POUR
Trop belle, trop femme pour porter sur ses frêles épaules un projet aussi insensé que celui de disséquer le fonctionnement d’un commissariat de police, Maïwenn prend des risques, à commencer par celui de s’attirer quelques foudres machistes. Certains critiques ne s’en sont pas privés, relayés par d’autres, plus vicieux, ayant trouvé à redire à cet objet cinématographique pourtant totalement assumé comme tel dont la grande force tient non seulement dans son parti pris de mise en scène mais aussi bien sûr dans son irréprochable qualité d’interprétation.
Dès le titre, dont tant la calligraphie que la faute d’orthographe n’auront échappé à personne (Français ou autres, le mot correctement écrit étant connu de la planète entière puisqu’ainsi orthographié aussi en anglais…), l’enfance se place au cœur du sujet puisque c’est la Brigade de protection des Mineurs sous divers cas concrets qui est évoquée. Attouchements sexuels incestueux, avortements suite à un viol, abandon forcé d’enfant, fugue ou encore utilisation de gosses à des fins frauduleuses, ce que l’on peut supposer comme le quotidien de cet enfant pauvre du ministère de l’Intérieur défilent ainsi durant deux heures.
Karin Viard
Par saynètes reconstituant un tableau souvent atroce de cas désespérés, la réalisatrice tisse un camaïeu de situations souvent criantes de vérité, où l’empathie s’avère inévitable pour tout être normalement constitué. Le manichéisme s’en mêle, inexorablement mais qui pourra en tenir rigueur aux auteurs ? Un peu à la manière de Laurent Cantet pour Entre les murs, Maïwenn, caméra à l’épaule, opère une dissection de ces drames quotidiens. Mais la comparaison avec la Palme d’or du festival de Cannes 2008 s’arrête là, Polisse ne jouant pas la carte du documentaire tellement faux qu’il en paraît vrai mais bien celle d’une fiction totale sur laquelle repose une observation quasi entomologiste sur le travail de fourmi de ces enquêteurs, de ces hommes et ces femmes presque comme les autres. En ce sens, l’objet de cinéma Polisse peut en gêner certains.
Car les limites du film sont là, même si elles en font aussi son immense force. Force grâce à la partition musicale signée Stephen Warbeck, compositeur au style plutôt sirupeux qui collait si bien à Shakespeare in love, film pour lequel il décrocha d’ailleurs l’Oscar. Mais aussi et surtout, bien entendu, force de l’interprétation. Chacun joue un peu sa partition, sur un dialogue très (trop ?) écrit. Collégialement, le prix d’interprétation aurait pu leur revenir. Que ce soit Karin Viard ou Marina Foïs, Wladimir Yordanoff ou Nicolas Duvauchelle, Sandrine Kiberlain ou Naidra Ayadi, sans oublier bien sûr le sur-ovationné JoeyStar, ils sont irréprochables. Ce sont eux bien sûr qui provoquent cette émotion, cette rage dont le film est porteur.
Maïwenn, Arnaud Henriet, Jérémie Elkaïm, JoeyStarr, Emmanuelle Bercot, Marina Foïs et Karin Viard
La dramaturgie, cette science exacte dont personne ne connaît les règles, est donc ici la grande bienfaitrice du film. Raconter une histoire, plausible qui plus est et non archétypée comme le sont tant de productions hollywoodiennes même quand elles prennent appui sur du vécu, telle aura été la volonté clairement affichée de la cinéaste. Montrer des êtres vivant, aimant, souffrant des deux côtés du mur de la justice. En ce sens, on ne peut que lui tirer notre chapeau. Son film est juste magnifique.
Erik Dzarli
CONTRE
Un enfant qu'on arrache à sa mère dans un flot ininterrompu de larmes, une jeune fille qui accouche d'un bébé mort suite à un viol. On ne peut pas rester de marbre face à ces situations que Maïwenn nous jette à la figure avec une sincérité indéniable. Elle a longuement suivi le travail des policiers au sein de la BPM (Brigade de protection des mineurs) afin de faire ressentir au plus près les drames humains auxquels ils sont confrontés chaque jour. Mais la réalisatrice est tombée à bras raccourcis dans le catalogue des cas les plus glauques : pédophilie, inceste, racisme, tout y passe sans qu'elle ne s'intéresse réellement aux victimes réduites à des faire-valoir pour combler l'absence de scénario.
Les flics ne sont guère mieux lotis, ensevelis sous les clichés habituels : la divorcée contrariée, le brutal au coeur tendre, la frustrée acariâtre... Heureusement, la force des comédiens permet de donner à ces personnages une vérité et une certaine authenticité. Leur engagement est à saluer tout comme la prestation de Marina Foïs qui confirme de film en film sa présence singulière.
Maïwenn, Jérémie Elkaïm et JoeyStarr
La justesse de certains passages et l'humour disséminé ici et là ne doivent pas faire oublier les multiples défauts du film : un montage hasardeux qui atteint ses limites dans une interminable séquence de boîte de nuit, des scènes "d'action" qui manquent sérieusement de souffle, une réalisation qui confond le plus souvent talent et précipitation en utilisant de manière systématique la caméra à l'épaule pour masquer l'absence de mise en scène, une laideur esthétique pas très éloignée d'une banale fiction télé. Mais le pire réside dans la manière qu'à la comédienne Maïwenn de se filmer dans le rôle inepte d'une photographe chargée de capter sur le vif le quotidien de la Brigade. Délire narcissique ou cruelle absence de recul, on ne sait quoi penser devant cette prestation qui dessert le film de bout en bout, culminant dans un dîner parental auto-nombriliste qui achève de nous irriter et qui témoigne surtout d'une complaisance indigne lorsque l'on traite un sujet aussi grave. Quant à la scène finale, elle révèle un sens de la manipulation qui ne mérite aucun éloge. Fermez le ban.
Antoine Jullien
Sous la réserve qu'il faut ici écrire "fermez le ban", sans le "c" final (cf. étymologie), votre critique "contre" est tout à fait pertinente. Je suis sur la même longueur d'ondes : cette roublarde de Maïwenn joue à fond l'escroquerie au sentimentalisme le plus éhonté !
RépondreSupprimerUn film très moyen des séquences à rallonge, joey n'a visiblement rien d'un policier et le joue décidément très mal... déçu d'y être aller!!
RépondreSupprimerJe suis quant à moi complètement d'accord avec la critique "Pour", même si je concède que le rôle de Maïwenn n'apporte strictement rien au film. J'aurais enlevé les séquences de sa vie personnelle.
RépondreSupprimerLes situations et les acteurs sont tous justes, y compris les enfants qui sont incroyables. Je n'ai pas du tout trouvé que l'on versait dans le sentimentalisme ; même si les situations sont difficiles et crues la plupart du temps, je trouve qu'elles sont traitées avec une certaine pudeur au niveau du sentiment.
Les situations personnelles des policiers peuvent sembler cliché mais elles sont pourtant bien réalistes !! J'en ai des exemples autour de moi en entreprise tous les jours...
Quant aux critiques de mise en scène et d'esthétisme, j'avoue que cela n'a pas perturbé la non-initiée à l'art de la réalisation que je suis. A aucun moment je n'ai perçu ce film comme une fiction télé.
Bref, un film magnifique et qui réussit à ne pas être racoleur malgré un sujet très sensible.
Pour, par la grâce du flux d'énergie qui irradie le film.
RépondreSupprimerAh, je suis bien contre donc, et pour les mêmes raisons! Article très intéressant!
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