Sur un marché baigné de soleil, un homme fait le portrait d'une figure que l'on ne reconnaît pas encore. L'homme le lui tend et lui dit, avec un fort accent belge : "C'est assez ressemblant". On découvre le visage de Tintin tel que tous les lecteurs le connaissent puis apparait soudain à l'image une créature étrange, réalisée en performance capture, un procédé consistant à reproduire les mouvements d'un acteur en animation. Une entrée en matière malicieuse de Steven Spielberg qui veut nous dire que si l'esprit d'Hergé sera de la partie, la liberté du cinéaste sera bel et bien de mise.
L'auteur de ces lignes est un tintinophile convaincu qui craignait que le fameux reporter en culotte de golf soit digéré à la sauce américaine. Mais depuis Les Aventuriers de l'arche perdue, Steven Spielberg est un admirateur éconduit d'Hergé qui avait donné son accord à une adaptation quelques jours avant sa mort. Après de longues tractations, le réalisateur a jeté son dévolu sur la performance capture grâce à la persuasion de Peter Jackson. Les deux hommes ont engagé trois scénaristes britanniques afin de compiler plusieurs albums en un seul long métrage : Le crabe aux pinces d'or, Le secret de La Licorne et Le Trésor de Rackham Le Rouge. Une association en apparence contre-nature qui réussit pourtant la gageure d'une cohérence presque totale.
Tintin est toujours en quête du trésor de la Licorne, aidé par un capitaine Haddock aussi vitupérant et alcoolique que dans les bandes dessinées. Andy Serkis, un habitué des personnages hors normes (Gollum et King Kong, c'était lui) donne une véritable épaisseur au marin barbu qui renaît d'un jour nouveau. Son rapport avec l'histoire de son ancêtre est brillamment traité, le temps d'un retour dans le passé que Spielberg fait prodigieusement intervenir lors de la longue errance dans le désert. Plus d'une fois, les emprunts aux différents albums se feront avec un équilibre étonnant, même dans les nombreuses séquences inventées.
Revoir les Indiana Jones procure le plaisir idoine que lorsque l'on feuillette pour la centième fois un album de Tintin : une sensation unique de se replonger dans des mondes qui nous semblent si familiers. Seul le talent de conteur incomparable de Spielberg permettait de récréer cette sensation en amenant le spectateur vers des territoires inconnus grâce à l'apport des nouvelles technologies. Mais loin de se laisser dépasser par elles, le cinéaste en a profité pour décupler sa créativité avec des séquences d'une virtuosité et d'une invention époustouflantes. L'homme de grand spectacle qu'il est assure une nouvelle fois en parsemant son film de références (d'Hitchcock à ses propres films) et de détails fourmillant à chaque plan : la scène d'ouverture est un modèle absolu et les transitions qui nous font passer d'un désert à une flaque d'eau et d'une poignée de main à la découverte d'une ville ravissent notre oeil émerveillé.
Aux deux tiers du film, les libertés avec la bande dessinée se font plus visibles et Spielberg se met à dessiner une vengeance absente de l'oeuvre originale qui rentre dans un moule trop standardisé. Et la succession de séquences plus spectaculaires les unes que les autres finit par lasser et trahit quelque peu Hergé. Si certains pourront déplorer une mécanique (trop) bien huilée qui manquerait d'âme, laissons plutôt à Steven Spielberg la prouesse de s'être approprié Tintin sans tomber dans la révérence béate en ayant su respecter la ligne claire et garder l'essence de notre héros préféré qui court vers de trépidantes aventures depuis plus de quatre-vingt ans.
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très bon divertissement. Les libertés prises par rapport au scénario d'Hergé passent très bien et surprennent même. Cela donne un souffle intéressant à une histoire que l'on croit connaitre. on retrouve un peu l'esprit d'indiana jones dans la dernière partie du film
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