mardi 9 mars 2010

The Ghost Writer


Un "nègre" (Ewan McGregor) est appelé pour écrire les mémoires d'Adam Lang (Pierce Brosnan) qui a quitté le 10 Downing Street et vit bunkerisé sur une île de la côte est des Etats-Unis. L'écrivain doit remplacer le nègre précédent, mort mystérieusement. Il va surtout apprendre que son "modèle" est directement impliqué dans la torture de quatre terroristes, sous l'oeil avisé de la CIA.

Polanski, après deux films historiques (Le Pianiste et Oliver Twist) souhaitait revenir au thriller. Il a fait appel à Robert Harris en adaptant son roman L'homme de l"ombre qui brosse un portrait sans concession d'une figurante ressemblant trait pour trait à Tony Blair. Mais la réalité politique n'intéresse pas vraiment Polanski qui préfère la maquiller en un suspense retors et savoureux où le cinéaste reprend des thèmes qui l'ont toujours obsédé : l'enfermement, les faux-semblants, la manipulation. Ewan McGregor, remarquable de fausse naïveté, va constamment s'interroger sur l'identité de cet ancien premier ministre : s'agit-il d'un vulgaire comédien qui a réussit à amadouer les foules ou une marionnette entre les mains d'une puissance secrète ? Pour démêler les fils de l'intrigue, Polanski choisit de concentrer son action dans une immense demeure perdue sur une île battue par les vents déchaînés et la pluie continue. Un décor qui confine à l'abstraction, l'immensité du lieu accentuant davantage la claustration du héros et qui n'est pas sans rappeler certains films du cinéaste (La jeune fille et la mort, notamment).

Pierce Brosnan et Ewan McGregor

Autant Scorsese vient récemment d'abuser des effets les plus éculés pour arriver à ses fins, autant Polanski nous offre une vraie leçon de mise en scène. Le cadrage, le montage, la direction d'acteurs concourent à rendre cette atmosphère brumeuse et délectable. Deux séquences résument à elles seules le talent du cinéaste : une visite chez un ancien ami de Lang où l'angoisse se distille dès le premier regard et la longue révélation finale, un modèle absolu d'élégance et d'efficacité.

Le sens du détail propre au réalisateur de Rosemary's baby fait encore merveille et révèle un humour acide. Polanski semble avoir un regard détaché sur ses personnages perdus dans les méandres de la politique fiction, en témoigne le jeu de dupes entre Lang et son "ghost writer" ainsi que la rivalité diffuse entre la femme du premier ministre et son assistante. De prime abord un excellent thriller, le film suggère d'autres grilles de lecture qui montrent à nouveau le pessimisme de Polanski sur nos institutions et sur la recherche de la vérité qui conduit irrémédiablement à notre perte.

En ces temps de surlignage généralisé, qu'un cinéaste face aussi pleinement confiance à son art est réjouissant. Certains parleront de "film à l'ancienne", évoquons plutôt le classicisme majestueux d'un réalisateur qui a marqué durablement nos rétines pendant plus de quarante ans et qui arrive encore à nous embarquer pour notre plus grand plaisir. Courez-y !

Antoine Jullien

1 commentaire:

  1. j'approuve.

    Et comme dirait un autre, question mise en scène ce monsieur assure méchamment.

    j'en suis resté épaté.

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