samedi 31 janvier 2015

Foxcatcher


Bennett Miller n'est pas un réalisateur tapageur. Trois films en dix ans (Truman Capote, Le Stratège, Foxcatcher), une mise en scène tout en retenue au service de brillants scénarios. Inspiré de l'histoire véritable de John du Pont et des frères Schultz, Foxcatcher représente l'aboutissement d'une démarche artistique admirable dans sa modestie et sa réussite, qui a valu au cinéaste un mérité prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. 

En 1987, Mark Schultz, champion olympique de lutte, est invité par un milliardaire excentrique, John du Pont, à emménager dans sa luxueuse demeure familiale afin de s'entraîner en vue des prochains Jeux Olympiques de Séoul. Il intègre l'équipe Foxcatcher, parrainée par Du Pont qui va représenter pour lui une sorte de père de substitution. Il lui permet aussi de se dégager de la présence de son frère, Dave, lutteur lui aussi. Mais la relation entre Mark et du Pont se détériore et celui-ci est obligé de demander à Dave d'aider son frère à reprendre l'entraînement. 

 Channing Tatum et Steve Carell

La discrétion de Bennett Miller, la précision de ses plans, l'architecture savante mais quasi invisible de sa réalisation confèrent à Foxcatcher une grande puissance dramatique. Fidèle au fait divers mais prenant certaines libertés par endroits, le cinéaste filme d'abord le rapport complexe entre deux hommes qui ont le même besoin impérieux de l'estime de l'autre. Du pont a souffert d'une existence solitaire,  ayant comme seul prétendu ami un petit garçon payé par sa mère. Mark Schultz, lui, a toujours vécu dans l'ombre de son frère aîné. Dans une ambiance feutrée aux couleurs automnales, une relation étrange, empreinte d'un certain paternalisme, s'instaure entre eux avant que le déséquilibre manifeste de du Pont ne contamine l'athlète. Bennett Miller a l'intelligence de soulever plusieurs interprétations en n'en n'excluant aucune. Si l'on peut lire un sous-texte homosexuel autour des deux personnages, notamment lors de quelques séquences ambigues, rien pour autant ne permet de l'affirmer.

C'est également une histoire de domination que dépeint finement le réalisateur. L'autorité grandissante de du Pont sur son poulain le déstabilise progressivement si bien qu'à l'arrivée du frère, les deux hommes ne se parleront plus. La caméra du cinéaste les situe souvent dans le même cadre comme si Mark ne pouvait se défaire de la présence envahissante de celui qui veut en faire son champion et, au-delà, sa propriété. Le film devient aussi une métaphore de la puissance de l'argent et de son pouvoir symbolisé par le bureau de du Pont qui ressemble curieusement à celui du président des États-Unis.

Steve Carell

Le film est aussi passionnant par la personnalité de du Pont, exceptionnellement incarné par Steve Carell, méconnaissable dans un contre-emploi qui fera date. L'acteur compose son personnage à l'aide d'une gestuelle empreintée et disgracieuse qui lui donne un côté ridicule et pathétique qui atteint son paroxysme lorsqu'il se met lui-même à combattre et rétribuer en douce ses concurrents pour lui assurer la victoire. Car du Pont quête obstinément la reconnaissance maternelle qui ne viendra pas. A la mort de sa mère, dans une scène bouleversante, il lâchera les chevaux, enfin libre de son emprise. 

L'interprétation de Steve Carell ne doit pas faire oublier celles tout aussi remarquables de Channing Tatum et Mark Ruffalo qui campent ces deux frères que les circonstances vont finir par rapprocher. L'issue tragique de leur histoire nous interroge sur les réelles motivations des trois protagonistes qui ont, consciemment ou non, jouer un jeu dangereux. Alors que, dans les faits, du Pont a été reconnu atteint de schizophrénie paranoïde, Bennett Miller reste délibérément équivoque, laissant les portes ouvertes. Œuvre complexe, subtile, intense, Foxcatcher n'a pas fini de nous questionner.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h15
Réalisation : Bennett Miller - Scénario : E. Max Frye et Dan Futterman
Avec : Steven Carell (John du Pont), Channing Tatum (Mars Schultz), Mark Ruffalo (Dave Schultz), Vanessa Redgrave (Jean du Pont).  




Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo.

vendredi 30 janvier 2015

Coppola, invité d'honneur de Toute la mémoire du monde


Le parrain est à Paris cette semaine à l'occasion de la 3ème édition de Toute la mémoire du monde à la Cinémathèque française. La manifestation questionne la préservation du patrimoine cinématographique en présentant de nombreux longs métrages restaurés, des incunables et quelques raretés.   


La raison pour laquelle Francis Ford Coppola a honoré l'évènement de sa présence est sa contribution décisive à la restauration en cours du Napoléon d'Abel Gance. Sorti en 1927, le (très) long métrage, d'une durée variant de 4h à 9h30, a subi une carrière chaotique. Echappant à son créateur, les versions du film vont se succéder durant des décennies (on en dénombre 22 !) sans qu'on ne puisse réellement savoir quelle était celle que le cinéaste avait proposée au public lors des premières projections données à l'Opéra Garnier puis au cinéma l'Apollo. Seulement munis du scénario, les différents restaurateurs (Henri Langlois, Kevin Brownlow, Bambi Ballard) s'en sont approché avant que Georges Mourier, chargé d'une nouvelle reconstruction du film, ne découvre le séquencier original et surtout ne constate, en numérisant les 100 000 mètres de pellicule visionnés, que les quatre cent boîtes retrouvées mélangeaient deux négatifs différents. 

Napoléon d'Abel Gance (1927)

Cette trouvaille essentielle a engendré l'actuelle restauration de Napoléon dont les droits mondiaux ont été acquis par Francis Ford Coppola. Le réalisateur d'Apocalypse Now a évoqué son attachement à ce film hors normes qui lui avait provoqué la même fascination qu'Octobre d'Eisenstein. Il demanda même à son père, Carmine, de réorchestrer la musique du film lors d'une projection triomphale au Radio City Hall de New York en 1981. Il a eu le privilège, comme nous, de découvrir en avant-première un extrait du film, celui de la Marseillaise, dans son ancienne version et dans celle, inédite, en cours de réalisation. On mesure, ébloui, le travail titanesque entrepris pour rendre ses lettres de noblesse à une œuvre fondatrice de l'histoire du cinéma qui subjugue par son invention, ses effets de montage, ses surimpressions, son utilisation de la caméra à la main et son fameux triptyque, la projection sur trois écrans. Cette renaissance, basée sur la version originelle dite Apollo, devrait se prolonger encore un an et demi pour accoucher d'une version définitive de 6h30, la plus proche de celle voulue par Abel Gance. Inutile de dire qu'elle fera l'évènement. 

Francis Ford Coppola

Coppola a également présenté au public plusieurs de ses films des années 80 parmi lesquels le dispensable Peggy sue s'est mariée et l'enthousiasmant et attachant Tucker, un portrait en creux de l'artiste qui s'est reconnu en la personne de Preston Tucker, un entrepreneur de l'après-guerre qui a voulu proposer aux américains une voiture révolutionnaire mais qui se heurta au gouvernement et aux trois grands de l'industrie automobile (Chrysler, GM, Ford) tout comme Coppola lui-même n'a pas réussi à développer son propre studio, American Zoetrope, face aux géants hollywoodiens. Mais comme le dit Tucker à la fin du métrage, "le rêve" est le plus important.

Tucker de Francis Ford Coppola (1988)

Le cinéaste participera ce samedi à une master class sur cette période compliquée où ses rêves d'indépendance se briseront lors de la sortie de Coup de cœur en 1982, un désastre financier qui l'obligera à accepter plusieurs films de commande afin de payer ses dettes et renflouer son studio en faillite. Malgré un parcours semé d'embûches, Coppola fait partie des dernières légendes du cinéma et avoir eu le privilège de l'entendre restera comme un moment rare et précieux.  

Roman Polanski

Parmi les autres temps forts du festival, la présence de Roman Polanski venu présenter Macbeth, une adaptation de la pièce de William Shakespeare réalisée en 1971 en Angleterre, quelques mois après l'horrible assassinat de son épouse Sharon Tate. Aidé au scénario par le spécialiste shakespearien Kenneth Tynan, Polanski délivre une œuvre ample et très bien interprétée, méconnue dans sa carrière, que l'on a pu admirer dans une très belle copie numérique. Toute la mémoire du monde proposera également le trash Polyester de John Waters en odorama (!) et s'achèvera dimanche soir avec la projection en clôture du Mécano de la Générale de Buster Keaton. 

Antoine Jullien

Toute la mémoire du monde à la Cinémathèque française jusqu'au 1er février.
Renseignements : www.cinematheque.fr

mercredi 28 janvier 2015

Interview de Christian Petzold et Nina Hoss pour la sortie de Phoenix


Après le succès critique et public de Barbara, le réalisateur Christian Petzold retrouve son actrice fétiche Nina Hoss pour une histoire de renaissance au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. La comédienne incarne Nelly, une chanteuse rescapée des camps de concentration, qui retrouve Johnny, son ancien mari qui l'a trahie quelques années plus tôt. Des retrouvailles contrariées car Johnny s'obstine à ne pas vouloir la reconnaître.

Avec la même retenue, Christian Petzold replonge dans une période douloureuse de l'histoire de son pays en filmant le Berlin de 1945 de manière secrète et intimiste, évoquant le cinéma d'Hitchcock et de Preminger. Dans les décombres de la ville détruite, Nelly va, dans la douleur, retrouver une part d'elle-même où résonne la chanson "Speak Low".

Ronald Zerhfeld et Nina Hoss

Malgré le comportement pas toujours crédible du personnage de Johnny, Phoenix nous touche grâce à l'interprétation de Nina Hoss qui est en train de marcher sur les pas d'Hanna Schygulla avec ce mélange intense de détermination et de fragilité. 

Nous avons rencontré Christian Petzold et Nina Hoss qui reviennent avec nous sur ce beau portrait de femme. 

Antoine Jullien

Allemagne - 1h38
Réalisation : Christian Petzold - Scénario : Christian Petzold et Harun Farocki d'après l'oeuvre d'Hubert Monteilhet
Avec : Nina Hoss (Nelly), Ronald Zehrfeld (Johnny), Nina Kunzendorf (Lene Winter).  




Disponible en DVD chez TF1 Vidéo.

Imitation Game


La vie du mathématicien britannique Alan Turing était jusqu'à présent méconnue. Grâce au film de Morten Tyldum, ce visionnaire que beaucoup considèrent comme l'inventeur de l'ordinateur de part ses travaux majeurs sur l'intelligence artificielle, est enfin réhabilité au cinéma après avoir obtenu une reconnaissance tardive de la Reine d'Angleterre en 2013, soit soixante ans après sa mort. Là réside d'ailleurs le principal intérêt de Imitation Game : rendre hommage à la découverte d'un homme d'exception sans qui le déroulement de la Seconde Guerre mondiale n'aurait pas été le même.

Nous sommes en 1940. Alan Turing est chargé par le MI6, les services secrets britanniques, de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable. Avec son équipe, Turing va travailler d'arrache-pied afin de parvenir à déchiffrer la fameuse machine. 

Benedict Cumberbatch entouré de Kera Knightley, Matthew Beard, Matthew Goode et Allen Leech

Écrit par Graham Moore, le scénario, relevé et haletant, ne manque pas de dialogues "so british" qui, dits dans la bouche de Benedict Cumberbath, trouvent une saveur particulière. Sans tomber dans la performance à Oscar (même s'il est nommé cette année !), l'acteur reste sobre, ne s’efforçant pas de rendre son personnage sympathique. Buté, obstiné, arrogant, Turing est un homme qui éprouve bien des difficultés à communiquer, sauf avec son amie la plus proche, Joan Clarke, campée par Kera Knightley. Mais il est homosexuel et dans l'Angleterre de l'immédiat après-guerre, il est considéré comme un criminel. Suite à une affaire de mœurs compromettante, Turing devra subir une castration chimique au lieu d'une incarcération et finira par mettre fin à ses jours (cette version fait encore débat aujourd'hui). 


Bien que l'on connaisse le déroulement des faits, le réalisateur norvégien Morten Tyldum mène son récit avec suffisamment de savoir faire pour qu'on s'y laisse aisément embarquer. Le moment où Turing comprend comment déjouer Enigma est une scène jubilatoire et conduit à la partie la plus intéressante du long métrage, à savoir l'obligation douloureuse du mathématicien et de ses collègues de devoir taire leur découverte au risque de renseigner les allemands. Victime de la raison d'état et du cynisme des services secrets, Turing deviendra un héros de l'ombre, ignoré par sa hiérarchie, sur lequel pourtant repose une part essentielle de la chute du nazisme et de la victoire des Alliés.

On pourra certes regretter une mise en scène un peu trop scolaire, dénuée de personnalité, et préférer un traitement plus audacieux d'un sujet qui englobe à la fois la science, la guerre et l'intolérance. L'aspect tragique de la destinée de Turing qui poursuivra une existence dissimulée et persécutée est esquissé au moyen de flash-backs assez convenus et dispensables. Ces réserves mises à part, Imitation Game est une œuvre honorable qui, à défaut de nous surprendre, nous rappelle qu'une guerre n'est pas seulement constituée de héros mais aussi d'hommes et de femmes qui ont contribué, grâce à leur savoir et à leur ténacité, à la bonne marche du monde. Sans la gratitude qu'ils méritaient.

Antoine Jullien

Grande-Bretagne / Etats-Unis - 1h54
Réalisation : Morten Tyldum - Scénario : Graham Moore d'après le livre d'Andrew Hodges. 
Avec : Benedict Cumberbatch (Alan Turing), Kera Knightley (Joan Clarke), Matthew Goode (Hugh Alexander), Mark Strong (Stewart Menzies).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal.

mardi 27 janvier 2015

Une merveilleuse histoire du temps

 
Le début d'année est souvent la période propice pour découvrir les principaux concurrents aux Oscars. Cette année, il fallait miser sur le biopic pour avoir une chance de décrocher une statuette dorée, comme le prouve l’abondance de ce genre chez les principaux nommés. Avec Imitation Game (la vie du mathématicien Alan Turing), American Sniper (le parcours du tireur d’élite Chris Kyle) et Selma (le combat du pasteur Martin Luther King), Une Merveilleuse Histoire du Temps relate lui aussi la vie d’un génie, à savoir Stephen Hawking, physicien et cosmologiste de son état.

Alors qu’il est encore un étudiant batifolant avec sa future épouse Jane, le jeune Hawking développe les premiers symptômes de la maladie de Charcot, une dégénérescence neurologique amenant le patient vers un handicap physique total. Les médecins évoquent alors une espérance de vie ne dépassant pas les deux ans. On est encore au début des années 60 et ce diagnostique ne semble pas prendre en compte la pugnacité de Jane qui donnera au scientifique trois enfants durant les vingt-six années que durera leur mariage. La maladie ne touchant pas son cerveau, Stephen Hawking passera sa vie sur son sujet de prédilection : le temps. Il est à l’origine de nombreuses découvertes et théories sur les trous noirs et le big bang notamment. Chose encore plus étonnante, malgré son lourd handicap et la perte de la parole, ce génie est toujours en activité de nos jours, continuant à enchainer les conférences et publiant régulièrement des livres basés sur ses recherches.

Felicity Jones et Eddie Redmayne

Le long métrage s’attache à la relation difficile qu’entretient Stephen Hawking (Eddie Redmayne) avec son épouse Jane (Felicity Jones). En ce sens, le film réalisé par le britannique James Marsch ressemble plus à un film romantique se focalisant sur le problème du handicap dans le couple qu’à une véritable plongée dans l’esprit d’un homme d’exception. En soit, le choix de traiter une partie de la vie de Hawking à travers le prisme des relations amoureuses est tout à fait défendable mais souligne un certain manque de courage cinématographique, là ou des films comme le Scaphandre et le Papillon de Julian Schnabel osait l’expérience sensitive en réussissant à mettre le spectateur dans la peau d’un handicapé.  

Une Merveilleuse Histoire du Temps (encore une traduction hasardeuse du titre originel : The Theory of Everything) ne prend jamais de risque, se reposant sur la performance convaincante d’Eddie Redmayne lorsqu’il s’agit de montrer la lente déchéance physique du scientifique. Malgré l’apport du personnage de Jonathan (Charlie Cox) pour relancer l’intrigue, le triangle amoureux alors formé n’amène pas suffisamment de conflit pour embraser une histoire pourtant plus complexe qu’elle n’en n'a l'air. Avec ces personnages au comportement exemplaire malgré les passions qui les animent, le film peine à véritablement surprendre un public sachant pertinemment où tout cela le mène.

Même si l’ensemble est particulièrement soigné, l’ennui guette le spectateur dans son dernier tiers, la faute à un académisme ronflant donnant à Une Merveilleuse Histoire du Temps un faux air de téléfilm du dimanche à regarder sous la couette un après-midi d’hiver.

Alexandre Robinne

Grande-Bretagne - 2h03
Réalisation : James Marsch - Scénario : Anthony McCarten d'après le livre de Jane Hawking
Avec : Eddie Redmayne (Stephen Hawking), Felicity Jones (Jane Hawking), Tom Prior (Robert Hawking), Sophie Perry (Lucy Hawking).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Universal

vendredi 23 janvier 2015

Bertrand Blier au Festival Premiers Plans d'Angers


Pour sa 27ème édition, le festival Premiers Plans a mis à l'honneur le cinéaste Bertrand Blier, venu sur les terres angevines fêter une rétrospective de son œuvre. Il en a également profité pour accorder une leçon de musique avec le spécialiste Stéphane Lerouge.

La musique dans les films de Blier a connu divers cheminements. Le célèbre jazzman Stéphane Grapelli signe la partition des Valseuses, accompagnant de manière tendre et complice les tribulations de Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. Le jazz toujours avec Maurice Vander qui composera plusieurs morceaux pour Beau-Père dans lequel Patrick Dewaere interprète un pianiste de bar. Le cinéaste collaborera également avec le grand compositeur Georges Delerue sur Calmos et Préparez vos mouchoirs. C'est d'ailleurs dans ce long métrage que l'amour de Blier pour la musique classique éclate au grand jour, Mozart devenant même l'obsession du personnage joué par Depardieu.

 Bertrand Blier

Après sa collaboration fructueuse avec Serge Gainsbourg sur Tenue de soirée, Blier ne fera plus appel qu'à des grands noms du répertoire classique, en particulier Schubert, omniprésent dans Trop belle pour toi, l’œuvre de la consécration critique (Grand Prix à Cannes, 5 Césars) que le cinéaste considère avec son ironie coutumière comme son film "le plus chic" dans lequel il se moquait lui-même de l'utilisation du compositeur avec cette réplique mémorable lancée par Depardieu au spectateur à la fin du film : "Il fait chier, votre Schubert !"

Car Bertrand Blier est d'abord connu pour son goût inné de la provocation et de son étude corrosive des sujets tabous de la société française : le travestissement (Tenue de soirée) l'inceste (Beau-père), le machisme (Calmos). Les mœurs chez Blier sont malmenées et distordues grâce à un redoutable humour au scalpel et un art inimitable du dialogue qui le hisse au sommet de nos auteurs majeurs.

Bertrand Blier regardant Gérard Depardieu dans Trop belle pour toi

Mais Bertrand Blier est aussi un très grand formaliste qui a toujours fui le réalisme. A partir de Buffet Froid, ses histoires vont s'ancrer dans des mondes étranges, à la lisière du fantastique. A l'égal d'un Bunuel, Blier va progressivement détricoter ses narrations, manipuler la temporalité jusqu'à l'absurde, faire jouer à ses acteurs plusieurs personnages dont le point d'achèvement est 'Merci la vie' en 1991, son film le plus fou. Après, le cinéaste se trouvera moins inspiré, épuisant ses thèmes sans beaucoup de conviction. Sa verve est toutefois revenue dans son dernier film en date, Le Bruit des glaçons où Albert Dupontel incarne le cancer de Jean Dujardin. 

Son amour des acteurs (rappelons qu'il est le fils de Bernard Blier) a permis d'offrir à ses comédiens leurs plus belles partitions, de Gérard Depardieu (huit films ensemble !) à Patrick Dewaere en passant par Michel Blanc et Josiane Balasko. Le réalisateur leur a même consacré un éloge funèbre et assez sinistre dans le bien mal nommé Les Acteurs, sorti en 2000, qui réunissait quasiment tout le cinéma français d'alors. 

Le festival d'Angers nous a donné l'occasion de redécouvrir une œuvre d'une grande richesse qui, au-delà des mots crus et des répliques saignantes, fascine par son caractère tour à tour dérangeant et émouvant. Les saillies du duo infernal Dewaere-Depardieu dans Les Valseuses comme les larmes de Carole Bouquet dans Trop belle pour toi participent d'un même état du monde, une vaste comédie noire, bouffonne et tragique. Humaine, trop humaine.

Antoine Jullien

Filmographie

1963 : Hitler connais pas
1974 : Les Valseuses
1976 : Calmos
1978 : Préparez vos mouchoirs - Oscar du meilleur film étranger
1979 : Buffet froid - César du scénario 
1981 : Beau-père
1983 : La femme de mon pote
1984 : Notre histoire - César du scénario
1986 : Tenue de soirée
1989 : Trop belle pour toi - Grand Prix du Festival de Cannes - Césars du film et du réalisateur 
1991 : 'Merci la vie'
1993 : Un, deux, trois soleil
1996 : Mon Homme
2000 : Les Acteurs
2003 : Les côtelettes
2005 : Combien tu m'aimes ?
2010 : Le bruit des glaçons


mercredi 21 janvier 2015

Le 10ème Mobile Film Festival


Le Mobile Film Festival fête cette année ses dix ans. Le principe est simple : 1 mobile, 1 minute, 1 film.   Le thème des vidéos est libre mais elle doivent être impérativement tournées au moyen d'un téléphone portable. 

Les avancées technologiques croissantes de ces appareils permettent aujourd'hui aux jeunes réalisateurs des rendus visuels souvent bluffants si bien qu'on se demande parfois si plusieurs de ces mini courts métrages ont bien pu être réalisés à l'aide d'un smartphone. 

Pour la cinquième année consécutive, BNP Paribas est partenaire du festival et remettra la bourse BNP Paribas de 15 000 euros au réalisateur du prix du Meilleur Film Mobile pour lui permettre de réaliser un court métrage en un an, accompagné par un producteur. 

Plusieurs prix récompenseront les 52 films retenus dans cette sélection, remis par un jury présidé cette année par le réalisateur Gérard Krawczyk, par le public (vote des internautes), et par un Jury des Blogueurs auquel Mon Cinématographe a eu la chance de faire partie. 

Les films, certains de très bonne qualité et pour la plupart éloignés de l'amateurisme redouté, sont accessibles sur le site officiel du festival ainsi que sur toutes les plateformes : vidéos, mobiles, réseaux sociaux où les internautes ont jusqu'au 3 février pour voter et élire leur film favori. 

Tous les lauréats seront dévoilés lors de la soirée de clôture le 10 février prochain.

10ème Mobile Film Festival jusqu'au 3 février : http://fr.mobilefilmfestival.com


Retrouvez les interviews de Gérard Krawczyk et Benoît Philippon, membres du jury du Mobile Film Festival ICI.

samedi 17 janvier 2015

Les nouveaux sauvages

 
En compétition officielle lors du dernier festival de Cannes, sélectionné à Sundance et en course pour l’Oscar 2015 du meilleur film étranger, Les nouveaux sauvages débarquent sur nos écrans cette semaine. Réalisé par l’inconnu Damiàn Szifron, ce film à sketches est resté huit semaines consécutives en tête du box office argentin, son pays d’origine. C’est dire si l’enthousiasme autour du film est grand d’autant plus quand les producteurs s’appellent Agustin et Pedro Almodovar.

Avoisinant les deux heures, cette œuvre est découpée en six courts métrages d’une durée sensiblement équivalente. On se retrouve ainsi à bord d’un avion dont les passagers sont liés entre eux sans le savoir, sur une route désertique, théâtre d’un affrontement entre deux conducteurs en plein burn-out, ou bien en présence d’un expert en démolition dont le vie bascule petit-à-petit. Le leitmotiv qui réunit ces différents sketches est le pétage de plomb. Dans chaque film, les personnages se retrouvent dans une situation délicate ou carrément malsaine qui tourne invariablement à l’humour noir. C’est violent, très drôle, bien maitrisé dans sa réalisation et parfaitement servi par une galerie de personnages haut en couleur. Quant aux dialogues, c’est un vrai régal. Le tout forme un ensemble assez réjouissant qui contraste fortement avec les sacro-saintes comédies où tout se termine pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ici, les gens meurent (brutalement), se font du mal (méchamment), s’arnaquent (sournoisement) sans toutefois tomber dans le cynisme dépressif. 


A ce titre, Les Nouveaux Sauvages n’est pas qu’un simple défouloir bête et méchant à la violence gratuite. Chaque histoire s’inspire de la vie normale en s’attaquant à différents sujets universels (le mariage, l’administration, le pouvoir, l’ego, la vengeance) et en poussant ses protagonistes dans leurs retranchements. Il est donc très facile pour le spectateur de s’identifier à eux, le but étant bien évidemment de dépasser la ligne rouge, là où nous ne pouvons pas aller dans la vie réelle, trop sages que nous sommes.

Le seul véritable défaut du film réside dans son format. Les sketches sont tous indépendants et obligent le spectateur à se replonger continuellement dans une nouvelle histoire, sans avoir le temps de digérer la précédente. Même si le niveau reste relativement constant, une certaine lassitude peut apparaitre d’un film à l’autre, surtout qu’après deux ou trois histoires, le concept apparait clairement et perd alors de sa puissance. Dans certains cas, il est même assez aisé d’anticiper la chute même si Damiàn Szifron, également scénariste, essaye continuellement de surprendre son public. Ces quelques réserves ne suffisent cependant pas à bouder notre plaisir devant le film le plus caustique de ce début d’année.

Alexandre Robinne 

Argentine / Espagne - 2h
Réalisation et Scénario : Damiàn Szifron
Avec : Ricardo Darin (Simon Fisher), Oscar Martinez (Mauricio), Leonardo Sbaraglia (Diego Iturralde), Erica Rivas (Romina).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Warner Home Vidéo.

mercredi 14 janvier 2015

L'Affaire SK1

 
Le climat lourd et pesant du moment risque de décourager les spectateurs d'aller voir L'Affaire SK1 sur le tueur en série Guy Georges. On peut le comprendre mais aussi le regretter car ils risquent de passer à côté de l'un des meilleurs films policiers français de ces dernières années, un film "remarquable et impressionnant" selon Bertrand Tavernier qui avait signé lui-même un polar de référence, L.627 sur la brigade des stups. En nous embarquant dans l'enquête la plus complexe du 36, Frédéric Tellier, le réalisateur de la série Les Hommes de l'Ombre, réussit un premier long métrage dense et étonnamment maîtrisé. 

Il relate sept années d’investigations qui ont mené à l'arrestation de Guy Georges, alias SK1, le premier tueur en série reconnu par son empreinte génétique, coupable de sept meurtres et viols commis entre 1991 et 1998 dans l'est de Paris. Une affaire hors normes qui a mobilisé quatre mille policiers et gendarmes et qui s'est conclue par la condamnation de l'assassin à la réclusion criminelle à perpétuité.

 Raphaël Personnaz et Olivier Gourmet

Frédéric Tellier entremêle brillamment le temps de l'enquête et celui du procès, en filmant le travail des policiers et celui des avocats de Guy Georges qui doivent défendre l'indéfendable. Le réalisateur nous immerge au début des années 90, une époque qui nous semble d'un autre âge, sans téléphone portable ni ordinateur. Là, un groupe du 36, Quai des Orfèvres doit résoudre le meurtre particulièrement sauvage d'une jeune femme rentrée chez elle après un dîner entre amis. Cette histoire obsède particulièrement Frank Magne, dit Charlie, l'un des inspecteurs du groupe qui va buter devant les nombreuses fausses pistes et les mauvais suspects. Jusqu'à ce que d'autres crimes similaires fassent comprendre aux policiers qu'ils ont affaire au même homme. 

 Adama Niane, Nathalie Baye et William Nadylam

Muni d'un scénario au cordeau, Frédéric Tellier réalise un film sec et nerveux, à la tension constante. Grâce à un énorme travail de documentation, il a décidé de s'attacher résolument aux faits, sans fioritures ni pathos, en ne tombant jamais dans les chausses trappes et les pièges redoutés, ceux du voyeurisme et de la complaisance. Gardant toujours la bonne distance face à son sujet, il filme méticuleusement le travail des hommes du 36, leur solidarité mais aussi leurs coups bas et leurs erreurs qui ont conduit à relâcher le tueur en 1995. Plusieurs scènes fortes restent en mémoire, celle (véridique) de la montée de Guy Georges dans les escaliers du 36, face à tous les policiers, ou cette terrible séquence d'aveux au milieu de la nuit. 

Les acteurs sont au diapason, d'Olivier Gourmet à Nathalie Baye en passant par Michel Vuillermoz et Thierry Neuvic, tous confèrent à L'Affaire SK1 une grande authenticité, et spécialement Raphaël Personnaz, d'habitude assez lisse, qui se révèle dans son meilleur rôle. Enfin, malgré un personnage que beaucoup ont qualifié de "monstre", il faut saluer l’interprétation d'Adama Niane qui incarne le tueur en série et parvient, au-delà de sa terrifiante barbarie, à lui insuffler une pointe d'humanité. Frédéric Tellier nous interroge alors sur notre société qui peut engendrer des hommes tels que Guy Georges. Il n'apporte évidemment pas de réponse mais nous saisit d'effroi. Un film "remarquable" en effet, à tous points de vue.

Antoine Jullien

France - 2h
Réalisation : Frédéric Tellier - Scénario : Frédéric Tellier et David Oelhoffen
Avec : Raphaël Personnaz (Frank Magne dit "Charlie"), Olivier Gourmet (Bougon), Nathalie Baye (Frédérique Pons), Michel Vuillermoz.



Disponible en DVD et Blu-Ray chez M6 Vidéo.

mardi 13 janvier 2015

A Most Violent Year


En trois ans, J.C. Chandor s'est fait un nom dans le cinéma indépendant américain. Margin Call, son coup d'essai et coup de maître, revenait avec brio sur le krach boursier de 2008, puis All Is Lost avec Robert Redford échoué sur son bateau à la dérive, tenait presque de l'expérimentation, de manière un peu moins convaincante. Pour son troisième long métrage, il part sur les traces du cinéma de Sidney Lumet en nous plongeant dans le New York de 1981, l'année la plus sanglante de l'histoire de la ville. 

Il raconte le destin d'un immigré, Abel, qui tente de faire sa place dans le business des hydrocarbures. Épaulé par sa femme qui gère son entreprise avec lui, il se heurte à la corruption et à la violence de ceux qui voient d'un mauvais œil son affaire prospérer. 

Oscar Isaac et Jessica Chastain

J.C. Chandor est sur des terres connues et il arrive pourtant à en tirer une œuvre personnelle. Sa mise en scène, empreinte d'un élégant classicisme, laisse le temps à ses personnages d'évoluer à la faveur d'un faux rythme que le cinéaste maîtrise parfaitement. Il dresse le portrait d'un homme qui croit fermement au rêve américain et aux itinéraires de ces self made men qui ont su bâtir leur empire grâce à leur audace et leur ingéniosité. Mais sa volonté farouche de réussir et son apparente honnêteté vont se confronter à la réalité des temps où les coups bas et les compromissions sont la règle pour accéder au pouvoir. 


Un film de gangsters sans le folklore inhérent au genre, voilà la grande réussite de A Most Violent Year. En dépeignant un époque qui n'est guerre éloignée de la nôtre, en filmant New York, baigné dans une lumière légèrement sépia, comme une grande friche où tout reste à construite, J.C. Chandor apporte un vrai supplément d'âme à son cinéma. Ses acteurs ne sont pas en reste, d'Oscar Isaac (le Llewyn Davis des frères Coen) et son charisme magnétique à la sublime Jessica Chastain et son charme presque carnassier. C'est elle, sans qu'on ne le comprenne tout de suite, qui mène ce couple vers un avenir que l'un et l'autre imaginent radieux. Les morts sur leur route n'auront été que des obstacles et les dilemmes moraux des perturbations évanouies afin qu'ils puissent vivre pleinement leur irrésistible ascension dont la métaphore est ce sang mélangé au pétrole qui évoque soudain un autre film majeur sur la montée en puissance du capitalisme, l'inoubliable There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. 

Sans atteindre un tel degré d'intensité et malgré quelques failles dans son scénario, le cinéaste apporte une nouvelle pierre à une œuvre qui ne cesse de s'enrichir. Souhaitons à J.C. Chandor de poursuivre dans cette veine néoclassique qu'il est, avec James Gray, l'un des rares à pouvoir accomplir. Messieurs Pollack et Lumet, vous pouvez reposer tranquilles, la relève est assurée. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h05
Réalisation et Scénario : J.C. Chandor
Avec : Oscar Isaac (Abel Morales), Jessica Chastain (Anna Morales), David Oyelowo (Lawrence), Albert Brooks (Andrew Walsh). 



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal.

La mort de Francesco Rosi


La terrible actualité de ces derniers jours ne doit pas faire oublier la disparition de l'un des grands cinéastes italiens de l'après-guerre. Francesco Rosi s'est éteint samedi à l'âge de 92 ans, laissant derrière lui une œuvre importante, l'incarnation du grand cinéma politique des années 60-70. 

Né à Naples en 1922, Francesco Rosi suit des études de droit puis, après la guerre, devient assistant de théâtre et acteur de music-hall. C'est Luchino Visconti qui lui ouvre les portes du cinéma en l'engageant comme assistant sur La Terre Tremble puis Bellissima et Senso avant d'entamer une carrière de réalisateur avec Le Défi en 1958. Salvatore Guilano en 1962, qui lui vaut de remporter l'Ours d'Or à Berlin, définit son style et sa critique de la société italienne qui prendront une ampleur inédite dans Main Basse sur la ville en 1963 (Lion d'Or à Venise) dans lequel le cinéaste s'attaque à l'affairisme immobilier incarné par  Rod Steiger et à ses répercussions sur la population, et L'Affaire Mattei en 1972, passionnante enquête sur le patron de la pétrochimie italienne interprété par Gian Maria Volonte et sa mort mystérieuse et jamais élucidée, qui lui vaudra la consécration suprême, la Palme d'Or du Festival de Cannes. 

L'Affaire Mattei, Palme d'or 1972

Parmi ses autres films majeurs, citons Lucky Luciano et surtout Cadavres Exquis avec Lino Ventura, des œuvres qui dénonçaient avec force autant la corruption qui gangrénait le pays que le poids considérable de la mafia et de ses accointances politiques. Rosi avait le talent de mener ses films avec une efficacité journalistique mêlée à un sens certain du romanesque. 

Malgré une fin de carrière moins mémorable, Francesco Rosi laissera une trace indélébile dans l'histoire du cinéma, celle de ces réalisateurs citoyens qui, au moyen d'une caméra, ont voulu tenter de comprendre et d'informer les spectateurs sur les maux de notre époque et sur les désillusions de nos démocraties. Si le terme de "cinéma engagé" est aujourd'hui trop galvaudé, il prend encore du sens lorsque l'on se replonge dans la filmographie de Francesco Rosi. 

Antoine Jullien


Filmographie 

1958 : Le Défi 
1959 : Profession : magliari
1962 : Salvatore Guilano
1963 : Main basse sur la ville
1965 : Le moment de vérité 
1967 : La belle et le cavalier 
1970 : Les hommes contre
1972 : L'Affaire Mattei
1973 : Lucky Luciano
1976 : Cadavres Exquis 
1979 : Le Christ s'est arrêté à Eboli 
1981 : Trois Frères 
1984 : Carmen
1987 : Chronique d'une mort annoncée
1990 : Oublier Palerme
1997 : La Trêve

samedi 10 janvier 2015

Invincible

 
L’année 2015 s’ouvre avec la seconde fiction réalisée par Angelina Jolie après Au pays du sang et du miel en 2011, sorte de Roméo et Juliette entre un soldat serbe et une prisonnière bosniaque durant la guerre de Yougoslavie. L’actrice américaine repart à la guerre avec Invincible en évoquant cette fois-ci le destin hors norme de Louis Zamperini, fils d’immigré Italien devenu coureur olympique pour les Etats-Unis puis héros de la Seconde Guerre Mondiale.

Suite aux JO de Berlin en 1936 (et le fameux point levé de Jesse Owens face aux Nazis) où il fait belle figure, le jeune homme se promet de revenir décrocher l’or olympique du 5000m aux prochains jeux prévus à Tokyo. Ironie de l’Histoire, c’est bien sur le sol nippon que Louis vivra quelques années plus tard mais dans de toutes autres circonstances. Entre ces deux périodes, les Etats-Unis et le Japon se déclarent la guerre suite à l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941. Le jeune athlète engagé alors dans l’US Air Force se retrouve déployé dans le Pacifique où son bombardier est abattu, laissant Louis dériver sur un canot pneumatique pendant quarante-cinq jours en compagnie de deux autres survivants. Repêché par les Japonais, il finira la guerre dans les camps nippons où il sera malmené par le sadique Mutsuhito Watanabe, surnommé l’Oiseau. 

Jack O'Connell

Cette histoire méritait largement une adaptation cinématographique à tel point que le projet remonte à… 1957 ! Il aura fallu attendre la sortie du livre Unbroken : A World War II, story of Survival, Resilience and Redemption de Laura Hillenbrand en 2010 pour déclencher enfin la mise en chantier du film, qui se base essentiellement sur cette œuvre. Armé d’un budget relativement confortable de 65 millions de dollars, Angie s’est dont attelée à la tâche, munie d’un scénario final signé par les frères Coen, loin de leurs histoires de losers pathétiques. Le cocktail semblait prometteur.

Mais étrangement, le résultat est propre, bien réalisé, bien interprété, avec quelques longueurs mais rien de vraiment rédhibitoire. On pouvait s’attendre à quelque chose d’un peu plus nerveux avec des prises de risques dans son traitement mais le poids de l’Histoire semble avoir écrasé le trio en charge du projet. Le film est tellement classique qu’il en vient à faire passer Clint Eastwood pour un réalisateur visionnaire et moderne (dont le très attendu American Sniper sort le 18 février). Venant de l’ex-bad girl d’Hollywood et des auteurs de O’Brother et Fargo, on a du mal à comprendre ce résultat surtout lorsque l’on a en tête des chefs-d’œuvre récents comme L’Odyssée de Pi d’Ang Lee ou Capitaine Phillips de Paul Greengrass dans le genre croisé du biopic/survival. Alors certes, l’histoire est belle et vaut le coup d’être découverte mais un tel degré d'académisme empêche Invincible de marquer les esprits.

Alexandre Robinne

Etats-Unis - 2h17
Réalisation : Angelina Jolie - Scénario : Joel Coen, Ethan Coen, Richard LaGravenese et William Nicholson d'après l’œuvre de Laura Hillenbrand. 
Avec : Jack O'Connell (Louis Zamperini), Domhnall Gleeson (Phil), Garrett Hedlund (Fitzerald), Takamasa Ishihara (Watanabe).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Universal.

jeudi 8 janvier 2015

Le Box-Office France 2014


208 millions de spectateurs dans les salles en 2014, il y a de quoi se réjouir, soit une hausse des entrées de près de 8% par rapport à 2013. Après une année noire, le cinéma français a redressé la barre, réalisant une part de marché de 44 %, faisant presque jeu égal avec le cinéma américain (47 %) qui voit ses entrées nettement reculer (-10%). 

Un phénomène qui s'explique principalement par les succès des comédies, à commencer par le carton de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? et ses 12 millions de spectateurs, suivi par Supercondriaque de Dany Boon (5,2 millions d'entrées). Citons également la surprise Babysitting (2,3 millions), Les Trois Frères - Le Retour (2,3 millions), Fiston (1,9 million), Barbecue (1,6 million) et Sous les jupes des filles (1,4 million). S'il n'est pas à proprement parler une comédie, Samba du duo Tolédano-Nakache a su toucher un large public (plus de 3 millions d'entrées) de même que La Famille Bélier qui a déjà dépassé les 3 millions de spectateurs et qui, à la vue de son impressionnant bouche à oreille, pourrait devenir le 2ème plus gros succès de 2014. 

La famille Bélier, plus de 3 millions d'entrées (en cours d'exploitation)

Après un passage à vide, Luc Besson a retrouvé les faveurs du public grâce à Lucy (5,2 millions) et le cinéma d'animation tricolore a également connu une bonne année grâce aux succès d'Astérix - Le domaine des Dieux (près de 3 millions d'entrées) et de l'irrésistible Minuscule (1,5 millions).

Hippocrate de Thomas Lilti, l'un des succès français de l'année

Le cinéma d'auteur est moins à la fête. Parmi les 18 longs métrages français millionnaires, on ne compte que deux films dramatiques : le biopic Yves Saint Laurent (1,6 millions) et le polar La French (1,5 millions). Pour le reste, à l'exception notable du succès réjouissant d'Hippocrate (plus de 900 000 entrées) et des très bons scores enregistrés par Lulu femme nue (500 000 entrées) et Les Combattants (400 000), aucun film ne dépasse les 500 000 entrées. Malgré les louanges parfois excessives de la presse, Saint Laurent (355 000), Trois Coeurs (365 000), Sils Maria (230 000), L'Homme qu'on aimait trop (300 000) ou Dans la cour (350 000) n'ont pas séduit le public. Soit l'incarnation du "cinéma du milieu" énoncé il y a quelques années par Pascale Ferran qui a elle aussi subi un sérieux revers (150 000 entrées pour Bird People), ces oeuvres au budget confortable (entre 7 et 8 millions d'euros), au casting prestigieux (Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Benoît Poelvoorde, Guillaume Canet...) et présentées dans les plus grands festivals (Cannes, Berlin, Venise). Sans parler des productions plus modestes qui ont connu des fours terribles (Métamorphoses, Eden, Tiens-toi droite...) et qui ne semblent devoir leur survie qu'à quelques journaux complaisants.

The Search de Michel Hazanavicius, un très lourd échec

Quelques accidents industriels ternissent également le tableau, à commencer par l'échec subi par The Search de Michel Hazanavicius (70 000 entrées pour 20 millions d'euros de budget), victime d'un sujet difficile (la guerre en Tchétchénie) et d'un scandaleux lynchage critique. Un illustre Inconnu de Matthieu Delaporte (110 000 entrées pour 13 millions de budget) devrait freiner l'envie des producteurs de monter un projet sur le nom de Mathieu Kassovitz après les bides successifs de L'ordre et la morale, La vie d'une autre, Le Guetteur et Vie Sauvage. Le navet Grace de Monaco a aussi bu la tasse (300 000 entrées pour 25 millions de budget), de même que le thriller Colt.45 qui a souffert d'une production chaotique (65 000 entrées pour 13 millions de budget), Le dernier diamant (135 000 entrées pour plus de 11 millions de budget), Jacky au royaume des filles (120 000 entrées pour 11 millions de budget) et Benoît Brisefer (120 000 entrées pour 11 millions de budget). 

Les Gardiens de la Galaxie, l'une des surprises de l'année au box-office 

Le cinéma yankee subit lui une chute de sa fréquentation mais maintient plutôt bien ses franchises, à commencer par Le Hobbit : La bataille des Cinq Armées qui devrait terminer sa carrière à 5 millions d'entrées, La Planète des Singes : l'Affrontement (3,8 millions), X-Men : Days of Future Past (3,3 millions) et Hunger Games - La Révolte : Partie 1 (3,2 millions). Et parmi les nouvelles franchises qui n'étaient pas particulièrement attendues, Les Gardiens de la galaxie (2,4 millions) et Le Labyrinthe (3,1 millions) ont réalisé de jolis scores. 

Gone Girl, l'un des plus beaux succès de David Fincher

Les grands cinéastes américains se portent bien auprès des spectateurs, que ce soit David Fincher qui a connu grâce à Gone Girl l'un de ses plus beaux succès (1,9 million), l'inusable Woody Allen (1 million d'entrées pour Magic in the Moonlight, son vingtième film millionnaire !) ou de manière plus relative Christopher Nolan avec Interstellar (2,6 millions). Seul Clint Eastwood a encaissé un revers cinglant, Jersey Boys étant l'un des grands flops de sa carrière (à peine 200 000 entrées). Dans la plus jeune génération, citons les plus gros succès en France de Wes Anderson avec The Grand Budapest Hotel (1,5 millions) et Steve MacQueen et son oscarisé 12 Years a Slave (1,7 millions). 

Plus d'un million d'entrées pour Mommy de Xavier Dolan

Enfin, terminons ce tour d'horizon avec le reste du monde qui voit sa part de marché (à peine 10%) se réduire dangereusement. Mais réjouissons-nous de l'accueil chaleureux et enthousiaste réservé à Mommy de Xavier Dolan qui a totalisé plus d'un million de spectateurs, le miraculeux Ida de Pawel Pawlikowski et ses 500 000 entrées, Timbuktu d'Abderrahmane Sissako qui devrait atteindre les 700 00 entrées en fin de carrière, Winter Sleep qui, malgré sa durée, a su capter 350 000 spectateurs et le documentaire Le Sel de la Terre de Wim Wenders, consacré au photographe Sebastiao Salgado, qui a réuni plus de 300 000 spectateurs. Un coup de chapeau à leurs distributeurs, Memento Films (voir l'interview de Frank Salaün) et Le Pacte, pour avoir su attiser la curiosité d'un public lassé des productions formatées. 

Antoine Jullien

mercredi 7 janvier 2015

Interview de Frank Salaün pour la sortie DVD de Winter Sleep


Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan fut l'un des grands chocs cinématographiques de l'année 2014. A l'occasion de sa sortie en DVD *, nous avons rencontré l'heureux distributeur du film, Memento Films, et son responsable de la programmation, Frank Salaün.

- Winter Sleep, Palme d'Or 2014, a réalisé 350 000 entrées en France, ce qui est exceptionnel pour un film turc de 3h15.

Il est certain que la Palme d'Or a jeté un coup de projecteur sur le film. On s'est demandé quelle serait la période propice pour que le public ait le temps disponible pour apprécier un film de 3h.  Et il nous a semblé évident qu'il fallait le sortir en été, ce qui a surpris beaucoup de monde ! La rentrée cinéma démarre traditionnellement après le 15 août, on a donc délibérément avancé la date de sortie au 6. L'idée était de dire aux exploitants qu'on leur amène un grand film au moment où ils ont la place pour l'exposer, et en contrepartie on leur demandait de s'engager sur une durée d'exploitation plus importante, de six à huit semaines. Globalement, ils ont joué le jeu.

- On vous croyait insensé de sortir une Palme d'Or début août et finalement vous avez gagné votre pari.

On espère toujours davantage, on souhaitait faire 500 000 entrées. Mais pour un film turc de 3h15, on est content.

Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan

- Vous êtes co-producteur de Winter Sleep à hauteur de 30%. Pour quelle raison ?

Si l'on veut garder des auteurs importants, on est obligés de venir en coproduction. Ce fut le cas également avec Asghar Farhadi sur Le Passé, et maintenant Joachim Trier (le réalisateur d'Oslo 31 août) qui tourne son nouveau film aux Etats-Unis.

- Ces grands auteurs, comment les dénichez-vous? Vous parcourez le monde pour découvrir tel film ou tel cinéaste ?

- Comme tous les distributeurs, on est sur les festivals et les marchés. Parfois, on parie sur certains auteurs auxquels les autres ne croient pas vraiment. On avait découvert Farhadi au festival de Berlin avec A propos d'Elly, on s'est dit qu'il s'agissait d'un thriller et qu'on pouvait le vendre comme tel. Quant on a récupéré Tetro de Coppola, tous les distributeurs se moquaient un peu du film, de son côté baroque. Nous on l'adorait, on trouvait que c'était une œuvre de gamin et on l'a pris. Presqu'à chaque fois, ce sont des films sur lesquels sont passés nos concurrents.

- Si on fait le bilan de l'année passée, on retient Ida, Winter Sleep et Black Coal, trois films majeurs. Vous êtes selon moi le meilleur distributeur de films étrangers exigeants car vous avez cette capacité de soulever la curiosité d'un public qui est abreuvé de sorties. Quelle est votre stratégie de distribution ? Comment ça se passe en amont ?

- Je crois qu'à la différence de nos concurrents, on distribue peu de films, nous les travaillons donc durant des mois. On n'hésite pas non plus à investir massivement en affichage, sur Paris notamment. C'est un peu notre marque de fabrique, on a toujours des visuels assez forts qu'on essaye de diffuser largement. Le fait de sortir peu de films a permis également un rapport de confiance avec les annonceurs et surtout avec les salles. En tant que programmateur, un lien de confiance s'est tissé avec les exploitants, je leur demande de s'investir avec moi sur le film. On s'entend donc bien avec les salles indépendantes mais aussi avec les circuits quand on les sollicite. Après il y aussi un facteur chance, nos concurrents n'ont pas cru à des films qui ont connu une belle carrière. On n'a pas eu de difficulté à obtenir Oslo 31 août que je considère comme un chef d’œuvre !

Une Séparation d'Asghar Farhadi

- Sur Une Séparation, vous aviez déjà acquis les droits.

Oui, avant le festival de Berlin. Vu que cela c'était très bien passé sur A propos d'Elly, le film suivant s'est lancé tout seul. Deux mois avant Berlin, on a reçu un DVD qui n'était pas mixé, pas étalonné. Des conditions vraiment exécrables.. On a l'a regardé, stupéfaits, puis l'accueil lors du festival (le film a remporté l'Ours d'Or) nous a fait prendre conscience que le film pouvait aller beaucoup plus loin qu'on ne l'imaginait.

- Y-a-t-il de nouveaux critères dans la distribution qui n'existaient pas il y a vingt ans ? Comment trouver sa place au milieu de la jungle des sorties ? 

Le plus compliqué aujourd'hui est la date de sortie. On est sur un marché où il y a une quinzaine de films par semaine, la difficulté est d'être le film d'auteur de la semaine ou le film découverte. On a connu ce phénomène récemment avec Timbuktu (distribué par Le Pacte), on a donc pas le monopole ! L'important est d'être identifié à la fois comme fort dans les médias et dans la salle, être désiré par les exploitants parce qu'ils ont de la place et par la presse qui joue encore un rôle essentiel. On a un noyau de cinéphiles qui va être attiré par les critiques, la question est comment aller toucher le public au-delà, par exemple les spectateurs de l'Ugc Les Halles qui vont choisir notre film parmi tous ceux qui leurs sont proposés. Le cas d'école est Black Coal, un film plutôt hermétique, avec un faux rythme, une intrigue sinueuse et qui fait près de 200 000 entrées.

- Est-ce que vous misez aussi sur les nouveaux médias, internet, les réseaux sociaux ?

Pas beaucoup. On est pas à la pointe la-dessus, je l'avoue.

Au bout du conte d'Agnès Jaoui

- Vous sortez 5-6 films par an, essentiellement étrangers. En 2013, vous avez distribué le film d'Agnès Jaoui, Au bout du conte. Pouvez-vous nous parler de cette aventure ?

J'ai appris par l'agent d'Agnès Jaoui que son nouveau projet avait du mal à se monter et ne trouvait pas de distributeur parce que les gens estimaient qu'elle n'était plus à la mode. Quand on l'a appris, je me suis permis de contacter le producteur en lui disant que nous étions modestes mais qu'on sortait du succès d'Une Séparation et qu'on pouvait les aider. Et on s'est mis d'accord en une semaine. Ils étaient très contents d'avoir un distributeur indépendant motivé autour d'eux. Le film a bien marché, on a fait un million d'entrées. Et alors qu'on ne distribuait pas de films français, l'idée a germé dans la tête d'autres producteurs. On développe en ce moment le prochain film de Xavier Giannoli qui est un projet très ambitieux, l'histoire d'une femme très riche inspirée de la vie de Florence Foster Jenkins, une chanteuse soprano qui avait la particularité de ne pas savoir chanter. Elle organisait des bals de bienfaisance et une cour de courtisans venait se moquer d'elle en train de s'époumoner. C'est une tragi-comédie avec Catherine Frot dans le rôle, son grand retour après trois ans d'absence. Michel Fau qui interprète le professeur de chant et André Marcon qui joue le mari complètent le casting. Le tournage est terminé, un gros travail de post-production commence, notamment sur les voix parce que Catherine Frot chante juste ! C'est un film sur lequel on mise beaucoup.

- Vous êtes membre du réseau de distributeurs indépendants DIRE. Lors de la sortie d'un film, le distributeur semble être le maillon le plus exposé de la chaîne. Existe-t-il de réelles difficultés pour la distribution ?

C'est très compliqué. Les budgets de promotion et les investissements ont explosé en dix ans. Le problème aussi est que de plus en plus de gens se déclarent distributeurs, découvrent un film en festival, en achète les droits et le sorte sur un DCP à Paris. J'appelle ça "les films de la prairie", ils débarquent tout gentiment et prennent de la place. Il y a plus de quinze films par semaine, personne ne peut plus suivre, même les journalistes ! A DIRE, on milite pour rappeler que distributeur c'est un métier, qu'on travaille un film avec un attaché de presse, un service marketing, une équipe de programmation, et on livre ainsi un film qui a des chances de rencontrer le public, avec un vrai savoir faire. 

Ida de Pawel Pawlikowski

- A propos des sorties de 2014, il y a le cas Ida qui est un peu venu de nulle part. Comment l'avez-vous obtenu ? Vous connaissiez le réalisateur ?

Pas du tout. Il se trouve que le film n'était pas prêt pour Cannes. Le vendeur du film est venu  à Telluride, un festival prestigieux qui a lieu juste avant celui de Toronto où on présentait Le Passé. Alexandre Mallet-Guy (le fondateur et directeur général de Memento Films) a eu la chance d'y être invité et de découvrir Ida qu'il a trouvé magnifique. Le vendeur pouvait soit nous le vendre tout de suite soit attendre et faire jouer la concurrence. Il a décidé de signer avec nous pour amorcer les ventes du film au festival de Toronto et s'acheter une page dans Screen déclarant que Ida démarre sa carrière avec Memento. Nos concurrents n'étaient même pas au courant que le film était vendu !  Notre chance est qu'on ne l'a pas acheté très cher, on a donc pu investir beaucoup en publicité.

- Le film a réuni 500 000 spectateurs. Le succès a-t-il été au-delà de vos espérances ?

Non, c'est ce qu'on attendait car je crois qu'il y a encore de la place pour des films avec un sujet et une forme singuliers.

- Dans un article publié dans Télérama, Stéphane Auclaire, le directeur d'UFO Distribution, se lamentait que "le film ait perdu de son aura". Etes-vous d'accord avec ce constat ?

Non, je crois qu'il y a encore de la place pour le film Ovni, le film évènement, une œuvre radicale dans ses choix et en même temps accessible. Je pense que le public sent quand il s'agit d'un film fort, différent. Quant on voit que Mommy, tourné en québécois, fait plus d'un million d'entrées, je me dis qu'il y a de l'espoir !

Propos recueillis par Antoine Jullien

* Winter Sleep est disponible en DVD et Blu-Ray chez Memento Films. 

samedi 3 janvier 2015

L'année cinéma 2014 dans le rétroviseur

Ah les éternels best of de l'année ! Même si vous retrouverez à la fin de cette rétrospective les sempiternels Tops des meilleurs films, Mon Cinématographe, comme de coutume, préfère privilégier un patchwork de ce qui a été marquant en 2014, une scène, un acteur, un navet, un chef d'oeuvre, loin des snobismes et des carcans critiques. Le cinéma est pluriel, on peut admirer ou détester tous les styles, tous les genres, tous les univers grâce à une offre qui n'a jamais été aussi pléthorique : quinze films par semaine ! Il est donc impossible de tout voir mais pour vous, voici un rappel non exhaustif de ce qu'il ne fallait pas manquer cette année et aussi de ce qu'il valait mieux éviter. 


LE FILM LE PLUS TERRASSANT 

MOMMY de Xavier Dolan



LE FILM LE PLUS FAUSSEMENT PROVOC 

UNE NOUVELLE AMIE de François Ozon



LA MISE EN SCENE LA PLUS ELABOREE

THE GRAND BUDAPEST HOTEL de Wes Anderson



LE POLAR LE PLUS TORTUEUX 

BLACK COAL de Yi'nan Diao



LE FILM LE PLUS REVOLTANT 

LE PROCES DE VIVIANE AMSALEM de Ronit et Shlomi Elkabetz



LE FILM QUI POURRAIT ÊTRE REMBOURSE PAR LA SECU 

HIPPOCRATE de Thomas Lilti 



LA PLUS BELLE ROMANCE VIRTUELLE

HER de Spike Jonze



L’ŒUVRE ULTIME LA PLUS DECONCERTANTE 

LE VENT SE LEVE d'Hayao Miyazaki



LE TRAITEMENT D'UN GRAND SUJET LE PLUS CATASTROPHIQUE

MONUMENTS MEN de George Clooney 



LE FILM D'ACTION LE PLUS DINGUE 

THE RAID 2 de Gareth Evans



LA SCENE LA PLUS INSOUTENABLE 

L'esclave pendant de longues minutes à un arbre dans 12 YEARS A SLAVE de Steve MacQueen 



LE FILM LE PLUS EXPERIMENTAL 

UNDER THE SKIN de Jonathan Glazer



LE PLUS BEAU TITRE (ET LA PLUS BELLE AFFICHE)

L'ETRANGE COULEUR DES LARMES DE TON CORPS de Bruno Forzani et Hélène Cattet 



LE FILM AUX DIALOGUES LES PLUS INTENSES

WINTER SLEEP de Nuri Bilge Ceylan



LA COMEDIE LA PLUS INSOLITE 

LES GRONDES ONDES de Lionel Baier 



LE PROJET LE PLUS FOU ET LE PLUS TOUCHANT 

BOYHOOD de Richard Linklater 



LE PLUS GROS FOUTAGE DE GUEULE 

THE ROVER de David Michôd



LE FILM LE PLUS TROUBLANT 

EASTERN BOYS de Robin Campillo



L'ECHEC CRITIQUE ET PUBLIC LE PLUS INJUSTE 

THE SEARCH de Michel Hazanavicius



LE RENOUVEAU DU FILM DE PRISON 

LES POINGS CONTRE LES MURS de David MacKenzie 



LE KOUGLOF LE PLUS INDIGESTE 

NOE de Darren Aronofsky 



LE MEILLEUR BLOCKBUSTER 

EDGE OF TOMORROW de Doug Liman



LE FILM QUI FAIT PITIE

ZERO THEOREM de Terry Gilliam



LE FUTUR FILM CULTE 

NIGHT CALL de Dan Gilroy 



LE PREMIER FILM FRANCAIS LE PLUS ORIGINAL 

ELLE L'ADORE de Jeanne Herry 



LA SCENE LA PLUS BOULEVERSANTE 

Les jeunes mauritaniens jouant au football sans ballon dans TIMBUKTU d'Abderrahmane Sissako



LE FILM LE PLUS SURESTIME 

SILS MARIA d'Olivier Assayas



LE FILM LE PLUS CRUELLEMENT CANIN

WHITE GOD de Kornel Mundruczo



LE FILM LE PLUS SADIQUE 

AUX MAINS DES HOMMES de Katrin Gebbe



LE FILM LE PLUS FRIMEUR

AMERICAN BLUFF de David O. Russell



LE REALISATEUR LE PLUS SNOB 

Jim Jarmsuch et son très chic ONLY LOVERS LEFT ALIVE 



LE FILM QUI SUPPORTE MAL LES COMPARAISONS 

LA FRENCH de Cédric Jimenez



LE FILM AU TEMPS DE CERVEAU HUMAIN (IN)DISPONIBLE 

LUCY de Luc Besson 



LE FILM LE PLUS SIGNIFIANT 

THE TRIBE de Myroslav Slaboshpytskiy



LE FILM QUI DURE 2H30 ET DONT AUCUNE SECONDE N'EST SUPERFLUE

GONE GIRL de David Fincher



LE NEANT CINEMATOGRAPHIQUE 

EDEN de Mia Hansen-Love 



L'ACTRICE QU'ON EST CONTENT DE REVOIR SOURIRE 
APRES LES TORTURES INFLIGEES PAR LARS VON TRIER

Charlotte Gainsbourg dans SAMBA d'Olivier Nakache et Eric Tolédano 



LE FILM LE PLUS AMBITIEUX 

INTERSTELLAR de Christopher Nolan



LE PLUS GRAND NAVET (QUASI INSURPASSABLE)

GRACE DE MONACO d'Olivier Dahan 



LE RETOURNEMENT DE SITUATION LE PLUS SUPRENANT

WHITE BIRD de Gregg Araki 



LE FILM QUI VOUS FAIT L'EFFET D'UN BON SOMNIFERE 

STILL THE WATER de Naomi Kawase



LE BIOPIC LE PLUS STYLE

SAINT LAURENT de Bertrand Bonello



LA COUPE DE CHEVEUX LA PLUS MOCHE 

Xavier Dolan dans TOM A LA FERME



LE THRILLER LE PLUS RADICAL 

UGLY d'Anurag Kashyap



LE TRUC LE PLUS IMBITABLE 

ADIEU AU LANGAGE de Jean-Luc Godard



LES ACTEURS LES PLUS TRANSFORMISTES 

Matthew McConaughey et Jared Leto dans DALLAS BUYERS CLUB de Jean-Marc Vallée



LE FILM LE PLUS MIRACULEUX 

IDA de Pawel Pawlikowski



LA SEQUENCE LA PLUS EBLOUISSANTE

Le final sensationnel de WHIPLASH de Damien Chazelle




TOP 10 DE MON CINEMATOGRAPHE (par ordre alphabétique)

                              

                            





TOP 10 DE NOTRE CONTRIBUTEUR ALEXANDRE ROBINNE

1/ INTERSTELLAR

Parce qu’on avait jamais vu une telle aventure spatiale, explorant au maximum nos connaissances scientifiques actuelles. Là ou les frères Nolan font très fort, c’est en ne perdant jamais l’aspect humain à travers une relation père/fille émouvante. Même si le film n’est pas parfait, il reste LA claque de l’année.

2/ GODZILLA

Parce que le film puise dans les quinze dernières années de notre histoire (Tsunami, 11 Septembre, Fukushima) pour livrer une fable écologiste pertinente et titanesque dans son affrontement entre la Nature (incarnée par Godzilla) et la pollution humaine (les MUTO). Du grand spectacle intelligent et d’actualité.

3/ THE GRAND BUDAPEST HOTEL

Parce que Wes Anderson signe tout simplement le film référence de sa carrière.

4/ ASTERIX - LE DOMAINE DES DIEUX

Parce qu’Alexandre Astier réussit, avec la complicité de Louis Clichy, la meilleure adaptation de la BD de Uderzo et Goscinny. Drôle, respectueux de l’œuvre originale tout en la modernisant. Une vraie réussite.

5/ LA GRANDE AVENTURE LEGO

Parce que ce film exploite parfaitement le concept même des Lego tout en gardant l’humour décalé que la marque danoise a su mettre en place à travers ses films, séries et autres jeux-vidéos.

6/ NIGHT CALL

 Parce que ce film explore le côté obscur d’un être humain noyé dans une civilisation en manque de repère. Jake Gyllenhaal confirme qu’il est l’un des acteurs américains les plus intéressant en campant ce personnage caméléon inquiétant de réalisme. En route pour les Oscars.

7/ BLUE RUIN

Parce que ce film est totalement maitrisé du début à la fin et arrive à surprendre continuellement le spectateur. Un vrai travail d’orfèvre dans un genre (le film de vengeance) balisé et casse gueule.

8/ GONE GIRL

Parce que David Fincher continue son analyse de notre société en s’attaquant cette fois-ci au mariage. Glacial et effrayant, porté par une réalisation et un casting parfaits.

9/ LOCKE

Parce que le portrait de cet homme jusqu’au-boutiste, dressé le temps d’un trajet Londres-Birmingham, est éblouissant. Coincé derrière son volant et armé de son seul téléphone portable, Tom Hardy livre une performance impressionnante de maitrise.

10/ QUAND VIENT LA NUIT

Parce qu’avec une histoire ultra-classique, Michael R. Roskam, réussit à nous surprendre. C’était aussi la dernière occasion de voir à l’écran le patibulaire mais attachant James Gandolfini secondant un Tom Hardy (encore lui) bluffant.


PRIX SPECIAUX

Produit de l’année 

TRANSFORMERS, L'ÂGE DE L'EXTINCTION

On n’est plus vraiment dans le cinéma mais véritablement dans le produit marketing orienté marché chinois. L’inimitable Michael Bay signe encore une fois une œuvre épuisante, fourmillant de placements de produits. Un business qui rapporte 1 milliard de dollars (plus gros succès de l’année dans le monde) rien qu’avec les recettes en salles…

L’arnaque de l’année 

QU'EST-CE QU'ON A FAIT AU BON DIEU ? 

Filmé sans aucune intention, porté par un casting en roue-libre, le plus gros succès hexagonal de l’année enchaine les blagues éculées bourrées de clichés. Avec son scénario paresseux, lisse et prévisible, ce téléfilm aura eu le mérite de servir de défouloir à 12 millions de spectateurs.

Film massacré par ses producteurs 

SABOTAGE

En cherchant à faire de ce film un action movie à gros bras estampillé Arnold Schwarzenegger, les producteurs ont littéralement massacré ce thriller désabusé qui offrait pourtant le rôle le plus noir de sa carrière à l’ex bodybuilder autrichien. En espérant une éventuelle réhabilitation à travers un director’s cut qui devrait approcher les 3h…


IN MEMORIAM 

Robin Williams, Philip Seymour Hoffman, Lauren Bacall, Alain Resnais, Virna Lisi, Mike Nichols, Harold Ramis, Bob Hoskins, Mickey Rooney, Eli Wallach, Richard Attenborough, Maximilan Schell, Marie Dubois, James Garner, Shirley Temple, Karlheinz Böhm, Françoise Bertin, Malik Bendjelloul, HR Giger, Gordon Willis, Saul Zaentz, Antoine Duhamel...