mercredi 27 juillet 2011

Super 8


Alors adolescents, J.J. Abrams et son compère Matt Reeves (le futur réalisateur de Cloverfield) ont un jour reçu un coup de téléphone de Kathleen Kennedy, alors assistante d'un cinéaste qui avait vu leurs films dans un festival. Celui-ci leur proposait de restaurer et monter les films super 8 qu'il avait lui-même réalisé quelques années auparavant. Le cinéaste s'appelait Steven Spielberg.

La réalisation de Super 8 vient en partie de cette filiation entre le papa d'E.T. et le créateur de la série Lost. Les deux hommes ont étroitement collaboré à cette histoire originale écrite par Abrams qui revient aux sources de sa passion pour le cinéma. Nous sommes à l'été 1979. Dans une petite ville de l'Ohio, un jeune garçon qui vient de perdre sa mère participe au tournage d'un film de zombies mené par l'un de ses camarades dont la vedette est une jeune fille étrange et introvertie (Elle Fanning, la découverte de Somewhere). Mais un gigantesque accident ferroviaire l'interrompt brutalement. Le groupe ignore que la caméra super 8 a enregistré la collision tandis que de mystérieuses disparitions inquiètent les habitants de la petite ville... 


La formule "c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures confitures" ne pourrait pas mieux résumer le sentiment que l'on éprouve à la sortie de la projection de Super 8. J.J. Abrams a souhaité retrouver le cinéma de son enfance qui l'avait fait rêver. Le réalisateur, plus habitué jusqu'à présent à recycler des franchises en déclin (Mission : Impossible 3 et Star Trek) n'a pas vainement pastiché un genre mais se l'est réapproprié de manière très personnelle. Si le décorum des années 70 est bien présent avec ses accessoires indispensables, il n'étouffe pas le film mais lui donne une authenticité qui ravit dès les premières minutes. L'adulte qui a tant frémit devant les films de sa jeunesse retrouve immédiatement le même plaisir de spectateur. Les jeunes générations ne devraient pas être en reste et seront tout autant captivées par cette histoire haletante menée de main de maître. A l'heure où le numérique envahit tous les espaces au point d'annihiler l'émotion, J.J. Abrams l'utilise à bon escient, faisant confiance à sa mise en scène audacieuse (l'usage du lens flare décrié par certains) et suggestive (l'habileté du hors-champ) afin de nous offrir un long métrage à la fois très spectaculaire (l'impressionnante séquence de l'accident) et intimiste.

Le réalisateur J.J. Abrams avec Joel Courtney et Riley Griffiths

Là où Abrams se pose en digne héritier spielbergien est dans la quête de l'être disparu et l'impossibilité de faire son deuil. Le jeune garçon délaissé de E.T. se retrouvait au contact de l'extraterrestre. Abrams établit un lien plus indirect mais néanmoins touchant. L'arrivée de la pellicule super 8 amène alors une dimension intemporelle et poétique. Lorsque les deux ados regardent le film de la mère disparue, J.J. Abrams intervertit subtilement la réaction de celui qui regarde. Ce n'est pas le garçon qui pleure mais la jeune fille qui a elle aussi perdu sa mère. Une douleur que partage les deux êtres et qui va les unir tout au long du film. 

Les dernières images rompent subitement notre enthousiasme. Cette fin très mélodramatique pourrait sembler appuyée et inutile si elle n'était pas l'hommage ultime que rendait Abrams à son père de cinéma. Une émouvante déclaration d'amour autant qu'un vivifiant encouragement à tous les créateurs en herbe. Attention, re ratez pas le générique et son désopilant film de monstres. Du grand art avec des bouts de ficelle ! (Le film sort en salles le 3 août)

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez Paramount Video.

4 commentaires:

  1. Tu as très bien résumé mon sentiment que j'avais par rapport à ce film. Tu en sors... serein et ravi ! J'avais l'impression de retrouver ce sentiment de pleinitude et de rêve qu'après E.T., alors que je le regardais à 8 ans, enveloppé dans ma couverture. Ravie, ravie ravie. Même que je suis retournée le voir 2x. Par contre, la version française est à éviter. Les performances des acteurs (notament de Elle Fanning et de l'interprète de Jo, qui forment le duo d'enfants le plus touchant que j'ai vu depuis de nombreuses années).
    Un vrai régal, pour ... les petits et les grands, on ne peut mieux dire =)
    Ou bien les grands petits et les petits grands !

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  2. J'ai retrouvé cette envie que j'avais étant plus petite : celle de remettre la VHS au début et de la regarder encore, encore et encore.

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  3. Ce film, d'après moi, c'est un peu un mélange de E.T., des goonies, et du géant de fer.
    On le regarderait bien un vendredi après-midi, en sortant de l'école, en mangeant des kellogs. C'est une réelle retombée en enfance qui fait vraiment plaisir. :)

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  4. Une superbe leçon de cinéma largement digne du maître Spielberg: du cinéma dans le cinéma qui s'autoparodie (gore pour de faux vs gore pour de vrai/faux, E.T. qui n'est pas "E.T." quoiqu'en l'étant)tout en créant dès le début un jeu de fausse/vraie piste tout à fait jouissif (danger chimique, mensonge d'état). On vous donne la recette (le rôle d'une femme dans un thriller/film d'horreur/film d'action) puis on l'applique avec tellement de brio grâce à Elle Fanning, époustouflante, que l'on prend un plaisir incroyable à se laisser mener ainsi par le bout des yeux. Pour ma part, outre la scène que je viens d'évoquer (la répétition avant l'accident ferroviaire), j'ai trouvé sublime le jeu de champ/contrechamp lorsque la jeune fille répète son rôle de morte-vivante, où l'on lit les émotions de chacun dans le regard de l'autre: en regardant jouer l'adolescente en gros plan, on comprend que l'on ne peut qu'en tomber amoureux et l'on est vraiment à la place du héros; puis en voyant le regard qu'il pose sur elle en train de répéter (de dos) on comprend à quel point c'est une actrice-née et tout ce qu'elle est en train de lui donner par son jeu. Quant au rôle de la caméra elle-même qui ne montre la "réalité" que lorsqu'il n'y a plus "personne" derrière... et dont le film est à la fois dangereux et inutilisable cinématographiquement... Aucun temps mort, de l'humour, des jeux incessants sur tous les codes du "genre" (qui mélange beaucoup de genres), y compris dans le générique, mais aussi des souffrances cachées, de l'incompréhension entre les êtres qui, en définitive, se comprennent si bien... un vrai régal dont on ne se lasse pas, seul, en famille, entre amis...

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