vendredi 6 février 2015

L'interview qui tue !

 
En plein débat sur la liberté d’expression après les évènements qui ont secoué la France en ce début d’année, nos salles hexagonales accueillent un film qui a lui aussi connu une certaine forme de censure. Il y a quelques mois, Sony Pictures * fut virtuellement attaqué par de mystérieux hackers qui reprochaient à la major d’avoir produit The Interview, film dans lequel un journaliste et son producteur sont chargés par la CIA de tuer Kim Jong-Un, dirigeant actuel de la Corée du Nord. Les menaces planant sur les séances prévues dans les cinémas de l’Oncle Sam obligèrent même le distributeur à déprogrammer le film. Même si les tenants et les aboutissants de cette histoire restent flous (La Corée a démenti être à l’origine de cette attaque, certains soupçonnent Sony de chercher à faire du buzz autour du film), il est temps de savoir si le dernier rejeton de Seth Rogen vaut vraiment tout ce battage médiatique.

The Interview raconte donc les péripéties de Dave Skylark (James Franco), présentateur vedette du show « Skylark Tonight », sorte de psychanalyse à deux centimes pour vedettes en plein burn-out, et de son producteur Aaron Rapaport (Seth Rogen). Malgré les nombreux scoop que dévoilent l’émission (McConaughey se tape des chèvres, Rob Lowe porte une perruque, Joseph Gordon-Levitt aime bien jouer avec des poupées) Aaron souhaite gagner en respectabilité. Découvrant que Kim Jung-Un, qui menace de lancer ses ogives nucléaires sur les Etats-Unis, est fan de son show, il arrive sans trop de problèmes à décrocher la fameuse interview du titre. C’était sans compter sur deux agents de la CIA qui sautent sur l’occasion et ordonnent aux deux larrons d’assassiner le dirigeant coréen. Et forcément, rien ne va se passer comme prévu.

James Franco et Seth Rogen

Seth Rogen, coréalisateur, acteur et producteur à l’origine du projet, enchaîne les films depuis près de dix ans. Rencontrant un certains succès de l’autre côté de l’Atlantique, l’humoriste américain est reconnu comme n’ayant pas froid aux yeux, évoquant sans détour le sexe et la drogue (notamment la marijuana dont il est ouvertement un grand consommateur). Sorti en 2013, C’est la fin, sa première co-réalisation dans laquelle venait s’amuser un grand nombre de ses amis dans leur propre rôle (Jonah Hill, Jay Baruchel, Michael Cera…) était une comédie complètement folle mais un peu brouillonne dans laquelle des extraterrestres envahissaient notre planète alors qu’une fête monstrueuse était donnée chez James Franco. On s’attendait à ce que Seth Rogen monte le niveau avec The Interview à la vue d'une première bande annonce prometteuse. Autant le dire tout de suite : quelle déception !!

Randall Park

Avec ses personnages profondément débiles, le film se noie dans un déluge de gags scatologiques poussifs n’arrachant jamais le moindre sourire à un spectateur consterné devant tant d’agitation inutile et pathétique. Même si on entraperçoit des tentatives de critiques ou d’explications quant à la situation en Corée du Nord, le grand n’importe quoi qui sert de scénario reste d’une naïveté déplorable et offre un violent relent de patriotisme yankee comme en atteste un Kim Jung-Un adorant jouer au basket-ball en écoutant en secret du Katie Perry. En prônant la toute puissance d’une culture américaine interplanétaire (tous les coréens parlent bien évidemment parfaitement la langue de Shakespeare), The Interview s’autodétruit dans un final mollasson, se voulant pourtant aussi transgressif qu’un Inglorious Basterds. Mais avec le vide abyssal qui sert d’ossature à l’ensemble, il n’est pas étonnant de voir se ridiculiser des acteurs comme James Franco qui ne reculent devant rien. On a véritablement l’impression que Sony à délibérément lâché plus de quarante millions de dollars à des gamins fumant des joins dans un bac à sable en se disant que de là viendrait sans doute le génie. Monumentale erreur.

Le plus scandaleux étant que le buzz autour du film devrait lui permettre de rentrer dans ses frais grâce à la VOD qui a déjà quasiment remboursé la mise outre-Atlantique. Une chose est sûre, une telle arnaque ne mérite vraiment pas la notoriété qui est la sienne, ni même cette sortie dans nos salles de cinéma. A fuir.

Alexandre Robinne  

* La vice-présidente de Sony, Amy Pascal, vient de démissionner.

Etats-Unis - 1h52
Réalisation : Evan Goldberg et Seth Rogen - Scénario : Dan Sterling, Seth Rogen et Evan Goldberg 
Avec : James Franco (Dave Skylark), Seth Rogen (Aaron Rapaport), Lizzy Caplan (Agent Lacey), Randall Park (Président Kim).







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