mercredi 14 septembre 2011

Présumé coupable


Notre cinéma hexagonal s'intéresse à nouveau aux faits divers qui ont marqué la société française. L'affaire d'Outreau, un scandale unique dans les annales judiciaires, ne pouvait pas échapper longtemps aux cinéastes. En retraçant le parcours de l'une des treize personnes injustement accusées de pédophilie, le réalisateur Vincent Garenq a opté pour une approche très réaliste de l'affaire, au plus près de l'humain et des conséquences effroyables qu'elle a engendrée. En toute sobriété. 

Au petit matin, Alain Marécaux, huissier de justice de Saint-Omer, est arrêté par la police ainsi que sa femme et ses trois enfants. Placé en détention, il est accusé de viols sur mineurs. Malgré les incohérences flagrantes du dossier, il passera vingt-trois mois en prison avant d'être enfin innocenté. 

Autant le récent Omar m'a tuer était un film à thèse et à décharge qui prenait fait et cause pour le jardinier, autant Présumé Coupable évoque une indiscutable erreur judiciaire. Cette objectivité sert le propos de Vincent Garenq qui n'a pas souhaité réaliser un film directement sur l'affaire mais sur un homme qui l'a subi de plein fouet. La caméra ne quittera jamais le visage livide et émacié de Philippe Torreton, perdant 27 kilos pour le rôle, impressionnant de douleur contenue et de rage diffuse. Sans une note de musique, ne versant jamais dans le mélodrame larmoyant, Vincent Garenq nous émeut et nous indigne. La descente aux enfers de Marécaux pourrait être celle de n'importe qui, pris dans les tenailles de la machine judiciaire comme dans un cauchemar kafkaïen. 

Alain Marécaux et Philippe Torreton 

Désarmé, Marécaux voit sa vie s'effondrer sous ses yeux. Face au juge Burgaud, prisonnier de ses certitudes et incapable de la moindre humanité, le "présumé coupable" voit progressivement son calvaire sans issue. Dans l'une des séquences les plus poignantes, il apprend la mort de sa mère juste avant la convocation du juge. Le magistrat, alors au courant, demande à Marécaux, hagard, la date de naissance de sa mère. Retranscrivant fidèlement les procès verbaux des interrogatoires, on ne peut pas soupçonner le cinéaste de vouloir nous insurger à peu de frais. La vérité judiciaire, crue, ne peut que nous révolter. 

La noirceur et la violence de cette histoire trouveront un épilogue salvateur mais amer. Malgré l'acquittement de Marécaux, la justice, elle, ne rendra pas de comptes. Qu'une institution capable de broyer des individus soit exempte de toute sanction fait réfléchir. Le cinéma devient soudain le miroir peu aimable des dysfonctionnements d'une société qui ne veut pas faire son autocritique. Marécaux, lui, ne pourra jamais oublier.

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez France Télévisions Distribution.

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