vendredi 13 février 2015

Mon Fils


Le réalisateur Eran Riklis, remarqué avec Les Citronniers, a voulu aborder le conflit israélo-palestinien sous un angle peu traité, celui des minorités arabes vivant en Israël. En adaptant deux romans de Sayed Kashua, Les Arabes dansent aussi et La deuxième personne, le cinéaste est parvenu à trouver la bonne distance sur un sujet pouvant prêter à tous les formes de manichéisme, en ayant fait le choix judicieux de situer son film dans les années 80 et 90.

Sur une décennie, allant de la Guerre du Liban en 1982 à celle du Golfe, dix ans plus tard,  il raconte la vie d'un jeune arabe, Iyad qui intègre un prestigieux internat juif à Jérusalem. Il est le premier et le seul arabe à y être admis. Bien qu'il soit progressivement accepté par ses camarades, il ne trouve qu'un véritable ami, Yonatan, un garçon atteint d'une maladie héréditaire. Il va se rapprocher de sa famille et de sa mère, Edna, pour lequel il va devenir un deuxième fils. 

Michael Moshonov, Tawfeek Barhom et Yaël Abecasis 

Eran Riklis réalise un beau film nuancé sur un sujet épineux et délicat en filmant justement des personnages déchirés dans leur identité. Iyad est pris entre deux eaux, l'attachement qu'il a pour ses parents d'origine, farouchement hostiles aux israéliens, et l'amour qu'il éprouve pour une juive dont les parents condamnent la relation. Le cinéaste ne tombe pas dans le simplisme, pointant du doigt les préjugés de tous bords, n'épargnant ni le manque de recul des parents du jeune homme devenant des partisans de Sadam Hussein ni l'hostilité de certains juifs face aux minorités arabes que décrit magistralement Iyad lors d'une séquence très forte dans sa salle de classe. Mais le réalisateur le fait avec un mélange d'humour et de bienveillance qui confère à son oeuvre une douceur appropriée. 

Le message du paix qui émane du film vient de cette seconde famille que rejoint Iyad. Une union improbable sur le papier qui lie un juif et un arabe, tous deux marginalisés dans leur existence, l'un à cause de ses origines, l'autre par le fait de son handicap. Plus leur relation évolue et plus le thème de l'imposture prend de l'importance. Car pour éviter de révéler sa réelle identité aux israéliens, Iyad va prendre progressivement la place de son camarade. Mais il s'agit d'un symbole, celui d'une fraternité sincère et utopique entre deux peuples qui n'arrivent plus à communiquer. Grâce à l'interprétation sensible des comédiens, et particulièrement de Yaël Abecassis, digne et émouvante, Mon Fils nous touche secrètement et sans fracas. 

Antoine Jullien

Israël - 1h44
Réalisation : Eran Riklis - Scénario : Sayed Kashua d'après ses romans 
Avec : Tawfeek Barhom (Iyad), Yaël Abecassis (Edna), Michael Moshonov (Yonatan), Ali Suliman (Salah). 

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