mercredi 28 janvier 2015

Imitation Game


La vie du mathématicien britannique Alan Turing était jusqu'à présent méconnue. Grâce au film de Morten Tyldum, ce visionnaire que beaucoup considèrent comme l'inventeur de l'ordinateur de part ses travaux majeurs sur l'intelligence artificielle, est enfin réhabilité au cinéma après avoir obtenu une reconnaissance tardive de la Reine d'Angleterre en 2013, soit soixante ans après sa mort. Là réside d'ailleurs le principal intérêt de Imitation Game : rendre hommage à la découverte d'un homme d'exception sans qui le déroulement de la Seconde Guerre mondiale n'aurait pas été le même.

Nous sommes en 1940. Alan Turing est chargé par le MI6, les services secrets britanniques, de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable. Avec son équipe, Turing va travailler d'arrache-pied afin de parvenir à déchiffrer la fameuse machine. 

Benedict Cumberbatch entouré de Kera Knightley, Matthew Beard, Matthew Goode et Allen Leech

Écrit par Graham Moore, le scénario, relevé et haletant, ne manque pas de dialogues "so british" qui, dits dans la bouche de Benedict Cumberbath, trouvent une saveur particulière. Sans tomber dans la performance à Oscar (même s'il est nommé cette année !), l'acteur reste sobre, ne s’efforçant pas de rendre son personnage sympathique. Buté, obstiné, arrogant, Turing est un homme qui éprouve bien des difficultés à communiquer, sauf avec son amie la plus proche, Joan Clarke, campée par Kera Knightley. Mais il est homosexuel et dans l'Angleterre de l'immédiat après-guerre, il est considéré comme un criminel. Suite à une affaire de mœurs compromettante, Turing devra subir une castration chimique au lieu d'une incarcération et finira par mettre fin à ses jours (cette version fait encore débat aujourd'hui). 


Bien que l'on connaisse le déroulement des faits, le réalisateur norvégien Morten Tyldum mène son récit avec suffisamment de savoir faire pour qu'on s'y laisse aisément embarquer. Le moment où Turing comprend comment déjouer Enigma est une scène jubilatoire et conduit à la partie la plus intéressante du long métrage, à savoir l'obligation douloureuse du mathématicien et de ses collègues de devoir taire leur découverte au risque de renseigner les allemands. Victime de la raison d'état et du cynisme des services secrets, Turing deviendra un héros de l'ombre, ignoré par sa hiérarchie, sur lequel pourtant repose une part essentielle de la chute du nazisme et de la victoire des Alliés.

On pourra certes regretter une mise en scène un peu trop scolaire, dénuée de personnalité, et préférer un traitement plus audacieux d'un sujet qui englobe à la fois la science, la guerre et l'intolérance. L'aspect tragique de la destinée de Turing qui poursuivra une existence dissimulée et persécutée est esquissé au moyen de flash-backs assez convenus et dispensables. Ces réserves mises à part, Imitation Game est une œuvre honorable qui, à défaut de nous surprendre, nous rappelle qu'une guerre n'est pas seulement constituée de héros mais aussi d'hommes et de femmes qui ont contribué, grâce à leur savoir et à leur ténacité, à la bonne marche du monde. Sans la gratitude qu'ils méritaient.

Antoine Jullien

Grande-Bretagne / Etats-Unis - 1h54
Réalisation : Morten Tyldum - Scénario : Graham Moore d'après le livre d'Andrew Hodges. 
Avec : Benedict Cumberbatch (Alan Turing), Kera Knightley (Joan Clarke), Matthew Goode (Hugh Alexander), Mark Strong (Stewart Menzies).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal.

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