vendredi 28 mars 2014

En attendant Godzilla


Les blockbusters ont rarement droit de citer dans Mon Cinématographe car ils sont la plupart du temps trop formatés pour qu'on s'y intéresse de près, même quand ils sont signés par des cinéastes de renom comme Darren Aronofosky dont on vient tout juste de découvrir l'accablant Noé et sur lequel nous reviendrons plus longuement lors de sa sortie le 9 avril. 

Penchons-nous donc sur ce revival de Godzilla réalisé par le prometteur Gareth Edwards. Ce jeune cinéaste s'est fait connaître en 2010 grâce à Monsters dont nous avions dit le plus grand bien dans ces colonnes. Malgré un budget dérisoire, Edwards parvenait à renouveler le film de monstre avec un traitement intimiste particulièrement fort. Un talent qui a tapé dans l'oeil des nababs hollywoodiens qui ont décidé de lui confier cette superproduction. 

Porté par un casting surprenant pour ce type de films, emmené par Bryan Cranston (le Mr White de Breaking Bad), Ken Watanabe, Sally Hawkins (vue récemment dans Blue Jasmine) et Juliette Binoche (qui avait toujours dénigré les gros budgets), Godzilla version 2014 fête les 60 ans de la naissance du célèbre monstre en donnant furieusement l'eau à la bouche grâce à une bande annonce mystérieuse (dont on reconnaît le Requiem de Ligeti utilisé par Kubrick dans 2001 !) et très efficace, promettant un spectacle dantesque doublé, on l'espère, d'une réelle vision. On verra bien si Edwards s'est fait ou non dévorer par l'ogre yankee mais la promesse fait saliver. Réponse le 14 mai. 

mercredi 26 mars 2014

Gerontophilia

 
Un titre aussi énigmatique ne peut qu'interpeller. Gerontophilia, soit l'attirance irrépressible pour les personnes âgées. Le réalisateur canadien Bruce LaBruce, connu jusqu'à présent pour des œuvres underground à la lisière de la pornographie, continue dans la voie de la subversion. Mais en racontant une histoire de fétichisme éprouvée par un jeune homme pour les vieux messieurs, il la transforme habilement en film romantique à l'humour mordant. 

En disposant d'un budget plus confortable que ses films précédents, Bruce LaBruce a soigné davantage l'esthétique de son film qui va dans une direction contraire au sujet prétendument scabreux qu'il veut traiter. De somptueux ralentis dans les couloirs d'un hospice aux plans enneigés d'un Quebec ensoleillé, le cinéaste enveloppe ses personnages dans une atmosphère harmonieuse qui épouse en réalité le réel propos du film, une histoire d'amour naissante entre deux hommes que rien ne prédisposait à subvenir. Le premier, Lake, 18 ans, est un garçon plutôt ordinaire qui vit avec une mère névrosée et sort avec une fille de son âge un peu excentrique. Le second, Mr Peabody, est un octogénaire encore séduisant qui refuse le traitement subi dans la maison de retraite où il est enfermé. Il va alors se lier d'affection avec Lake avant que leur relation ne prenne une autre tournure. 

Pier Gabriel Lajoie et Walter Borden

Pour le cinéaste, Lake est un personnage révolutionnaire dans la mesure où ce qu'il vit dépasse toutes les conventions. Mais le cinéaste n'use pas de provocation gratuite, il filme avec beaucoup de sensibilité cette histoire d'amour empreinte de tendresse et de sincérité. A travers les portraits de vieillards que dessine l'adolescent, le réalisateur finit par nous toucher en nous montrant que la normalité n'a pas forcément de limites. On pense évidemment à Harold et Maud d'Hal Ashby mais le propos de Bruce LaBruce est plus audacieux car Harold était amoureux de Maud malgré sa vieillesse alors que Lake, lui, est vraiment gérontophile, rien que dans cette scène assez surprenante où le jeune homme sauve un vieil homme de la noyade en lui faisant du bouche-à-bouche, se retrouvant soudain en bien mauvaise posture. 

Pier Gabriel Lajoie et Walter Borden sont remarquables et amènent beaucoup de force à leurs personnages, entourés par une belle galerie de seconds rôles. Bruce LaBruce en profite également pour dénoncer le sort des personnes âgées dans les maisons de retraite qui n'ont semble-t-il plus le droit de vivre, seulement de mourir. Le réalisateur ne s'étend pas davantage dans cette dénonciation mais elle est néanmoins bien présente et interpelle. En souhaitant s'ouvrir à un plus large public, Bruce LaBruce nous remue et évacue du même coup les quelques réticences que l'on aurait pu avoir face à un tel sujet, et devient in fine l'auteur d'un film à l'irrévérence salutaire. 

Antoine Jullien

Canada - 1h22
Réalisation : Bruce LaBruce - Scénario : Bruce LaBruce et Daniel Allen Cox
Avec : Pier Gabriel Lajoie (Lake), Walter Borden (Mr Peabody), Katie Boland (Désirée), Marie-Hélène Thibault (Marie). 



Disponible en DVD chez Epicentre Films.

lundi 24 mars 2014

Wrong Cops

 
Il réalise, écrit, monte et cadre ses films. Quentin Dupieux est un touche-à-tout qui s'est peu à peu imposé dans le paysage cinématographique souvent en manque de francs-tireurs. Le frenchie est de ceux-là qui est parti il y a quelques années tourner ses projets aux Etats-Unis. Après Rubber qui avait un pneu comme personnage principal puis Wrong, voici Wrong Cops, tourné à Los Angeles avec des acteurs inconnus à l'exception d'Eric Judor, déjà au casting de Steak (le premier long métrage de Dupieux). Soit une comédie nonsense comme les affectionne le réalisateur, plus accessible que les œuvres précédentes.

On y suit les mésaventures de policiers tous plus crétins les uns que les autres qui canardent en pleine rue, exercent des chantages, matent les seins des filles et s'emparent de butins qui ne leur appartiennent pas. Des êtres peu recommandables que les comédiens rendent particulièrement délectables. Totalement désinhibés, ils déambulent au milieu d'une faune peuplée notamment d'un Marilyn Manson méconnaissable et d'un pauvre homme à moitié mort qui sert de caution à un policier en mal de reconnaissance musicale. Dupieux filme ce monde de freaks avec un sens certain du décalage en ne poussant jamais son concept jusqu'au bout.

Victime de son scénario anémique, le réalisateur se retient d'aller dans le délire le plus total, tâchant de conserver sa posture d'artiste branché qui ne fait pas du cinéma comme les autres. On sourit plus qu'on ne rit devant les situations loufoques et on aurait préféré être emporté par une rafale d'absurde que vaguement amusé par ce petit spectacle propre sur lui. Même si le film demeure parfaitement anecdotique, il n'en reste pas moins singulier dans sa liberté de ton et parfois enthousiasmant par sa musique électro signée Mr Oizo, autrement dit... Quentin Dupieux ! 

Antoine Jullien

France / Etats-Unis - 1h25
Réalisation et Scénario : Quentin Dupieux 
Avec : Mark Burnham (Duke), Eric Judor (Rough), Eric Wareheim (Renato), Arden Myrin (Shirley), Marilyn Manson. (David Dolores Frank).


mercredi 19 mars 2014

Her


On n'imaginait pas qu'un cinéaste serait encore capable de renouveler le genre si balisé de la love story. Spike Jonze vient d'accomplir ce petit miracle, sous nos yeux ébahis. Le célèbre clippeur de Daft Punk et Arcade Fire (qui signe la BO de Her) et le réalisateur remarqué de Dans la peau de John Malkovich et Adaptation nous transporte dans un monde rétro-futuriste, une réalité parallèle aux accents très contemporains afin de nous conter la vie de Theodore (Joaquin Phoenix) qui ne se remet pas de sa rupture avec Catherine. Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultra-moderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur et fait ainsi la connaissance de Samantha, une voix artificielle dont il va peu à peu tomber amoureux. 

Si les premiers films de Spike Jonze étaient écrits par Charlie Kaufman, le cinéaste s'est pour la première fois attelé seul à l'écriture, ce qui lui a valu de remporter un Oscar mérité du scénario original. Sur un postulat de science-fiction, le cinéaste s'interroge sur le fondement de nos relations en posant la question de la normalité. Peut-on tomber amoureux d'une machine, de plus si elle possède le timbre langoureux de Scarlett Johansson ? Avoir confié la voix de Samantha à la comédienne de Lost in Translation est une idée lumineuse car elle permet d'approfondir cette relation saugrenue et lui donner corps et âme. Dans l'une des séquences les plus fascinantes du film, Samantha demande à une femme de jouer son rôle face au regard incrédule de Theodore. Une séquence que l'on pourrait mettre en perspective avec cette réplique lancée par Amy Adams à Joaquin Phoenix : "L'amour est une démence". 

Joaquin Phoenix 

Cette folie douce qui conduit un homme à s'éprendre d'un organisme virtuel contamine tout le film et lui confère néanmoins un parfum de tristesse. Les superbes flashbacks qui nous ramènent dans les moments vécus par Theodore avec Catherine participent de cette mélancolie sourde où, à travers ces images solaires rassurantes, se cache des tréfonds de solitude. "Le passé est une histoire qu'on se raconte" dit Catherine, et ces clichés d'un bonheur évanescent semblent tout à coup factices, comme sortis de souvenirs qui ont voulu fuir la réalité des choses.


Le plus grand mérite de Spike Jonze est de ne pas avoir cédé au cynisme ambiant, filmant le plus sincèrement possible cette relation hors norme, tout en apportant ça et là quelques touches de poésie, comme le métier de Theodore qui consiste à rédiger des lettres d'amour. La bizarrerie du film est renforcée par une démarche plastique affirmée : buildings qui semblent écraser les personnages, décors aseptisés avec ces immenses baies vitrées, costumes anachroniques (Theodore porte des pantalons comme ceux des années 50). Ce décalage discret mais perceptible évoque un futur qui semble déjà être le nôtre, où les individus deviennent des assistés informatiques alors qu'ils ne veulent plus ou ne peuvent plus mener une véritable relation humaine. 

L'humanité se cacherait-t-elle alors dans la voix de Samantha ? Spike Jonze pousse loin ce concept quand on comprend que la machine tombe elle aussi amoureuse de Theodore avant que la vérité ne soit plus cruelle. L'impression de contrôle ressentie par Theodore s'estompe et l'homme devient peu à peu désarmé. Pour incarner à l'écran toute cette palette de jeu, Spike Jonze a misé sa confiance sur Joaquin Phoenix. De tous les plans, la plupart du temps seul parlant à un ordinateur, le comédien remplit tous les pores de l'image avec une présence stupéfiante. Il interprète pour la première fois un personnage aux bords de la banalité qui va pourtant s'engager dans une aventure unique. En signant son film le plus personnel, Spike Jonze nous marque profondément, achevant son récit sur une belle note d'espoir. Well done.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h06
Réalisation et Scénario : Spike Jonze
Avec : Joaquin Phoenix (Theodore), Amy Adams (Amy), Rooney Mara (Catherine) et la voix de Scarlett Johansson (Samantha).



Le film est disponible en DVD et Blu-Ray chez Wild Side Vidéo.

mardi 18 mars 2014

The Canyons



The Canyons est une bien étrange combinaison : une réalisation de Paul Schrader, le scénariste de Raging Bull et Taxi Driver, un script de Bret Easton Ellis, l'auteur culte d'American Pyscho, et une interprétation dominée par Lindsay Lohan, ex-égérie Disney devenue une star déchue, et James Deen, un acteur porno qui fait ses premières armes dans le cinéma traditionnel. Cet alliage curieux donne un résultat troublant et doucereusement pervers. 

Un producteur de cinéma (James Deen), persuadé que sa femme, Tara, (Lindsay Lohan) le trompe, la fait suivre et découvre qu'elle entretient réellement une liaison. Sa jalousie se fait d'autant plus grande que l'amant de Tara n'est autre que Ryan, ex petit ami de cette dernière qu'elle a imposé sur le dernier projet de Christian. Le producteur décide alors de les piéger tous les deux... 

James Deen et Lindsay Lohan

Paul Schrader débute son film par une succession d'images de cinémas détruits de Los Angeles, donnant très clairement le ton de ce chant du cygne au mythe hollywoodien. Le cinéaste semble revenu de tout et jette un regard amer et désabusé sur la Cité des Anges et sur le monde du cinéma d'aujourd'hui. L'utilisation du numérique renforce l'aspect géométrique et clinique de sa mise en scène, et cette vision sombre de Los Angeles rappelle par instants Mulholland Drive, sans atteindre la puissance et le pouvoir d'attraction de l'oeuvre de David Lynch. Avec un budget minimal, Schrader réussit toutefois à faire de cette mégalopole une sorte de cité fantôme dans laquelle ses protagonistes se débattent avec beaucoup de cynisme.


Ces personnages, Schrader ne semble pas les considérer en haute estime. Cette simple question lancée par Lindsay Lohan à l'une de ses amies : "Quand est-tu allée au cinéma la dernière fois ?" résume à elle seule l'état d'esprit du cinéaste et de son scénariste. Schrader le dit lui-même : "J'ignore si ces gens-là appartiennent réellement au monde du cinéma. En fait, ils font du cinéma parce qu'ils habitent Los Angeles et qu'ils n'ont rien de mieux à y faire. Des films, ils s'en fichent d'ailleurs un peu." Il est vrai qu'ils n'accordent guère d'importance au Septième art, préférant pousser leurs pions dans le jeu de la manipulation et du pouvoir. Mais Schrader et Easton Ellis ne tombent pas dans une désespérance vaine car ils font encore suffisamment confiance au cinématographe pour livrer une intrigue complexe qui démarre par un marivaudage en apparence badin et qui va se transformer en des manigances de plus en plus retorses.

Le réalisateur donne enfin l'occasion à une comédienne mal-aimée de se révéler sous un jour différent. Dans ses postures et ses mimiques, Lindsay Lohan dégage une séduction agressive qui n'est pas sans rappeler Elisabeth Taylor tout en apportant à Tara une réelle fragilité. Cette femme déjà abimée par les excès, confrontée aux machinations des adultes, semble garder une part d'enfance cachée, une référence ironique à la gloire passée de l'actrice. Une mise en abîme surprenante à l'image d'un film insolite qui n'a pas fini de nous dévoiler tous ses mystères. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 1h39
Réalisation : Paul Schrader - Scénario : Bret Easton Ellis 
Avec : Lindsay Lohan (Tara), James Deen (Christian), Nolan Gerard Funk (Christian), Amanda Brooks (Gina).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Pathé Vidéo.

dimanche 16 mars 2014

Une histoire de la Seconde Guerre Mondiale

DIPLOMATIE / MONUMENTS MEN

Deux épisodes méconnus de la Seconde Guerre mondiale viennent d'être portés à l'écran, nous rappelant l'indispensable implication d'hommes et de femmes qui ont contribué à vaincre la barbarie.


En adaptant la pièce de théâtre de Cyril Gely, le réalisateur Volkor Schlöndorff trouve un nouveau souffle inespéré. Le temps du Tambour (Palme d'or 1979) est bien lointain et le cinéaste n'avait plus vraiment marqué les esprits. Il profite d'un matériau de premier choix qui relate la rencontre (fantasmée ?) entre le général allemand von Choltitz, Gouverneur de Paris, et Raoul Nordling, Consul de Suède, durant la nuit de 24 au 25 août 1944. L'objet du débat : empêcher les allemands de détruire Paris. 

Malgré son issue évidente, Diplomatie est une captivante partie de ping-pong verbal entre deux hommes qui, au-delà de leurs différences, éprouvent une réelle estime l'un pour l'autre. Choltitz est dépeint comme un militaire intraitable prêt à sacrifier la capitale alors que Nordling représente tous les atouts du parfait diplomate, disposant d'une force de persuasion redoutable. Son entrée par une porte dérobée donne bien la tonalité de l'affrontement à venir où il usera de beaucoup d'habileté et de quelques dissimulations pour parvenir à ses fins. 

Niels Arestrup et André Dussollier

L'essentiel de l'action est concentré dans une suite de l'hôtel Meurice qui devient, au fur et à mesure de cette étrange nuit, un camp retranché. Les alliés sont aux portes de Paris et von Choltitz sait bien que la destruction de la capitale ne rapporterait rien aux Allemands, acculés face à l'insurrection. Le film questionne finement plusieurs thèmes dont l'insubordination et la nécessaire désobéissance face aux ordres délirants et odieux d'Hitler. Si le film prend certaines libertés avec l'Histoire, il la réinvente de belle manière, rappelant quelques faits peu glorieux et pose surtout la terrible question du choix.  "Que feriez-vous à ma place ? " demande von Choltitz à Nordling qui lui répond, désemparé : "Je ne sais pas."

La réussite de Diplomatie ne serait pas entière sans la présence de deux grands comédiens, Nils Arestrup et André Dussollier. Grâce à la finesse de leur interprétation, ils décuplent l'intensité du film et notre plaisir de spectateur à les voir s'affronter à fleurets mouchetés. On regrette seulement que ce duel passionnant n'ait pas duré davantage tant ce pan déterminant de l'Histoire méritait bien tous les développements. Mais pour cela, autant revoir Paris brûle-t-il ?

France / Allemagne : 1h24
Réalisation : Volker Schlöndorff - Scénario : Cyril Gely et Volker Schlöndorff d'après la pièce de Cyril Gely. 
Avec : André Dussollier (Raoul Nordling), Niels Arestrup (Général von Choltitz), Robert Stadlober (Lieutenant Bressendorf).





George Clooney détenait un sujet un or : la plus grande chasse au trésor du XXème siècle menée par sept hommes, des conservateurs de musée, peintres, sculpteurs, architectes, partis sauver les œuvres d'art volées par les nazis et les restituer à leurs propriétaires. Inspiré d'une histoire vraie, Monuments Men avait, sur le papier, de quoi séduire : un casting all stars, un réalisateur confirmé, une période de l'Histoire captivante. A l'arrivée, un immense gâchis et une désagréable impression de s'être fait roulé dans la farine. 

On a de l'estime pour George Clooney acteur qui s'est parfois aventuré dans des territoires inattendus et pour le cinéaste qui a souvent interrogé la mauvaise conscience de son pays à travers des films politiques dont le plus réussi était Good Nigth, and Good Luck. Alors que s'est-il passé ? Il a tenté de se justifier en voulant réaliser un divertissement dans la lignée de La grande évasion et Les Canons de Navarone. Autant on peut éprouver un certain plaisir à revoir ces films, autant il est parfaitement anachronique de les refaire aujourd'hui. La référence est tellement appuyée qu'elle en devient presque embarrassante : musique abominable (composée pourtant par Alexandre Desplat, qui signe la pire partition de sa carrière), blagues lourdingues, réalisation d'un autre âge (Clooney ne semble connaître que le champ contre champ). 

John Goodman, Matt Damon, George Clooney, Bob Balaban et Bill Murray

Là où ces films avaient un scénario solide et de vrais personnages, Monuments Men en est malheureusement dépourvu, enchaînant poussivement les péripéties avec une cruelle absence de rythme, et sacrifiant ses protagonistes qui n'existent pas, réussissant au passage le prodige de rendre des acteurs comme Bill Murray ou John Goodman totalement transparents. Seule Cate Blanchett semble davantage convaincue par l'entreprise mais son rôle reste secondaire.

En revanche, le film devient plus gênant dans sa douteuse glorification patriotique. Comment Clooney, qui a été le poil-à-gratter de l'Amérique, a pu se vautrer dans un tel manichéisme ? Le réalisateur accumule les clichés à la truelle, des bons américains propres sur eux prêts à sauver le monde aux méchants nazis qu'on dirait tout droit de La Grande Vadrouille (l'acteur qui joue Göring obtenant la palme du ridicule !), en passant par une morale à deux sous assénée lourdement par la voix du réalisateur lui-même, au cas où l'on aurait pas bien compris le message. Le cinéaste en rajoute en supprimant les deux membres "étrangers" du groupe dont le malheureux Dujardin qui devrait résolument arrêter ses panouilles hollywoodiennes. En définitive, Clooney semble ne faire confiance ni à son sujet qu'il escamote dans ses grandes largeurs, ni à ses acteurs, encore moins à sa mise en scène et finit, faute d'implication véritable, par échouer sur toute la ligne. Un ratage... monumental.

Antoine Jullien

Etats-Unis / Allemagne - 1h58
Réalisation : George Clooney - Scénario : Grant Heslov et George Clooney d'après le livre de Robert M. Edsel et Bret Witter 
Avec : George Clooney (Frank Stokes), Matt Damon (James Granger), Bill Murray (Richard Campbell), John Goodman (Walter Garfield). 



mercredi 12 mars 2014

L'étrange couleur des larmes de ton corps : Interview du réalisateur Bruno Forzani


Avec Amer, leur premier long métrage, Hélène Cattet et Bruno Forzani proposaient une relecture singulière du giallo, ce genre qui a connu son âge d'or en Italie dans les années 60-70, caractérisé par des scènes de meurtre sanglantes et un jeu de caméra très stylisé, dont les fers de lance furent Mario Bava et Dario Argento. Le tandem nous revient avec un deuxième opus au titre énigmatique, L'Etrange couleur des larmes de ton corps, à la radicalité plus affirmée.

Nous avons rencontré Bruno Forzani afin qu'il nous livre quelques clefs sur cette démarche passionnante.

- Pourquoi ce beau titre ? 

Bruno Forzani : C'était une façon pour nous de synthétiser l'histoire, de manière surréaliste et poétique. Les films du giallo utilisaient aussi des titres à rallonge. 

- Vous faites partie des rares réalisateurs à pratiquer ce cinéma expérimental et organique. Est-ce que votre démarche consiste à utiliser toutes les expressions visuelles et cinématographiques possibles ? Du split-screen à la couleur et au noir et blanc en passant par l'image par image, était-ce une volonté de départ ? 

Ce n'est pas un exercice de style. Pour nous, la forme n'est pas un apparat mais une grammaire. Chaque fois qu'on utilise un effet, c'est qu'il a un sens dans l'histoire que l'on veut raconter, avec tous les outils qui sont à notre disposition.

- Comment préparez-vous le film ? Existe-t-il un storyboard ? On a du mal à imaginer le contraire tant les séquences sont presque exclusivement racontées par l'image.

Tout est préparé en amont et le découpage est déjà présent dans le scénario. On ne couvre pas les actions. Sur les 1048 plans qu'on a tourné, on en a utilisé 1044. Il y a beaucoup de plans mais on ne surdécoupe pas. Chaque plan, réfléchi à deux, a un sens. 

- Le montage est donc fait avant même le tournage ? 

Oui, pendant le montage, on remet tout en ordre, on reconstitue le puzzle puisqu'on tourne de manière totalement déstructurée. Après, c'est le rythme qui est travaillé au montage ainsi que le jeu des comédiens. Pour chaque séquence, on tourne différentes émotions et on construit ensuite le personnage au montage.


- Est-ce que le montage et le tournage peuvent laisser part à l'imprévu, voire à l'improvisation ? Ou tout est extrêmement cadré ? 

L''univers du film étant plus fantastique que celui d'Amer, on a eu accès à un univers sonore plus large. Il y a eu donc eu plus de liberté et de créativité au niveau de la post-production sonore.

- Il y une scène marquante dans le film dans laquelle le personnage principal se réveille et va ouvrir la porte. Vous la répétez de nombreuses fois et elle est à l'image du film où on ne sait jamais si on est dans la réalité ou le rêve, on a sans cesse l'impression d'être dans un cauchemar éveillé. Il fait être confiant pour tenter quelque chose de la sorte, c'est très audacieux. 

C'est délibéré, et dès le scénario. D'ailleurs, quand on l'a donné à lire, les gens croyaient qu'il y avait un problème de mise en page ! Quand j'étais adolescent, j'adorais Freddy et dans le numéro 4, il y a une répétition d'une scène que j'avais adorée. Après avoir vu le film, j'avais lu une interview du réalisateur qui évoquait cette séquence, disant que les producteurs en avaient peur parce qu'ils craignaient que les gens ne comprennent pas alors que je trouvais que c'était la meilleure scène du film. Pour moi, cette séquence est centrale car tout est digéré dans l'inconscient du personnage. La narration est circulaire, il y a des plans qui se répondent, des séquences qui se répètent comme un cauchemar où tout tourne en boucle. C'est un film basé beaucoup sur l’obsession.

- Vous n'hésitez pas à aller à contre courant de l'esthétique actuelle en privilégiant des éclairages à l'ancienne, notamment lors de la scène où la vieille dame raconte son histoire.  Elle est assise dans un fauteuil et son visage est plongé dans la pénombre, une référence directe au cinéma expressionniste. Comment se passe le tournage avec le directeur de la photographie ? 

C'est quelque chose de pensé dès l'écriture. Toutes les intentions lumière sont décrites très précisément. Le directeur photo, Manu Dacosse, a ensuite toute la latitude pour faire ce qu'il veut du moment que cela corresponde à l'intention originelle. C'est un film sur les ténèbres, sur le noir, sur les choses invisibles, on a donc voulu tourner en super 16 avec une pellicule qui était faite pour les noirs, dont c'était la spécialité et qui n'existe plus maintenant.


- Le giallo est votre référence majeure mais elle semble moins explicite que dans Amer. Est-ce parce que vous avez tourné dans des décors Art-nouveau qui s'y prêtaient moins ?

Je dirais plutôt que c'est une variation sur le giallo qui est une facette de notre univers. Le rapport que l'on entretient avec ce genre est très bizarre parce qu'on réalise des films intimes et personnels, pas des hommages. On fait plutôt du jazzlo ! On enchaîne pas les références les unes à la suite des autres. On a vu énormément de films donc ils ressortent de manière inconsciente.  Par exemple, la séquence du visiophone évoque Lost Highway mais quand on l'a écrit on ne s'est pas dit qu'on faisait un truc à la David Lynch ! C'est difficile à expliquer, c'est à la fois un travail pointu sur le giallo et en même temps on s'en détache complètement. Le giallo est une des grilles de lecture de notre film mais si on ne connaît pas ce genre-là on peut tout à fait l'apprécier.  

- Est-ce un film plus radical qu'Amer

C'est un film très différent d'Amer qui était plus ténu alors que L'Etrange couleur des larmes de ton corps est une explosion de détails, une espèce de bouquet final d'1h40, beaucoup plus foisonnant au niveau du style. C'était la raison d'être du film qui se nourrit de notre passion du cinéma, de cette envie de faire des films.

- Il y a des gros plans magnifiques sur des chairs lacérées qui font partie d'une esthétisation de la violence qui nous ramène au giallo.

On a toujours joué avec la violence et l'érotisme parce que dans ce cinéma de genre des années 60-70, on prenait ces deux thématiques, Eros et Thanatos, à bras le corps. Les réalisateurs de cette époque y allaient à fond à tel point qu'ils ont développé une sorte de poésie macabre que j'aime beaucoup et qui, dans les films américains des années 80, s'est transformée en une sorte de moralisation de la violence. L'étrange couleur des larmes de ton corps est un film sur l'inconscient et dans l'inconscient il n'y a pas de morale, ce n'est pas propre, c'est pour cette raison que l'on se sert de la violence et de l'érotisme de manière viscérale.


- C'est un film qui n'est pas toujours facile à suivre et à saisir, qui nous échappe parfois. Aviez-vous envie de dire quelque chose à travers cette histoire, sur la femme notamment car au début le personnage est à la recherche de sa compagne, puis on a l'impression qu'il est à la recherche de toutes les femmes ?

Il y a un propos mais pas une démonstration. Au niveau de l’écriture, on a été très influencé par le réalisateur japonais Satoshi Kone (auteur de Perfect Blue) qui pratique différents degrés de lecture. A chaque fois qu'on regarde le film, on découvre de nouvelles perspectives et le film prend ainsi de plus en plus de profondeur.  On a consciemment construit ce labyrinthe pour perdre le spectateur. On rentre dans le chaos du personnage, dans ses fantasmes qui se confrontent à la réalité, offrant au spectateur une place dans l'imaginaire du film.  Quand on lisait le scénario, à chaque fois qu'on le fermait, on était pris d'une sorte de vertige, c'était comme si on tombait au fond de notre âme. On essaye de communiquer cet état au public, on ne veut pas lui expliquer le pourquoi du comment.

- Tout le film est baigné par la musique, les emprunts musicaux sont très référencés avec plusieurs morceaux d'Ennio Morricone. Ce sont vos goûts et passions communs qui justifient ces choix ? 

Les musiques nous inspirent souvent les séquences et une fois qu'on fait le film, on arrive plus à les séparer. Parfois, on découvre les musiques sans avoir vu les films, on s'imagine des choses, cela permet d'ouvrir l'imaginaire. D'autres fois, ce sont des musiques de films qu'on a vu et ça nous amuse de les utiliser dans un autre contexte afin de leur donner un sens nouveau. 

- On critique beaucoup actuellement le système de financement du cinéma français. Est-ce que cela a été compliqué de financer un tel film ?

L'accueil positif reçu sur Amer nous a permis de faire ce film qui a été beaucoup plus facile à monter. On tient beaucoup à notre liberté donc on a un budget qui est vite plafonné. On est conscient des limites qu'on a et on essaye de les exploiter au mieux. Quand on veut faire des films où la forme est très travaillée, avec des musiques et des décors qui coûtent cher, on espère avoir les moyens suffisants pour obtenir l'objet final dont on rêve. Jusqu'à présent, on a réussi à tirer notre épingle du jeu !

- Il paraît que Tarantino est l'un de vos fans, qui a classé Amer parmi ses films préférés de 2010  ! 

C'est hallucinant !  Ce sont des gens dont on connait leurs films depuis très longtemps et on ne pense même pas qu'ils existent.

- Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la participation de Peter Strickland * ? 

Il avait vu Amer avant de réaliser Berberian Sound Studio qu'on a adoré. On l'a rencontré lors d'un festival et on a sympathisé. Dans Berberian Sound Studio, Peter travaille le son comme on le fait pour nos films. Il avait envie de nous donner un son pour L'Etrange couleur, le bruit d'un cri qui représentait une passerelle entre les deux films. On ne se connait pas vraiment mais il y a une connivence dans notre démarche, la même manière d'appréhender un certain cinéma des années 60-70. 

Propos recueillis par Antoine Jullien

Belgique / France  /Luxembourg - 1h42
Réalisation et Scénario : Bruno Forzani et Hélène Cattet 
Avec : Klaus Tange, Jean-Michel Vovk, Sylvie Carmada, Sam Louwyck.



* Peter Strickland est le réalisateur de Berberian Sound Studio, un film qui fait clairement référence au giallo à travers le portrait d'un ingénieur du son.

mardi 11 mars 2014

Dans l'ombre de Mary - La promesse de Walt Disney


On pouvait légitiment craindre le pire : la création de Mary Poppins, joyau de l'industrie Disney, filmée par un tâcheron hollywoodien au service de Mickey et de sa propagande bon enfant. C'est un résumé un peu caricatural mais le risque était réel. Et pourtant, Dans l'ombre de Mary est l'une des meilleures surprises de ce début d'année, où le charme de l'enfance le dispute aux névroses des adultes à travers la relation ambivalente entre l'auteur du roman d'origine, P.L. Travers, et Walt Disney. 

Pour camper ces deux personnages aux antipodes l'un de l'autre, le réalisateur John Lee Hancock (brillant scénariste d'Eastwood) et son équipe ont eu la bonne idée de confier les rôles à Emma Thompson et Tom Hanks. La première, psychorigide et désagréable, est formidable et finit par apporter à Travers une attendrissante touche d'humanité. Le second se glisse avec un plaisir manifeste dans le costume du célèbre créateur. Si la part sombre du personnage est délibérément mise de côté, le comédien n'en fait pas pour autant un Mr Nice Guy, marquant au contraire le pouvoir empirique de Disney. 

Tom Hanks et Emma Thompson

Dans une bonne partie du métrage, les deux protagonistes s'affrontent au sujet de l’adaptation de Mary Poppins sur grand écran. Inflexible, Travers ne veut pas voir son roman se transformer en puérile bluette. L'une des idées ingénieuses des scénaristes est alors de sans cesse contrebalancer l'éventuelle miévrerie propre à l'univers Disney par la froideur de Travers dont on suit l'histoire à travers son point de vue. L'autopromotion tant redoutée de Mickey est donc habilement déjouée et renforcée par la critique en coin du mercantilisme de la firme aux grandes oreilles.

Colin Farrell

Le film nous en apprend aussi sur la genèse du roman et les répercussions de l'enfance de Travers sur l'histoire de Mary Poppins. Le scénario fait régulièrement intervenir des flash-backs nous ramenant au début du siècle en Australie où le père de Travers (joué par un très bon Colin Farrell) était un doux rêveur incapable de faire nourrir sa famille. Ce père, qui ne peut pas vivre dans ce monde-là, au risque d'abandonner les siens, est une poignante allégorie du personnage de Mr Banks dans Mary Poppins. Le titre original, Saving Mr Banks, est d'ailleurs nettement plus éloquent car il évoque directement le sujet central du film, à savoir l'hommage d'une fille à son père disparu.

Enfin, comment ne pas être enchanté de se retrouver devant le making of de l'un des films les plus célèbres de l'histoire du cinéma. On a tous, vu, enfant, Mary Poppins, et réentendre ces mémorables mélodies fait un léger pincement au cœur. De plus, le réalisateur montre très bien les nombreuses séances de travail et la création parfois iconoclaste des chansons. Une délectable visite de l'usine à rêves qui a aussi ses revers. Car si Travers accepte  de faire confiance à Walt Disney, elle se sentira peu à peu dépossédée de son œuvre qui finira par lui échapper. Un soupçon d'amertume dans un univers si sucré, voilà une promesse parfaitement tenue.

Antoine Jullien

Etats-Unis / Angleterre / Australie - 2h05
Réalisation : John Lee Hancock - Scénario : Kelly Marcel et Sue Smith 
Avec : Emma Thompson (P.L. Travers), Tom Hanks (Walt Disney), Colin Farrell (Travers Goff), Paul Giamatti (Ralph), Jason Schwartzman.



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Walt Disney Vidéo.

lundi 10 mars 2014

Retour sur le Festival du cinéma asiatique de Deauville

 
Le jury du 16ème festival du cinéma asiatique de Deauville a rendu son verdict et c'est le film kazakh Nagima qui a raflé le Lotus du meilleur film. Soit la caricature d'un certain cinéma de festival qui porte en lui tous les ingrédients du genre : comédiens mono expressifs, plans interminables, misérabilisme ambiant. La réalisatrice Zhanna Issabayeva veut dénoncer le sort des orphelins dans son pays mais elle le fait avec une telle pesanteur et une telle volonté culpabilisante que le film devient presque détestable. 

Nagima de Zhanna Issabayeva, Lotus du meilleur film

Dans le registre soporifique pour amateurs éclairés, on a également eu droit à un nouveau pensum métaphysico-spirituel, Toilet Blues de l'indonésien Dirmawan Hatta. Les fans du cinéma d'Apichatpong Weerasethakul apprécieront sûrement, les autres resteront au bord de la route.

Le film le plus emballant de cette compétition était sans nulle doute Ugly de l'indien Anurag Kashyap qui a été distingué par le prix du jury. Remarqué en 2012 à Cannes avec sa saga mafieuse Les Gangs de Wasseypur, le cinéaste confirme son talent avec cette radiographie sans concession de la nature humaine. A travers une histoire de kidnapping aux rebondissements multiples, le cinéaste réalise un polar atypique qui évoque la cupidité comme seul moyen d'existence. Tous les coups sont permis, et le réalisateur va loin dans ce sens, en filmant les parents de l'enfant kidnappé se servir aussi, à leur manière, du rapt supposé de leur fille. Si le film pêche souvent par un trop grand nombre d'incohérences, il surprend par ses ruptures de ton étonnantes et sa bande originale décoiffante. Le cinéaste en profite également pour dénoncer la violence policière et des méthodes d'investigation très discutables. Face à cette extrême brutalité, Kashyap glisse quelques moments saugrenus, comme cette jubilatoire conversation au sujet d'un téléphone. Un film dense et marquant qui sortira sur nos écrans le 28 mai prochain.

Ugly d'Anurag Kashyap, Prix du Jury

Autre film de la sélection que nous n'avons pas pu voir, A cappella du coréen Lee Su-jin a remporté trois prix (Prix du jury, prix de la critique et prix du public). Une histoire de viol collectif qui donne bien la couleur de cette sélection où la sinistrose avait toute sa place aux dépens d'un peu d'humour et de légèreté.

Le réalisateur Hideo Nakata

Le réalisateur japonais Hideo Nakata était l'invité d'honneur de ce festival. Le cinéaste en a profité pour nous présenter, en avant-première mondiale, son nouveau film intitulé Monsterz. Sur une intrigue un peu bidon qui oppose un homme ayant la capacité de contrôler les gens par la force de son regard face au seul qui a le pouvoir de lui résister, le cinéaste semble lui-même pas très convaincu par cette commande, remake d'un film coréen de 2010. Monsterz aurait presque des allures de nanar de luxe si Nakata ne l'ennoblissait pas grâce au brio de mise en scène. Pour le reste, on est bien loin de la puissance suggestive et du trouble de Dark Water, son œuvre majeure.

Un festival en demi-teinte dont nous retiendrons pour finir un curieux long métrage d'animation, The Fake, présenté hors compétition et qui pointe du doigt les liens entre la mafia coréenne et l'Eglise. Un film au propos ambigu mais qui demeure sans cesse captivant. Une curiosité qui n'a malheureusement pas de date de sortie française. 

Antoine Jullien


PALMARES

LOTUS DU MEILLEUR FILM
Nagima de Zhanna Issabayeva (Kazakhstan)

LOTUS DU JURY (ex-equo)
Ugly Anurag Kashyap (Inde) et A cappella de Lee Su-jin (Corée du Sud)

LOTUS AIR FRANCE (Prix de la critique) et LOTUS DU PUBLIC
A cappella de Lee Su-jin`

Retrouvez le programme du festival ICI

mercredi 5 mars 2014

Jeu-Concours 9 mois ferme

 
Mon Cinématographe vous propose de visionner gratuitement le film 9 mois ferme d'Albert Dupontel, récompensé par 2 Césars, sur la plateforme VOD d'UniversCiné. 

Pour cela, vous devez répondre à la question suivante : 

Combien de longs métrages a réalisé Albert Dupontel ? 

Merci de donner votre réponse dans la section "Commentaires" en indiquant votre Email dans le nom du profil afin que nous puissions identifier les gagnants. Les réponses ne seront pas publiées. 

Les 10 premiers qui répondront correctement remporteront le concours. 

Bonne chance ! 

Pour voir la critique de 9 mois ferme dans Mon Cinématographe, c'est ICI.
Pour retrouver la fiche technique du film sur UniversCiné, c'est ICI.

Festival du film asiatique de Deauville


Le 16ème Festival du cinéma asiatique de Deauville démarre aujourd'hui et se déroule jusqu'à dimanche. Plusieurs personnalités seront à l"honneur, parmi lesquelles le cinéaste japonais Hideo Nakata, auteur de Ring et Dark Water, qui présentera en avant-première mondiale son nouveau long métrage, Monsterz, le réalisateur taiwanais Tsai Ming-liang qui proposera aux festivaliers son dernier cru, Les Chiens Errants, et enfin l'actrice sri-lankaise Malani Fonseka à laquelle le festival rendra un hommage.

Huit longs métrages sont sélectionnés en compétition dont le jury est présidé cette année par la réalisatrice française Claire Denis et qui compte dans ses rangs René Bonnell, Gilles Marchand, Rachid Bouchareb, Roxane Mesquida, Florence Loiret-Caille et Samir Guesmi.

Le dernier film de Philippe Muyl, Le promeneur d'oiseau, tourné en Chine, sera projeté en clôture de la manifestation, hors compétition, ainsi que Real, le nouvel opus de Kiyoshi Kurosawa, l'auteur de Shokuzai

Mon Cinématographe couvre l'évènement, on en reparle très bientôt. 

16ème festival du film Asiatique de Deauville du 5 au 9 mars. 
Accueil et Information - Centre International de Deauville (C.I.D.) Les Planches 1, avenue Lucien Barrière. 
Tel : 02.31.14.14.14. ou www.deauvilleasia.com


mardi 4 mars 2014

The Grand Budapest Hotel


Stefan Zweig est cité au générique de fin de The Grand Budapest Hotel comme une source d'inspiration majeure. Le célèbre écrivain autrichien a fortement influencé Wes Anderson dans l'élaboration de son film qui se situe dans un pays imaginaire de la Mitteleuropa, la Zubrowska. Nous sommes au début des années 30 et Mr Gustave règne en maître au Grand Budapest Hotel. Hâbleur et distingué, l'homme se retrouve embarqué dans une affaire de vol de tableau, aux côtés de son fidèle loby-boy, Zero. Une aventure rocambolesque au cœur de la vieille Europe en pleine mutation. 

D'emblée, Wes Anderson ne fait pas comme tout le monde. Il mélange les époques et les formats d'image à sa guise pour nous raconter la fin d'une civilisation. Mr Gustave est l'incarnation d'un monde en train de mourir alors que la guerre approche. Si le cinéaste a délibérément choisi un territoire fictif, les drapeaux brandis par l'armée occupante rappellent étrangement ceux des nazis. Mais cette évocation historique est secondaire tant la légèreté et l’ingéniosité du cinéaste prédominent. 

 Ralph Fiennes et Tony Revolori

Décors raffinés, plans millimétrés, burlesque savant, l'univers de Wes Anderson est immédiatement reconnaissable, ne serait-ce que par ces méticuleux panoramiques dont lui seul a le secret et qui demeurent la colonne vertébrale de sa mise en scène. On ne peut être qu'admiratif devant tant de sophistication et d'inventivité formelle. Cette course poursuite en stop motion au milieu d'une forêt enneigée est un modèle du genre de même que cette scène de pugilat au sujet de l'héritage de Madame D. (géniale Tilda Swinton) et tous ces empreints à un cinéma disparu qui a nous tant émerveillé.

Adrien Brody

On savoure cette échappée fantaisiste avec bonheur et on est une fois encore subjugué par la somme de talents que le cinéaste a de nouveau réuni : Edward Norton, Bill Murray, Jude Law, F. Murray Abraham, Adrien Brody, Willem Dafoe, Harvey Keitel et bien sûr Ralph Fiennes qui campe un séduisant Mr. Gustave. Une distribution éclectique qui sert le film, renforce sa loufoquerie et ajoute au plaisir du spectateur. 

Cependant, comme dans son précédent film, Moonrise Kingdom, une légère impression d'inachevé demeure. Si la maison de poupées du cinéaste est un délice à regarder, une fois que l'on a découvert toutes ses pièces, il nous manque un soupçon de trouble pour nous emballer complètement. Malgré un final plus mélancolique, le cinéaste semble un peu prisonnier de son impressionnante maîtrise, ne parvenant pas à dépasser les limites confinées de son univers. Reste qu'un film de Wes Anderson ne ressemble à un aucun autre, et en ces temps de standardisation générale, c'est un bien précieux. Allez visiter le Grand Budapest Hotel et déguster les friandises de chez Mendl's, vous en redemanderez peut-être ! 

Antoine Jullien

Etats-Unis / Grande-Bretagne / Allemagne - 1h39
Réalisation : Wes Anderson : Scénario : Wes Anderson et Hugo Guinness
Avec : Ralph Fiennes (Mr Gustave), Tony Revolori (Zero), Adrien Brody (Dmitri), Willem Dafoe (Jopling), Jeff Goldblum (Kovacs).


Bethléem


Grand succès en Israël, Bethléem est le pendant d'Omar qui relatait une histoire similaire : un palestinien est infiltré par les services secrets israéliens et contraint de trahir les siens. Si le film d'Hany Abu-Assad prenait partie sans ambiguité, le premier long métrage de Yuval Adler est plus nuancé. Bien qu'il ne possède pas la virtuosité de son collègue palestinien, il fait preuve d'une grande efficacité au service d'un scénario aux nombreux rebondissements. 

La particularité de Bethléem, et son plus grand mérite, est d'exposer finement les nombreuses divisions qui secouent les Palestiniens. D'un côté, l'Autorité Palestienne, soucieuse de conserver son pouvoir, de l'autre le Hamas, déterminé à récupérer les martyrs pour service sa cause, et au milieu un groupe ne faisant pas partie des deux camps dont le frère de l'un des membres influents est un informateur au service d'Israël. Ces luttes de pouvoir sont le moteur du film et la raison majeure des tensions entre les personnages. A cela s'ajoute le dilemme de Sanfur, ce jeune palestinien qui noue une relation empreinte d'affection avec un agent israelien qui l'a pris sous sa coupe. 

Tsahi Halevi et Shadi Marei

Le film ne veut pas prendre partie et dénonce clairement et objectivement les attitudes des deux camps, notamment lors de cette exécution sommaire d'un palestinien qui montre bien l'extrême tension dans la région. Sans être exempte de certaines lourdeurs, l'intrigue déploie ses cartes à mesure que l'étau se resserre sur Sanfur jusqu'à l'épilogue, glaçant mais terriblement lucide sur la réalité du Proche-Orient. De plus, afin d'accroître l'authenticité de son histoire, Yuval Adler s'est adjoint les services du journaliste Ali Waked et n'a choisi que des comédiens non professionnels. Prenant et haletant, Bethléem est une étape cinématographique importante dans l'évocation d'un conflit devenu désespérément inextricable.

Antoine Jullien

Israël / Allemagne / Belgique - 1h39
Réalisation : Yuval Adler - Scénario : Yuval Adler et Ali Waked 
Avec : Shadi Marei (Sanfur), Tsahi Halevi (Razi), Hitlam Omari (Badawi), Tarek Copti (Abu Ibrahim).


BETHLEEM Bande-annonce par diaphana