mardi 28 septembre 2010

Les premières images du nouveau Coen

Les premières images  de True Grit, le nouveau film des frères Coen, viennent d'être dévoilées et elles promettent un monument cinématographique digne de leurs plus grands chefs d'oeuvre.

Pour la deuxième fois de leur carrière après l'immense No Country for old men, ils adaptent un roman signé Charles Portis et déjà porté à l'écran par Henry Hattaway dans Cent dollars pour un shérif, un western daté qui avait tout de même permis à John Wayne de décrocher tardivement l'unique oscar de sa carrière.

Pour venger la mort de son père et retrouver son assassin, une jeune fille fait appel à Rooster Cogburn, un marshall borgne qui n'a peur de rien et à un Texas Ranger assoiffé d'argent.

Interprété par un majestueux trio d'acteurs, Jeff Bridges, Matt Damon et Josh Brolin, True Grit marque le retour des frangins à la noirceur et à la mélancolie. Le 23 février 2011 n'a jamais paru aussi loin !

mercredi 22 septembre 2010

Scorsese à Paris

Il y a quelques semaines, Martin Scorsese était de passage dans la capitale pour tourner quelques scènes de son nouveau film The invention of Hugo Cabret. Après la Sorbonne, le maestro avait investi le square Louis Jouvet à côté de l'opéra. 

Pour rappel, le film se déroule dans le Paris des années 30 et s'intéresse à un orphelin de 12 ans qui vit dans une station de métro et tente d'achever la tâche que son père avait commencé avant sa mort, à savoir résoudre le mystère d'un automate en panne. 

Votre serviteur était sur le tournage et a pu voir deux cent cinquante techniciens, français et britanniques, s'affairer auprès de la rue enneigée reconstituée pour l'occasion. Quelques photos prises sur le plateau vous donneront un aperçu de l'ensemble. 

Hugo Cabret, tourné en 3D (une première pour Scorsese), avec Ben Kingsley, Jude Law et Sacha Baron Cohen, sortira en décembre 2011. 








mardi 21 septembre 2010

The Housemaid et The Town


Im Sang-Soo avait faite forte impression avec Une femme coréenne et The president's last bang. Deux longs métrages où la mise en scène la plus sophistiquée servait un propos particulièrement acide sur la société coréenne. Avec The housemaid, le cinéaste réalise le remake du film éponyme de Kim Ki-Young datant de 1960. Soit, dans une luxueuse villa au milieu d'un paysage enneigé, l'arrivée d'une bonne qui va rapidement devenir la maîtresse du richissime maître de maison. Jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte et que tous les moyens soient bons pour la faire disparaître. 

La mise en scène du cinéaste est, dès les premières minutes, immédiatement séduisante.  Grâce à sa virtuosité de la caméra et son sens diabolique du cadrage et de l'espace, le cinéaste installe ses personnages dans un monde raffiné dénué d'âme. L'apparition des différents protagonistes créé un univers peuplé de créatures déshumanisées dans laquelle la jeune soubrette va curieusement prendre ses marques. Pour un temps seulement.

Jeon Do-Yeon

Im Sang-Soo a voulu dépeindre une société avide de pouvoir et prête à tout pour arriver à ses fins. A voir le désarmant sourire lancé par le maître de maison à ses proches, tout s'achète, y compris sa bonne qui accepte sans rechigner. Mais si le cinéaste voulait nous montrer que les barrières morales ont disparu, le discours semble un peu daté et le sujet sulfureux d'alors devient vite réchauffé.

Le cinéaste n'est pas aidé par des personnages ultra caricaturaux et très prévisibles. De la méchante belle-mère à la pauvre femme trompée, Im Sang-Soo n'arrive jamais à leur donner d'épaisseur. Quant à la servante, ses réactions semblent totalement incohérentes jusqu'à la scène finale confinant au grotesque théâtral. Seule la gouvernante révèle une ambiguité intéressante, obligée de faire le sale boulot pour des gens qu'elle méprise.

Enfin, la recherche esthétique d'Im Sang-Soo finit par se retourner contre lui. Etant incapable d'apporter un regard nouveau sur cette histoire, il multiplie les effets de manche sans convaincre. Une réelle déception de la part d'un homme qui nous avait étonné par le passé. Espérons qu'il s'agisse d'une simple erreur de parcours.



En voulant passer à la mise en scène, Ben Affleck a décidé de se racheter une conduite. Après Gone baby Gone, il réalise son second long métrage, The Town, situant son histoire dans l'un des quartiers les plus dangereux de Boston, Charlestown, où les braquages sont monnaie courante. Son personnage commet un casse spectaculaire mais sa bande laisse libre un témoin clef.... qui va tomber amoureuse du braqueur. Une idylle qui se complique à mesure que l'étau de la police se resserre. 

L'acteur Ben Affleck n'avait pas grand chose à défendre. Le réalisateur a certainement plus d'armes dans sa besace mais n'est pas un grand cinéaste pour autant. La preuve est faite à la vision de cette banale série B.

Ben Affleck et Jeremy Renner

Certes, il sait installer une ambiance et filmer très correctement des braquages même s'il abuse jusqu'à plus soif de plans aériens sur-signifiants. Mais avec un scénario mal fichu qui donne trop de place à des sous intrigues inutiles, le réalisateur n'arrive jamais à imprimer sa patte et se contente de filmer assez platement son histoire. 

Le spectateur a constamment dix longueurs d'avance sur l'intrigue et doit subir des clichés revus et rebattus (la relation des deux frères amis-ennemis, l'histoire amoureuse). Heureusement, les comédiens, malgré des personnages archétypaux, s'en sortent bien, à commencer par le fougueux Jeremy Renner (la révélation de Démineurs). 

Il faut donc replacer le film pour ce qu'il est, à savoir un honnête polar du samedi soir pas déplaisant mais sans surprise et qui s'oublie aussitôt les lumières de la salle rallumées.

Antoine Jullien


Des Hommes et des Dieux


L'universel et le sacré. Délicate mission pour Xavier Beauvois que d'unir ces deux absolus. En racontant le destin tragique des moines cisterciens de Tibhirine, le réalisateur souhaitait dépasser les frontières sociales et religieuses pour tenter de percer le mystère de la foi. Un exercice d'équilibriste tenu jusqu'au bout. Peut-être trop.

En 1996, le GIA islamique sème la terreur en Algérie. Devant les massacres à répétition, les moines s'interrogent sur leur sort. Doivent-ils quitter le pays et abandonner la population dont ils sont le seul recours ? Où bien rester, au-delà de toutes les considérations ?

Ce dilemme, Xavier Beauvois le raconte crescendo. Il s'intéresse d'abord à la vie des religieux à travers leurs activités quotidiennes. Avec une économie de moyens remarquable, le cinéaste filme superbement le chant, la préparation d'un repas, la cultivation du jardin.  Il montre également leur intégration au sein de la population et l'aide qu'ils apportent aux habitants grâce au personnage du médecin joué par le facétieux et sublime Michael Lonsdale.

Lambert Wilson et Michael Lonsdale 

Plus la terreur s'amplifie et plus les dissensions entre les moines se font jour. Certains veulent partir du monastère, d'autres rester coûte que coûte. Ces conversations, rares moments de paroles dans un monde de silence, donnent la parole à des hommes qui ne veulent pas renoncer à cet amour "plus grand", quitte à se montrer presque étrangers au chaos qui les entoure.

Mais Beauvois a l'intelligence de faire surgir des contradictions. Ainsi, le personnage rebelle d'Olivier Rabourdin, qui doute de plus en plus et ne veut pas se "faire massacrer gentiment", révèle bien le terrible choix que ces hommes doivent entreprendre. La mort est au bout du chemin, ils le savent, et malgré tout, ils accepteront leur destinée.

Olivier Rabourdin

Cependant, aucune trace d'héroïsation dans ces portraits. Même le plus grand des athées ne peut rester insensible devant l'humanisme des moines. De plus, Xavier Beauvois sait les rendre vivants en les filmant comme dans un tableau sans pour autant les momifier. Et il trouve, lors de deux grandes scènes, une force de mise en scène qui résume à elle seule leur engagement : le chant couvert par le bruit assourdissant des hélicoptères de l'armée et le dernier repas accompagné du Lac des Cygnes de Tchaïkovski. Là, un miracle s'opère. Le cinéaste, aidé par sa chef opératrice Caroline Champetier, capte, en gros plans, les visages de ces hommes, sereins au début, puis bouleversés.

Grand Prix du festival de Cannes, Des Hommes et des Dieux est un film puissant. Qu'est-ce qui altère alors (modestement) notre jugement ? Des scènes à l'extérieur du monastère moins convaincantes ? Une interprétation à géométrie variable ? Quelques longueurs contemplatives ? Non, sans doute pas. Mais que Xavier Beauvois, dans sa noble ambition, ait réalisé une belle oeuvre dénuée d'audace (on ne saura rien sur les auteurs du massacre, par exemple) laisse pointer un bémol. Les partis pris forts ont parfois du bon.

Antoine Jullien