Deux premiers films à découvrir cette semaine. On commence avec Rien de personnel, premier long métrage de Mathias Gokalp et présenté à la Semaine de la critique au festival de Cannes.
Dans un somptueux château, la société Muller organise une réception donnée à l'occasion du lancement d'un nouveau produit. On comprend très vite qu'il s'agit d'un test de coaching grandeur nature dans lequel chaque employé joue un rôle.
Le cinéma français s'est mis depuis quelques années à traiter le monde du travail et ses compromissions. La première originalité du film de Mathias Gokalp, c'est qu'il le traite sous forme de jeu. En effet, ces coachings sont censés évaluer les aptitudes et les capacités des cadres de l'entreprise. Subtilement, le cinéaste fragmente son tableau car il nous dévoile l'intégralité des scènes au fur et à mesure que le film avance et en fonction du point de vue des personnages. Il éclaire ainsi les motivations réelles des uns et des autres. De ce jeu de dupes manipulateur, il nous brosse très habilement un portrait impitoyable de l'entreprise mais jamais manichéen. Dans cette affaire, tout personne est à la fois victime et bourreau et c'est le système dans son ensemble qu'il dénonce plus que les individus, courageux et lâches à la fois.
Un film surprenant, très bien écrit, renforcé par une remarquable brochette d'acteurs parmi lesquels Jean-Pierre Darroussin, Denys Podalydès et Mélanie Doutet. Même si parfois, le film pêche par quelques invraisemblances, il se distingue vraiment du formatage habituel par son acidité et son mordant sur un monde dont les règles n'ont pas changé, crise ou pas. Salutaire.
Changement total d'univers avec District 9, premier long métrage là-aussi de Neill Blomkamp et produit par Peter Jackson, le réalisateur de King Kong et du Seigneur des Anneaux. L'action du film se situe à Johannesburg. Il y a vingt-huit ans, un vaisseau extraterrestre en perdition s'est échoué dans la mégalopole sud africaine. Dans l'urgence, les aliens ont été parqués dans un camp de réfugiés. Mais la société MNU en charge du camp veut a tout prix faire fonctionner leur extraordinaire armement. Ils décident alors de les déloger...
La première partie est absolument saisissante. A la manière d'un faux documentaire avec les témoins clés de l'affaire, le réalisateur relate les faits et les inscrits dans un contexte terriblement actuel, les aliens étant bien sûr une métaphore de l'Apartheid. Il filme un monde déshumanisé, cynique et violent avec une maîtrise rare. Le malaise s'installe progressivement et on est frappé à quel point cette histoire, a priori "fantastique", ait autant d'accents de vérité. Cette sensation est amplifiée par le réalisme des images, notamment lors de séquences vidéo montrant le vaisseau des aliens.
C'est dans la seconde partie que le film change de route. Le réalisateur suit l'un des employés de MNU poursuivi par ses employeurs pour des raisons que je vous laisserai le soin de découvrir. Le film devient alors une banale série B où le traqué va se nouer d'amitié avec un alien qui tente lui aussi de s'échapper. Les enjeux politiques disparaissent, l'effroi laisse place au pur divertissement. Peter Jackson, défendant son jeune poulain, a déclaré qu'au moment où Hollywood ne faisait que des films adaptés de jouets pour enfants (cf Transformers), il était important pour lui de défendre un cinéma libre et audacieux. On se demande alors qui du producteur ou du réalisateur s'est dit qu'à un moment donné, il serait temps de revenir sur de bons rails. Le film finit donc par prendre des sentiers aussi balisés que convenus et rappelle étrangement les blockbusters estivaux dénoncés par le même Jackson. L'arroseur arrosé.
District 9 est devenu un très gros succès au box-office américain. Avec beaucoup d'efficacité, quelques effets mélo superflus, pas mal de clichés et un vrai/faux happy end, il est certain que Jackson and Co en soient pour quelque chose.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
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