mercredi 14 janvier 2015

L'Affaire SK1

 
Le climat lourd et pesant du moment risque de décourager les spectateurs d'aller voir L'Affaire SK1 sur le tueur en série Guy Georges. On peut le comprendre mais aussi le regretter car ils risquent de passer à côté de l'un des meilleurs films policiers français de ces dernières années, un film "remarquable et impressionnant" selon Bertrand Tavernier qui avait signé lui-même un polar de référence, L.627 sur la brigade des stups. En nous embarquant dans l'enquête la plus complexe du 36, Frédéric Tellier, le réalisateur de la série Les Hommes de l'Ombre, réussit un premier long métrage dense et étonnamment maîtrisé. 

Il relate sept années d’investigations qui ont mené à l'arrestation de Guy Georges, alias SK1, le premier tueur en série reconnu par son empreinte génétique, coupable de sept meurtres et viols commis entre 1991 et 1998 dans l'est de Paris. Une affaire hors normes qui a mobilisé quatre mille policiers et gendarmes et qui s'est conclue par la condamnation de l'assassin à la réclusion criminelle à perpétuité.

 Raphaël Personnaz et Olivier Gourmet

Frédéric Tellier entremêle brillamment le temps de l'enquête et celui du procès, en filmant le travail des policiers et celui des avocats de Guy Georges qui doivent défendre l'indéfendable. Le réalisateur nous immerge au début des années 90, une époque qui nous semble d'un autre âge, sans téléphone portable ni ordinateur. Là, un groupe du 36, Quai des Orfèvres doit résoudre le meurtre particulièrement sauvage d'une jeune femme rentrée chez elle après un dîner entre amis. Cette histoire obsède particulièrement Frank Magne, dit Charlie, l'un des inspecteurs du groupe qui va buter devant les nombreuses fausses pistes et les mauvais suspects. Jusqu'à ce que d'autres crimes similaires fassent comprendre aux policiers qu'ils ont affaire au même homme. 

 Adama Niane, Nathalie Baye et William Nadylam

Muni d'un scénario au cordeau, Frédéric Tellier réalise un film sec et nerveux, à la tension constante. Grâce à un énorme travail de documentation, il a décidé de s'attacher résolument aux faits, sans fioritures ni pathos, en ne tombant jamais dans les chausses trappes et les pièges redoutés, ceux du voyeurisme et de la complaisance. Gardant toujours la bonne distance face à son sujet, il filme méticuleusement le travail des hommes du 36, leur solidarité mais aussi leurs coups bas et leurs erreurs qui ont conduit à relâcher le tueur en 1995. Plusieurs scènes fortes restent en mémoire, celle (véridique) de la montée de Guy Georges dans les escaliers du 36, face à tous les policiers, ou cette terrible séquence d'aveux au milieu de la nuit. 

Les acteurs sont au diapason, d'Olivier Gourmet à Nathalie Baye en passant par Michel Vuillermoz et Thierry Neuvic, tous confèrent à L'Affaire SK1 une grande authenticité, et spécialement Raphaël Personnaz, d'habitude assez lisse, qui se révèle dans son meilleur rôle. Enfin, malgré un personnage que beaucoup ont qualifié de "monstre", il faut saluer l’interprétation d'Adama Niane qui incarne le tueur en série et parvient, au-delà de sa terrifiante barbarie, à lui insuffler une pointe d'humanité. Frédéric Tellier nous interroge alors sur notre société qui peut engendrer des hommes tels que Guy Georges. Il n'apporte évidemment pas de réponse mais nous saisit d'effroi. Un film "remarquable" en effet, à tous points de vue.

Antoine Jullien

France - 2h
Réalisation : Frédéric Tellier - Scénario : Frédéric Tellier et David Oelhoffen
Avec : Raphaël Personnaz (Frank Magne dit "Charlie"), Olivier Gourmet (Bougon), Nathalie Baye (Frédérique Pons), Michel Vuillermoz.



Disponible en DVD et Blu-Ray chez M6 Vidéo.

1 commentaire: