vendredi 5 février 2016

Steve Jobs


Génial, cynique, cruel, tyrannique, visionnaire, égocentrique, narcissique... Steve Jobs n'a pas fini d'accumuler les adjectifs et déchaîner les passions. Le cofondateur d'Apple a disparu en 2011 et le deuxième biopic qui lui est consacré sort sur les écrans. Un (faux) biopic qui aura eu toutes les peines du monde à se monter, victime de la valse des studios (Sony puis Universal), des réalisateurs (Danny Boyle remplaçant David Fincher) et des acteurs (Michael Fassbender a finalement échoué du rôle après les désistements de Leonardo DiCaprio et Christian Bale). Le seul qui soit resté à la barre du projet depuis le début est le brillant scénariste Aaron Sorkin, auteur du script de The Social Network consacré à un autre magnat de l'informatique. L'entreprise paraissait très mal embarquée et, malgré (ou à cause) de son échec au box office, elle demeure une réussite assez étonnante, d'autant plus venant de la part d'un réalisateur qui a souvent confondu frénésie et mise en scène. 

Le principe du film a ceci d'original qu'il nous dévoile les coulisses des lancements de trois produits phares de l'histoire d'Apple et de la carrière de Steve Jobs, du Macintosh en 1984 à l'Imac en 1998. Alors que le public trépigne d'impatience de découvrir ces nouvelles avancées technologiques, Jobs, dans l'ombre, conduit le train de la révolution numérique en compagnie de ses collaborateurs, ses amis d'hier, ennemis d'aujourd'hui et sa famille qu'il rejette.

Michael Stuhlbarg, Michael Fassbender et Kate Winslet

Danny Boyle s'est mis totalement au service de son sujet. Loin de son maniérisme pompier et souvent pénible dont il était coutumier, il suit, avec une superbe acuité, les tourments d'un homme peu aimable. A l'image du gros grain de la pellicule de la première partie, le film fourmille en permanence et voit des personnages sans cesse en mouvement qui déambulent dans les couloirs de la salle quelques minutes avant le show qui restera, lui, hors champ. Un choix de mise en scène qui épouse parfaitement la trajectoire même de Jobs qui a entrepris des chemins de traverse avant de connaître la gloire et l'adoration de ses fans.

Michael Fassbender

Un homme qui est ici sérieusement malmené, dépeint comme un être sans aucun scrupule, obsédé par sa communication et intraitable avec ses collaborateurs. Dans une séquence en flashback, Steve Wozniak, cofondateur et concepteur des premiers Apple, dit à Jobs ne pas vouloir que leur machine ait les défauts de son créateur, un personnage déifié en public mais impitoyable en privé. Une dualité incarnée à l'écran par Michael Fassbender qui livre une prestation remarquable car elle ne vire jamais à la performance, prenant les traits d'un homme qui semble avoir davantage de considération pour les produits qu'il met sur le marché que pour ses assistants dévoués dont la pauvre Joanna Hoffman, toujours à tenter de le suivre et finement campée par Kate Winslet. 

En revanche, on se serait passé de ce troisième acte rédempteur qui veut redonner un peu d'humanité au personnage qui en était (trop ?) dépourvu. Un choix regrettable de la part d'Aaron Sorkin dont le scénario, reposant sur le même principe narratif, finit par s’essouffler. Une réconciliation familiale un peu forcée mais qui n’altère pas la puissance du film, assez admirable dans sa volonté de contourner les passages obligés du biopic afin de livrer un portrait en plusieurs dimensions d'un bien peu recommandable génie. 

Antoine Jullien 

Etats-Unis / Grande-Bretagne
Réalisation : Danny Boyle - Scénario : Aaron Sorkin d'après le livre de Walter Isaacson
Avec : Michael Fassbender (Steve Jobs), Kate Winslet (Joanna Hoffman), Seth Rogen (Steve Wozniak), Jeff Daniels (John Sculley). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Universal Pictures

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