Les réalisateurs israéliens n'en finissent plus d'expurger leurs démons. Après Valse avec Bachir d'Ari Folman, Samuel Maoz raconte, dans Lebanon, son expérience de soldat durant la première guerre du Liban. Il utilise un dispositif inédit : filmer ses personnages à l'intérieur d'un tank et ne jamais en sortir.
Il s'agit d'un huis-clos mais surtout d'une nouvelle représentation de l'horreur de la guerre. Le cinéaste mise sur l'immersion absolue à l'intérieur du char pour nous donner à voir et avant tout à entendre. Le travail sur le son et l'image est exemplaire et, de mémoire de spectateur, on a rarement vécu un conflit de manière aussi sensorielle. La précision du cadre et la rigueur de la réalisation forcent le respect.
Alors quid ? Pourquoi ne pas être conquis par un film sans défaut ? De prime abord, le talent de ce réalisateur est éclatant. Parvenir à maintenir une tension crescendo dans un décor de 6m2, chapeau ! Et l'on comprend parfaitement que le jury de la Mostra de Venise ait été séduit par ce film-concept, au point de lui décerner le Lion d'Or.
La guerre, c'est dégueulasse, crade et injuste. Le cinéma, depuis sa création, nous le répète invariablement. Le problème est qu'on ne sent jamais le réalisateur aller au-delà de ce lieu commun. Les situations comme les personnages ne sont pas nouveaux et le propos, sans grand relief. C'est une explication plausible face à cette déception relative. Une autre explication, tout aussi crédible, est d'être passé à côté d'un grand morceau de cinéma. Le critique doit faire alors amende honorable et prier le lecteur de l'excuser de sa cruelle absence d'objectivité. Mais un film, c'est une sensation, une interrogation, un partage et quand rien de tout cela se réveille en vous, il y a forcément quelque chose qui cloche. Une séance de rattrapage s'imposera.
En revanche, aucun doute possible sur le ratage absolu du nouveau film de Peter Jackson, Lovely Bones. Le réalisateur du Seigneur des Anneaux évoque le destin d'une jeune fille assassinée qui, de l'au-delà, observe sa famille sous le choc de la disparition et surveille son meurtrier, tout en suivant la progression de l'enquête.
L'adaptation du best-seller La Nostalgie de l'Ange d'Alice Sebold était le projet casse-gueule par excellence : parvenir à concilier le merveilleux le plus naïf et le thriller le plus glauque. Peter Jackson échoue sur tous les tableaux. Pourtant, dans la première demi-heure, avant le meurtre de la jeune fille, on reconnait bien le talent du cinéaste qui sait créer une ambiance étrange mêlée d'horreur enfouie, proche des contes pour enfants. Mais à partir de l'assassinat, le film se défile progressivement. Jackson s'embourbe dans une imagerie de l'au-delà grotesque et mille fois vue qui ne donne vraiment pas envie de rejoindre ce petit monde et rappelle le plus souvent de mauvaises pubs pour déodorant. Cet éden de pacotille contraste mal avec le drame familial lourdement traité et l'enquête policière sans grand intérêt.
Peter Jackson et Saoirse Ronan
La distribution, éclatante sur le papier, se révèle bien fade. Donner si peu à jouer à de actrices comme Susan Sarandon ou Rachel Weisz relève du crime de lèse-majesté. Quand à Stanley Tucci, sa composition de tueur pédophile, assez caricaturale, embarrasse au lieu de terrifier.
Pour quelles raisons Peter Jackson s'est-il lancé dans cette périlleuse entreprise ? Un ras-le-bol des orques et des gorilles ? La volonté de revenir à un sujet plus intimiste ? Son absence totale de point de vue laisse songeur. Tout comme son manque cruel de créativité, lui qui a su donner de l'épaisseur à des univers flamboyants. Enfin, son traitement de la mort et du deuil, digne d'un élève de sixième, nous achève définitivement.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
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