mercredi 1 juin 2011

Le complexe du castor


Le choix d'un acteur suffit parfois à susciter la curiosité d'un film. Pour sa troisième mise en scène, Jodie Foster a voulu plonger Mel Gibson dans les affres de la dépression. Le comédien, sur le banc des accusés suite à ses dérapages antisémites et ses violences conjugales, n'est plus en odeur de sainteté à Hollywood. Dans le complexe du Castor, on le retrouve dans la peau de Walter Black, un homme aux abois, s'éloignant de sa femme (jouée par l'actrice) et de ses enfants jusqu'au moment où une marionnette qu'il prénomme The Beaver prend possession de lui-même au point de ne parler à son entourage qu'à travers elle. 

Un sujet intriguant que Jodie Foster traite avec une sobriété qui lui est propre. L'intelligence de la comédienne rejaillit sur la cinéaste qui devait éviter de sombrer dans le pathos familial. Son personnage de femme aimante qui veut à tout prix que son mari retrouve les siens joue le jeu du castor dans un premier temps, croyant qu'il s'agit là d'une thérapie. De ces moments découlent quelques scènes étranges où la question de la normalité est remise en question. Ne s'adresser qu'à une créature et non plus à l'être aimé déroute et Jodie Foster n'hésite pas à ébrécher nos certitudes, notamment lors de scènes d'amour où le castor se met à interférer dangereusement dans l'intimité du couple. 

Jodie Foster et Mel Gibson 

La folie semble alors gagner Walter et sa créature le vampirise peu à peu. Le film nous interroge sur notre rapport à nous-mêmes, lorsque, dégouté de soi, on ne s'accepte plus et l'on s'invente un personnage imaginaire, le seul à même de nous faire supporter le reste du monde. Une impasse qui conduira Walter à un geste inattendu. On croit le film parti dans une sombre direction mais Jodie Foster décide de revenir sur des rails plus sages. 

En effet, dans sa dernière partie, l'actrice-réalisatrice laisse de côté son sujet dérangeant pour un retour à la famille rassurant et convenu. Sa mise en scène devient plus hollywoodienne et se prend les pieds dans les clichés en établissant un parallèle un peu lourd entre Walter et son fils. Cette seconde intrigue moins inspirée aurait du laisser plus de place à l'évolution de Walter. Malgré tout, Jodie Foster a su apporter sa petite musique dissonante, et, bien qu'elle ait manqué d'audace, elle a donné à Mel Gibson le grand rôle qui lui manquait, le comédien s'abandonnant superbement grâce à la confiance portée en sa réalisatrice. Un bel acte d'amitié.

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez M6 Vidéo.

1 commentaire:

  1. Une façon très originale d’aborder la schizophrénie, la détresse psychologique, l’impact de nos actes sur notre entourage, mais aussi les incroyables ressources humaines pour lutter contre la submersion dans les abîmes de l’esprit et contre l’extinction de l’âme.
    L’épouse est là, elle aide désespérément et avec un total altruisme son époux qui erre dans un état morne, les enfants qui se questionnent, et qui questionnent leur père, celui-ci qui s’entête dans son "traitement" au point de devenir nuisible -d’un extrême à l’autre-… tout ceci fait très hollywoodien. Mais comme le souligne l’auteur, l’intelligence de Jodie Foster (qui surprend toujours mieux à chaque fois par la qualité de ses réalisations) fait que le film prend des tournures attachantes, parfois oppressantes, mais on le regarde tout de même jusqu’au bout avec délectation.
    Cette critique m’a donné envie d’aller voir le film, et effectivement, on a tellement parlé des déboires "mondains" de Mel Gibson, et on a retenu que ses films les plus "violents", qu’on a oublié qu’il pouvait être –et qu’il était- un très bon acteur. La surprise a été agréable, et le film en vaut largement la peine de le voir, de l’apprécier et de le revoir.
    J’avais juste une dernière question en tête, à laquelle seul le temps répondra : la réalisatrice, suivra-t-elle les pas d’un grand Monsieur, Clint Eastwood ?
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    Steady as she goes!

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