vendredi 26 février 2016

L'hécatombe avant les prix

La planète cinéma est en deuil. Presque chaque jour depuis le début de l'année 2016. Une hécatombe qui frappe les acteurs et les cinéastes à un rythme infernal. Ainsi, Michel Galabru, David Bowie, Alan Rickman, Ettore Scola, Jacques Rivette, Andrzej Zulawski, Valérie Guignabodet et François Dupeyron nous ont quitté en l'espace de quelques semaines. Sans oublier deux illustres directeurs de la photographie, le hongrois Vilmos Zsigmond, l'un des fers de lance du Nouvel Hollywood qui a éclairé un nombre conséquent de grands films (Délivrance, Voyage au bout de l'enfer, La Porte du paradis) et le britannique Douglas Slocombe, mort à 103 ans, connu pour la saga Indiana Jones. Afin de ne pas les oublier, et à quelques heures des Césars et des Oscars, voici un retour non exhaustif sur l’œuvre de trois d'entre eux.

François Dupeyron

On l'a appris hier, François Dupeyron est décédé à l'âge de 65 ans. Un franc tireur dans le cinéma français, souvent à la marge, qui se plaignait d'ailleurs, lors de la sortie de son ultime long métrage, le très beau et âpre Mon âme par toi guérie, des difficultés de plus en plus grandes qu'il devait surmonter pour monter ses films. Un réalisateur qui a démarré sa carrière en dirigeant deux monstres sacrés, Deneuve et Depardieu, dans Drôle d'endroit pour une rencontre qui fut un succès en 1988. Par la suite, il connaît diverses fortunes (Un cœur qui bat, La Machine) avant La Chambre des Officiers en 2001, récit fort et poignant des gueules cassées durant la Grande Guerre. Présenté en compétition au festival de Cannes, le film est également distingué aux Césars de même que Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran en 2003, adapté de la pièce d'Eric-Emmanuel Schmidt, qui vaut à Omar Sharif la statuette du meilleur acteur. François Dupeyron remplaça également Claude Berri sur le tournage de son dernier film, Trésor, et fut le scénariste de Nicole Garcia pour Le Fils Préféré. Une personnalité singulière dont la profonde sensibilité a irrigué toute l’œuvre. 

 

Andrzej Zulawski
 
A l'instar de Roman Polanski et Jerzy Skolimowski, Andrzej Zulawski a fait partie de cette brillante génération de cinéastes polonais qui a bousculé les convenances cinématographiques. Né à Lvov en 1940, le réalisateur subit les horreurs de la guerre avant que son père, délégué à l'Unesco, le fasse venir en France à plusieurs reprises. Ses deux premiers longs métrages, Troisième partie (1971) et Le Diable (1972) sont censurés par le régime communiste polonais. Exilé en France, il marque les esprits grâce à L'Important c'est d'aimer où Romy Schneider livre l'une de ses plus bouleversantes interprétations. Le film résume bien l’œuvre du cinéaste qui aimait filmer l'amour comme un torrent de violence et d'excès. Possession avec Isabelle Adjani porte cette veine à son paroxysme, aux confins du fantastique et de l'horreur. Puis sa rencontre avec Sophie Marceau, qui devient sa femme, accouchera d'une série de films moins inoubliables (L'amour braque, Mes nuits sont plus belles que vos jours, La Fidélité). Après quinze ans d'absence, il signe en 2015 Cosmos, sous l'égide du producteur Paolo Branco. Il s'est éteint à l'âge de 75 ans. 




Ettore Scola

Ettore Scola a réalisé trois chefs d’œuvre à la suite, un fait rare pour être signalé. Entre 1974 et 1977, il sort Nous nous sommes tant aimés (1974), Affreux, sales et méchants (1976) et Une journée particulière (1977) qui lui vaudront notamment le prix de la mise en scène au festival de Cannes et l'Oscar du meilleur film étranger. Un sommet dans sa carrière qui débuta à l'orée des années 50 où il collabore aux scénarii de plusieurs films de Dino Risi dont Le Fanfaron et Les Monstres. Il signe en 1964 son premier long métrage, Parlons femmes, puis en 1970 Drame de la jalousie avec Marcello Mastroianni. Chronique désenchantée et nostalgique d'un groupe d'amis sur trente années, Nous nous sommes tant aimés connait un succès mondial. Affreux, sales et méchants deux ans plus tard fait de lui le scrutateur impitoyable des petites gens avec une férocité et un humour ravageurs. Une journée particulière marque l'aboutissement de son œuvre, un huis clos intense et magnifique au cœur de l'Italie fasciste dans lequel Sophia Loren joue une ménagère malheureuse et Mastroianni un intellectuel persécuté par le régime. Ses films suivants (La terrasse, La famille, Quelle heure est-il ?) sont plus inégaux malgré le succès du Bal en 1983 qui remporte le César du meilleur film. Son documentaire sur son ami Fellini, intitulé Qu'il est étrange de s'appeler Federico, et présenté à la Mostra de Venise en 2013, sera son dernier film. 

Antoine Jullien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire