Alejandro Gonzalez Iñárritu a obtenu la consécration en remportant 4 Oscars grâce à son cinquième long métrage, Birdman. Le cinéaste est revenu en odeur de sainteté après un tir groupé de la critique, assez injuste, sur sa prétendue propension au pathos. Il est vrai que son film précédent, Biutiful, était lourdement chargé mais transcendé par l'interprétation de Javier Bardem. En filmant cette fois la résurrection d'un acteur has been, le réalisateur a voulu changer de registre en fouillant le phénomène de la célébrité. Voilà probablement la raison de son triomphe auprès des membres de l'académie qui s'y sont manifestement reconnus.
A l'époque où il incarnait le super-héros Birdman, Riggan Thomson (Michael Keaton) était mondialement célèbre. Mais, tombé dans l'oubli, il tente aujourd'hui de monter une pièce à Broadway dans l'espoir de retrouver sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir affronter ses comédiens indociles, sa fille qui le rejette et son passé qu'il voudrait bien effacer.
Michael Keaton et Edward Norton
"Le monde est un théâtre". Cette fameuse formule a rarement été aussi bien incarnée que dans Birdman. Iñárritu a concocté un étonnant huis-clos dont l'action est (presque) exclusivement circonscrite aux murs du théâtre où se déroule la pièce. Afin d'amener du mouvement et du rythme à son histoire, le cinéaste a décidé de la tourner en un seul (faux) plan séquence, aux coupes quasi invisibles. Un tour de force que l'on doit au grand chef opérateur Emmanuel Lubezki (également oscarisé) qui parvient à faufiler sa caméra dans les moindres recoins du lieu, des coulisses au toit en passant par les loges. La paire gagnante filme ainsi une ruche en ébullition avec une maestria indéniable, cadencée par un percutant solo de batterie.
Cette virtuosité épouse parfaitement le sujet du film et renvoie, dans un seul élan, à la grandeur et à la décadence du milieu artistique. Plusieurs scènes restent en mémoire, en particulier celle, déjà culte, où Michael Keaton se retrouve en slip, devant traverser Times Square pour rejoindre la scène. La prouesse des raccords et la fluidité des transitions, amplifiées par le jeu des comédiens, en font un spectacle jouissif à regarder. Des acteurs, citons tout spécialement Michael Keaton qui, après des années de disette, entreprend un spectaculaire comeback. Tour à tour pathétique et émouvant, il fait preuve d'une savoureuse autodérision et livre la prestation la plus intense de sa carrière.
Mais si la forme est remarquable, le fond, lui, laisse un peu dubitatif car la vision du métier d'acteur et de la célébrité selon Iñárritu n'est pas très neuve. Egos hypertrophiés, hystérie, caprices, les comédiens du film sont servis à une sauce très reconnaissable que le cinéaste n'assaisonne pas suffisamment. Les répliques font mouche à plus d'une reprise mais les clichés ne sont pas réellement bousculés, à l'instar de la méchante critique acariâtre et hautaine (interprétée par la piquante Lindsay Duncan). De fait, on ne s'attache pas réellement aux personnages de même que l'on n'est pas franchement séduit par l'incursion bancale du fantastique dans le récit, Michael Keaton étant plus ou moins possédé par son double de fiction, Birdman, qui l'accompagne dans ses pérégrinations. Mais la greffe ne prend pas parce que le réalisateur ne pousse pas le curseur à fond et qu'il finit par se prendre les pieds dans le tapis de l'éternelle rédemption qu'il conclue dans un envol un peu vain. Ces réserves mises à part, Birdman demeure incontournable car il recèle plus d'instants de cinéma que la majorité des films à l'affiche. Et installe définitivement Alejandro Gonzalez Iñárritu comme l'un des plus grands formalistes de notre temps.
Antoine Jullien
Etats-Unis - 1h59
Réalisation : Alejandro Gonzalez Inarritu - Scénario : Alejandro Gonzalez Inarritu, Nicolas Giacobone, Alexander Dinelaris et Armando Bo
Avec : Michael Keaton (Riggan Tomson), Emma Stone (Sam), Edward Norton (Mike), Zach Galifianakis (Jake), Naomi Watts (Lesley).
Disponible en DVD et Blu-Ray chez 20th Century Fox.
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