jeudi 30 juin 2016

Clint Eastwood embarque Tom Hanks


Après le (très) discutable American Sniper, Clint Eastwood s'intéresse de nouveau à un "héros" américain dans Sully, son 35ème long métrage. Mais il s'agit cette fois d'une personnalité apparemment plus consensuelle, le pilote d'US Airways Chesley "Sully" Sullenberg, connu pour avoir, en 2009, fait amerrir un avion sur le fleuve Hudson, près de New-York, sauvant la vie des 155 passagers à bord. Mais l'homme va se retrouver pris dans une tempête médiatique, accusé d'avoir mis inutilement en danger la vie de ses passagers. 

Le scénario rappelle étrangement celui de Flight de Robert Zemeckis qui racontait une histoire similaire. On est curieux de voir le réalisateur de Mystic River et Gran Torino diriger un Tom Hanks grisonnant dans un rôle qu'il affectionne, celui de l'homme ordinaire aux prises avec un évènement qui le dépasse. On espère surtout que Clint Eastwood ait un point de vue plus pertinent et moins manichéen que dans son film précédent. Les premières images de la bande annonce tendent à nous rassurer. Réponse le 30 novembre dans les salles. 

Le professeur de violon


La musique adoucit les mœurs. Ce fameux proverbe trouve parfaitement sa place dans Le Professeur de violon de Sérgio Machado. Le réalisateur brésilien, fils de musiciens, s'est inspiré d'une histoire vraie, adaptant la pièce Acorda Brasil d'Antônio Ermírio de Moraes. Passionné par son sujet, Machado a pris des cours d'histoire de la musique et est allé jusqu'à suivre des leçons de violoncelle pendant douze mois pour se mettre dans la peau d'un étudiant. Un travail préparatoire qui a manifestement payé, le cinéaste ayant réussi à déceler la note juste, sans pathos ni sensiblerie. 

Laerte, talentueux violoniste, rêve depuis toujours d'intégrer l'Orchestre symphonique de São Paulo. Dévoré par le trac, il échoue toujours à l'audition. Il accepte alors, un peu à contrecœur, d'enseigner la musique à des jeunes d'Héliopolis, la plus grande favela de la ville. Après des débuts difficiles, il va finir par tisser des liens très forts avec ses élèves et remarquer des talents inespérés. 


C'est un double récit d'apprentissage, vécu autant par les élèves qui vont, grâce à leur professeur, découvrir un univers musical qu'ils ne soupçonnaient pas, que par l'enseignant qui va lui aussi connaître un épanouissement personnel à leur contact. Le réalisateur aurait pu l'orchestrer de manière trop évidente mais il réussit à accorder ses personnages dans une juste harmonie, menacée par le milieu qui les entoure. Car Héliopolis est au cœur des trafics où les gangs font la loi. Sérgio Machado parvient à tisser un arrière-plan social convaincant, miné par les inégalités et sans cesse au bord de l'explosion, dans lequel il est très périlleux de suivre la bonne voie.

On pourra bien sûr ergoter sur un scénario trop schématique qui veut nous amener vers un but bien précis, celui de la réconciliation (convenue). Pour ce faire, le cinéaste utilise quelques ficelles mélodramatiques un peu appuyées. Mais le pouvoir de la musique finit par tout emporter sur son passage, et on est d'autant plus séduit que le réalisateur ose un mélange des genre risqué, entre le rap et la musique classique. Par ces temps ombragés, voilà un film qui fait du bien et qui devrait parler à un large public. Bravo ! 

Antoine Jullien

Brésil - 1h40
Réalisation :  Sérgio Machado - Scénario : Maria Adélaide Amaral, Sérgio Machado, Marcelo Gomes, Marta Nehring d'après Antônio Ermírio de Moraes
Avec : Lázaro Ramos (Laerte), Kaique de Jesus (Samuel), Elzio Vieira (VR), Sandra Corveloni (Alzira).

lundi 27 juin 2016

Interview de Marie Madinier pour Le Secret des Banquises


De passage au Champs-Elysées Film Festival, la réalisatrice Marie Madinier nous a présenté son premier long métrage, Le Secret des Banquises, interprété par Guillaume Canet et Charlotte Le Bon. 

L'histoire d'amour un peu loufoque entre un professeur de médecine qui étudie la PPM, une protéine immunisante produite par le pingouin, et son cobaye, une jeune thésarde un peu maladroite. 

Marie Madinier ose un mélange des genres, entre fantastique et romance, qui séduit dans un premier temps avant que le récit ne s'égare dans une dernière partie bâclée, nettement moins convaincante. Une tentative de comédie romantique singulière qui, faute d'être aboutie, ne va pas au-delà de ses intentions malgré de bons seconds rôles, notamment le tandem formé par Anne Le Ny et Patrick d'Assumçao.

France - 1h21
Réalisation et Scénario : Marie Madinier 
Avec : Guillaume Canet (Quignard), Charlotte Le Bon (Christophine), Anne Le Ny (Nadine), Patrick d'Assumçao (Philippe), Damien Chapelle (Siegfried). 

dimanche 26 juin 2016

Interview d'Alexandre Aja au Champs-Elysées Film Festival

 
A l'occasion du dernier Champs-Elysées Film Festival, nous sommes allés à la rencontre d'Alexandre Aja, coprésident de cette 5ème édition. 

Féru de cinéma fantastique, le réalisateur s'était fait connaître en 2003 avec le film d'horreur Haute Tension et avait ensuite traversé l'Atlantique pour tourner le remake, très réussi, de La Colline a des Yeux

Depuis, il a produit et réalisé plusieurs longs métrages aux Etats-Unis (Piranha 3D, Mirrors, Horns...) et s'apprête à tourner son prochain film en France, l'adaptation du Montespan de Jean Teulé. 

Affable et passionné, le cinéaste nous a parlé de son rôle de président du jury, son métier de cinéaste, sa prolifique carrière américaine et ses futurs projets. 

Antoine Jullien

mardi 21 juin 2016

Catherine Deneuve, reine de Lyon

 
La grande dame du cinéma français, Catherine Deneuve, recevra le 8ème prix Lumière, remis lors du festival Lumière qui se tiendra du 8 au 16 octobre prochain à Lyon et dans sa métropole. Créée en 2009 par Thierry Frémaux, le délégué général du festival de Cannes, et Bertrand Tavernier, la manifestation est devenue en quelques années le rendez-vous incontournable du cinéma classique où pléthore de films restaurés sont proposés au public durant plus d'une semaine. 

Après Clint Eastwood, Quentin Tarantino, Milos Forman, Ken Loach, Pedro Almodovar, Martin Scorsese et Gérard Depardieu, Catherine Deneuve est la première comédienne à être honorée, pour, dixit le festival, "ce qu'elle est, ce qu'elle fait, ce qu'elle dit, ce qu'elle joue, ce qu'elle chante et ce qu'elle enchante depuis toujours et pour toujours".

Catherine Deneuve dans Un Conte de Noël d'Arnaud Desplechin
 
Son éblouissante carrière, jalonnée de films majeurs et de cinéastes qui ne le sont pas moins (Truffaut, Bunuel, Demy, Téchiné, Polanski, Melville, Rappeneau, Lars Von Trier...), fait de ce choix une évidence, Catherine Deneuve incarnant à la fois le prestige et la modernité, toujours au diapason du cinéma mondial, qui aime alterner les univers et les réalisateurs avec une insatiable curiosité et une élégance incomparable.

Le reste de la programmation de cette 8ème édition est aussi alléchant, de Walter Hill à Marcel Carné en passant par Buster Keaton, avec en point d'orgue le documentaire fleuve de Bertrand Tavernier consacré au cinéma français. 

8ème festival Lumière à Lyon du 8 au 16 octobre. 
Renseignements : http://www.festival-lumiere.org/ 

mercredi 15 juin 2016

Diamant Noir

 
Le polar est un genre tellement éprouvé que les bonnes surprises sont rares. Diamant noir d'Arthur Harari en est assurément une et porte très bien son titre. Primé au festival du film policier de Beaune, ce premier long métrage est un véritable joyau, tant sur la forme que sur le fond, et une plongée fascinante dans le monde opaque et feutré des diamantaires. 

Pier Ulmann vivote à Paris, entre chantiers et larcins qu'il commet pour le compte de Rachid, sa seule vraie famille. Son père, qu'il n'avait pas vu depuis des années, est retrouvé mort après une longue déchéance. Jugeant sa famille responsable de cette disparition tragique, Pier décide de se venger. Sur l'invitation de son cousin, il se rend à Anvers pour rénover les bureaux de la prestigieuse firme Ulmann, en cachant son véritable dessein. 

Niels Schneider

Arthur Harari entremêle avec brio l'étude documentaire et la tragédie familiale. Filmant avec une grande acuité un milieu que l'on a rarement vu à l'écran, il scrute l'évolution d'un homme qui va lui-même être happé par cet univers mystérieux au point de ne plus être très sûr de ses intentions. Déterminé à venger la mémoire de son père, il va se voir marcher dans ses pas, celui d'un tailleur de diamant doué, promis à un bel avenir. Et grâce à un scénario très bien écrit, Arthur Harari malmène intelligemment les points de vue, les ennemis du début n'étant plus forcément les mêmes à la fin. 

Le jeune réalisateur possède un style indéniable, tout en contrastes, signant un film formellement très accompli et personnel, loin des clichés visuels inhérents au genre. Réunissant une formidable troupe d'acteurs dominée par le regard intense et fiévreux de Niels Schneider, qui trouve ici son premier rôle majeur, Arthur Harari réussit un brillant film noir en adéquation totale avec l'image même du diamant, son aspect tranchant et éclatant pouvant dissimuler de multiples facettes. Un coup de maître qui laisse augurer de bien belles promesses.

Antoine Jullien
 
France - 1h55
Réalisation : Arthur Harari - Scénario : Arthur Harari, Vincent Poymiro et Agnès Feuvre. 
Avec : Niels Schneider (Pier Ulmann), August Diehl (Gabi), Hans Peter Cloos (Joseph), Raphaële Godin (Luisa).  

Disponible en DVD chez TF1 Vidéo.

mercredi 8 juin 2016

La Grande Séance de Juin


Une fois n'est pas coutume, La Grande Séance du mois de juin fut animée par votre serviteur, en compagnie d'Antoine Sire, le spécialiste des classiques du cinéma, et des blogueurs Alexis Hyaumet et Anaïs Berno. L'invité de l'émission était le réalisateur Eric Lavaine pour la sortie de la comédie Retour Chez ma mère avec Josiane Balasko, Alexandra Lamy et Mathilde Seigner.

Au sommaire de l'émission, les tops et les flops du box-office, le coup de projecteur sur le documentaire de Bertrand Tavernier, Voyage à travers le cinéma français, le focus sur la 5ème édition du Champs-Elysées Film Festival avec l'intervention de sa fondatrice et présidente, Sophie Dulac, sans oublier le débat de l'émission qui portait sur le fossé de plus en plus grand entre le public et la critique vis-à-vis de la comédie française, ce qui a particulièrement fait réagir Eric Lavaine. 

Antoine Jullien

L'émission est à retrouver ICI et disponible également en podcast sur Seanceradio.com








mardi 7 juin 2016

Elle

 
Paul Verhoeven n'aime pas les zones de confort. Pour son nouveau film, il décide d'adapter un roman de Philippe Djian, Oh !, en France et en français, avec des acteurs tricolores. Après sa période américaine tumultueuse qui l'a vu malmener les codes du blockbuster yankee (Robocop, Starship Troopers) et mettre à mal la société puritaine (Basic Instinct), puis son retour sur ses terres natales avec le très bon Black Book, l'incorrigible hollandais frappe fort. Elle a visiblement échappé au regard du jury du dernier festival de Cannes, il est vrai pas très clairvoyant, mais a bousculé le nôtre. Car d'une histoire supposée de viol et de vengeance, Paul Verhoeven bouleverse toutes nos attentes. 

Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. A la tête d'une grande entreprise de jeux vidéos, elle gère sa vie d'une main de fer qui bascule lorsqu'elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Elle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s'installe alors entre eux. 

Isabelle Huppert

Dès la séquence d'ouverture, Paul Verhoeven nous déstabilise. Il filme cette scène de viol à travers le regard du chat de l'héroïne, seul la bande son rendant compte de son caractère terriblement violent. Ensuite, Michèle semble vouloir l'effacer de sa mémoire et reprendre sa vie comme si de rien n'était. Ses proches s'en soucient mais elle veut continuer à tenir tête. Prompte au rapport de force, on pense alors qu'elle va vouloir faire payer son agresseur. Sauf que Paul Verhoeven déteste les comportements trop rationnels, préférant disséquer un personnage ambivalent, pris depuis sa jeunesse dans un étau de violence et de détestation à cause d'un père serial killer rendu tristement célèbre.

Laurent Lafitte et Isabelle Huppert

Avant que le film ne devienne français, Paul Verhoeven l'avait envisagé aux États-Unis. Mais les actrices américaines, dont certaines illustres, ont décliné le rôle, sans doute effrayées devant l'amoralité du film et son caractère subversif. Seule Isabelle Huppert pouvait habiter le personnage de la sorte, et elle est, une fois encore, éblouissante. Elle parvient à mêler le chaud et le froid dans un même élan, tour à tour victime et bourreau, meneuse d'hommes intraitable en proie à leurs pires pulsions. Son rodéo pervers avec son agresseur la stimule et l'effraie, la menace côtoyant sans cesse la plaisir dangereux. 

A l'instar d'un Chabrol ou d'un Buñuel des grands jours, Paul Verhoeven dissèque également la bourgeoisie avec une cruauté salvatrice, déjouant les jeux de dupe et les faux-semblants, s'amusant à les tourner en ridicule avec une ironie jouissive. Elle prend souvent les allures d'une farce où l'on rit franchement de cette farandole qui va de l'amant lourdingue à la dévote trompée en passant par le voisin un peu trop propre sur lui. Une galerie magnifiquement domptée par Isabelle Huppert et son réalisateur, ici en parfaite symbiose. Le tandem a su livrer une œuvre dérangeante, bousculant malicieusement les archétypes et nos habitudes de spectateur, dans un concert tordu d’ambiguïtés et de malaise diffus qui vous poursuivra longtemps après la projection. 

Antoine Jullien

France / Allemagne - 2h10
Réalisation : Paul Verhoeven - Scénario : David Birke d'après le roman de Philippe Djian.
Avec : Isabelle Huppert (Michèle), Laurent Lafitte (Patrick), Anne Consigny (Anna), Charles Berling (Richard), Virginie Efira (Rebecca). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo

ELLE DE PAUL VERHOEVEN - FILM ANNONCE from SBS Distribution on Vimeo.