vendredi 30 janvier 2015

Coppola, invité d'honneur de Toute la mémoire du monde


Le parrain est à Paris cette semaine à l'occasion de la 3ème édition de Toute la mémoire du monde à la Cinémathèque française. La manifestation questionne la préservation du patrimoine cinématographique en présentant de nombreux longs métrages restaurés, des incunables et quelques raretés.   


La raison pour laquelle Francis Ford Coppola a honoré l'évènement de sa présence est sa contribution décisive à la restauration en cours du Napoléon d'Abel Gance. Sorti en 1927, le (très) long métrage, d'une durée variant de 4h à 9h30, a subi une carrière chaotique. Echappant à son créateur, les versions du film vont se succéder durant des décennies (on en dénombre 22 !) sans qu'on ne puisse réellement savoir quelle était celle que le cinéaste avait proposée au public lors des premières projections données à l'Opéra Garnier puis au cinéma l'Apollo. Seulement munis du scénario, les différents restaurateurs (Henri Langlois, Kevin Brownlow, Bambi Ballard) s'en sont approché avant que Georges Mourier, chargé d'une nouvelle reconstruction du film, ne découvre le séquencier original et surtout ne constate, en numérisant les 100 000 mètres de pellicule visionnés, que les quatre cent boîtes retrouvées mélangeaient deux négatifs différents. 

Napoléon d'Abel Gance (1927)

Cette trouvaille essentielle a engendré l'actuelle restauration de Napoléon dont les droits mondiaux ont été acquis par Francis Ford Coppola. Le réalisateur d'Apocalypse Now a évoqué son attachement à ce film hors normes qui lui avait provoqué la même fascination qu'Octobre d'Eisenstein. Il demanda même à son père, Carmine, de réorchestrer la musique du film lors d'une projection triomphale au Radio City Hall de New York en 1981. Il a eu le privilège, comme nous, de découvrir en avant-première un extrait du film, celui de la Marseillaise, dans son ancienne version et dans celle, inédite, en cours de réalisation. On mesure, ébloui, le travail titanesque entrepris pour rendre ses lettres de noblesse à une œuvre fondatrice de l'histoire du cinéma qui subjugue par son invention, ses effets de montage, ses surimpressions, son utilisation de la caméra à la main et son fameux triptyque, la projection sur trois écrans. Cette renaissance, basée sur la version originelle dite Apollo, devrait se prolonger encore un an et demi pour accoucher d'une version définitive de 6h30, la plus proche de celle voulue par Abel Gance. Inutile de dire qu'elle fera l'évènement. 

Francis Ford Coppola

Coppola a également présenté au public plusieurs de ses films des années 80 parmi lesquels le dispensable Peggy sue s'est mariée et l'enthousiasmant et attachant Tucker, un portrait en creux de l'artiste qui s'est reconnu en la personne de Preston Tucker, un entrepreneur de l'après-guerre qui a voulu proposer aux américains une voiture révolutionnaire mais qui se heurta au gouvernement et aux trois grands de l'industrie automobile (Chrysler, GM, Ford) tout comme Coppola lui-même n'a pas réussi à développer son propre studio, American Zoetrope, face aux géants hollywoodiens. Mais comme le dit Tucker à la fin du métrage, "le rêve" est le plus important.

Tucker de Francis Ford Coppola (1988)

Le cinéaste participera ce samedi à une master class sur cette période compliquée où ses rêves d'indépendance se briseront lors de la sortie de Coup de cœur en 1982, un désastre financier qui l'obligera à accepter plusieurs films de commande afin de payer ses dettes et renflouer son studio en faillite. Malgré un parcours semé d'embûches, Coppola fait partie des dernières légendes du cinéma et avoir eu le privilège de l'entendre restera comme un moment rare et précieux.  

Roman Polanski

Parmi les autres temps forts du festival, la présence de Roman Polanski venu présenter Macbeth, une adaptation de la pièce de William Shakespeare réalisée en 1971 en Angleterre, quelques mois après l'horrible assassinat de son épouse Sharon Tate. Aidé au scénario par le spécialiste shakespearien Kenneth Tynan, Polanski délivre une œuvre ample et très bien interprétée, méconnue dans sa carrière, que l'on a pu admirer dans une très belle copie numérique. Toute la mémoire du monde proposera également le trash Polyester de John Waters en odorama (!) et s'achèvera dimanche soir avec la projection en clôture du Mécano de la Générale de Buster Keaton. 

Antoine Jullien

Toute la mémoire du monde à la Cinémathèque française jusqu'au 1er février.
Renseignements : www.cinematheque.fr

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