jeudi 26 février 2015

Hungry Hearts


Un homme et une femme se retrouvent enfermés dans les toilettes d'un restaurant chinois. L'odeur guère agréable de l'endroit n'encourage pas à la discussion mais la gêne mêlée au ridicule de la situation créent une complicité entre les deux personnages. On croit assister aux prémices d'une comédie romantique et les séquences suivantes, où l'on voit Jude et Mina habiter ensemble puis se marier, renforce cette impression. Mais la jeune femme tombe enceinte et le film de Saverio Costanzo bascule définitivement. 

L'arrivée du bébé bouleverse la relation du couple. Mina, persuadée que son enfant est unique, le protège de façon obsessionnelle du monde extérieur. Très amoureux d'elle, Jude respecte d'abord sa position avant de comprendre que son fils est en danger et que sa compagne perd le contact avec la réalité.

Alba Rohrwacher

Hungry Hearts est un film très dérangeant car il aborde un sujet relativement tabou : la déviance maternelle. Le réalisateur Saverio Costanzo filme une maman qui est persuadée de faire le bien à son bébé alors qu'elle contribue à l'affaiblir en le sous alimentant selon des préceptes délirants. Mais le cinéaste réussit le pari difficile de ne pas sombrer dans le manichéisme. Il alterne subtilement les points de vue, s'efforçant de ne pas juger ses protagonistes bien que le spectateur prenne de fait partie pour Jude, particulièrement lors de scènes surréalistes qui interpellent où le nouveau papa est obligé de nourrir normalement son fils dans une église, à l'insu de sa femme.

Adam Driver

Un malaise de plus en plus palpable envahit le film à l'image du comportement irrationnel de Mina, dangereuse pour son fils alors qu'elle croit l'aimer profondément. Un amour que le cinéaste ne remet d'ailleurs nullement en question, ce qui désarçonne le spectateur, allant jusqu'à la filmer avec son enfant sur la plage, au crépuscule, dans des moments de grande tendresse. L'inquiétante instabilité de Mina est renforcée par l'interprétation saisissante d'Alba Rorhwacher (vue dans Amore et Les Merveilles) qui a reçu, avec son partenaire Adam Driver (de la série Girls), le prix d'interprétation à la Mostra de Venise. L'acteur, avec cet air de grand échalas, écartelé entre l'amour pour sa femme et la survie de son fils, est aussi d'une grande justesse. 

Saverio Costanzo a fait le choix judicieux de transposer l'histoire originale (le film est adapté du roman de Marco Franzosco) à New York, mégalopole étouffante qui emprisonne les protagonistes et accentue leur solitude. Le réalisateur dit s'être inspiré du cinéma de John Cassavetes et d'Une femme sous influence, et l'on reconnaît en effet l'influence du grand cinéaste à l'utilisation de la caméra portée très proche des acteurs et à une certaine part d'improvisation. La mise en scène de Costanzo va évoluer au gré du récit, les cadrages vont se déformer, donnant à l'appartement du couple des perspectives irréelles. Le film devient alors un terrifiant thriller psychologique, pas très éloigné du Rosemary's Baby de Roman Polanski, sauf qu'ici le mal est plus profond. Saverio Constanzo signe une œuvre étouffante, sans cesse sur la tangente, dont l'issue fatalement dramatique nous bouscule longtemps après la projection. A déconseiller toutefois aux jeunes parents ! 

Antoine Jullien

Italie - 1h53
Réalisation et Scénario : Saverio Costanzo d'après le roman "Il bambino indaco" de Marco Franzosco
Avec : Alba Rohrwacher (Mina), Adam Driver (Jude), Roberta Maxwell (Anne). 

mercredi 25 février 2015

Birdman


Alejandro Gonzalez Iñárritu a obtenu la consécration en remportant 4 Oscars grâce à son cinquième long métrage, Birdman. Le cinéaste est revenu en odeur de sainteté après un tir groupé de la critique, assez injuste, sur sa prétendue propension au pathos. Il est vrai que son film précédent, Biutiful, était lourdement chargé mais transcendé par l'interprétation de Javier Bardem. En filmant cette fois la résurrection d'un acteur has been, le réalisateur a voulu changer de registre en fouillant le phénomène de la célébrité. Voilà probablement la raison de son triomphe auprès des membres de l'académie qui s'y sont manifestement reconnus. 

A l'époque où il incarnait le super-héros Birdman, Riggan Thomson (Michael Keaton) était mondialement célèbre. Mais, tombé dans l'oubli, il tente aujourd'hui de monter une pièce à Broadway dans l'espoir de retrouver sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir affronter ses comédiens indociles, sa fille qui le rejette et son passé qu'il voudrait bien effacer. 

Michael Keaton et Edward Norton

"Le monde est un théâtre". Cette fameuse formule a rarement été aussi bien incarnée que dans Birdman. Iñárritu a concocté un étonnant huis-clos dont l'action est (presque) exclusivement circonscrite aux murs du théâtre où se déroule la pièce. Afin d'amener du mouvement et du rythme à son histoire, le cinéaste a décidé de la tourner en un seul (faux) plan séquence, aux coupes quasi invisibles. Un tour de force que l'on doit au grand chef opérateur Emmanuel Lubezki (également oscarisé) qui parvient à faufiler sa caméra dans les moindres recoins du lieu, des coulisses au toit en passant par les loges. La paire gagnante filme ainsi une ruche en ébullition avec une maestria indéniable, cadencée par un percutant solo de batterie.  

Cette virtuosité épouse parfaitement le sujet du film et renvoie, dans un seul élan, à la grandeur et à la décadence du milieu artistique. Plusieurs scènes restent en mémoire, en particulier celle, déjà culte, où Michael Keaton se retrouve en slip, devant traverser Times Square pour rejoindre la scène. La prouesse des raccords et la fluidité des transitions, amplifiées par le jeu des comédiens, en font un spectacle jouissif à regarder. Des acteurs, citons tout spécialement Michael Keaton qui, après des années de disette, entreprend un spectaculaire comeback. Tour à tour pathétique et émouvant, il fait preuve d'une savoureuse autodérision et livre la prestation la plus intense de sa carrière. 


Mais si la forme est remarquable, le fond, lui, laisse un peu dubitatif car la vision du métier d'acteur et de la célébrité selon Iñárritu n'est pas très neuve. Egos hypertrophiés, hystérie, caprices, les comédiens du film sont servis à une sauce très reconnaissable que le cinéaste n'assaisonne pas suffisamment. Les répliques font mouche à plus d'une reprise mais les clichés ne sont pas réellement bousculés, à l'instar de la méchante critique acariâtre et hautaine (interprétée par la piquante Lindsay Duncan). De fait, on ne s'attache pas réellement aux personnages de même que l'on n'est pas franchement séduit par l'incursion bancale du fantastique dans le récit, Michael Keaton étant plus ou moins possédé par son double de fiction, Birdman, qui l'accompagne dans ses pérégrinations. Mais la greffe ne prend pas parce que le réalisateur ne pousse pas le curseur à fond et qu'il finit par se prendre les pieds dans le tapis de l'éternelle rédemption qu'il conclue dans un envol un peu vain. Ces réserves mises à part, Birdman demeure incontournable car il recèle plus d'instants de cinéma que la majorité des films à l'affiche. Et installe définitivement Alejandro Gonzalez Iñárritu comme l'un des plus grands formalistes de notre temps.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 1h59
Réalisation : Alejandro Gonzalez Inarritu - Scénario : Alejandro Gonzalez Inarritu, Nicolas Giacobone, Alexander Dinelaris et Armando Bo
Avec : Michael Keaton (Riggan Tomson), Emma Stone (Sam), Edward Norton (Mike), Zach Galifianakis (Jake), Naomi Watts (Lesley). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez 20th Century Fox. 

mardi 24 février 2015

Vincent n'a pas d'écailles

 
Le mariage de déraison entre la critique et le jeune cinéma d'auteur français est en train d'atteindre un point de non retour.  On l'observe ici et là depuis quelques temps avec une sidération de plus en plus grande. Il n'est pas ici question de tout jeter aux orties mais de faire preuve d'un minimum d'objectivité même si le terme peu paraître impropre à la critique, forcément subjective. Le dernier avatar de cette tendance est l'accueil hallucinant réservé au premier long métrage de Thomas Salvador, Vincent n'a pas d'écailles, que l'affiche décrit comme "le premier film de super-héros 100% français". Au risque de voir s'étrangler les fans du genre. 

Vincent a un pouvoir extraordinaire : sa force et ses réflexes décuplent au contact de l'eau. Pour le vivre pleinement, il s'installe dans une région riche en lacs et rivières. Mais il tombe amoureux de Lucie qui va découvrir ce don mystérieux.

Thomas Salvador et Vimala Pons

Le réalisateur, qui interprète également le rôle titre, veut apporter sa pierre à l'édifice des super-héros et croit y parvenir en s'en démarquant ostensiblement. Décors réalistes, scènes de la vie quotidienne, absence de dialogues : la démarche a le mérite de la clarté. Une louable intention qui, malheureusement, procure l'effet inverse de celui recherché. On se laisse pourtant vaguement séduire au début, intrigué par la tonalité insolite du film. Vincent ne déborde pas de charisme, c'est un euphémisme, mais ses plongées aquatiques successives (réalisées sans trucages numériques) lui permettant de retrouver ses pouvoirs amusent un tantinet. Pas longtemps, hélas.

Victime d'un scénario inexistant et incroyablement mal construit, le réalisateur enfonce le clou avec une mise en scène très minimaliste. Une posture que Thomas Salvador imagine audacieuse et qui est en réalité d'une confondante pauvreté. Car pour faire vivre des plans aussi statiques, encore leur faudrait-il de la matière. Or le cinéaste n'a aucune idée à proposer ni de fantaisie à offrir qui auraient permis de nous raccrocher un tant soit peu à l'intrigue anémique. Faute de personnages qui demeurent des figurines et d'enjeux consistants, le spectateur subit le rythme terriblement chancelant du film jusqu'à un final qui n'est pas très loin du grand foutage de gueule. Une toute petite chose en somme qui aurait dû plutôt accoucher d'un court métrage. Que la presse lui tresse de tels lauriers n'est vraiment pas lui rendre service, ni à son réalisateur ni au public. Une imposture qui ne mérite aucune dithyrambe.

Antoine Jullien

France - 1h18
Réalisation : Thomas Salvador - Scénario : Thomas Salvador, Thomas Cheysson et Thomas Bidegain.
Avec : Thomas Salvador (Vincent), Vimala Pons (Lucie), Youssef Hadji (Driss). 


lundi 23 février 2015

La sortie DVD de Boyhood


Boyhood fut l'un des évènements cinématographiques de l'année 2014. En entreprenant ce projet fou, celui de réaliser un film pendant douze ans avec les mêmes acteurs, Richard Linklater n'envisageait sans doute pas un tel destin. Présenté en première mondiale au Festival de Sundance puis récompensé de l'Ours d'Argent du réalisateur à la Berlinale quelques semaines plus tard, le long métrage a cumulé depuis de nombreux prix (Golden Globes, BAFTA) avant malheureusement d'échouer aux Oscars.

Grâce à son apparente simplicité, Boyhood a su toucher le public américain qui s'est reconnu dans cette inoubliable histoire de famille. Le film suit l'évolution de Mason, de l'enfant qu'il était à l'adulte qu'il est devenu. Autour de lui gravitent ses parents, superbement campés par Patricia Arquette et Ethan Hawke. 

Une ode aux petits riens de la vie sublimée par la caméra du cinéaste qui n'a jamais été aussi inspiré. Après une sortie estivale réussie (le film a réuni 250 000 spectateurs dans l'Hexagone), Boyhood sort maintenant en DVD et Blu-Ray *. Une belle occasion de le (re)découvrir. 



* Disponible chez TF1 Vidéo

samedi 21 février 2015

Kingsman : Services Secrets


Matthew Vaughn est un réalisateur anglais encore méconnu, ayant fait ses armes dans l’ombre de Guy Richie. En 2004, il signe Layer Cake, un premier long métrage réussi dans lequel Daniel Craig interprète avec classe un dealer de drogue souhaitant raccrocher. Malgré ses qualités, le film passe inaperçu mais permet tout de même à son réalisateur d’enchainer avec Stardust, le Mystère de l’Étoile, film hybride mélangeant aventure, science-fiction, conte de fées et film de pirate. Là encore, les critiques sont plutôt bonnes mais le film ne convainc pas un public dubitatif devant un tel patchwork. Vaughn persiste en adaptant ensuite Kick-Ass, le comics de Mark Millar et John Romita Jr. Sans faire exploser le box-office, le long métrage acquiert une certaine notoriété et offre à son réalisateur la possibilité d’ouvrir une nouvelle trilogie X-Men avec First Class. Le film est un carton et le réalisateur britannique devient alors très courtisé. Incapable de tomber dans la facilité, Matthew Vaughn refuse les suites de Kick-Ass et d' X-Men, préférant s’attaquer à un autre comics de Mark Millar : The Secret Service.

Kingsman est une agence de renseignement britannique tellement secrète que personne n’en n'a jamais entendu parler. À la suite du décès de l’un de ses agents, elle se voit dans l’obligation de recruter un nouvel élément. Une poignée de jeunes sont en lice parmi lesquels Eggsy (Taron Egerton), un gamin des banlieues sympathique, un peu pommé, parrainé pour l’occasion par l’espion Galahad (Colin Firth). Pendant ce temps-là, un milliardaire philanthrope nommé Richmond Valentine (Samuel L. Jackson) met au point un plan diabolique menaçant la plupart des habitants de notre bonne vieille planète.

Colin Firth et Taron Egerton 

Kingsman : Services secrets est, comme son nom l’indique, un film d’espionnage avec son lot de gadgets, de passages secrets et de complots à l’échelle mondiale. Mais contrairement à ses occurrences contemporaines (James Bond, Jason Bourne), le film ne se prend jamais au sérieux. En ce sens, Kingsman se rapproche plus de Moonraker (dont il semble largement s’inspirer) que de Skyfall. Le scénario reste classique structurellement, en évoluant sur deux trames distinctes (l’enquête de Galahad et la formation du jeune Eggsy) qui se rejoignent dans la dernière partie du film, tout en réservant cependant quelques surprises de taille. Le film se démarque surtout par son style véritablement décomplexé, à la réalisation énergique et haute en couleur contrastant avec les références du genre, et aux nombreuses scènes d’action n’épargnant rien au spectateur, comme c’était déjà le cas dans Kick-Ass.


Malgré une montagne de cadavres jonchant un scénario particulièrement sanglant, le film ne tombe jamais dans un cynisme malsain que l’on retrouve parfois dans les blockbusters contemporains. Ici, la réussite personnelle du héros n’a pas d’importance face à celle du groupe et ces espions des temps modernes exercent leur activité dans l’intérêt général. En ce sens, les Kingsman sont les dignes descendants des chevaliers, protecteurs de la veuve et de l’orphelin face aux puissants de ce monde. Même si cette éthique morale reste simpliste dans son traitement, elle a le mérite d’exister dans un film à grand spectacle.

À noter également le casting, toujours irréprochable dans les films de Matthew Vaughn, comme en témoigne la présence de Colin Firth et Samuel L. Jackson qui s'amusent comme des petits fous sans toutefois voler la vedette au jeune Taron Egerton, véritable révélation du film. Et même si Kingsman : Services secrets souffre de quelques faiblesses, il n’en reste pas moins un divertissement original et percutant, mené tambour battant durant plus de deux heures par un réalisateur courageux qui devrait continuer à nous surprendre. Rappelez-vous son nom : Vaughn, Matthew Vaughn…

Alexandre Robinne

Grande-Bretagne - 2h09
Réalisation : Matthew Vaughn - Scénario : Jane Goldman et Matthew Vaughn d'après le comic-book de Mark Millar et Dave Gibbons
Avec : Colin Firth (Harry Hart / Galahad), Taron Egerton (Gary "Eggsy" Unwin), Mark Strong (Merlin), Samuel L. Jackson (Valentine). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez 20th Century Fox. 
 

jeudi 19 février 2015

American Sniper


Triomphe absolu aux États-Unis, American Sniper est devenu le plus gros succès de Clint Eastwood. La légende de 84 ans a suscité une intense polémique, accusée par certains d'avoir réalisé un film de propagande belliciste. L'homme a toujours aimé jouer avec l’ambiguïté, mettant régulièrement à mal ses valeurs républicaines. Autrefois considéré comme un dangereux fasciste, il est aujourd'hui un cinéaste unanimement célébré, le dernier des géants du grand cinéma classique hollywoodien. Une carrière passionnante qui a régulièrement pris des chemins de traverse, questionnant la moralité de notre époque et la frontière de plus en plus ténue entre le bien et le mal. 

Après être passée entre les mains de plusieurs réalisateurs de renom (dont Steven Spielberg), l'adaptation du livre de Chris Kyle a finalement été confiée à Dirty Harry. Soit l'histoire vraie du sniper le plus redoutable de l'armée américaine, auteur de plus de cent soixante "confirmed kill". Avec un tel sujet, nos craintes étaient fondées. Et elles ne se sont malheureusement pas estompées.

Bradley Cooper

Le film suit le parcours de ce soldat des Navy SEAL, tireur d'élite envoyé en Irak pour protéger ses camarades. Grâce à sa précision chirurgicale, il fait de nombreuses victimes et va bientôt décrocher le surnom de Légende. Mais sa réputation se propage au delà des lignes ennemies et sa tête est mise à prix par les insurgés. Malgré le danger permanent et le fait de rester éloigné de sa famille, il participe à plusieurs batailles décisives avant de rentrer au bercail et d'être tué par un vétéran en 2013. 

Alors que le film de guerre a connu maintes révolutions esthétiques, portées notamment par Kathryn Bigelow et Paul Greengrass, Clint Eastwood reste dans les sentiers battus d'une mise en scène à l'ancienne mais diablement efficace. La limpidité du découpage et l'habileté du montage sont encore des exemples à suivre pour des futurs cinéastes. Et bien qu'il soit dans un registre éprouvé, le réalisateur parvient à nous scotcher à plusieurs reprises comme lors de l'assaut final plongé dans une tempête de sable. Réaliste et cru, le conflit est montré comme un piège sans issue, une souricière dont il est très difficile de s'extirper. 

Bradley Cooper et Sienna Miller

Clint Eastwood en propose une métaphore convaincante lorsqu'il met en parallèle la psychologie défaillante de son héros qui n'arrive plus à sortir mentalement de l'enfer de la guerre. Chez lui, hagard devant son poste de télévision éteint, résonne encore dans sa tête les impacts de balles et les bruits d'explosion. Alors que dans les premières scènes, le cinéaste brosse le portrait d'un patriote typiquement américain à qui l'on a appris à devenir le berger pour protéger ses moutons face à la menace des loups, Eastwood s'en détache progressivement afin d'explorer l'état d'un homme qui perd ses repères mais également sa famille qu'il ne voit presque plus. Les séquences avec sa femme (Sienna Miller) sont sobres et tenues, à l'image du long métrage qui devient plus trouble et plus intéressant à mesure que le récit évolue.

Mais Clint Eastwood gâche tout dans un épilogue à la limite du supportable qui glorifie sans réserve son héros. On sait que le cinéaste s'est éloigné du vrai Chris Kyle qui déclarait être parti faire la guerre "en terre impie" et traitait les Irakiens de "sauvages". L'interprétation de Bradley Cooper en fait un personnage plus nuancé qui permet au spectateur de mieux s'identifier à lui. Mais le processus est retors car il met délibérément de côté les aspects les moins reluisants du bonhomme et, plus grave, n'interroge nullement ses actes (à l'exception d'une scène chez le médecin) de même que, à l'image d'un Kyle droit dans ses bottes, Clint Eastwood ne remet jamais en question cette guerre qui est pourtant au cœur de son film. Il est difficilement acceptable qu''un cinéaste comme Eastwood éprouve si peu de recul vis à vis de son protagoniste, et si tel n'était pas le cas ce final malheureux n'aurait pas lieu d'être. On comprend alors pourquoi une grande partie du public américain ait applaudi cet hommage appuyé à une gloire yankee. Mais on voit mal comment des spectateurs éclairés puissent encore y déceler la fameuse zone de gris eastwoodienne, tristement effacée au profit d'un manichéisme simpliste. Le patriotisme a des vertus, pas sûr qu'elles prennent de la hauteur après les salves de ce tireur de la mort.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h12
Réalisation : Clint Eastwood - Scénario : Jason Hall d'après le livre de Chris Kyle, Scott McEwen et Jim DeFelice
Avec : Bradley Cooper (Chris Kyle), Sienna Miller (Taya Kyle), Luke Grimes (Marc Lee), Jake McDorman (Biggles).  


Disponible en DVD et Blu-Ray chez Warner Vidéo.

mercredi 18 février 2015

Réalité

 
Jusqu'à alors, Quentin Dupieux (Rubber, Wrong) n'avait pas donné pleinement satisfaction. On louait certes sa liberté de ton, son audace et sa bizarrerie mais une certaine pose arty un poil agaçante nous laissait sur notre faim. Avec Réalité, le réalisateur émigré aux Etats-Unis signe son film le plus accompli tout en étant dans la continuité des précédents. Murissant ce projet pendant plusieurs années dans l'attente de la disponibilité d'Alain Chabat, Quentin Dupieux a mis ses pas dans ceux de ses glorieux aînés en poursuivant sa petite musique à lui qui ne s'est jamais aussi bien accordée. 

Jason Tantra (Alain Chabat), un caméraman qui travaille pour un show d'une télévision américaine locale, rêve de réaliser son premier long métrage, un film d'horreur. Le producteur Bob Marshall (Jonathan Lambert) accepte de le financer à condition qu'il lui trouve le meilleur gémissement de l'histoire du cinéma. Devant cette tâche ardue, Jason va redoubler d'effort pour le satisfaire au grand dam de sa femme psychologue (Elodie Bouchez, pas très bien servie), indifférente aux velléités artistiques de son compagnon. 

Alain Chabat

Notre enthousiasme vient d'abord de la présence d'Alain Chabat au générique. L'acteur dégage une humanité qui manquait aux autres films de Dupieux et grâce au comédien le public se retrouve pour la première fois en empathie avec le personnage principal du réalisateur. Étrangement, la loufoquerie du film ne vient pas de lui mais plutôt des seconds rôles, à commencer par l'excellent Jonathan Lambert qui campe un improbable magnat californien semblant trouver dans le souffrance humaine une jouissance bien réelle. A le voir tirer sur des surfeurs ou tenter vainement d'enlever les tâches de son tapis en peau de bête, il incarne une vision à la fois grotesque et inquiétante des moguls hollywoodiens. 

 Jonathan Lambert

Reality est en fait le nom d'une petite fille qui est le personnage central du film dans le film dont le producteur n'est autre que Bob Marshall. Car Quentin Dupieux entremêle rêve, fiction et réalité, emboîte l'histoire d'Alain Chabat à celle de l'enfant à tel point que tout finit par se confondre. La mise en abime devient vertigineuse, rappelant certaines œuvres de David Lynch, désarçonnant le spectateur pour son plus grand plaisir. Mais le cinéaste ne tombe pas dans une gratuite absurdité car il construit son récit avec une rigueur scénaristique qui force l'admiration. Malgré les nombreux accidents qui émaillent sa narration dont cette mystérieuse VHS retrouvée dans le ventre d'un sanglier, on sent que le réalisateur la maîtrise à chaque instant.

Le film est aussi parsemé de références souvent jubilatoires à tout un pan du cinéma bis des années 80 que l'on distingue dans les images de Waves, ce film d'horreur que le personnage de Chabat veut à tout prix mettre en scène et dans lequel des postes de télévision se mettent subitement à tuer les gens. Lorsque Chabat assiste lui-même à une projection de son film dans une salle de cinéma alors qu'il est supposé ne pas l'avoir encore réalisé, le cauchemar cinématographique prend une ampleur extravagante. La précision des cadrages (Dupieux est lui-même chef opérateur) et la photographie faussement doucereuse qui enveloppe les protagonistes d'un voile dont ils ne peuvent plus se défaire donnent au long métrage un caractère irréel mais étonnamment plausible. Soudain, une autre dimension envahit les pores du film où les obsessions du cinéaste prennent enfin sens. Comme si l'inégale filmographie de Quentin Dupieux attendait depuis toujours ce cinquième opus, réjouissant, sincère et angoissé.

Antoine Jullien

France / Belgique - 1h27
Réalisation et Scénario : Quentin Dupieux
Avec : Alain Chabat (Jason Tantra), Jonathan Lambert (Bob Marshall), Elodie Bouchez (Alice), Kyla Kennedy (Reality). 



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Diaphana Vidéo. 

mardi 17 février 2015

Rencontre avec le jury du Mobile Film Festival


Le Mobile Film Festival fêtait cette année son dixième anniversaire à travers une sélection de 52 courts métrages d'1 minute réalisés sur un téléphone portable. Mon Cinématographe faisait partie du Jury des Blogueurs qui a couronné l'un des films les plus drôles de la compétition, Les Petits réalisé par Nelson Rodrigo. 

Le jury, lui, a fait des choix plus discutables, attribuant à J'ai grandi de Lionel Nakache le prix du Meilleur Film Mobile, loin pourtant de figurer parmi les oeuvres les plus marquantes. On préférera retenir L'Acte, le film très percutant d'Alexandre Perez, lauréat du Prix de la mise en scène, et le tendre et léger Inseulite de Michael Selles qui a obtenu le Prix du Jury *.

Alexandre Perez, lauréat du Prix de la mise en scène pour L'Acte

Le gagnant du meilleur film s'est vu remettre une bourse de 15000 euros de la part de BNP Paribas, partenaire de la manifestation, pour qu'il puisse réaliser un court métrage en un an, accompagné par un producteur. Espérons que ce futur projet sera de meilleure qualité que le médiocre court métrage du lauréat de l'an passé que l'on a pu découvrir avant la remise des prix. 

Nous avons eu la chance de rencontrer Gérard Krawczyk, le président du jury, et le réalisateur Benoît Philippon, également membre du jury, afin de recueillir leurs impressions et leur ressenti sur ce festival. 

* Retrouvez l'ensemble du palmarès sur le site du Mobile Film Festival : http://fr.mobilefilmfestival.com/page/palmares-2015

lundi 16 février 2015

Les Nouveaux Héros

 
En adaptant pour la première fois un obscur comics estampillé Marvel, Disney nous rappelle que la firme américaine possède la franchise la plus rentable mais aussi la plus formatée du moment. De là à en conclure que le cœur de la compagnie aux grandes oreilles est en train d’être passé à la moulinette de la fainéantise cinématographique, il n’y a qu’un pas à ne pas franchir trop rapidement. Car après Raiponce et La Reine des Neiges, Les Nouveaux Héros prouvent que le pôle animation du géant hollywoodien, mené par le génial John Lasseter, en a encore sous la pédale.

Big Hero 6 (le titre original) nous plonge dans la ville fictive de San Fransokyo, un San Francisco à la sauce nippone, où évoluent le jeune Hiro Hamada et son grand frère Tadashi, tous deux passionnés de robotique. Le benjamin développe ses robots dans le but de faire de l’argent facile lors de combats clandestins tandis que l’aîné travaille d’arrache-pied à l’élaboration d’un androïde médical : le Bibendum Baymax. Les choses tournent au drame lorsque Tadashi meurt subitement, laissant Hiro dans le désarroi le plus total. Comprenant assez vite que la disparition de son frère n’a rien d’accidentel, le jeune garçon mène l’enquête avec l’aide de Baymax qu’il va peu à peu faire évoluer.

Les Nouveaux Héros a le mérite de surprendre son spectateur dans un univers à mi-chemin entre la culture américaine et japonaise. La ville de San-Fransokyo charme la rétine, le rythme effréné du film cloue le spectateur sur son siège tandis que le nounours Baymax amène humour et légèreté dans cette aventure sortant en apparence des sentiers battus. L’émotion n’est jamais très loin, notamment dans sa magnifique séquence finale, et l’on ressort du film heureux d’avoir passé un bon moment haut en couleur. L’emballage est parfait.


Mais quand on regarde de plus près, force est de constater qu’il n’y a finalement rien de bien neuf dans la firme de tonton Walt. Le scénario est émaillé de personnages lisses à l’évolution évidente (quand il y a évolution) et l'univers riche ne l'est en réalité qu’à moitié : passé la découverte de San Fransokyo, le design du film ne rompt jamais avec la tradition graphique de la major malgré l’influence nippone. C’est d’autant plus dommageable lorsque l’on prend en compte la richesse de l’animation au pays du Soleil Levant. D’ailleurs qui y a-t-il de profondément asiatique dans cette production 100 % américaine ? En réalité, pas grand-chose, si ce n’est le masque du méchant issu du théâtre Kabuki.

Tout ceci ne gâche pourtant pas notre plaisir de spectateur car malgré ces relatives faiblesses, le film garde un atout capital dans sa manche : Baymax. Utilisant la technique du poisson hors de l’eau, ce robot conçu pour sauver des vies humaines est peu à peu détourné de son objectif pour devenir une arme létale. Mais la bonhommie de cette machine couplée à sa naïveté burlesque en font le personnage le plus riche et le plus convaincant de cette histoire. Par lui passe le deuil de Hiro, par lui passe l’émotion et le rire, par lui passe la magie de Disney. Et rien que pour ça, l’aventure en vaut la chandelle.

Alexandre Robinne

Etats-Unis - 1h42
Réalisation : Don Hall et Chris Williams - Scénario : Jordan Roberts, Daniel Gerson, Robert L. Baird.

vendredi 13 février 2015

Mon Fils


Le réalisateur Eran Riklis, remarqué avec Les Citronniers, a voulu aborder le conflit israélo-palestinien sous un angle peu traité, celui des minorités arabes vivant en Israël. En adaptant deux romans de Sayed Kashua, Les Arabes dansent aussi et La deuxième personne, le cinéaste est parvenu à trouver la bonne distance sur un sujet pouvant prêter à tous les formes de manichéisme, en ayant fait le choix judicieux de situer son film dans les années 80 et 90.

Sur une décennie, allant de la Guerre du Liban en 1982 à celle du Golfe, dix ans plus tard,  il raconte la vie d'un jeune arabe, Iyad qui intègre un prestigieux internat juif à Jérusalem. Il est le premier et le seul arabe à y être admis. Bien qu'il soit progressivement accepté par ses camarades, il ne trouve qu'un véritable ami, Yonatan, un garçon atteint d'une maladie héréditaire. Il va se rapprocher de sa famille et de sa mère, Edna, pour lequel il va devenir un deuxième fils. 

Michael Moshonov, Tawfeek Barhom et Yaël Abecasis 

Eran Riklis réalise un beau film nuancé sur un sujet épineux et délicat en filmant justement des personnages déchirés dans leur identité. Iyad est pris entre deux eaux, l'attachement qu'il a pour ses parents d'origine, farouchement hostiles aux israéliens, et l'amour qu'il éprouve pour une juive dont les parents condamnent la relation. Le cinéaste ne tombe pas dans le simplisme, pointant du doigt les préjugés de tous bords, n'épargnant ni le manque de recul des parents du jeune homme devenant des partisans de Sadam Hussein ni l'hostilité de certains juifs face aux minorités arabes que décrit magistralement Iyad lors d'une séquence très forte dans sa salle de classe. Mais le réalisateur le fait avec un mélange d'humour et de bienveillance qui confère à son oeuvre une douceur appropriée. 

Le message du paix qui émane du film vient de cette seconde famille que rejoint Iyad. Une union improbable sur le papier qui lie un juif et un arabe, tous deux marginalisés dans leur existence, l'un à cause de ses origines, l'autre par le fait de son handicap. Plus leur relation évolue et plus le thème de l'imposture prend de l'importance. Car pour éviter de révéler sa réelle identité aux israéliens, Iyad va prendre progressivement la place de son camarade. Mais il s'agit d'un symbole, celui d'une fraternité sincère et utopique entre deux peuples qui n'arrivent plus à communiquer. Grâce à l'interprétation sensible des comédiens, et particulièrement de Yaël Abecassis, digne et émouvante, Mon Fils nous touche secrètement et sans fracas. 

Antoine Jullien

Israël - 1h44
Réalisation : Eran Riklis - Scénario : Sayed Kashua d'après ses romans 
Avec : Tawfeek Barhom (Iyad), Yaël Abecassis (Edna), Michael Moshonov (Yonatan), Ali Suliman (Salah). 

mercredi 11 février 2015

L'évasion fiscale et ses petits (et grands) secrets

L'ENQUÊTE / LE PRIX A PAYER


Il est toujours troublant de voir à quel point l'actualité et la fiction se juxtaposent sans cesse lorsqu'elles ne se confondent pas entièrement. Alors qu'une affaire d'évasion fiscale à grande échelle vient tout juste d'éclater que sort L'Enquête de Vincent Garenq qui revient sur l'un des scandales politico-financiers majeurs de la dernière décennie. Le réalisateur, que l'on sait attaché à un certain cinéma du réel (voir Présumé coupable sur le procès d'Outreau), s'est plongé tête baissée dans les ouvrages sulfureux du journaliste Denis Robert par qui tout est arrivé. 

Cet homme, campé par Gilles Lellouche, va mettre le feu aux poudres dans le monde de la finance en dénonçant le fontionnnement opaque de la société bancaire Clearstream. Sa quête de vérité va rejoindre une autre affaire dite "des frégates de Taïwan" instruite par le juge Renaud Van Ryumbeke (Charles Berling). Leurs chemins vont les conduire au coeur d'un scandale qui va secouer la République. 

Gilles Lellouche

Grâce à un scénario très travaillé et documenté, Vincent Garenq est parvenu à rendre compréhensible une intrigue éminemment complexe, aux ramifications multiples, qui mêle journalistes, avocats, magistrats et politiques. Car avant d'être le symbole de la guerre entre deux prétendants à l'élection présidentielle, l'Affaire Clearstream est d'abord la divulgation par Denis Robert d'un système de comptes non publiés faisant de la chambre de compensation Clearstream une plateforme mondiale de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent. Mais la société luxembourgeoise va démentir ces révélations en attaquant le journaliste en diffamation, avec la complicité de certains médias. Le spectateur voit Denis Robert devenir la proie d'une organisation qui va faire de lui un coupable.

Charles Berling

C'est la partie la plus intéressante du film car elle nous éclaire brillamment sur des éléments auxquels on avait pas (ou peu) connaissance. Collant sa caméra aux basques du journaliste déterminé, le réalisateur nous dévoile un monde secret qui semble n'obéir à aucune loi ni aucune règle. Soutenu dans son combat par quelques proches (sa famille, son éditeur), Denis Robert va voir débouler une meute prête à l’abattre. Mais le cinéaste ne simplifie pas pour autant son propos et ne verse pas dans le conspirationnisme à la petite semaine. S'il avance des grilles de lecture, il ne désigne pas clairement les coupables, particulièrement dans le second volet de l'affaire, celui du présumé complot politique visant Nicolas Sarkozy. Prudent, Vincent Garenq incrimine l'informaticien Imad Lahoud mais reste plus évasif sur les rôles joués par Jean-Louis Gergorin, vice-président d'EADS, et Dominique de Villepin. 

Si Vincent Garenq réalise un film dossier de bonne facture, il lui manque un supplément d'âme, à l'instar de Gilles Lellouche, convaincant dans la peau du journaliste mais un peu trop linéaire dans son incarnation. On aurait aimé que L'Enquête déborde davantage du cadre pour s’interroger sur nos sociétés contemporaines comme Francesco Rosi en son temps qui parvenait, à partir de faits réels, à décrypter la société italienne et ses désillusions démocratiques. Et lorsque Vincent Garenq s'éloigne de l'intrigue en rentrant dans la vie intime de ses protagonistes, il est moins inspiré. Mais souhaitons à ce cinéma d'investigation, encore trop rare dans l'Hexagone, de trouver un public qui ne sera probablement guère rassuré face à l'issue de cette ténébreuse affaire. 

France - 1h46
Réalisation : Vincent Garenq - Scénario : Vincent Garenq et Stéphane Cabel avec la participation de Denis Robert
Avec : Gilles Lellouche (Denis Robert), Charles Berling (Le Juge Van Ryumbeke), Laurent Capelluto (Imad Lahoud), Florence Loiret Caille.





L'évasion fiscale est également au centre du documentaire Le prix à payer du canadien Harold Crooks qui dénonce l'écart des revenus entre les plus privilégiés et le reste du monde, creusant davantage les inégalités. Pour étayer sa démonstration, le réalisateur convoque des experts du monde de la finance dont d'anciens membres repentis du système fiscal. 

Le réalisateur aurait dû limiter le nombre d'intervenants au risque de noyer le spectateur sous un flot ininterrompu d'informations. Et même si Harold Creeks aère son film de quelques parenthèses climatiques, il ne parvient pas toujours à sortir des sentiers battus du documentaire pédagogique. Mais il réussit parfaitement à démontrer la manière insidieuse dont les multinationales usent allègrement des paradis fiscaux, en toute légalité. Quelques moments savoureux retiennent notre attention notamment lorsque les responsables d'Amazon sont entendus par une commission parlementaire britannique. Un grand moment d'hypocrisie larvée, qui, à l'image de la résolution du film, donne peu d'espoir sur la fin de ce système totalement déréglé, aux funestes conséquences. 

Antoine Jullien


mardi 10 février 2015

Jupiter : le destin de l'univers

 
Repoussé de sept mois pour (officiellement) peaufiner ses effets spéciaux, Jupiter : le destin de l’univers réalisé par Andy et Lana Wachowski est enfin dans nos cinémas. Chose étrange, ce space opera porté par Channing Tatum et Mila Kunis sort en catimini, hors de la saison habituelle des blockbusters (mai-août ou novembre-décembre) et sur un parc d’à peine 400 écrans. Certes, les Wachowski sont des réalisateurs singuliers dans le paysage hollywoodien mais une telle irrégularité spatio-temporelle invite à une extrême prudence au moment de visionner la première superproduction de l’année avec ses 175 millions de dollars de budget. Alors flop intergalactique ou nouvelle étoile au panthéon de la SF ?

L’histoire, pas vraiment originale, suit les aventures de Jupiter Jones (Mila Kunis), une jeune femme de ménage à la vie monotone qui passe son temps à récurer les toilettes d’un palace de Chicago jusqu’au jour où des chasseurs de primes extraterrestres tentent de l’éliminer. Secourue in extremis par Cain Wise (Channing Tatum), soldat mi-homme mi-loup au passé plus que brumeux, elle se retrouve au cœur d’une lutte fratricide entre souverains intergalactiques dont l’enjeu n’est autre que la survie de l’espèce humaine. 

 Channing Tatum et Mila Kunis

Jupiter : le destin de l’univers n’est pas un mauvais film mais le duo à qui l’on doit la trilogie Matrix peine à rendre accessible un univers extrêmement riche dans lequel les complots politiques plombent un scénario qui aurait mérité plus de simplicité, à l’image de Star Wars ou Avatar. Alourdi par un casting bankable qui dessert les ambitions du film et où trône l'insipide Mila Kunis, le long métrage ne réussit jamais vraiment à emmener son spectateur vers les étoiles, malgré une créativité de tous les instants.

Car contrairement aux grosses productions actuelles, Andy et Lana Wachowski puisent dans un imaginaire riche et diversifié pour tenter de rendre leur univers crédible et envoûtant. Même si l’on peut leur reprocher une surenchère graphique poussant parfois à l’orgie picturale ou à la ringardise numérique, c’est surtout la générosité du duo qui provoque l’admiration. Ainsi, les décors, les costumes, les intrigues rappellent, en vrac, l’Égypte Antique, l’Empire romain, le Moyen Âge ou bien encore la Renaissance, comme si Jupiter Ascending (le titre original) était une parfaite synthèse de dix mille années d’Histoire. Sans oublier les citations assumées au Dune avorté de Jodorowski, au Brazil de Terry Gilliam, à Cendrillon, au Magicien d’Oz… Un vrai régal pour les yeux et l’imaginaire.


Malgré toutes ses qualités techniques indéniables (réalisation, effets spéciaux, musique), Jupiter : le Destin de l’univers souffre d’un trop-plein de bonnes intentions difficilement encastrables en deux petites heures de grand spectacle. À l’image de John Carter qui souffre globalement des mêmes symptômes, il est difficile d’imaginer une suite à cette hypothétique franchise. Car, en ouvrant une année riche en superproductions nostalgiques (Star Wars 7, Jurassic World, Terminator Genisys, Mad Max : Fury Road), le dernier rejeton de la fratrie Wachowski devrait se planter dans les grandes largeurs alors qu’il est sans doute le seul blockbuster réellement ambitieux de 2015. Les super-héros pantouflards peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

Alexandre Robinne

Etats-Unis - 2h07
Réalisation et Scénario : Andy et Lana Wachowski
Avec : Mila Kunis (Jupiter Jones), Channing Tatum (Cain Wise), Sean Bean (Stinger Apini), Eddie Redmayne (Balem Abrasax).


vendredi 6 février 2015

L'interview qui tue !

 
En plein débat sur la liberté d’expression après les évènements qui ont secoué la France en ce début d’année, nos salles hexagonales accueillent un film qui a lui aussi connu une certaine forme de censure. Il y a quelques mois, Sony Pictures * fut virtuellement attaqué par de mystérieux hackers qui reprochaient à la major d’avoir produit The Interview, film dans lequel un journaliste et son producteur sont chargés par la CIA de tuer Kim Jong-Un, dirigeant actuel de la Corée du Nord. Les menaces planant sur les séances prévues dans les cinémas de l’Oncle Sam obligèrent même le distributeur à déprogrammer le film. Même si les tenants et les aboutissants de cette histoire restent flous (La Corée a démenti être à l’origine de cette attaque, certains soupçonnent Sony de chercher à faire du buzz autour du film), il est temps de savoir si le dernier rejeton de Seth Rogen vaut vraiment tout ce battage médiatique.

The Interview raconte donc les péripéties de Dave Skylark (James Franco), présentateur vedette du show « Skylark Tonight », sorte de psychanalyse à deux centimes pour vedettes en plein burn-out, et de son producteur Aaron Rapaport (Seth Rogen). Malgré les nombreux scoop que dévoilent l’émission (McConaughey se tape des chèvres, Rob Lowe porte une perruque, Joseph Gordon-Levitt aime bien jouer avec des poupées) Aaron souhaite gagner en respectabilité. Découvrant que Kim Jung-Un, qui menace de lancer ses ogives nucléaires sur les Etats-Unis, est fan de son show, il arrive sans trop de problèmes à décrocher la fameuse interview du titre. C’était sans compter sur deux agents de la CIA qui sautent sur l’occasion et ordonnent aux deux larrons d’assassiner le dirigeant coréen. Et forcément, rien ne va se passer comme prévu.

James Franco et Seth Rogen

Seth Rogen, coréalisateur, acteur et producteur à l’origine du projet, enchaîne les films depuis près de dix ans. Rencontrant un certains succès de l’autre côté de l’Atlantique, l’humoriste américain est reconnu comme n’ayant pas froid aux yeux, évoquant sans détour le sexe et la drogue (notamment la marijuana dont il est ouvertement un grand consommateur). Sorti en 2013, C’est la fin, sa première co-réalisation dans laquelle venait s’amuser un grand nombre de ses amis dans leur propre rôle (Jonah Hill, Jay Baruchel, Michael Cera…) était une comédie complètement folle mais un peu brouillonne dans laquelle des extraterrestres envahissaient notre planète alors qu’une fête monstrueuse était donnée chez James Franco. On s’attendait à ce que Seth Rogen monte le niveau avec The Interview à la vue d'une première bande annonce prometteuse. Autant le dire tout de suite : quelle déception !!

Randall Park

Avec ses personnages profondément débiles, le film se noie dans un déluge de gags scatologiques poussifs n’arrachant jamais le moindre sourire à un spectateur consterné devant tant d’agitation inutile et pathétique. Même si on entraperçoit des tentatives de critiques ou d’explications quant à la situation en Corée du Nord, le grand n’importe quoi qui sert de scénario reste d’une naïveté déplorable et offre un violent relent de patriotisme yankee comme en atteste un Kim Jung-Un adorant jouer au basket-ball en écoutant en secret du Katie Perry. En prônant la toute puissance d’une culture américaine interplanétaire (tous les coréens parlent bien évidemment parfaitement la langue de Shakespeare), The Interview s’autodétruit dans un final mollasson, se voulant pourtant aussi transgressif qu’un Inglorious Basterds. Mais avec le vide abyssal qui sert d’ossature à l’ensemble, il n’est pas étonnant de voir se ridiculiser des acteurs comme James Franco qui ne reculent devant rien. On a véritablement l’impression que Sony à délibérément lâché plus de quarante millions de dollars à des gamins fumant des joins dans un bac à sable en se disant que de là viendrait sans doute le génie. Monumentale erreur.

Le plus scandaleux étant que le buzz autour du film devrait lui permettre de rentrer dans ses frais grâce à la VOD qui a déjà quasiment remboursé la mise outre-Atlantique. Une chose est sûre, une telle arnaque ne mérite vraiment pas la notoriété qui est la sienne, ni même cette sortie dans nos salles de cinéma. A fuir.

Alexandre Robinne  

* La vice-présidente de Sony, Amy Pascal, vient de démissionner.

Etats-Unis - 1h52
Réalisation : Evan Goldberg et Seth Rogen - Scénario : Dan Sterling, Seth Rogen et Evan Goldberg 
Avec : James Franco (Dave Skylark), Seth Rogen (Aaron Rapaport), Lizzy Caplan (Agent Lacey), Randall Park (Président Kim).







mardi 3 février 2015

Oscars et Césars 2015



MISE A JOUR LE 23 FEVRIER

LES LAUREATS

Les mexicains sont devenus les rois d'Hollywood. Après le sacre d'Alfonso Cuaron l'an passé pour Gravity, c'est au tour de son compatriote Alejandro Gonzalez Iñárritu d'être célébré. Son cinquième long métrage, Birdman (en salles mercredi) remporte 4 Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleure photographie pour Emmanuel Lubezki qui décroche également sa deuxième statuette après Gravity. Un triomphe plutôt mérité, surtout pour la mise en scène virtuose du réalisateur, et certes assez prévisible dans la mesure où Birdman avait déjà remporté de nombreux prix mais on espérait que Boyhood puisse lui faire de l'ombre. Las, à l'exception de l'Oscar du second rôle remis à Patricia Arquette (qui a fait un vibrant discours pour l'égalité homme-femme), le film de Richard Linklater repart bredouille. Une relative injustice quand on s'arrête sur la singularité hors-normes du projet qui méritait d'être davantage saluée. 

Le réalisateur Alejandro Gonzalez Inarritu, grand vainqueur avec Birdman 

Parmi les acteurs, la grande Julianne Moore se voit enfin récompensée pour sa prestation dans Still Alice (sortie le 11 mars) dans lequel elle joue une malade d'Alzheimer. Une thématique qui a également profité au jeune Eddie Reydmane qui remporte l'Oscar du meilleur acteur pour Une merveilleuse histoire du temps où il interprète le physicien Stephen Hawking, atteint lui de la maladie de Charcot. Un choix très académique pour un film sans grand relief et qui prouve une fois encore l'extrême frilosité des votants. 

On est en revanche ravis que l'immense J.K. Simmons reçoive l'Oscar du Second Rôle dans Whiplash, impressionnant en professeur de musique tyrannique. Nous avions eu la chance de l'interviewer lors du festival de Cannes (voir l'interview de l'acteur) où l'accueil dithyrambique réservé au film laissait présager d'une belle carrière. Le long métrage de Damien Chazelle créé d'ailleurs la surprise puisqu'il remporte également les trophées du meilleur montage et du meilleur son. A noter également que The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson récolte quatre prix techniques dont celui de la meilleure musique pour notre frenchie Alexandre Desplat. Enfin, l'Oscar du meilleur film étranger décerné à Ida vient couronner une œuvre admirable qui était passée mystérieusement hors des écrans radars des grands festivals. 

Timbuktu d'Abderhamane Sissako remporte 7 Césars

Ceux qui ont eu le courage de regarder jusqu'au bout les presque 4h de cérémonie des Césars devraient être les premiers récompensés. En effet, la soirée n'a jamais paru aussi médiocre et interminable, enchaînant les sketches ratés et les discours sans fin. Au milieu de cette léthargie, Timbuktu d'Abderhamane Sissako triomphe, s'adjugeant 7 Césars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Un succès mérité pour une œuvre de grande tenue qui n'aura laissé que des miettes à ses concurrents. 

Les Combattants de Thomas Cailley est tout de même l'autre grand lauréat avec 3 Césars et pas des moindres : meilleur premier film, meilleure actrice pour Adèle Haenel (qui fait coup double après Suzanne l'année dernière) et meilleur espoir masculin pour Kevin Azaïs. Le film avait très tôt séduit les critiques lors du Festival de Cannes puis le public, réunissant 400 000 spectateurs. 

Pierre Niney, César du meilleur acteur pour Yves Saint Laurent

La jeunesse a été la note dominante de cette soirée, Pierre Niney sacré meilleur acteur pour Yves Saint Laurent, Kristen Stewart second rôle dans Sils Maria et le formidable Reda Kateb second rôle également pour Hippocrate. On notera que les meilleurs costumes ont été attribués au Saint Laurent de Bertrand Bonello (qui lui repart bredouille), alors que l'équipe du film ne disposait pas des véritables tenues du grand couturier, dévolues à la version officielle signée Jalil Lespert. Le très bon Minuscule repart quant à lui avec le César du film d'animation et le très beau Sel de la Terre de Wim Wenders celui du documentaire. Quant à Xavier Dolan, le réalisateur de Mommy se voit décerner le César du meilleur film étranger. Ayant pesté publiquement contre sa non nomination aux Oscars, le jeune prodige, étrangement absent de la cérémonie, peut voir ce prix comme un (modeste) lot de consolation. 

Antoine Jullien 


LES NOMINATIONS

Février et sa traditionnelle période de remises des prix. Les 87ème Oscars auront lieu le dimanche 22 février et deux favoris semblent se dégager. Avec 9 nominations, Birdman d'Alejandro Gonzalez Iñárritu (en salles le 25 février), qui a fait forte impression outre-atlantique, est bien parti pour consacrer le réalisateur mexicain. S'il ne signe pas son meilleur film, le cinéaste réalise une véritable prouesse de mise en scène en filmant ses protagonistes dans un faux plan séquence de deux heures. La distribution étincelante du long métrage pourrait également être récompensée, à commencer par Michael Keaton dans le rôle d'un acteur has-been, ancienne vedette de films de super-héros (ça ne vous rappelle rien !) qui remonte sur les planches. Un come-back assez jubilatoire comme les affectionnent les membres de l'académie. 

Birdman, le favori des Oscars avec 9 nominations

Boyhood de Richard Linklater (6 nominations) est l'autre grand prétendant à la statuette dorée même si sa côte s'est un peu effritée malgré sa victoire aux Golden Globes. Le projet fou du cinéaste, portrait tendre et touchant de l'Amérique filmé sur douze années, pourrait tout de même lui valoir la consécration, ce qui ne serait que justice. Parmi les autres concurrents, citons The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson (9 nominations), Imitation Game de Morten Tyldum (8 nominations), American Sniper de Clint Eastwood (6 nominations), le sublime Foxcatcher de Bennett Miller (5 nominations) pour lequel on espère secrètement un Oscar pour Steve Carell et le sensationnel Whiplash de Damien Chazelle qui créé le surprise avec 5 nominations et qui devrait valoir un Oscar du meilleur second rôle au formidable J.K. Simmons (voir l'interview de l'acteur). 

Côté comédiens, si Julianne Moore semble la favorite pour remporter son premier Oscar avec le drame Still Alice, la compétition pour le meilleur acteur est plus ouverte. Outre Michael Keaton, Eddie Redmayne pour son incarnation de Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps est aussi très bien parti après avoir déjà remporté plusieurs trophées. Si tel était le cas, ce serait un bien mauvais signal donné par l'Académie, récompensant une fois encore une performance attendue dans un film gentillet, dépourvu de style et d'audace. 

Gone Girl boudé par l'Académie avec 1 seule nomination pour Rosamund Pike

Une présence très discutable d'autant plus que certains films, bien meilleurs, sont absents. La grande injustice vient de Gone Girl de David Fincher qui n'est distingué que grâce à l'interprétation de Rosamund Pike. Ni Fincher pour sa réalisation, ni Gillian Flynn pour l'adaptation de son roman ne sont nommés. Autre scandale, l'absence de Jake Gyllenhal pour Night Call de Dan Gilroy. L'interprétation hallucinée du comédien n'a pas retenu l'attention des votants, lui préférant Bradley Cooper pour son rôle (polémique ?) de sniper dans le film de Clint Eastwood. Un choix en réalité guère étonnnant car Gone Girl et Night Call traitent de la face sombre du mariage et des médias, des films sans doute trop dérangeants pour une académie très policée. 

Saint Laurent en tête des Césars avec 10 nominations

Les Césars, qui auront lieu deux jours avant, le 20 février, ne voient pas de réels favoris se détacher. Saint Laurent de Bertrand Bonello est en tête des nominations avec 10 distinctions devant la surprise Les Combattants (9 citations), Timbuktu (8 nominations), Hippocrate (7 nominations), La famille Bélier et Sils Maria (6 nominations chacun). 

Le film d'Abderhamane Sissako, qui représentera la Mauritanie à l'Oscar du meilleur film étranger, semble être, de part son sujet et la force de son propos, le mieux à même de remporter le César du meilleur film. La mise en scène stylée de Bonello pour son biopic sur le célèbre couturier pourrait lui valoir le César du meilleur réalisateur. On ne serait pas fâché que l'excellent Hippocrate de Thomas Lilti ne décroche quelques prix et on se réjouit de la présence inattendue du troublant et marquant Eastern Boys de Robin Campillo, nommé dans les catégories reine (meilleur film et meilleur réalisateur). 

Adèle Haenel pourrait remporter son second César consécutif grâce aux Combattants

Après s'être affrontés par écrans interposés, les deux Yves Saint Laurent, Pierre Niney et Gaspard Ulliel, sont les favoris pour remporter le César du meilleur acteur. Et si l'on peut regretter l'absence de renouvellement du côté des actrices nommées (Deneuve, Binoche, Cotillard, Kiberlain, Viard), on ne serait pas étonné qu'Adèle Haenel remporte son deuxième trophée consécutif pour son interprétation haut en couleurs dans Les Combattants

Enfin, l'absence du plus gros succès français de l'année, Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? ne manquera pas encore de relancer le débat sur les comédies aux Césars, d'autant plus que c'est Dany Boon qui préside cette année la cérémonie. En revanche, on peut regretter que Samba de Tolédano et Nakache qui arrive à réconcilier la critique et le public, soit ainsi boudé (1 seule distinction) et que l'oeuvre ultime d'Alain Resnais, Aimer, boire et chanter n'ait aucune nomination alors qu'un hommage au cinéaste disparu sera rendu lors de cette quarantième cérémonie. 

40ème Cérémonie des Césars le vendredi 20 février 
87ème Cérémonie des Oscars le dimanche 22 février