mercredi 29 juin 2011

Paris Cinéma 2011


PROGRAMME

Pour sa neuvième édition, le festival Paris Cinéma accueille, du 2 au 13 juillet, plus de 250 films dans une quinzaine de lieux de la capitale. 

Huit longs métrages figurent dans la Compétition officielle dont La guerre est déclarée de Valérie Donzelli qui avait fait une ouverture triomphale à la Semaine de la critique lors du dernier festival de Cannes. On pourra découvrir dans cette sélection cinq premiers longs métrages venus du Liban, des Etats-Unis, de la Suède et du Mexique qui est cette année le pays à l'honneur. A cette occasion, le comédien et producteur Gael Garcia Bernal, la star de Carnets de voyage et de Babel, viendra assister à un hommage qui lui est consacré. 

Parmi les autres personnalités invitées, citons l'inoubliable interprète de Blue Velvet, Isabelle Rossellini, qui présentera le deuxième long métrage de Julie Gavras, 3 fois 20 ans. On pourra aussi découvrir Isabella Rossellini réalisatrice à travers sa série Green Porno

The saddest music in the world© Ed Distribution 

Le facétieux Michael Lonsdale, césarisé récemment pour son rôle de frère Luc dans Des hommes et des dieux, donnera une leçon de cinéma et évoquera sa riche carrière où il a croisé la route de Truffaut, Bunuel, Eustache, Losey, Ruiz ou encore Mocky. 

L'intriguant cinéaste Jerzy Skolimowski, primé à la dernière Mostra de Venise pour son animal Essential Killing, viendra également donner une leçon de cinéma. Une rétrospective intégrale de ses films permettra de mieux connaître un réalisateur qui a marqué le renouveau dans les années 60. S'éloignant rapidement de sa Pologne natale, il frappera les esprits avec des oeuvres fortes et sans concessions tel Travail au noir, Deep End et Succès à tout prix

Le festival est d'ailleurs un endroit idéal pour voir ou revoir ses classiques à travers Les ressorties de l'été. Don Siegel, le réalisateur de L'Inspecteur Harry, sera à l'honneur. Ne manquez surtout pas Les Proies, sa deuxième collaboration avec Clint Eastwood et sans doute son plus beau film. 

Les Proies de Don Siegel (1971)

Parmi les autres évènements, citons La Nuit du Cinéma au Forum des Images qui propose un petit tour du monde du cinéma trash, érotique et fantastique venu du Japon, du Mexique et des Philippines !

Egalement au programme le 25ème anniversaire du studio d'animation Pixar, de nombreuses avant-premières et un ciné-concert Les proies du vampire.

Comme l'an passé, quatre prix seront décernés (prix du jury, prix du public, prix des étudiants et prix des blogueurs) et la manifestation s'achèvera avec un Ciné Karaoké géant au Centquatre.

Mon Cinématographe couvre l'évènement et vous en reparle très vite ! 

Paris Cinéma - 2 au 13 juillet 2011
Retrouvez la programmation complète et toutes les informations sur le site du festival http://www.pariscinema.org/fr/ 


LECON DE CINEMA - MICHAEL LONSDALE 



L'acteur Michael Lonsdale est l'un des invités d'honneur de Paris Cinéma qui lui consacre une large rétrospective. L'éclectisme du comédien a de quoi surprendre, passant aisément d'un cinéma populaire à des oeuvres plus exigeantes. L'acteur facétieux nous a livré, en compagnie du critique Jean Douchet, une leçon de cinéma ludique précédée d'une oeuvre méconnue de Jean Eustache Une sale histoire dans laquelle Lonsdale raconte son expérience de voyeur dans les toilettes pour dames d'une brasserie parisienne. Il révèle ici une malice et un trouble fascinants que de prestigieux cinéastes sauront savamment exploiter.

Il a d'abord évoqué sa jeunesse, à Londres puis au Maroc où il se découvrit une passion pour le cinéma américain et en particulier pour les films de guerre. Revenu en France en 1947, il découvrit le théâtre grâce à l'apprentissage de Raymond Rouleau qui lui fit faire sa première audition.

Il raconte avec délice sa rencontre mémorable avec Orson Welles sur le tournage du Procès"Tout pour lui était prétexte à invention" dit le comédien du réalisateur de Citizen Kane. Après, les rôles au cinéma s'enchaîneront et sa rencontre en 1968 avec Marguerite Duras restera déterminante.

Il tourna avec de grands cinéastes dont Truffaut qui lui donna le délectable personnage du vendeur de chaussures Mr Tabard dans Baisers Volés ou Bunuel qui lui demanda d'interpréter le sado-masochiste du Fantôme de La liberté. A propos du cinéaste espagnol, Lonsdale a glissé "qu'il l'était l'un des seuls réalisateurs où le fait que les acteurs jouaient mal dans ses films n'avait aucune importance" mais il a ajouté "qu'il était l''un des rares à avoir inventé jusqu'au bout." 

Jean Douchet et Michael Lonsdale 

L'acteur peut parfois se montrer acerbe envers un cinéaste qui l'a déçu comme Milos Forman sur le tournage des Fantômes de Goya dont il ne garde pas un bon souvenir.

Le grand public le connaît pour ses rôles d'hommes d'église, du Nom de la Rose à Des Hommes à des dieux en passant par Ma vie est un enfer où il interprétait l'archange Gabriel ! Mais on le connait aussi pour avoir endossé le rôle du méchant dans l'un des plus mauvais films de la série des James Bond Moonraker où le comédien avoue s'être "bien amusé".

Quant à son métier d'acteur, il déclare simplement : "je vis mon métier, je ne le réfléchis pas" avant de conclure modestement : "je suis étonné d'être là". 

A l'occasion de cet hommage, le comédien à présenté Les Hommes libres d'Ismaël Ferroukhi dans lequel il interprète le Recteur de la Mosquée de Paris Si Kaddour Ben Ghabrit durant la seconde Guerre Mondiale. Le film évoque une page d'histoire méconnue, le rôle de la communauté arabe à Paris en 1942 et les actes de résistance d'un émigré algérien joué par Tahar Rahim (la révélation d'Un prophète). Malgré ce sujet original, le film est terriblement scolaire, manquant de souffle et ne donnant aucune épaisseur à des personnages réduits à des silhouettes. (sortie le 28 septembre)

Les Hommes libres d'Ismaël Ferroukhi 

Laissons à Michael Lonsdale la dernière réplique dans un extrait savoureux de Baisers volés (1968).


Rétrospective Michael Lonsdale au cinéma le Champo jusqu'au 12 juillet. 
51, rue des Ecoles - 75005 Paris. 
Renseignements : www.pariscinema.org


PALMARES


Le palmarès de la 9ème édition du festival Paris Cinéma a été dévoilé hier soir, en présence de sa présidente d'honneur, Charlotte Rampling. 

Comme l'on pouvait s'y attendre, c'est La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli qui a fait une véritable razzia, remportant trois des quatre prix décernés : prix du jury, prix du public et prix des blogueurs. Une unanimité que Mon Cinématographe sera sans doute l'un des rares médias à remettre en cause. Malgré les nombreuses qualités du film, on ne peut s'empêcher d'émettre quelques réserves que nous développerons largement lors de sa sortie le 31 août. Mais devant la faiblesse de la sélection, il s'imposait de toute évidence. 

La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli

Le prix des étudiants a récompensé The Prize de Paula Markovitch, présenté en compétition au dernier festival de Berlin. Une oeuvre aride et autobiographique sur une mère vivant retranchée avec sa fille dans une maison au bord de l'océan. Une manière subtile et délicate d'évoquer la dictature en Argentine et un beau portrait d'enfant. Le film n'a pas encore de date de sortie. 

The Prize de Paula Markovitch © Urban Distribution Int.

Enfin, le jury a décerné une mention spéciale à Sur la planche de Leïla Kilani qui relate le quotidien d'un gang de jeunes filles dans la ville portuaire de Tanger. Malgré la force de ses interprètes, le film ne dépasse jamais la simple chronique et peine à nous captiver (sortie le 1er février 2012). 

Sur la planche de Leïla Kilani  © Epicentre Films

Voici les photos de la cérémonie de clôture :

Charlotte Rampling, présidente d'honneur du festival

Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, primés à trois reprises pour La Guerre est déclarée

Leïla Kilani, mention spéciale du jury pour Sur la planche

Les membres du jury : Gilles Marchand, Pauline Lefèvre, 
Mathieu Demy, Lubna Azabal et Thierry Jousse

Vincent Cassel, Joséphine Japy et Dominik Moll venus présenter Le Moinefilm de clôture

Cinémathèque - Saison 2011/12


Serge Toubiana, le directeur de la Cinémathèque française, a dévoilé lundi la programmation de la saison 2011/2012. Alors que l'exposition Stanley Kubrick a compté son 100 000ème visiteur (un record!) qui s'est vu remettre des mains de Costa-Gavras le coffret Kubrick et un libre pass pour la saison prochaine (le veinard !), la Cinémathèque promet une année particulièrement dense qui verra l'arrivée de deux expositions évènements.

La première sera consacrée à Metropolis de Fritz Lang, l'un des monuments de l'histoire du cinéma. Conçue en 2009 par la Deutsche Kinemathek de Berlin, l'exposition proposera plus de deux cent oeuvres originales dont des extraits du scénario et de la partition musicale, des tableaux, dessins, accessoires, caméras et une collection unique au monde de plus de 800 photographies de plateau. 

Metropolis de Fritz Lang (1927). DR

Au mois de mars, c'est l'univers gothique et féérique de Tim Burton qui viendra envahir les locaux de la cinémathèque. Produite par le Museum of Modern Art de New York, l'exposition explorera toute l'étendue de l'oeuvre du réalisateur d'Edward aux mains d'argent. Dessins, sculptures, polaroïds grand format réalisés par l'artiste, accessoires, maquettes, soit 700 oeuvres exposées.

Tim Burton

Ces deux évènements seront accompagnés des rétrospectives des films de Fritz Lang (dont la version intégrale de Metropolis) et de Tim Burton qui en profitera pour donner une master class. Bien d'autres cinéastes seront à l'honneur et la sélection montre une fois encore l'éclectisme de la programmation : Blake Edwards, Nanni Moretti, Robert Altman, Bernardo Bertolucci, Alain Cavalier et Steven Spielberg qui devrait faire le déplacement pour l'occasion. 

Sans oublier un colloque international consacré au cinéma numérique qui aura lieu les 13 et 14 octobre et une célébration du 150ème anniversaire de la naissance de Georges Méliès le 8 décembre.

Une saison riche et diverse à découvrir dès le 24 août.

Metropolis du 19 octobre 2011 au 29 janvier 2012.
Tim Burton, l'exposition du 7 mars au 5 août 2012.
Retrouvez l'ensemble de la programmation sur le site de la Cinémathèque : http://www.cinematheque.fr/fr/saison-2011-2012.html

Pater


Le cinéma français s'intéresse enfin à la chose politique. Alors que La Conquête déroulait un récit des plus convenus sur l'accession au pouvoir, Pater brouille malicieusement les cartes de la fiction et de l'introspection. Durant plus d'une année, Alain Cavalier et Vincent Lindon ont endossé les rôles de président de la république et de premier ministre. Un rapport quasi filial lié également à la relation du réalisateur avec son comédien. Car la réalité et la fiction s'entremêlent au point de ne plus savoir si l'on se trouve devant l'acteur où l'homme politique.

Une démarche étonnante qui pourra en dérouter plus d'un. Depuis une décennie, Alain Cavalier a abandonné le cinéma "classique" au profit d'une caméra stylo qui se balade au gré de ses souvenirs et de ses réflexions. Sans équipe technique, il filme seul son duo avec Vincent Lindon qui lui-même prend la caméra pour filmer son président. Autour d'eux, une galerie d'amis, de parents qui jouent aux conseillers d'influence. Tournant dans l'appartement de l'un et de l'autre, Alain Cavalier propose au spectateur une expérience inédite de cinéma libre débarrassé de toutes les conventions. Avec une idée suprême que le président pose d'emblée en exergue : s'il existe un salaire minimum, pourquoi n'existerait-t-il pas un salaire maximum régi par la loi ?


Mais les lois de la politique étant ce qu'elles sont, le président lâchera ce concept impopulaire au profit de son premier ministre. Le débat d'idées s'en trouve renforcé et la notion d'engagement prend tout son sens. Mais on peut reprocher au cinéaste de se complaire dans une confortable réflexion en vase clos, loin de la réalité concrète. A moins qu'il ne s'agisse d'une métaphore sur les hommes politiques accusés d'être éloignés des problèmes de leurs concitoyens. 

Le stimulant dispositif d'Alain Cavalier trouve aussi sa limite à force de digressions et de répétitions. Et au moment où la rivalité entre le président et le premier ministre pouvait donner lieu à un face à face passionnant, le réalisateur préfère revenir au comédien Vincent Lindon en laissant de côté l'aspect politique. Ce jeu de rôles presque imperceptible est aussi une allégorie sur le métier d'acteur. Lindon, déguisé en premier ministre au point de s'y croire réellement, trouve un dénuement et une vérité que le cinéma ne lui avait encore jamais donné. Révélant pour la première fois devant la caméra ses tics que ses films ont l'habitude de gommer, il est saississant lorsqu'il s'emporte contre le propriétaire de son appartement. Une colère noire qui dit les nombreuses contradictions d'un comédien sincère mais pourvu, comme tous les acteurs, d'un certain égo. Nombriliste alors ? Peut-être. Mais il est rare de voir un comédien se livrer à ce point à un cinéaste dont l'art de la manipulation ne doit pas nous laisser dupes. 

Antoine Jullien



DVD disponible chez Pathé Vidéo.

lundi 27 juin 2011

Balada Triste


Alex de la Iglesia est un réalisateur qui n'a pas froid aux yeux. Après ses jouissives comédies (Mes chers voisins et Le crime farpait) et sa malencontreuse incartade britannique (Crimes à Oxford), le revoilà de retour dans un film-somme, tout à la fois pamphlet, film d'horreur, série B et nanar que le cinéaste dynamite avec une fougue et une envie de cinéma insatiable. 

Javier, le fils d'un clown mort sous les balles du général Franco, devient le clown triste d'un cirque où il va rencontrer l'amour de sa vie : Natalia. Mais pour conquérir la belle, il va devoir affronter son amant, Sergio, un homme brutal et rongé par la haine. 

Carlos Areces

Le cinéaste ibérique raconte bien autre chose que ce synopsis trop réducteur. Car Balada Triste ne s'appuie jamais sur ses deux jambes mais esquisse sans arrêt des pas de travers qui font bifurquer le récit vers des zones incertaines. Alex de la Iglesia est sans cesse sur le fil du sublime et du grotesque et l'on redoute à chaque instant que ce fragile équilibre ne vienne se fissurer. Le cinéaste, qui n'a pas peur du "mauvais goût", assume et revendique ses outrances jusqu'à l'écoeurement. Ebahi devant tant d'audaces, le spectateur ne sait quoi penser devant ce spectacle insensé. Film sur la monstruosité sous toutes ses formes, il est également un gigantesque règlement de comptes sur l'histoire d'un pays qui n'a pas encore pansé toutes les plaies du franquisme. 

Si le cinéaste a choisi le clown pour représenter cette époque, c'est qu'il ressentait la nécessité de l'exorciser à travers un prisme baroque et violent parsemé de surréalisme. L'incroyable énergie de la mise en scène sert parfaitement cette volonté en dessinant des personnages extrêmes et pathétiques mais ivres d'amour. Variation sur le thème de la Belle et la Bête, le film, en hommage à la superbe chanson Balada de la trompeta, prend des hauteurs hitchcockiennes où la démesure chère au réalisateur trouve toute sa place. Mais il ne s'agit nullement d'un gratuit déchaînement d'hémoglobine, le cinéaste raconte, à sa manière très personnelle, un passé honteux qui a contaminé toute une société. Le cinéma devient alors pour le réalisateur un exutoire fascinant, éprouvant, épuisant qui dégage une croyance contagieuse et enivrante dans cet étonnant medium. Les fantômes de Freaks rejoignent alors les plus improbables créatures felliniennes et se mettent à lancer ensemble un déchirant cri de désespoir. Devant l'eau tiède que l'on nous sert chaque semaine, Balada Triste fait un bien fou. Le cinéma comme art total ! 

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez M6 Video. 

mercredi 22 juin 2011

L'amour dans tous ses états

BLUE VALENTINE / POURQUOI TU PLEURES ? / BEGINNERS

Le cinéma a, depuis sa création, fait de l'amour son sujet de prédilection. Trois jeunes cinéastes reprennent à leur compte ce thème inusable aux variations multiples.


Dans Blue Valentine, l'américain Dereck Cianfrance filme la désintégration d'un couple à travers une galerie d'instants volés, passés ou présents. A la manière d'un Cassavetes, il laisse ses acteurs improviser afin de retrouver la vérité et l'essence de ces moments heureux et graves. Baladant les temporalités avec aisance et ballotant ses comédiens dans les incertitudes des sentiments, le cinéaste fait preuve d'une belle sincérité qui touche, de près ou de loin. Il a eu surtout le talent de créer une alchimie rare entre deux comédiens, Michelle Williams et Ryan Gosling qui apportent une authenticité troublante. On jurerait qu'il s'agit là d'un couple à la ville qui se désagrège réellement sous nos yeux. Malgré quelques longueurs, le cinéaste reprend à son compte le proverbe "les histoires d'amour finissent mal en général" en montrant le côté parfois irrationnel et inexplicable d'une désunion. 




Katia Lewkowicz, elle, nous raconte le futur mariage d'un jeune homme qui supporte de plus en plus mal cette décision cruciale. Face à sa soeur, sa mère, ses amis et sa future femme, son coeur balance entre émois post-adolescents et maturité d'adulte. Et puis ? Et bien pas grand chose. Vous ne serez pas surpris et rarement amusé devant cet énième portrait d'un trentenaire bobo dont les atermoiements ne nous intéressent guère. Dès les premières scènes, on se demande vraiment pourquoi le bougre a décidé de se marier, semblant l'avoir fait comme s'il s'agissait d'une mauvaise blague. L'inconséquence de ce choix rejaillit sur les faibles enjeux d'un film où la galerie de personnages secondaires caricaturaux et antipathiques finit par irriter. Seule Emmanuelle Devos, par moments assez irrésistible, arrive à tirer son épingle du jeu. Mais on ne peut pas en dire autant de notre "héros" interprété par un Benjamin Biolay amorphe de bout en bout. Autant on peut apprécier la nonchalance du chanteur, autant cette posture étalée sur tout un film devient un fardeau pour le spectateur. Avec des dialogues médiocres (on ne compte plus le nombre de "putain") et des séquences qui se répètent à loisir, Pourquoi tu pleures ? ne donne jamais envie de sortir son mouchoir mais plutôt de bailler aux corneilles. 





Malgré sa sourde mélancolie, Beginners est sans doute celui qui porte le plus d'espoir en l'amour. Les dernières images semblent nous le faire croire, laissant Ewan McGregor et Melanie Laurent sur un nouveau départ. Le réalisateur Mike Mills plante son décor dans un Los Angeles inédit et peu identifiable. En effet, la mégalopole ressemble plus à une tranquille ville de province où le temps s'étire qu'à la cité des anges si souvent dépeinte. Une incongruité en accord avec le style du film, dans la continuité des productions indépendantes américaines avec ses quelques défauts (une proportion un peu trop systématique aux effets décalés) mais avec une émotion qui vous étreint au moment où l'on s'y attend le moins. Ewan McGregor vient de perdre son père qui lui avait annoncé quelques temps auparavant son homosexualité. Désemparé, il récupère son chien, Arthur, puis fait la rencontre d'une comédienne esseulée. Comme dans Blue Valentine, Mike Mills alterne les époques, celle du père dans sa nouvelle vie, l'histoire d'amour à venir entre Ewan McGregor et Melanie Laurent, et les moments qu'Ewan McGregor enfant passait avec sa drôle de mère. D'une grande fluidité narrative, cet enchevêtrement pose de bonnes questions sur l'acception de soi et la capacité à trouver le bonheur, du moins une certaine sérénité. Le grand Christopher Plummer, au crépuscule de sa vie, y parvient magnifiquement, sous les yeux de son fils qu'il accepte du mieux qu'il peut. Evitant les clichés, Mike Mills apporte une belle sensibilité dans ce rapport filial mais s'égare un peu dans l'histoire amoureuse qui finit par s'essouffler, la faute à des personnages manquant un peu d'épaisseur. Même si les traits d'humour sont présents par petites touches et que la fantaisie pointe par endroits, Mike Mills réalise un film empreint d'une tristesse insoupçonnée qui réussit deux prodiges, celui de nous faire aimer les chiens (comment résister à Arthur ?) et celui, inouï, de rendre Mélanie Laurent enfin supportable !

Antoine Jullien

Interview Juliette Favreul Renaud


A l'occasion de la sortie en DVD de Women are heroes, Mon Cinématographe a rencontré Juliette Favreul Renaud, la productrice du film.


- Comment est né le projet ?

Je connaissais JR à l'époque de Sheitan, il faisait partie de la bande de Kourtrajmé (collectif de réalisateurs parrainé par Vincent Cassel et Mathieu Kassovitz). J'aimais beaucoup ses photos. Il avait déjà le projet Women are heroes avec lequel il avait fait une grande partie de l'Afrique. Un jour il me dit qu'il voudrait en faire un documentaire. Je trouvais l'idée bonne mais je souhaitais faire un documentaire pour le cinéma. On a donc décidé de faire des témoignages de femmes avec leurs visages exposés en très grand. Il y avait à la fois un aspect très artistique de JR montrant ses oeuvres et les témoignages émouvants, pris sur le vif et jamais truqués de toutes ces femmes. Pour la plupart, elles se sont vues en photo pour la première fois de leur vie ! 


- Qui est JR ? 

C'est un plasticien qui vient du street art. Il a commencé à coller ses photos en disant que la rue était sa galerie. Il les a donc accroché en très grand. Puis il s'est mis à les vendre.

Le réalisateur JR © Christopher Shay


- Quelle était l'idée principale de Women are heroes

Faire un témoignage de femmes oubliées, délaissées, méconnues qui ne demandent pas grand chose à part d'être reconnues par les leurs. Dans le film, il y a l'une des femmes de Nairobi qui dit : "Nous, on veut juste que les gens de la ville nous reconnaissent comme des femmes ayant les mêmes valeurs que les autres." Tout d'un coup elles existent l'espace d'un instant et ça les fait revivre.


- Vous aviez déjà de la matière avant de commencer la production ? 

JR avait tourné des images en Sierra Leone qui étaient très belles et que l'on a incorporé au film. Mais on a fait ensemble toute l'Afrique, l'Inde, le Cambodge et une grande partie du Brésil.

La fête de Holi en Inde © JR / Agence Vu


- Comment avez-vous rencontré ces femmes ? 

On a fait du porte à porte. On rentrait, on ne proposait jamais d'argent, on collait sans autorisation ou bien sur des maisons particulières appartenant à des gens qui voulaient bien participer.


- Quel a été le concours des populations, notamment dans la favela de Rio ? 

A Rio, on avait un chauffeur de taxi qui nous a permis de rentrer dans la favela. Là, on a commencé à rencontrer les trafiquants. C'était indispensable car si l'on voulait tourner et vivre trois semaines dans une favela, il fallait qu'on les ait avec nous. Mais d'expérience, je sais que quand vous allez vers les gens, que vous vous intéressez sincèrement à eux et que vous les respectez, ça fonctionne.

La favela de Rio © JR / Agence Vu


- Pourquoi avez-vous décidé de tourner avec l'appareil photo 5D ? 

On a démarré le tournage en février 2009 et l'appareil venait tout juste de sortir, on en a même rapporté un des Etats-Unis. JR étant photographe, il pensait que le 5D correspondait parfaitement à ce qu'il recherchait visuellement. De plus, pour faire du documentaire et rentrer dans la vie des gens sans être intrusif, l'appareil photo est beaucoup plus simple qu'une grosse caméra.


- Et comment s'est élaborée la séquence du time-lapse dans la favela ? 

C'est très simple. On prend une photo, on fait un pas, une photo, un pas. Puis on assemble les images très vite les unes après les autres. JR avait déjà tourné la déambulation dans la favela avec deux chefs opérateurs anglais. On a décidé de continuer car on trouvait cela intéressant, le fait de combiner une technique à la fois très ancienne et assez moderne. C'était son choix esthétique que j'ai totalement approuvé.


- Comment avez-vous pu réaliser la séquence du train au Kenya ? 

On est allé voir les personnes en charge des chemins de fer en leur demandant de nous prêter un train. On n'a pas pu l'immobiliser donc a collé les affiches durant trois nuits, de 19h30 à 6h du matin. La réalisation d'une séquence comme celle-là (demandes d'autorisation, collage, tournage) représente quinze jours de travail.

La séquence du train au Kenya © JR / Agence Vu


- Le film a t-il été difficile à monter financièrement au vu de son caractère atypique ? 

C'est un documentaire de long métrage donc cela se déroule comme une fiction normale, avec les mêmes coûts, mais dans une économie de documentaire. On a eu un budget de 960 000 euros avec Arte, Studio 37 et Wild Bunch comme partenaires financiers. Avec 480 heures de rushes, j'ai eu une post-production extrêmement lourde qui a duré plus de sept mois car il y a avait beaucoup de formats à gérer. La facture a donc été lourde.


- On a parfois reproché au film d'être une autopromotion de JR. A un moment donné, vous n'avez pas eu peur que ces portraits de femmes soient gâchés par une obsession esthétique qui privilégierait la forme au détriment du fond ? 

Si, bien sûr. On a eu des divergences sur ce point mais le réalisateur a le final cut ! Je pense toutefois que son public et au-delà avait envie de connaître son travail et de savoir comment il faisait.


- S'il y a un message, lequel vouliez-vous faire passer ? 

Je crois que le message, en tous cas pour nous européens, est un message d'espoir. On montre que ces femmes ont un courage immense et qu'il faut les aider. Women are heroes signifie que tout passe par les femmes. Ce sont elles qui élèvent les enfants et qui font leur éducation, c'est dans leurs mains que se tiennent les prochaines générations. Elles sont des victimes en temps de guerre et des piliers en temps de paix. Ce sont donc des héroïnes. 


Propos recueillis par Antoine Jullien 

Women are heroes de JR en DVD et Blu-Ray chez Studio 37.
La critique du film dans Mon Cinématographe.

mercredi 8 juin 2011

Une séparation


Asghar Farhadi fait partie des ces rares cinéastes qui bouleversent notre vision de la société. Contrairement à certains de ses confrères iraniens qui filment leur pays dans la clandestinité (voir Cannes Jour 5), le réalisateur d'A propos d'Elly réussit (mais pour combien de temps ?) à éviter la censure et ainsi nous montrer la société iranienne comme on ne l'avait encore jamais vue. Car au-delà d'une radiographie d'un pays qui nous semblerait, tant par son système que par ses traditions, loin de nous, Asghar Farhadi tend vers l'universel grâce à sa description des rapports humains, d'une force peu commune. 

Lorsque sa femme le quitte car elle souhaite vivre à l'étranger, Nader engage une aide-soignante pour s'occuper de son père malade. Il ignore alors que la jeune femme est enceinte et a accepté ce travail sans l'accord de son mari, un homme psychologiquement instable... 

Le réalisateur Asghar Farhadi

Il est préférable de ne pas trop en dire tant Une séparation se nourrit de situations inattendues et de comportements qui ne le sont pas moins. Le film oppose deux familles, l'une issue d'une classe plutôt aisée dont les époux sont séparés mais qui, pour un temps, vont tenter de se reformer et l'autre, plus pauvre et fortement ancrée dans la religion. Cette confrontation offre au long métrage des instants de tension insoupçonnés que le cinéaste décuple grâce à une caméra discrètement mobile qui capte les mouvements, parfois incontrôlés, de ces protagonistes emportés par une soif de justice et de vérité. Grâce à cet Iran que le réalisateur filme de manière si familière, on se trouve d'autant plus touché par le drame qui se joue devant nous, aux ramifications multiples. 

Mais c'est la complexité de l'être humain qu'Asghar Farhadi saisit de manière éclatante. Rarement on  aura éprouvé de tels sentiments contradictoires devant un film car le point de vue que l'on pouvait avoir sur l'un des personnages se trouve brusquement balayé par la scène suivante. Dans cette palpitante intrigue, chacun a ses raisons qui peuvent toutes nous sembler justes. Un scénario d'une extraordinaire finesse psychologique sans qu'à aucun moment le cinéaste ne veuille délivrer de message. Le spectateur, lui, la gorge serrée et le souffle coupé, a le coeur qui palpite tant cette histoire finit par le passionner.

Leila Hatami et Peyman Moadi, primés au Festival de Berlin

Le cinéaste a eu le suprême talent de ne jamais porter de jugement sur aucun des protagonistes et lorsque le film s'achève, on ne mesure pas encore avec quelle intensité il a conduit son récit. Soudain, les problèmes humains se confrontent aux problèmes de la société iranienne et Asghar Farhadi dresse alors un tableau sans concession de l'asservissement de la religion et surtout de la place des femmes. L'une et l'autre, diamétralement opposées, incarnent deux portraits de la femme iranienne dans toute leur humanité. Selon le cinéaste, "l'affrontement entre elles n'est pas celui du bien et du mal. Ce sont simplement deux visions contradictoires du bien. Et c'est en cela qu'il s'agit d'une tragédie moderne. Le conflit éclate entre deux entités positives, et j'espère que le spectateur ne souhaitera pas que l'une triomphe au détriment de l'autre". Aucune ombre de victoire à la sortie du film mais une incertitude qui ne trouvera pas de réponse. En revanche, la seule assurance que l'on ait est que l'on vient d'assister à un film d'une très grande ampleur, l'Ours d'or le plus incontestable depuis longtemps. 

Antoine Jullien 



Retrouvez le compte-rendu du DVD/Blu-Ray d'Une Séparation ICI

mardi 7 juin 2011

Bande-Annonce de Millenium


Après son succès faramineux en librairie et son adaptation suédoise au cinéma, voilà que la trilogie Millenium de Stieg Larsson fait de nouveau parler d'elle. Au cinéma toujours, mais sous l'égide de l'américain David Fincher. Le maestro nous propose sa relecture de cette histoire tortueuse aux confins du mal dans les paysages enneigés de la Scandinavie. 

A l'annonce de cette nouvelle, on peut sembler surpris qu'un cinéaste comme Fincher s'attaque à un remake et non à un sujet plus original. Mais au regard du palmarès conséquent du monsieur (The Social Network, Seven, Fight Club, Zodiac...) , on ne peut que piaffer d'impatience. A la vue de la première bande annonce, on retrouve bien l'univers graphique du roman. Daniel Craig interprète le journaliste Mikael Blomkvist tandis que la prometteuse Rooney Mara, déjà au générique de The Social Network, campe la magnétique et mystérieuse Lisbeth Salander. Millenium - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes sortira le 21 décembre aux USA et le 18 janvier 2012 en France.

mercredi 1 juin 2011

Rétrospective Stanley Kubrick


A partir d'aujourd'hui, Warner Bros propose une rétrospective de sept films de Stanley Kubrick, projetée dans toute la France pour la première fois en copie numérique. Alors que l'exposition consacrée au cinéaste se déroule à la Cinémathèque française jusqu'au 31 juillet, voilà une occasion unique de voir et revoir les films du maître dans des conditions exceptionnelles. 

L'ordinateur qui meurt de 2001: l'odyssée de l'espace, la poursuite dans le labyrinthe de Shining (dont on peut voir la version américaine inédite de 2h25), le meurtre de la femme aux chats d'Orange Mécanique, le regard langoureux de Sue Lyon dans Lolita, le déhanché majestueux de Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut et les entraînements virils de Full Metal Jacket, autant d'images gravées dans les mémoires de tous les spectateurs qui ont eu, un jour, le privilège de regarder un film de Stanley Kubrick. 

Retrouvez la critique d'Eyes Wide Shut, son oeuvre posthume sortie en 1999.

La bande-annonce de la rétrospective :



Voici la liste des salles partenaires de l'évènement :

Paris / MK2 Bibliothèque et Filmothèque Quartier Latin 
Dijon / Eldorado 
Strasbourg / Star 
Lille / Majestic 
Nancy / Caméo 
Rennes / Ciné TNB 
Metz / Caméo 
Nantes / Katorza 
Beauvais / Cinéspace 
Toulouse / Utopia 
Brest / Studios 
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Le complexe du castor


Le choix d'un acteur suffit parfois à susciter la curiosité d'un film. Pour sa troisième mise en scène, Jodie Foster a voulu plonger Mel Gibson dans les affres de la dépression. Le comédien, sur le banc des accusés suite à ses dérapages antisémites et ses violences conjugales, n'est plus en odeur de sainteté à Hollywood. Dans le complexe du Castor, on le retrouve dans la peau de Walter Black, un homme aux abois, s'éloignant de sa femme (jouée par l'actrice) et de ses enfants jusqu'au moment où une marionnette qu'il prénomme The Beaver prend possession de lui-même au point de ne parler à son entourage qu'à travers elle. 

Un sujet intriguant que Jodie Foster traite avec une sobriété qui lui est propre. L'intelligence de la comédienne rejaillit sur la cinéaste qui devait éviter de sombrer dans le pathos familial. Son personnage de femme aimante qui veut à tout prix que son mari retrouve les siens joue le jeu du castor dans un premier temps, croyant qu'il s'agit là d'une thérapie. De ces moments découlent quelques scènes étranges où la question de la normalité est remise en question. Ne s'adresser qu'à une créature et non plus à l'être aimé déroute et Jodie Foster n'hésite pas à ébrécher nos certitudes, notamment lors de scènes d'amour où le castor se met à interférer dangereusement dans l'intimité du couple. 

Jodie Foster et Mel Gibson 

La folie semble alors gagner Walter et sa créature le vampirise peu à peu. Le film nous interroge sur notre rapport à nous-mêmes, lorsque, dégouté de soi, on ne s'accepte plus et l'on s'invente un personnage imaginaire, le seul à même de nous faire supporter le reste du monde. Une impasse qui conduira Walter à un geste inattendu. On croit le film parti dans une sombre direction mais Jodie Foster décide de revenir sur des rails plus sages. 

En effet, dans sa dernière partie, l'actrice-réalisatrice laisse de côté son sujet dérangeant pour un retour à la famille rassurant et convenu. Sa mise en scène devient plus hollywoodienne et se prend les pieds dans les clichés en établissant un parallèle un peu lourd entre Walter et son fils. Cette seconde intrigue moins inspirée aurait du laisser plus de place à l'évolution de Walter. Malgré tout, Jodie Foster a su apporter sa petite musique dissonante, et, bien qu'elle ait manqué d'audace, elle a donné à Mel Gibson le grand rôle qui lui manquait, le comédien s'abandonnant superbement grâce à la confiance portée en sa réalisatrice. Un bel acte d'amitié.

Antoine Jullien



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