Drive

Le jury du festival de Cannes ne pouvait pas viser plus juste en distinguant Drive par le prix de la mise en scène. Après plusieurs longs métrages remarqués, le survolté danois Nicolas Winding Refn entre dans la cour des grands. Où comment transformer une banale série B en un exercice de style virtuose et fascinant.

Un jeune homme solitaire, le "Driver", est cascadeur automobile pour Hollywood. La nuit, il conduit des truands. Shanon, son manager, le met en contact avec Bernie Rose, un mafieux notoire. Pendant ce temps, il fait la rencontre d'Irene et de son jeune fils. Lorsque le mari d'Irene sort de prison et se retrouve forcé de commettre un braquage, il décide de lui venir en aide. 

Ryan Gosling et Carrey Mulligan 

Le talent de Refn n'est pas d'avoir voulu révolutionner le film noir mais d'en avoir repris les principaux codes en les réinvestissant à sa manière. Dès le générique de début et ses lettres roses flashies, le cinéaste replonge dans les polars urbains des années 80 et rappelle les premiers films de Michael Mann. Ce léger décalage est incarné par Ryan Gosling, moins viril que ses modèles, alliant une tête d'ange à une attitude impassible. Froid et mutique, le comédien, dont le passé et les motivations resteront délibérément obscurs, est le poumon du film, alternant les séquences harassantes aux rares moments plus apaisés. 

La mise en scène, ce terme si galvaudé, Refn l'amène à un haut degré de sophistication. Le prodigieux travail sur le son et l'image, l'utilisation originale de la musique pop électro (la BO est à tomber !), la manière nouvelle dont il intègre le fondu enchaîné concourent à créer une atmosphère singulière où les éclats de violence surgissent au moment où l'on s'y attend le moins. Refn est un grand équilibriste, sa maestria ne subit jamais de sortie de route et se risque même à entreprendre des virages à 180 degrés dans l'intrigue, décuplant ainsi notre plaisir. Car le cinéaste n'oublie pas le spectateur et ne tombe jamais dans un objet conceptuel froid et désincarné qu'il aurait pu devenir. 

Des fulgurances à chaque plan, une adrenaline qui coule frénétiquement dans nos veines, Drive nous saisit aussi par son étrange histoire d'amour. La rencontre de ces deux personnages, Refn la filme constamment dans l'attente d'une réaction de l'un, d'un sourire de l'autre et nous convie au plus grand suspense du film qui atteint son sommet lors de l'une des scènes les plus mémorables où le cinéaste filme au ralenti les deux amants s'embrasser, un interminable baiser prélude à un bain de sang. Ce romantisme désenchanté au beau milieu de cette sauvagerie contaminera le reste du film. 

Electrisant tous nos sens, Drive s'accomplit définitivement dans une superbe séquence poétique, une exécution au bord de l'océan où la mort devient comme le ressac qui chavire les êtres, ne faisant plus alors de différence entre bons et méchants. Le film restera sur cette frontière poreuse dans laquelle chacun poursuit son but. Celui de "Driver" est de rouler. Jusqu'au bout.

Antoine Jullien

DVD et Blu-Ray disponibles chez Wild Side Vidéo.