mardi 18 mars 2014

The Canyons



The Canyons est une bien étrange combinaison : une réalisation de Paul Schrader, le scénariste de Raging Bull et Taxi Driver, un script de Bret Easton Ellis, l'auteur culte d'American Pyscho, et une interprétation dominée par Lindsay Lohan, ex-égérie Disney devenue une star déchue, et James Deen, un acteur porno qui fait ses premières armes dans le cinéma traditionnel. Cet alliage curieux donne un résultat troublant et doucereusement pervers. 

Un producteur de cinéma (James Deen), persuadé que sa femme, Tara, (Lindsay Lohan) le trompe, la fait suivre et découvre qu'elle entretient réellement une liaison. Sa jalousie se fait d'autant plus grande que l'amant de Tara n'est autre que Ryan, ex petit ami de cette dernière qu'elle a imposé sur le dernier projet de Christian. Le producteur décide alors de les piéger tous les deux... 

James Deen et Lindsay Lohan

Paul Schrader débute son film par une succession d'images de cinémas détruits de Los Angeles, donnant très clairement le ton de ce chant du cygne au mythe hollywoodien. Le cinéaste semble revenu de tout et jette un regard amer et désabusé sur la Cité des Anges et sur le monde du cinéma d'aujourd'hui. L'utilisation du numérique renforce l'aspect géométrique et clinique de sa mise en scène, et cette vision sombre de Los Angeles rappelle par instants Mulholland Drive, sans atteindre la puissance et le pouvoir d'attraction de l'oeuvre de David Lynch. Avec un budget minimal, Schrader réussit toutefois à faire de cette mégalopole une sorte de cité fantôme dans laquelle ses protagonistes se débattent avec beaucoup de cynisme.


Ces personnages, Schrader ne semble pas les considérer en haute estime. Cette simple question lancée par Lindsay Lohan à l'une de ses amies : "Quand est-tu allée au cinéma la dernière fois ?" résume à elle seule l'état d'esprit du cinéaste et de son scénariste. Schrader le dit lui-même : "J'ignore si ces gens-là appartiennent réellement au monde du cinéma. En fait, ils font du cinéma parce qu'ils habitent Los Angeles et qu'ils n'ont rien de mieux à y faire. Des films, ils s'en fichent d'ailleurs un peu." Il est vrai qu'ils n'accordent guère d'importance au Septième art, préférant pousser leurs pions dans le jeu de la manipulation et du pouvoir. Mais Schrader et Easton Ellis ne tombent pas dans une désespérance vaine car ils font encore suffisamment confiance au cinématographe pour livrer une intrigue complexe qui démarre par un marivaudage en apparence badin et qui va se transformer en des manigances de plus en plus retorses.

Le réalisateur donne enfin l'occasion à une comédienne mal-aimée de se révéler sous un jour différent. Dans ses postures et ses mimiques, Lindsay Lohan dégage une séduction agressive qui n'est pas sans rappeler Elisabeth Taylor tout en apportant à Tara une réelle fragilité. Cette femme déjà abimée par les excès, confrontée aux machinations des adultes, semble garder une part d'enfance cachée, une référence ironique à la gloire passée de l'actrice. Une mise en abîme surprenante à l'image d'un film insolite qui n'a pas fini de nous dévoiler tous ses mystères. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 1h39
Réalisation : Paul Schrader - Scénario : Bret Easton Ellis 
Avec : Lindsay Lohan (Tara), James Deen (Christian), Nolan Gerard Funk (Christian), Amanda Brooks (Gina).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Pathé Vidéo.

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