samedi 26 avril 2014

La comédie française (et le Splendid) retrouvent quelques couleurs

QU'EST-CE QU'ON A FAIT AU BON DIEU ? / BABYSITTING


A la lecture du box office de cette semaine, une conclusion s'impose : la comédie française retrouve des couleurs. Après un cru 2013 catastrophique, les succès s’enchaînent depuis le début de l'année : Supercondriaque (5,2 millions d'entrées), Les 3 frères - le retour (2,2), Fiston (1,9), Le crocodile du Botswanga (1,2).

Et voilà que deux nouvelles comédies font une entrée fracassante. Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? de Philippe de Chauveron réalise 1 680 000 entrées pour ses sept premiers jours d'exploitation. Un score impressionnant que son sujet laissait quelque peu présager. Rappelons qu'il s'agit d'une famille de catholiques qui voit se succéder les mariages mixtes, au grand dam des parents incarnés par Christian Clavier et Chantal Lauby. Sur un canevas à la fois très contemporain et assez éculé, la comédie fonctionne plutôt bien, portée par l'antagonisme apparent entre la nouvelle génération et l'ancienne. Si le film appuie un peu lourdement sur les clichés, il finit par en jouer habilement, provoquant quelques séquences vraiment drôles, notamment dans son derniers tiers. Comédie fédératrice et efficace, Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? est surtout un film très (trop ?) rassurant qui devrait connaître un large succès.


Le même jour sortait Babysitting qui a enregistré plus de 500 000 entrées et qui semble a priori le contraire du premier : film reproduisant le principe du found footage (consistant à présenter une partie du film comme étant un enregistrement vidéo filmé par l'un des protagonistes), comédiens issus de la télévision, humour déjanté. Le film contient certes quelques moments hilarants et une bonne humeur contagieuse mais n'est jamais à la hauteur de ses ambitions, faute d'audace suffisante. Car derrière la comédie potache sympathique se cache un film très convenu saupoudré d'un mélo familial mielleux  incarné par le couple Gérard Jugnot / Clotilde Coureau qui découvre, médusé, la vidéo de la soirée d'anniversaire de Frank, censé garder leur fils, qui va dégénérer. Babysitting alterne alors de manière pataude les réactions du couple et la vidéo de la folle nuit. Une absence d'inventivité rehaussée, heureusement, par quelques passages bien sentis. 


Grâce aux cartons de ses comédies, ce sont deux acteurs du Splendid au creux de la vague qui reprennent du poil de la bête. Si Gérard Jugnot n'a qu'un second rôle dans Babysitting, son succès lui permet de se raccrocher au wagon d'une nouvelle génération. Son interprétation est pourtant ce qu'il y a de plus mauvais dans le film mais le fait d'avoir participé à ce premier long métrage de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou, au budget modeste, est peut-être une manière pour lui de se relancer. 


Le cas est plus édifiant pour Christian Clavier. Le 9 novembre 2011 sortait On ne choisit pas sa famille, sa première (et unique ?) réalisation, massacrée par la critique et boudée par le public. Ce bide retentissant était l’aboutissement d'une série de gadins pour l'acteur qui ne semblait plus du tout en phase avec son public. Son jeu outré et l'indigence des navets dans lesquels il se compromettait en insupportait plus d'un. Et quand le comédien essaya de changer de registre avec le film politique La Sainte-Victoire, les spectateurs n'ont pas été au rendez-vous.

Mais l'homme a du flair et a senti que les nouveaux rejetons de la comédie française lui permettraient de sortir la tête de l'eau. Il accepte alors de tourner dans l'adaptation de la B.D. Les Profs réalisé par un ancien Robin des Bois, Pierre-François Martin-Laval. Malgré sa médiocrité, le film est un carton, plus gros succès français de 2013 avec près de 4 millions de spectateurs. Et voilà que le comédien récidive avec Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? dans lequel il se délecte de ce personnage de bon père de famille de province, bourgeois conservateur et vaguement raciste qui voit, catastrophé, ses filles se marier les unes après les autres avec un juif, un arabe et un chinois. L'acteur a sans doute senti le potentiel sociologique d'un tel sujet et s'est engouffré dans la brèche. Clavier fait pourtant du Clavier avec la même palette de mimiques mais l'acteur a su mettre la pédale douce, ne prenant plus toute la place et laissant Ary Abittan et sa bande bénéficier des meilleures séquences. Si agaçant auparavant, l'acteur redevient supportable et prend du même coup une belle revanche. Car n'oublions pas qu'il fut aussi une cible privilégiée du fait de son amitié notoire avec Nicolas Sarkozy. Dans un milieu culturel qui penche sérieusement de l'autre bord, il était mal venu d'entretenir une proximité avec l'ancien président de la République. Une attitude que l'on jugera assez grotesque avec le recul et qui conduira l'acteur à partir au Royaume-Uni. 

Même quand on les croit à terre, les dinosaures du rire renaissent de leurs cendres mais ne nous trompons pas. Il s'agit d'une parenthèse enchantée qui n'empêchera pas, à l'un et l'autre, de se remettre en question en abordant des genres inexplorés, au risque de n'être plus que des vestiges de la comédie à la française.

Antoine Jullien

Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? - France - 1h37
Réalisation : Philippe de Chauveron - Scénario : Philippe de Chauveron et Guy Laurent 
Avec : Christian Clavier (Claude Verneuil), Chantal Lauby (Marie Verneuil), Ary Abittan (David Benichou), Medi Sadoun (Rachid Benassem). 

Babysitting - France - 1h25 
Réalisation : Philippe Lacheau et Nicolas Benamou - Scénario : Philippe Lacheau, Pierre Lacheau, Julien Arruti, Tarek Boudali
Avec : Philippe Lacheau (Frank), Alice David (Sonia), Tarek Badouli (Sam), Julien Arruti (Alex), Vincent Desagnat (Ernest), Gérard Jugnot.



Disponible en DVD et Blu-Ray chez UGC Vidéo.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire