse alors à la garde-robe de la jeune fille qui ne change pas malgré les sept années écoulées du récit. Même si elle est charmante à regarder, on attend qu'une suprême audace visuelle surgisse mais entre ouvrir une porte ou prendre un bain dans la rivière, la pauvreté consternante de la mise en scène éclate au grand jour. Je reste pourtant attentif, je me dis qu'il va quand bien se passer quelque chose d'un tout petit peu intéressant. Le petit ami parti en Amérique du Sud, la jeune fille sort quelques années plus tard avec un professeur d'architecture qu'elle va finir par tromper avec, je vous le donne en mille..... l'amoureux du début ! Mia Hanson-Love vient donc de nous dire un truc super capital : on ne peut pas quitter son amour de jeunesse. Si ça n'est pas une révélation, je ne sais pas ce que c'est.

Mais je veux terminer sur une note moins ironique et plus lucide en déplorant que ce cinéma nombriliste, prétentieux et vain bénéficie d'un tel aveuglement critique. Ce film résume à lui seul une caricature du cinéma français que l'on pensait à jamais endormie et qui va réveiller chez les esprits moqueurs leurs plus vilaines flèches. Mais comment leur donner tort ?! Par refus de la scène à faire et la défiance à un semblant de psychologie, la réalisatrice nous inflige un film hautain et creux dans laquelle sa seule idée de mise en scène est un plan montrant une date écrite sur un cahier d'écolier pour nous donner l'impression du temps qui passe. Même un étudiant en première année de cinéma n'aurait jamais osé le faire ! Cette fois, c'est bien le public qui aura raison. 

Antoine Jullien 



DVD disponible chez Pelléas. 

Le Moine


Un ratage, ni plus ni moins. En adaptant le roman sulfureux de Matthew G. Lewis paru en 1796, Dominik Moll s'y est cassé les dents. Pourtant, le brillant réalisateur de Harry, un ami qui vous veut du bien et Lemming semblait tout disposé à raconter l'histoire de ce moine ébranlé par ses certitudes au point de succomber à la tentation de la chair. Une lutte contre le démon dans les recoins sombres et inquiétants d'une abbaye espagnole au temps de l'inquisition. Mais le cinéaste, manifestement mal à l'aise avec son sujet, échoue sur toute la ligne. 

Dans les années 70, Luis Bunuel et son scénariste fétiche Jean-Claude Carrière s'étaient déjà intéressés au roman et l'on comprend aisément ce qui avait pu attirer le cinéaste ibérique. Dominik Moll, lui, évacue toute dimension blasphématoire pour nous livrer un film à l'atmosphère replète et peu inspirée, symbolisant le dilemme intérieur du personnage par un jeu éprouvé de l'ombre et de la lumière. Visuellement, le cinéaste se réfugie dans une imagerie vieillotte où toute audace semble avoir été rangée au placard. Malheureusement, le scénario ne rattrape pas ce manque d'ambition, se fourvoyant dans une intrigue hautement prévisible aux dialogues empesés, avec un final où le grotesque le dispute au ridicule. 


Vincent Cassel, taiseux, le regard fixe, n'est pas en cause même s'il n'arrive pas à rendre le basculement de son personnage crédible. Autour de lui, les comédiens en sont réduits à jouer les utilités, de Deborah François en tentatrice de pacotille à la jeune Joséphine Japy, sacrifiée. 

Dominik Moll n'a jamais été meilleur que dans ses huis clos étouffants où une force invisible pouvait détruire un couple ou une famille. S'éloignant de son univers, il a senti le besoin d'aller vers des contrées inconnues. Un choix courageux qui s'avère être une lourde erreur. Déconnecté de tout, ce Moine, qui ne captive pas une seconde, est un accident industriel rare dans lequel rien ne fonctionne. Un gâchis un peu inexplicable quand on songe à la somme des talents réunis, en vain. 

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez Diaphana.

mardi 12 juillet 2011

Bande-annonce Tintin


Lorsque l'on a su que Steven Spielberg et Peter Jackson allaient adapter les aventures de Tintin, on a frémit. Non que le choix de ces prestigieux cinéastes ne soit remis en cause (le réalisateur d'Indiana Jones a toujours proclamé son amour pour Tintin) mais on voyait mal comment des anglo-saxons allaient pouvoir transposer l'univers et le style d'Hergé à la sauce américaine. 

Après la parution des premières photos et la diffusion d'un teaser, voici la bande-annonce du long métrage réalisé par Spielberg et produit par Jackson, tourné en performance capture, un procédé consistant à faire jouer à des acteurs munis de capteurs les personnages sur fond bleu et à ensuite retranscrire leurs mouvements en animation. A la vue des ces images, il serait malhonnête de ne pas reconnaître l'incroyable travail visuel effectué par Spielberg and Co. et surtout la fidèlité extrême portée à la bande dessinée. Pour des raisons évidentes de durée, ils ont choisi de regrouper deux volumes, Le Crabe aux Pinces d'or et Le secret de la Licorne, en une seule intrigue mais pourquoi n'ont-ils pas adapté logiquement La Licorne et Rackham Le Rouge à la suite ? Mystère. 

Le scepticisme est donc encore de mise en attendant de découvrir le long métrage en France dès le 26 octobre, sa sortie américaine étant prévue pour Noël prochain. Alors, moussaillons, marins d'eau douce et autres bachi-bouzouks qui avez grandi avec les histoires du petit reporter, le suspense va bientôt prendre fin, mille sabords ! 

Bande annonce de Tintin - Le secret de la Licorne de Steven Spielberg

Paris Cinema - Palmarès


Le palmarès de la 9ème édition du festival Paris Cinéma a été dévoilé hier soir, en présence de sa présidente d'honneur, Charlotte Rampling. 

Comme l'on pouvait s'y attendre, c'est La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli qui a fait une véritable razzia, remportant trois des quatre prix décernés : prix du jury, prix du public et prix des blogueurs. Une unanimité que Mon Cinématographe sera sans doute l'un des rares médias à remettre en cause. Malgré les nombreuses qualités du film, on ne peut s'empêcher d'émettre quelques réserves que nous développerons largement lors de sa sortie le 31 août. Mais devant la faiblesse de la sélection, il s'imposait de toute évidence. 

La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli

Le prix des étudiants a récompensé The Prize de Paula Markovitch, présenté en compétition au dernier festival de Berlin. Une oeuvre aride et autobiographique sur une mère vivant retranchée avec sa fille dans une maison au bord de l'océan. Une manière subtile et délicate d'évoquer la dictature en Argentine et un beau portrait d'enfant. Le film n'a pas encore de date de sortie. 

The Prize de Paula Markovitch © Urban Distribution Int.

Enfin, le jury a décerné une mention spéciale à Sur la planche de Leïla Kilani qui relate le quotidien d'un gang de jeunes filles dans la ville portuaire de Tanger. Malgré la force de ses interprètes, le film ne dépasse jamais la simple chronique et peine à nous captiver (sortie le 1er février 2012). 

Sur la planche de Leïla Kilani  © Epicentre Films

Voici les photos de la cérémonie de clôture :

Charlotte Rampling, présidente d'honneur du festival

Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, primés à trois reprises pour La Guerre est déclarée

Leïla Kilani, mention spéciale du jury pour Sur la planche

Les membres du jury : Gilles Marchand, Pauline Lefèvre, 
Mathieu Demy, Lubna Azabal et Thierry Jousse

Vincent Cassel, Joséphine Japy et Dominik Moll venus présenter Le Moine, film de clôture

vendredi 8 juillet 2011

Paris Cinema - Michael Lonsdale


L'acteur Michael Lonsdale est l'un des invités d'honneur de Paris Cinéma qui lui consacre une large rétrospective. L'éclectisme du comédien a de quoi surprendre, passant aisément d'un cinéma populaire à des oeuvres plus exigeantes. L'acteur facétieux nous a livré, en compagnie du critique Jean Douchet, une leçon de cinéma ludique précédée d'une oeuvre méconnue de Jean Eustache Une sale histoire dans laquelle Lonsdale raconte son expérience de voyeur dans les toilettes pour dames d'une brasserie parisienne. Il révèle ici une malice et un trouble fascinants que de prestigieux cinéastes sauront savamment exploiter.

Il a d'abord évoqué sa jeunesse, à Londres puis au Maroc où il se découvrit une passion pour le cinéma américain et en particulier pour les films de guerre. Revenu en France en 1947, il découvrit le théâtre grâce à l'apprentissage de Raymond Rouleau qui lui fit faire sa première audition.

Il raconte avec délice sa rencontre mémorable avec Orson Welles sur le tournage du Procès. "Tout pour lui était prétexte à invention" dit le comédien du réalisateur de Citizen Kane. Après, les rôles au cinéma s'enchaîneront et sa rencontre en 1968 avec Marguerite Duras restera déterminante.

Il tourna avec de grands cinéastes dont Truffaut qui lui donna le délectable personnage du vendeur de chaussures Mr Tabard dans Baisers Volés ou Bunuel qui lui demanda d'interpréter le sado-masochiste du Fantôme de La liberté. A propos du cinéaste espagnol, Lonsdale a glissé "qu'il l'était l'un des seuls réalisateurs où le fait que les acteurs jouaient mal dans ses films n'avait aucune importance" mais il a ajouté "qu'il était l''un des rares à avoir inventé jusqu'au bout." 


Jean Douchet et Michael Lonsdale 

L'acteur peut parfois se montrer acerbe envers un cinéaste qui l'a déçu comme Milos Forman sur le tournage des Fantômes de Goya dont il ne garde pas un bon souvenir.

Le grand public le connaît pour ses rôles d'hommes d'église, du Nom de la Rose à Des Hommes à des dieux en passant par Ma vie est un enfer où il interprétait l'archange Gabriel ! Mais on le connait aussi pour avoir endossé le rôle du méchant dans l'un des plus mauvais films de la série des James Bond Moonraker où le comédien avoue s'être "bien amusé".

Quant à son métier d'acteur, il déclare simplement : "je vis mon métier, je ne le réfléchis pas" avant de conclure modestement : "je suis étonné d'être là". 

A l'occasion de cet hommage, le comédien à présenté Les Hommes libres d'Ismaël Ferroukhi dans lequel il interprète le Recteur de la Mosquée de Paris Si Kaddour Ben Ghabrit durant la seconde Guerre Mondiale. Le film évoque une page d'histoire méconnue, le rôle de la communauté arabe à Paris en 1942 et les actes de résistance d'un émigré algérien joué par Tahar Rahim (la révélation d'Un prophète). Malgré ce sujet original, le film est terriblement scolaire, manquant de souffle et ne donnant aucune épaisseur à des personnages réduits à des silhouettes. (sortie le 28 septembre)

Les Hommes libres d'Ismaël Ferroukhi 

Laissons à Michael Lonsdale la dernière réplique dans un extrait savoureux de Baisers volés (1968).


Rétrospective Michael Lonsdale au cinéma le Champo jusqu'au 12 juillet. 
51, rue des Ecoles - 75005 Paris. 
Renseignements : www.pariscinema.org