vendredi 28 février 2014

Berlin à l'honneur au Forum des Images


A partir du 1er mars, le Forum des Images consacre un hommage à la ville de Berlin à travers un cycle de 80 films. Après l'héritage immense laissé par Murnau et Fritz Lang puis le renouveau impulsé par les cinéastes des années 70 (Rainer Werner Fassbinder, Wim Wenders, Werner Herzog), Berlin a trouvé un nouvel élan insufflé par la jeune génération emmenée par Florian Henckel Von Donnersmark (La vie des autres), Jan Ole Gerster (Oh boy) et Fatih Akin (Soul Kitchen). 

Parmi les temps forts du cycle, la master class de Volkor Schlöndorff, palme d'Or en 1979 pour Le Tambour. Le cinéaste reviendra sur les temps forts de sa carrière et la sortie de son nouveau film, Diplomatie (en salles le 5 mars). 

Berlin Alexanderplatz

Vous pourrez également (re)découvrir l'intégrale de Berlin Alexanderplatz que Fassbinder réalisa pour la télévision allemande entre 1979 et 1980, assister à une conférence sur "Le son de Berlin" et à une carte blanche au Dernier des Hommes de Murnau. 

Une exposition photographique d'Olivier Dovergne et une installation vidéo de Pierre Hébert complètent cette riche programmation. 

Cycle "Berlin Magnétique" au Forum des Images du 1er mars au 20 avril.
Forum des Images - 2, rue du Cinéma - Paris 1er - Forum des Halles 
Information : Tel : 01.44.76.63.00 ou www.forumdesimages.fr

mercredi 26 février 2014

Non-Stop


Grâce ou à cause de Taken, Liam Neeson est devenu une star du film d'action. Le comédien est à présent un aficionados du genre qu'il pratique avec un plaisir manifeste. Cette fois, il campe un agent de sécurité d'une compagnie aérienne qui prend un avion pour se rendre à Londres. Durant le vol, il reçoit un message sur sa ligne sécurisée lui intimant l'ordre de transférer sur son propre compte la somme de 150 millions dollars. S'il n'obtempère pas, le mystérieux messager tuera un passager toutes les vingt minutes. 

Sur ce classique canevas, le réalisateur Jaume Collet-Serra, qui avait déjà dirigé Liam Neeson dans Sans Identité, en fait un thriller efficace, du moins dans sa première partie. Le scénario tire habilement les fils de l'intrigue qui écume tous les suspects potentiels. Chaque passager peut se retrouver derrière l'identité du commanditaire, un postulat prompt à ménager la tension. Et le cinéaste sait y faire, épaulé par la présence de Julianne Moore et le charisme de son acteur vedette. Alors que son personnage tente par tous les moyens d'arrêter le tueur, il devient, aux yeux des passagers comme du personnel de bord, le principal suspect et le probable auteur d'un acte terroriste. 

 Liam Neeson

Mais le plaisir ne dure qu'un temps avant que le récit ne s’essouffle et le suspense avec. L'identité du coupable, que nous ne révélerons pas (nous ne sommes pas de ce genre !) déçoit et sa motivation paraît peu crédible. Sans compter un happy-end de rigueur et pas mal de clichés dont celui du héros pas très propre sur lui qui va se révéler être le grand sauveur. Ce qui frappe enfin, c'est l'absence totale de style. Jaume Collet-Serra semble se contenter de délivrer un produit mainstream sans l'envie une seconde de l’égratigner aux entournures, artisan d'un honnête divertissement qui a peu de chance de vous emmener au septième ciel. 

Antoine Jullien

Etats-Unis / France - 1h46
Réalisation : Jaume Collet-Serra - Scénario : John W. Richardson, Christopher Roch et Ryan Engle.
Avec : Liam Neeson (Bill Marks), Julianne Moore (Jen Summers), Scott McNairy (Tom Bowen), Michelle Dockery (Nancy)



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal.

dimanche 23 février 2014

La Suisse aux deux visages

LES GRANDES ONDES (A L'OUEST) / L'EXPERIENCE BLOCHER

En pleine tourmente politique, la Suisse nous offre deux facettes de son paysage cinématographique, l'une facétieuse, l'autre plus grave.


Avec Les Grandes Ondes, le réalisateur helvétique Lionel Baier emmène deux journalistes de la radio suisse romande au Portugal afin de réaliser un reportage sur l'entraide suisse dans le pays. Nous sommes en 1974 et la Révolution des Œillets s'apprête à éclater. Mais Julie, la féministe, et Cauvin, le reporter de guerre, ne se doutent pas encore dans quelle aventure ils se sont embarquer. 

Lioner Baier nous offre une réjouissante échappée révolutionnaire grâce à cette bande de pieds nickelés aussi drôle que touchante. Les acteurs n'y sont pas pour rien, à commencer par le grandiose Michel Vuillermoz qui campe un Cauvin tour à tour candide et poignant, lui qui se met à perdre la mémoire et à découvrir les tourments du Portugal comme si c'était toujours la première fois. Avec son portugais plus qu'approximatif, entraînant d'hilarants quiproquos, il va devenir, bien malgré lui, le héraut d'un pays en soif de démocratie alors qu'il critique en permanence celle de son pays, la comparant à "de l'eau tiède"

Michel Vuillermoz

Face à lui, Valérie Donzelli ne manque pas d'aplomb en essayant d'affirmer une égalité homme-femme encore bien fragile. Autour d'eux, on découvre deux formidables comédiens : Patrick Lapp, en désopilant ingénieur du son, et Francisco Belard qui incarne un jeune étudiant un brin naïf, grand admirateur de Pagnol et qui, le pauvre, est allergique aux œillets ! Leur périple s'achèvera dans une nuit pleine de fièvre où les corps vont se libérer, donnant lieu à une description sexuelle particulièrement cocasse. 

Le cinéaste se permet pas mal d'audaces, comme cet improbable ballet dansant au milieu des coups de feu ou l'utilisation de la musique de Gershwin pour évoquer les tourments de cette période. Le ton du film, caustique et enjoué, renforcé par la drôlerie des dialogues, remporte l'adhésion et donne envie de rejoindre cette équipée sauvage. Une œuvre iconoclaste, bien menée, discrètement vintage, qui fait un bien fou. 

Suisse / France / Portugal - 1h25
Réalisation : Lionel Baier - Scénario : Lionel Baier et Julien Boissoux 
Avec : Michel Vuillermoz (Cauvin), Valérie Donzelli (Julie), Patrick Lapp (Bob), Francisco Belard (Pelé).



Disponible en DVD chez Blaq Out.



Christoph Blocher est un politicien très connu en Suisse mais peu chez nous. Admiré ou détesté, il est devenu la figure centrale du mouvement populiste L'Union Démocratique du Centre (UDC). Fils de pasteur, chef d'entreprise riche et influent, l'homme va devenir l’initiateur de campagnes très agressives contre l'immigration et l'objet d'intenses polémiques suite aux accusations de violation du secret bancaire dont il se serait rendu complice. 

Pour tenter de cerner ce personnage qui se décrit lui-même comme un "homme d'action", le documentariste Jean-Stéphane Bron, auteur du remarqué Cleveland contre Wall Street et acteur dans Les Grandes Ondes (il joue le chef de la rédaction Philippe de Roulet), est parti filmer Blocher pendant plusieurs mois, dans sa voiture, sa résidence, lors de meetings et au parlement. Etrangement, le réalisateur ne l'a presque pas interrogé sur son parcours et son discours. Il a préféré égrainer, en voix off, les faits d'armes de Blocher, ses victoires politiques et ses revers.

Jean-Stéphane Bron et Christoph Blocher

Dès les premières images, Bron tente de nous rassurer en affirmant qu'il ne partage ni les idées ni les méthodes ni les convictions de Blocher qu'il n'a pas souhaité faire parler car le bonhomme aurait, selon lui, sans cesse retourner les critiques à son avantage. Un curieux constat d'impuissance qui frustre le spectateur car l'on en apprend finalement très peu sur ce personnage. Bien que la comparaison avec Jean-Marie Le Pen soit pertinente, les particularités de la Suisse et son mode de fonctionnement, très différent du nôtre et qui aurait mérité un éclairage plus approfondi, rendent ce parallèle réducteur. A défaut de bousculer son protagoniste, le cinéaste se contente d'images d'archives, d'anecdotes peu intéressantes et de réflexions sans grande perspective.

Piégé par son rôle d'observateur muet, Bron tente alors de faire de Blocher un personnage de cinéma en le mettant en scène, seul au parlement ou bien chez lui au milieu de ses toiles de maîtres. Un dispositif qui ne fonctionne pas car il ne permet aucunement de cerner l'animal politique et laisse songeur sur la démarche du cinéaste. Celui-ci finit par s'adresser à Blocher en déclarant : "Je vous laisse à vos secrets". Un amer constat d'échec. 

Antoine Jullien

Suisse / France - 1h40
Réalisation : Jean-Stéphane Bron


jeudi 20 février 2014

Les retour des Inconnus : le public a répondu

 
Étrillés, vilipendés, assassinés par toute la presse, Les Inconnus ne s'attendaient sans doute pas à un tel règlement de compte. "Gags éléphantesques", "film indigeste", "divertissement dérisoire", "zéro absolu", les critiques n'ont pas manqué d'être cruelles pour saluer le retour des Trois Frères. On attendait donc avec impatience ce que le public allait répondre. 

Avec plus d'1 million d'entrées en première semaine (1 112 863 spectateurs), le film réalise le meilleur démarrage d'un film français depuis Astérix et Obélix : Au service et de sa Majesté en octobre 2012. Didier Bourdon, Pascal Légitimus et Bernard Campan savourent et prennent leur revanche. Leur succès démontre que la sympathie et la nostalgie éprouvées pour le trio comique ont fonctionné à plein. Reste à savoir quel sera le bouche à oreille dans les semaines à venir. 

Les Trois Frères - Le retour est le dernier avatar du divorce supposé entre la critique et le public. Dans ce cas précis, il est manifeste que la presse très négative n'a eu aucune influence sur le démarrage du film, les mauvais papiers entraînant une curiosité supplémentaire. On peut tout de même s'interroger sur un tel massacre tant la démarche des Inconnus paraissait plus sincère et moins mercantile que le consternant Les Bronzés 3.  Didier Bourdon et Pascal Légitimus ont d'ailleurs répliqué, le premier fustigeant "la malhonnêteté intellectuelle" de certains critiques et le second déplorant "qu'ils (les critiques) n'ont pas le même regard que le peuple."


Malgré toute l'affection que l'on peut avoir pour eux, je dois admettre que les premières images et la bande annonce ne m'ont guère incité à aller le voir. Mais si vous avez fait le déplacement, n'hésitez pas à écrire un commentaire en bas de l'article pour nous dire qui du public ou de la presse a eu raison.

Afin de nous remémorer leur sens aigu de la caricature des médias, vous pouvez voir ou revoir leurs sketchs parodiant l'émission Cinéma Cinémas. Outre la pertinence de leur critique acide du petit milieu intellectuel parisien, les Inconnus dénonçaient déjà la rupture entre les goûts d'une presse élitiste et ceux du public. On reste surtout bluffé, plus de vingt ans après, par la qualité esthétique de leur parodies de films, tant certaines sonnent justes. Un grand éclat de rire pour nous rappeler que les Inconnus ont été de sacrés trublions qui ne méritaient sans doute pas l'opprobe qu'ils ont subit. Même si leur film est une daube.





mercredi 19 février 2014

Only lovers left alive

 
Ils sont beaux, lettrés, raffinés, sceptiques sur la condition humaine et se prénomment Adam et Eve : ce sont bien les vampires de Jim Jarmusch. Le cinéaste rock et farouchement indépendant a voulu s'offrir une cure de jouvence en filmant ces créatures, des recoins sordides de Detroit au port de Tanger. Une escapade mondialisée qui montre que Jarmusch est devenu un voyageur en quête de nouvelles expériences cinématographiques. Après avoir remodelé le western dans l'envoûtant Dead Man et le polar dans l'admirable Ghost Dog, le film de vampires est un nouveau genre que le cinéaste se devait d'explorer. Mais le refus des modes cher au réalisateur n'a plus la puissance d'antan.

Certes, Jarmush garde intact sa manière singulière de rendre une atmosphère palpable. Ainsi, la photo nocturne qui baigne le film sert à merveille les questions existentielles de ses personnages. Son utilisation de l'espace permet également des séquences doucement absurdes, comme cet échange entre Adam venu chercher une poche de sang et son médecin complice de ce moment "interdit". L'incongruité de l'instant plaît au cinéaste qui aime disséminer ça et là quelques références insolites, Adam, en lunettes noires, portant une blouse au nom du docteur Watson. Ces références, Jarmusch les étalent en abondance, de ses écrivains de prédilection à ses musiciens de chevet. La bande originale est une fois encore séduisante, un subtil mélange de rock underground et de musique acoustique.

 Tilda Swinton et Tom Hiddleston

Le cinéaste a voulu aller à l'encontre de l'image classique renvoyée par le film de vampires. Il décide alors de le traiter avec nonchalance, non sans humour ni clins d’œil appuyés. Ainsi, John Hurt joue un vampire qui n'est autre que Christopher Marlowe, célèbre poète de l'ère élisabéthaine qui aurait confié à Schubert une de ses compositions qu'il se serait approprié. Car, tradition oblige, tous ses personnages se nourrissent du sang des mortels depuis des siècles. La beauté diaphane de Tilda Swinton et le romantisme sombre dégagé par Tom Hiddelston renforcent le caractère intemporel du film tout comme ces innombrables instruments de musique qui meublent la demeure d'Adam et qui disent tout de la passion fétichiste du cinéaste. 

Mais cette accumulation d'allusions, d'Hollywood comparé à un peuple de zombies en passant par l'idée que le succès corrompe forcément le talent, finit par agacer. La posture de rebelle que le cinéaste aime entretenir finit par se retourner contre lui car elle n'est plus qu'une posture, justement. Le cinéaste semble incapable de se renouveler et convoque ainsi les mêmes motifs incessants. Et son histoire, qui se met sérieusement à battre de l'aile au milieu du gué, finit par distiller un ennui poli mais tenace. 

On peut se réjouir que Jarmusch veuille à tour prix conserver son identité mais tout cela ressemble à du recyclage. A l'image de ses personnages rigolant devant un clip kitschissime sur des vampires, Jarmusch passe complètement à côté du caractère éminemment vénéneux et passionnel du genre pour ne délivrer qu'un ersatz un peu trop sûr de son fait, se complaisant dans le rejet de toute forme de modernité. Un peu facile, non ?

Antoine Jullien

Grande-Bretagne/Allemagne/France/Chypre/Etats-Unis - 2h03
Réalisation et Scénario : Jim Jarmusch 
Avec : Tilda Swinton (Eve), Tom Hiddleston (Adam), Mia Wasikowska (Ava), John Hurt (Christopher Marlowe). 



Film disponible en DVD et Blu-Ray chez France Télévisions Distribution.

dimanche 16 février 2014

Ida


Le cinéaste polonais Pawel Pawlikowski n'avait jamais tourné dans son pays. Exilé dès l'adolescence en Angleterre, le réalisateur a entrepris plusieurs documentaires et fictions avant de revenir dans sa terre natale. Pour ce retour aux sources, il s'est plongé dans la Pologne des années 60 à travers le personnage d'Ida, une jeune orpheline élevée au couvent et qui s'apprête à prononcer ses vœux avant que sa tante ne lui révèle sa judéité. Ensemble, elles vont partir à la recherche d'un passé douloureux.

Dès le premier plan du film, on perçoit très vite que l'on se trouve devant une œuvre unique. Le format de l'image, d'abord, le 1.33, plus utilisé aujourd'hui et qui renforce l'aspect minimaliste du film et la sensation d'étouffement vécue par le spectateur. Le noir et blanc, ensuite, qui confine aux images une intense beauté, sublimant le caractère tragique de l'histoire. La composition des cadres, enfin, qui subjugue par sa précision et sa rigueur, épousant merveilleusement la mise en scène du cinéaste et son idée qu'une forme divine écrase ou élève les personnages, selon l'appréciation de chacun. 

 Agata Kulesza et Agata Trzebuchowska

La religion catholique est au cœur du film de Pawlikowski et le miroir de l'amnésie qui semblait contaminer la Pologne a cette époque. Malgré le régime communiste, elle était, selon le cinéaste, "le socle de l'identité nationale polonaise". C'est en quittant l’institution qu'Ida va découvrir les horreurs cachées de la guerre et la destinée funèbre des membres de sa famille. Alors que la jeune femme est profondément croyante, elle va sentir que sa foi ne la protège plus de son passé qu'on a voulu lui cacher. Malgré l'austérité formelle voulue par le cinéaste, cette recherche de la vérité va peu à peu nous bouleverser et atteindre une dimension émotionnelle inouïe dans une séquence au milieu d'une forêt où, en deux plans, Pawlikowski arrive à filmer l'indicible.

 Dawid Ogrodnik et Agata Trzebuchowska

Les images nous hantent à mesure que progresse le cheminement intérieur d'Ida, accompagné par sa tante qui est inspirée d'un personnage ayant réellement existé, une procureur particulièrement active durant les procès staliniens. Ce personnage est en soi un paradoxe, affable et humaine alors qu'elle a du sang sur les mains. Sa relation avec Ida est passionnante car elle va révéler la jeune femme sous un jour nouveau, particulièrement lors d'une scène d'amour mémorable par sa simplicité, la caméra captant, en un seul plan, la jeune femme enlever délicatement sa coiffe et nous montrer sa belle chevelure pour la première fois. A cet instant précis, il faut plus que du talent pour nous déchirer à ce point, il faut être touché par une forme de grâce. 

Le film en est baigné tout en restituant l'époque avec une justesse proche du documentaire. Chaque élément de décor, chaque accessoire nous revoient à cette période, sans oublier le réalisme des séquences dans le couvent et son rituel immuable. Même dans ce vase clos éloigné de toute tentation charnelle, Pawlikowski, en filmant une sœur se laver tout habillée, dévoilant ainsi ses formes sous son habit trempé, parvient à faire ressentir le changement qui est en train de s'opérer chez Ida. Une transformation que l'on croit effective mais dans l'ultime séquence, Pawlikowski bouscule sa mise en scène en suivant, pour la première fois caméra à l'épaule, la jeune femme reprendre sa route, cahotante. Une allégorie de son existence à venir, incertaine, et peut-être pleine de promesses. Ida est bien le premier grand choc cinématographique de l'année. 

Antoine Jullien

Pologne - 1h20
Réalisation : Pawel Pawlikowski - Scénario : Rebecca Lenkiewicz et Pawel Pawlikowski 
Avec : Agata Trzebuchowska (Ida), Agata Kulesza (Wanda), Dawid Ogrodnik (Lis).



Disponible en DVD chez Memento Films.

mercredi 12 février 2014

Scarlett Johansson en extraterrestre : les premières images d'Under the Skin


La bande-annonce d'Under the Skin, le nouveau long métrage de Jonathan Glazer à qui l'on doit le curieux Birth, vient d'être dévoilée. Le film suit une extraterrestre incarnée par Scarlett Johansson (la même qui va recevoir un César d'honneur, si si !!) qui prend l'apparence d'une séduisante jeune femme  afin d'attirer ses proies qui ne vont pas être insensibles à son charme. 

Présenté en compétition lors de la dernière Mostra de Venise, le film a profondément divisé la presse, certains parlant "d'extraordinaire oeuvre d'art" tandis que d'autres dénonçaient un film "poussif et idiot". A la vue de ces images, on est subjugué par la puissance esthétique qui semble se dégager du métrage, évoquant Stanley Kubrick par ses cadrages et certains films de science-fiction des années 80 par son ambiance. 

On a hâte de découvrir cet Ovni qui devrait sortir dans les salles françaises au courant du mois de juin. 


mardi 11 février 2014

Un beau dimanche


"J'ai rencontré un mec". C'est par cette simple réplique que se conclue le nouveau film de Nicole Garcia et qui le résume assez bien. Pour son septième long métrage, la cinéaste filme une aventure entre deux êtres de plus en plus attachants à mesure que le film avance. Deux saisonniers, l'un instituteur, Baptiste, l'autre serveuse, Sandra, vont se rencontrer par l'intermédiaire du fils de Sandra, Mathias. Mais la jeune femme, menacée, doit de l'argent et veut s'en aller. Afin de l'aider, Baptiste décide de revenir à ses origines familiales. 

Ecrit avec son fidèle scénariste Jacques Fieschi, Un beau dimanche marque le retour réussi de Nicole Garcia derrière la caméra après deux films boursoufflés (Selon Charlie et Un balcon sur la mer). Directrice d'acteurs hors pair, elle confie à son fils, Pierre Rochefort, le rôle de Baptiste. Outre le charme indéniable dégagé par le comédien novice, celui-ci convainc par ce mystère qu'il laisse planer autour de son personnage et par ce regard souvent déstablisant. En face, Louise Bourgoin semble délestée de son image d'actrice et se révèle sensible et lumineuse, à l'image de cette lumière du sud-ouest que capte superbement la caméra de la cinéaste.

Louise Bourgoin et Pierre Rochefort

Mais cette atmosphère estivale est trompeuse, le film est chargé de douleur et de ressentiment, ceux d'avoir été déconsidéré puis abandonné par sa propre famille. C'est la deuxième partie du récit qui nous emmène dans un manoir de la grande bourgeoisie où la famille de Baptiste passe le week-end de la Pencôte. Ce fils perdu revient auprès des siens qu'il a fui il y a des années. Cet étrange retour marque les retrouvailles avec sa mère interprétée par Dominique Sanda, disparue des écrans depuis longtemps, et très juste dans le rôle de cette femme, coupable et victime de sa condition. Malgré l'affection qu'il lui porte, Baptiste ne peut se résoudre à revivre auprès d'elle et de ses frères, la réalisatrice soulevant l'épineuse question de l'héritage que l'on décide ou non d'assumer. 

Le film devient de plus en plus prégnant à mesure que l'histoire d'amour entre Baptiste et Sandra s'intensifie. Egarés au milieu de cette grande propriété, ils vont pourtant se trouver. Pour le dire, Nicole Garcia n'utilise pas de grands discours, elle crée naturellement l'alchimie entre ses deux protagonistes. Même si elle aurait pu éviter un flash-back trop explicatif et une sous-intrigue crapuleuse un peu clichée, elle retrouve ce romanesque discret qui avait fait la marque de ses débuts. Claude Sautet aurait sans doute aimé ce Beau dimanche

Antoine Jullien

France - 1h35
Réalisation : Nicole Garcia - Scénario : Jacques Fieschi et Nicole Garcia
Avec : Louise Bourgoin (Sandra), Pierre Rochefort (Baptiste), Dominique Sanda (Lilianne), Deborah François (Emmanuelle).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo.

lundi 10 février 2014

American Bluff


Alors que la carrière de David O. Russell était au point mort, le bonhomme est devenu, en l'espace de quelques films (Fighter, Happiness Therapy), la nouvelle coqueluche d'Hollywood, enchaînant les succès et les nominations aux Oscars. Pas moins de dix distinctions à la prestigieuse cérémonie viennent couronner son dernier né, American Bluff, qui s'inspire très librement de l'affaire Abscam, une opération qui a vu le jour à la fin des années 70 dans laquelle des escrocs se sont alliés au FBI pour déterminer l'identité d'hommes politiques aux agissements douteux. 

A l'image de ses protagonistes, David O. Russell aime se complaire dans l'imposture. Car American Bluff a tout d'un film de Martin Scorsese : personnages haut en couleur, style vintage, narration en voix-off, musique seventies. A cela s'ajoute une réalisation parodiant la quintessence du style scorsesien, à coup de travellings vibrionnants et d'arrêts sur image. Et pourtant, on a bien affaire à de l'imitation, partiellement revendiquée par le cinéaste. Il pousse le plagiat jusqu'à confier le rôle d'un mafieux, patron de casinos, à... Robert de Niro qui fait une brève et savoureuse apparition. Mais l'élégance de la mise en scène de David O. Russell est un peu vaine car l'intrigue qu'elle sert ne repose sur rien de consistant. Une histoire d'arnaque comme on en a vu des centaines, avec ses rebondissements habituels et ses péripéties convenues. Surtout, il manque au cinéaste la puissance dramatique de son modèle pour nous emballer. 

Christian Bale, Amy Adams et Bradley Cooper

Pour sa défense, le réalisateur prétend ne pas s'intéresser au scénario mais aux personnages. A ce titre, ses comédiens ont été particulièrement gâtés, portant toute une panoplie de postiches et vêtements excentriques. Il est difficile en effet de reconnaître Christian Bale sous sa chevelure dégarnie et ses vingt kilos supplémentaires. Mais les acteurs ne font qu'un numéro, sympathique mais trop bien rodé. Les actrices, en revanche, tirent leur épingle du jeu, à commencer par Amy Adams qui confirme son statut de futur grande et Jennifer Lawrence, épatante en épouse immature et caractérielle. Leurs histoires de coeur et d'argent nous captivent un temps avant de nous désintéresser, faute d'enjeux à la hauteur et d'un montage inutilement étiré (le film aurait pu être coupé d'une demi-heure). David O. Russell prouve une fois encore qu'il n'arrive pas à dépasser l'enluminure, certes plaisante à regarder, mais dépourvue de personnalité. En somme, un joueur malin qui n'aura pas réussi à nous flouer. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h18
Réalisation : David O. Russell - Scénario : Eric Warren Singer et David O. Russell 
Avec : Christian Bale (Irving Rosenfeld), Bradley Cooper (Richie DiMaso), Amy Adams (Sydney Prosser), Jeremy Renner (Carmine Polito), Jennifer Lawrence (Rosalyn Rosenfeld).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Metropolitan Video.

mardi 4 février 2014

Nymphomaniac


Lars Von Trier est un grand malin. A coup de photos sulfureuses et d'affiches orgasmiques, il a savamment entretenu le suspense sur ce qui devait être une exploration de la sexualité d'une femme de 0 à 50 ans, impliquant des scènes pornographiques non simulées. Et puis patatras ! Enfermé dans sa salle de montage durant de long mois, le démiurge danois a concocté une version de 5h30 alors que sa monteuse devait ramener le film à une durée plus raisonnable de 4h, divisé en deux parties, expurgeant les scènes porno. C'est la raison pour laquelle le spectateur est averti par un carton stipulant que nous allons voir une version censurée * acceptée par Lars Von Trier à laquelle il n'a pas contribué. Un bien curieux micmac qui pourrait trouver sa conclusion lors du festival de Berlin où la fameuse version longue sera projetée. En attendant, nous voilà avec ces deux opus qu'il faut bien tenter d'analyser. 

Comme il l'a déjà fait par le passé, Lars Von Trier découpe son récit en dix chapitres qui commence lorsque Joe (Charlotte Gainsbourg) est retrouvée inconsciente par Seligman (Stellan Skarsgard) qui la recueille chez lui. Celle-ci va alors lui raconter par le menu les différentes étapes de sa nymphomanie qui ressemble à un long chemin de croix. 

Charlotte Gainsbourg et Stellan Skarsgard

Malgré la déstructuration du scénario qui fait régulièrement des aller-retour entre passé et présent, Lars Von Trier n'innove pas formellemement. Sa lumière froide et sa caméra à l'épaule ne servent pas de dispositif comme pouvait l'être le prologue de Melancholia ou les décors dessinés à la craie de Dogville même si le cinéaste réalise ici ou là une séquence en noir et blanc ou utilise un autre format d'image. Il finit surtout par se répéter tant son intrigue suit en permanence un principe identique : Joe confie ses "exploits" à Seligman qu'il commente à coup de digressions plus ou moins fumeuses (ah la pêche à la mouche!), convoquant la religion, la mythologie et l'histoire romaine. Bien que Joe dise elle-même que ces digressions ne sont pas toujours inspirées, elle finissent par lasser tant elle alourdissent considérablement le propos du cinéaste. 


Et quel est-il ? Le volume 1 nous avait relativement surpris car le réalisateur mettait de côté son penchant moralisateur afin d'évoquer, sous une apparente légèreté, la perpétuelle recherche du plaisir d'une jeune femme (pétulante Stacy Martin). Cette première partie se permettait même quelques comparaisons étonnantes comme cette cantate de Bach symbolisant la jouissance sexuelle ou cette scène de vaudeville entraînant Uma Thurman au bord de l'hystérie. Il s'agissait en réalité d'un leurre pour mieux nous faire entrer dans le calvaire psychique de Joe. Dans le volume 2, Joe ne ressent plus rien sexuellement et va tenter des expériences sadomasochistes, causant la séparation définitive d'avec son fils et son mari dans une scène plagiant grossièrement l'ouverture d'Antichrist

Manifestement en manque d'inspiration, Lars Von Trier retombe alors dans ses travers misogynes de plus en plus détestables. Si Seligman essaye de faire comprendre à Joe que sa culpabilité est liée à sa condition de femme, devenue ainsi victime de la société des hommes, Lars Von Trier s'acharne à entraîner son personnage dans les abîmes de l'obscénité, mettant au passage la nymphomanie et la pédophilie sur le même plan. Rattrapé par ses démons et la confusion de sa pensée, le cinéaste termine son film de la pire des manières. Consterné, le spectateur se demande alors s'il s'agit bien de la fin voulue par le cinéaste. Nymphomaniac ou l'apologie de la triste chair. 

Antoine Jullien

Danemark/Allemagne/France/Belgique - Vol.1 (1h58) Vol.2 (2h04) 
Réalisation et Scénario : Lars Von Trier 
Avec : Charlotte Gainsbourg (Joe), Stellan Skarsgard (Seligman), Stacy Martin (Joe adolescente), Shia LaBeouf (Jérôme)



* La version non censurée du film, interdite aux moins de 18 ans, est disponible en DVD et Blu-Ray chez Potemkine. 

lundi 3 février 2014

Mort de Philip Seymour Hoffman


Une bien triste nouvelle nous est parvenue hier dans la soirée : l'acteur américain Philip Seymour Hoffman a été retrouvé mort dans sa baignoire de son appartement de Manhattan. Bien que les causes du décès ne soient pas encore officielles, il est probable qu'il ait succombé à une overdose. Il avait 46 ans.

Visage marquant du cinéma américain, Philip Seymour Hoffman avait débuté sur les planches dans le Off-Broadway avant d'apparaître sur les écrans aux côtés d'Al Pacino dans Le Temps d'un week-end. C'est avec le réalisateur Paul Thomas Anderson que sa carrière cinématographique va véritablement décoller, et le début d'une étincelante collaboration, de Boogie Nights à Magnolia en passant par The Master dans lequel Seymour Hoffman campait une figure inspirée du fondateur de la Scientologie Ron Hubbard et qui lui valut le prix d'interprétation masculine au festival de Venise (partagé avec Joaquin Phoenix). 

The Master de Paul Thomas Anderson 

Pendant plusieurs années, l'acteur est cantonné aux seconds rôles qui ne laissent jamais indifférent : frustré sexuel dans Happiness de Todd Solondz, délectable secrétaire particulier dans The Big Lebowski des frères Coen ou bien camarade un peu trop curieux dans Le talentueux Mr. Ripley d'Anthony Mingella. Mais le tournant survient en 2005 grâce au film de Bennett Miller (qu'il retrouvera sur Le Stratège), Truman Capote, où Seymour Hoffman stupéfie dans la peau du célèbre écrivain, confondant de mimétisme et d'intensité. Une performance qui lui vaudra de remporter l'Oscar du meilleur acteur. 

Philip Seymour Hoffman remporta l'Oscar du meilleur acteur pour Truman Capote 

Par la suite, tout en poursuivant sa carrière théâtrale, Philip Seymour Hoffman enchaînera les films avec la même exigence, sous la direction de cinéastes de renom :  l'excellent 7h58 ce samedi-là de Sidney Lumet, le caustique La Guerre selon Charlie Wilson de Mike Nichols ou l'entraînant Good Morning England de Richard Curtis. 

En 2010, il signait son unique réalisation, Rendez-vous l'été prochain avant de rejoindre le blockbuster Hunger Games. Il était d'ailleurs en train de tourner le dernier volet de la saga lorsque le drame est survenu. Son physique bonhomme et rondouillard lui permettait d'endosser des personnages très variés, souvent au bord du point de rupture, et il excellait toujours par la justesse de son interprétation. Philip Seymour Hoffman rejoint ainsi James Cagney dans le temple des grandes "gueules" du cinéma américain. Outre le dernier épisode d'Hunger Games, on aura une dernière occasion de l'admirer dans Un Homme très recherché d'Anton Corbijn, adaptation du roman de John Le Carré. 

In Memory of Philip Seymour Hoffman from Nelson Carvajal on Vimeo.

Filmographie sélective :

1992 : Le temps d'un week-end de Martin Brest
1997 : Boogie Nights de Paul Thomas Anderson
1998 : The Big Lebowski de Joel Coen / Happiness de Todd Solondz
1999 : Magnolia de Paul Thomas Anderson / Le talentueux Mr. Ripley d'Anthony Minghella
2000 : Presque célèbre de Cameron Crowe
2002 : Punch-drunk Love de Paul Thomas Anderson / La 25ème heure de Spike Lee
2005 : Truman Capote de Bennett Miller
2006 : Mission : Impossible 3 de J.J. Abrams
2007 : 7h58 ce samedi-là de Sidney Lumet / La guerre selon Charlie Wilson de Mike Nichols
2008 : Synecdoche New York de Charlie Kaufmann
2009 : Good Morning England de Richard Curtis
2010 : Rendez-vous l'été prochain de Philip Seymour Hoffman
2011 : Les Marches du pouvoir de George Clooney / Le Stratège de Bennett Miller
2012 : The Master de Paul Thomas Anderson
2013 : Hunger Games : l'embrasement de Francis Lawrence
2014 : Un homme très recherché d'Anton Corbijn