samedi 31 mars 2012

Elena


Andrei Zviaguintsev avait fortement marqué les esprits avec Le Retour, son premier long métrage, couronné par le lion d'Or à la Mostra de Venise. Dans Elena, il dissèque de manière implacable l'état de la société russe et ses criantes inégalités. N'abandonnant pas son formalisme, il livre une puissante radiographie de son pays, impressionnante de maîtrise et de tension.

Elena et Vladimir sont un couple d'un certain âge, issus de milieux sociaux opposés. Lui est riche et froid, elle est modeste et docile. Chacun a eu un enfant d'un premier mariage. Le fils d'Elena, au chômage, ne parvient pas à subvenir aux besoins de sa famille et demande sans cesse de l'argent à sa mère. Le fille de Vladimir est une jeune femme un peu bohème, qui maintient son père à distance. Victime d'une crise cardiaque, Vladimir va prendre une décision importante qui pourrait bien avoir de terribles conséquences...

Nadezhda Markina et Andrei Smirnov

Un lien très étrange unit ces deux êtres, presque indéfinissable. Le cinéaste brouille les repères du spectateur dès le début du film en installant un rapport de servitude et de domination à tel point qu'on ne saisit pas immédiatement qu'il s'agit d'un couple. La mise en scène de Zviaguintsev épouse la géométrie et la froideur de l'appartement qui est à l'image de ce couple incongru, se parlant peu, confiné dans ses habitudes et ses rituels, où une lointaine affection semble avoir remplacé toute forme d'amour et marqué par les différences sociales. Quant Elena supplie Vladimir d'aider son fils, celui-ci refuse, justifiant qu'il n'a pas à s'occuper d'un homme uniquement intéressé par son argent et incapable d'élever sa famille. 

"Le plus terrible dans ce monde c'est que chacun à ses raisons" disait Octave dans La règle du jeu. Cette maxime ne s'est rarement incarnée à l'écran avec autant de force que dans ce film qui manie habilement les motivations et les contradictions de chacun qui se révèle tour à tour humain et lâche, cupide et irraisonné. Les points de vue s'affrontent et le fossé entre les êtres se creuse devant les intérêts personnels. Le cinéaste nous parle tout autant de l'amour d'une mère pour son fils et de la tendresse d'un père pour sa fille sans qu'à un seul instant il ne les juge. Son tableau de la Russie qui a une portée universelle est, lui, sans concessions : la jeunesse qui est dépeinte est soit médiocre, soit corrompue, les anciens égoïstes et faibles. A un moment, Elena lance à Vladimir : "un jour, les derniers deviendront les premiers." La morale de ce film intense qui ne vous quitte pas facilement est celle-là : on peut prendre la place d'un autre pour de louables desseins, la réalité du geste accompli demeure. Sur les notes de la sublime partition de Philip Glass, Andrei Zviaguintsev achève ainsi cruellement son Crime et Châtiment. 

Antoine Jullien

vendredi 23 mars 2012

Les premières images de Cosmopolis


Les films pressentis pour le prochain festival de Cannes se dévoilent peu à peu. Après Moonrise Kingdom, c'est au tour du nouveau film de David Cronenberg de faire parler de lui. A peine achever les conflits psychanalytiques de A Dangerous Method que le cinéaste canadien tournait l'adaptation du roman de Don DeLillo qui raconte 24 heures de la vie d'un golden boy de la haute finance à New York. 

Porté par Robert Pattinson qui s'éloigne radicalement de l'univers aseptisé de Twilight, Cosmopolis semble être une plongée hallucinée au coeur d'une société folle. Ces premières images nous ramènent au Cronenberg de Crash et Videodrome et à un esthétisme survolté. Autour du comédien vedette, on retrouvera Paul Giamatti, Samantha Morton, Juliette Binoche et Mathieu Amalric. 

Le film sortira le 23 mai, ce qui ne laisse guère de doute quant à sa participation sur la Croisette. 

mercredi 21 mars 2012

Les Adieux à la Reine


Benoît Jacquot tenait là un sujet en or : les derniers jours du règne de Marie-Antoinette. Adaptation du roman de Chantal Thomas, Les Adieux à la Reine se veut être un dépoussiérage du film d'époque autant qu'une radiographie d'un monde en train de mourir. Le cinéaste a la carte, comme on dit, et la critique incroyablement élogieuse a voulu y voir un chef d'oeuvre qui n'est pas sur l'écran. Mais le film mérite bien que l'on s'y attarde. 

En 1789, à l'aube de la Révolution, Versailles continue de vivre dans l'insouciance, loin du tumulte qui gagne Paris. Sidonie Laborde, jeune lectrice entièrement dévouée à la Reine, ne veut pas croire les bruits qu'elle entend. Protégée par Marie-Antoinette, elle ignore qu'elle est en train de vivre ses derniers jours à ses côtés. 

Léa Seydoux

C'est l'agitation permanente et l'atmosphère prégnante de fin de règne que captent le mieux Benoît Jacquot, insufflées par l'inquiétante musique de Bruno Coulais. La caméra mobile s'engouffre dans les allées et moindres recoins de Versailles afin de faire ressentir une sensation de chaos, où les appartements sont peu à peu dépouillés de leurs meubles et où les rats semblent avoir trouvé un nouveau refuge, sans que les principaux intéressés ne semblent mesurer la gravité de la situation. Une fébrilité qui contamine la cour à mesure que l'issue dramatique ne devienne inexorable. Les fidèles du roi se précipitant vers le souverain pour courir aux nouvelles et cette enfilade de pièces plongée dans une ténébreuse pénombre sont autant d'images d'une société en déclin. 

Diane Kruger 

L'oeil du film est celui de Sidonie par lequel on entre dans les méandres de la Grande Histoire. Son refus de voir la vérité en face est lié à sa passion aveugle pour la reine. Un deuxième film commence alors, qui s'intéresse au pouvoir magnétique exercé par Marie-Antoinette sur sa jeune courtisane. La fraicheur et la détermination de Léa Seydoux animent son personnage, présent dans presque tous les plans du film. Face à elle, Diane Kruger tente de composer une reine follement amoureuse d'une autre femme, étrangère au chaos qui l'entoure et mal aimée. Mais l'actrice n'arrive pas à nous fasciner comme elle fascine la jeune Sidonie, et Benoit Jacquot échoue à rendre ambivalente la relation entre ces deux femmes et le rapport de soumission qui l'accompagne. 

La distance que le cinéaste affiche avec ses personnages va malheureusement trouver son point d'achèvement dans la troisième intrigue du métrage qui s'intéresse à l'histoire d'amour entre Madame de Polignac et Marie-Antoinette. Virginie Ledoyen, qui campe la favorite de la reine, est étonnamment transparente, le cinéaste ne lui donnant pas l'opportunité d'exister, à l'exception d'une scène de rupture filmée avec un maniérisme que l'on ne pardonnerait sans doute pas s'il ne s'agissait pas de Benoît Jacquot. Les afféteries stylistiques du réalisateur, à coups de zooms incessants finissent par agacer et provoquent un manque d'empathie avec les protagonistes. Et la cruauté qui aurait du culminer lors de l'épilogue ne débouche en réalité sur pas grand chose. Si Benoît Jacquot voulait nous frustrer en nous tenant éloigné de son histoire, le pari est réussi. Mais celui de réaliser un grand film romanesque ne restera définitivement qu'une chimère. 

Antoine Jullien

Aloïs Nebel


Voilà un étrange objet filmique venu de République Tchèque. Le film a été réalisé selon le principe de la rotoscopie, qui consiste à dessiner les plans tournés en prises de vue réelles, permettant ainsi de respecter la fluidité des mouvements et de garder l'expression des visages des acteurs. Aloïs Nebel est donc une entreprise singulière, un film déroutant, pas toujours accessible mais très intriguant.

Nous sommes en 1989, au moment de l'effondrement du régime soviétique et de l'élection du nouveau président de Tchécoslovaquie, Vaclav Havel. Loin de ces bouleversements politiques, Aloïs Nebel est chef de gare dans une petite station tchèque, non loin de la frontière polonaise. L'irruption d'un étranger va l'obliger à affronter son passé. 


Le réalisateur Tomas Lunak, dont c'est le premier long métrage, réalise une véritable prouesse esthetique. D'un noir et blanc envoûtant, le film est baigné dans une atmosphère de déliquescence, à l'image de la vie d'Aloïs Nebel qui n'a plus que ses traumatismes d'enfance auxquels se raccrocher. L'homme n'est pas bavard et demeure énigmatique. La rencontre avec une femme dans la gare de Prague va soudainement révéler sa touchante humanité. 

Tomas Lunak possède un étonnant sens de l'image et du mouvement, transformant ses décors en puissantes réminiscences de la seconde guerre mondiale, et devenant, le temps d'une superbe séquence, le théâtre des lendemains qui chantent. Le réalisateur met les changements de son pays au second plan, accompagnant subtilement la trajectoire de son personnage. Le cinéaste aurait pu cependant rendre son intrigue et ses enjeux davantage lisibles et l'on perd pied plus d'une fois devant cette histoire un brin alambiquée. Mais la sincérité de la démarche et le talent de Tomas Lunak emportent l'adhésion. Une véritable curiosité. 

Antoine Jullien 

mardi 20 mars 2012

Exposition Tim Burton


C'est un voyage au coeur de la création d'un artiste majeur que vous propose la Cinémathèque française. Initiée par le MoMA de New York, l'exposition Tim Burton pose ses valises à Paris afin de vous faire découvrir l'univers macabre et poétique du réalisateur de Batman et Sleepy Hollow. Personnellement impliqué dans la mise en oeuvre de l'évènement, le créateur nous ouvre les portes de son atelier, donnant au visiteur le privilège rare de découvrir dessins, figurines, photographies, objets qui constituent le lieu intime du cinéaste. L'exposition relate avant tout la genèse artistique de Tim Burton et ses nombreuses influences, mettant davantage l'accent sur l'artiste que sur le cinéaste, bien qu'ils se nourrissent mutuellement l'un et l'autre.

Tim Burton entouré de Serge Toubiana et Costa-Gavras 
lors de la conférence de presse de l'exposition


L'exposition a la grande qualité d'être vaste et aérée, permettant au visiteur de déambuler à son aise dans l'oeuvre burtonnienne. On y découvre les premiers dessins du jeune garçon, habitant alors à Burbank, une banlieue pavillonnaire de Los Angeles, connue pour être le siège des studios Disney et Warner, que le réalisateur décrit en ces termes : "un univers sans histoires, sans culture, sans passion". Tim Burton va lui-même se forger sa propre culture, nourrie de films de monstres, de fêtes foraines et d'attractions populaires. Son attachement viscéral pour les freaks et autres créatures excentriques naîtra de ces passions compulsives. L'enfant qu'il est toujours resté aimait avoir peur au cinéma et déclarait  : "La nuit d'Halloween a toujours été, pour moi, la nuit la plus réjouissante de l'année. Il n'y avait plus de règles à suivre et je pouvais devenir qui je voulais." De cette période sont montrés ses premiers films amateur super 8 dont un hilarant court métrage réalisé en stop motion, un projet pour le lycée qu'il fit à l'âge de 16 ans.

Tim Burton, Sans titre (Sally).1993.
Polaroïd, 83,8 x 55.9 cm
Collection privée © 2011 Tim Burton


Peu doué pour les études, Tim Burton intègre pourtant le prestigieux California Institute of the Arts où il fait la rencontre de Rick Heinrichs qui deviendra l'un de ses principaux collaborateurs. Grâce à ses talents de dessinateur, il finit par rejoindre le département d'animation des studios Disney. Animateur puis artiste-concepteur sur Taram et Le Chaudron Magique, il voit tous ses dessins préparatoires refusés par le studio qui les jugeait trop morbides. Il est vrai que l'univers singulier et anticonformiste du futur réalisateur ne s'accordait pas vraiment avec le ton formaté de Mickey. En évoquant ses dessins, le cinéaste parle de spontanéité et d'une démarche affective et non intellectuelle. Ceux qui sont exposés, figurant des enfants, des monstres, des femmes, des nains ou encore des clowns, montrent bien le talent hors norme du bonhomme et son étrange morbidité.

Tim Burton, Sans titre (Edward aux mains d'argent).1990.
Encre et crayon sur papier, 36,2 x 22,9 cm
Collection privée © 2011 Tim Burton 


Cette exposition nous donne la chance de voir ou revoir les premiers courts métrages de Tim Burton dont le magnifique Vincent qu'il pu réaliser grâce à l'appui de deux alliés de Disney. D'une noirceur et d'une poésie incroyables, le film est sans doute la synthèse de toute l'oeuvre burtonienne. Il fera par la suite Frankenweenie dont il s'apprête à sortir cette année un remake puis, libéré de Disney, il réalisera Pee-Wee, son premier long métrage, avant d'entamer la carrière que l'on sait. Dans la dernière salle, on peut admirer de nombreux objets et accessoires ayant servi pour ses films, comme le pull angora porté par Johnny Depp dans Ed Wood, le costume d'Edward aux mains d'Argent, les rasoirs de Sweeney Todd ou encore les figurines de Mars Attacks! que Burton voulait à l'origine tourner en stop-motion. On peut également visionner une série méconnue créée pour internet en 2000 et intitulée The World of Stainboy ainsi qu'un clip pour le groupe The Killers rendant un tendre hommage à l'un des films préférés du cinéaste, Jason et les Argonautes, et à son concepteur légendaire, Ray Harryhausen.

Tim Burton, l'exposition à la Cinémathèque française
© Stéphane Dabrowski / La Cinémathèque française


L'oeuvre de Tim Burton stupéfie par la puissance de son imaginaire où se mêle des créatures fantasmagoriques et des pères de substitution, dont Vincent Price, le créateur d'Edward aux Mains d'Argent, en est la plus belle incarnation. Une galerie de Frankenstein modernes que l'exposition met particulièrement en valeur, grâce à laquelle on saisit encore davantage le monde intérieur du cinéaste, son goût pour la différence et son humour souvent jubilatoire. Malgré les succès accumulés, Tim Burton admet que chaque film représente un combat et qu'il garde toujours l'étiquette de "réalisateur bizarre". Ses derniers films dénotent cependant un sentiment de répétition, à voir le nombre de classiques de la littérature enfantine que le cinéaste adapte depuis quelques années, de Charlie et la Chocolaterie à Alice au Pays des Merveilles. Le signe d'une inspiration moindre et d'une récurrence de motifs qui semblent aujourd'hui moins originaux que par le passé. Cette exposition arrive donc à point nommé pour nous rappeler que Tim Burton reste et restera un artiste d'exception.

Antoine Jullien


Filmographie

1982 : Vincent (Court métrage)
1984 : Frankenweenie (Court métrage)
1985 : Pee-Wee's Big Adventure
1988 : Beetlejuice
1989 : Batman
1990 : Edward aux Mains d'Argent
1992 : Batman le défi
1994 : Ed Wood
1996 : Mars Attacks!
1999 : Sleepy Hollow
2001 : La planète des singes
2003 : Big Fish
2005 : Charlie et la Chocolaterie / Les Noces Funèbres
2007 : Sweeney Todd
2010 : Alice au pays des merveilles
2012 : Dark Shadows / Frankenweenie


Exposition Tim Burton à la Cinémathèque française jusqu'au 5 août.
Rétrospective intégrale et Carte Blanche Tim Burton jusqu'au 23 mai.
Rencontre avec Rick Heinrichs, collaborateur de Tim Burton, le samedi 7 avril.
Coffret DVD et Blu-Ray avec 15 des films de Tim Burton en édition limitée chez Warner Bros.
Renseignements : www.cinemathequefrancaise.fr

La bande-annonce de son nouveau long métrage, Dark Shadows, en salles le 9 mai.

mercredi 14 mars 2012

Cloclo


On pouvait craindre le pire d'un énième biopic sur la carrière d'un chanteur aussi populaire que Claude François, avec les sempiternelles passages obligés sur la grandeur et la décadence d'un artiste, sous le contrôle avisé des fils de la star !  Et pourtant, la surprise est totale, et on la doit à Florent-Emilio Siri que l'on attendait pas forcément aux commandes d'un tel projet. Le réalisateur de L'Ennemi Intime n'a pas cédé à l'hagiographie facile et délivre un portrait nuancé de l'homme, tourbillonnant d'énergie. 

Le film raconte par le menu la vie de Claude François, de son enfance en Egypte à son rapatriement en France en passant pas ses débuts chaotiques jusqu'au triomphe. Vedette de la chanson mais aussi homme d'affaires remarqué et pro du marketing, Claude François était une personnalité à multiples facettes, perpétuellement en mouvement. 

Jérémie Rénier

C'est ce rythme frénétique qui parcourt tout le film de Florent-Emilio Siri. Grâce à d'électrisants numéros musicaux qui montrent Claude François virevolter à un concert d'Otis Redding puis à son tour faire chavirer les spectateurs sur scène, Cloclo est terriblement entraînant à mesure que la personnalité du chanteur se complexifie et que l'on voit sa vie se densifier. La caméra alerte du cinéaste filme ce destin hors du commun en faisant pleinement confiance à son récit linéaire. A la différence d'Olivier Dahan dans La Môme qui avait abusé d'inutiles coquetteries narratives, Siri suit un classicisme très efficace, faisant preuve d'une belle maîtrise lorsqu'il utilise à plusieurs reprises le plan séquence, d'abord lors d'une scène emblématique où l'on voit Cloclo, au volant de sa voiture, embrasser ses fans en furie les unes après les autres, puis au Moulin de Dannemois, son repère, où l'on comprend qu'il cache l'existence de son deuxième fils. Une mise en scène en totale adéquation avec le personnage qui ne cherche pas non plus à sursignifer une époque mais à la rendre authentique. 

Comme tout biopic, Cloclo ne se prive pas de transformer des faits avérés en purs instants de cinéma, particulièrement lors de la création de certaines chansons. Ainsi, Comme d'habitude trouve son inspiration au bord d'une piscine et la genèse de Magnolias For Ever est due à une rencontre avec un DJ féru de disco. Si ces passages sont évidemment romancés pour les besoins de la fiction, ils fonctionnent en termes de cinéma, accentuant la part romanesque délectable du film, et prouvent le flair incontestable de Claude François pour dénicher de nouvelles tendances musicales. 


Mais c'est en creux le portrait d'un homme pétri de contradictions, d'un narcissisme effréné, jaloux, caractériel et maniaque qui se dessine progressivement. Siri et son scénariste Julien Rappeneau ont semble-il eu les coudées franches pour raconter les nombreux travers de la star. Son attitude contestable avec ses enfants et ses méthodes peu scrupuleuses pour retrouver le devant de la scène témoignent d'un être en perpétuelle quête de reconnaissance. Siri va jusqu'à utiliser la chanson Comme d'habitude pour illustrer une poursuite entre la star et sa futur fiancée, une manière de montrer son caractère éminemment possessif. 

Le film n'est pas parfait, et il est regrettable que Siri appuie lourdement sur le trauma familial du chanteur pour expliquer son comportement, bien que le déracinement brutal dont il a été victime puis le reniement de son père peuvent être perçus comme des éléments clefs dans son attitude. Mais le charisme étonnant de Jérémie Rénier emporte tout sur son passage, se rendant détestable par endroits et émouvants dans d'autres et le reste de la distribution est à l'unisson, à l'exception notable de Benoît Magimel en Claude Lederman qui surjoue outrageusement dans les premières séquences. L'ensemble reste emballant et s'il n'atteint pas la créativité euphorisante d'un Gainsbourg (vie héroïque), il n'en demeure pas moins un objet de cinéma tout à fait recommandable. 

Antoine Jullien

38 témoins


En l'espace de quelques films, Le Havre est devenu une source d'inspiration pour les cinéastes. Après Aki Kaurismäki, Lucas Belvaux pose sa caméra dans cette ville atypique pour raconter un drame de la médiocrité ordinaire. A l'exact opposé du passéisme revendiqué du cinéaste finlandais, Lucas Belvaux inscrit la cité dans une réalité concrète. Un souci de réalisme qui caractérise son oeuvre et qui va révéler un sombre tableau de notre société. 

Alors qu'elle rentre d'un voyage en Chine, Louise (Sophie Quiton) découvre que sa rue a été le théâtre d'un crime. Une jeune fille a été assassinée et les habitants du quartier disent n'avoir rien vu ni entendu. Mais Pierre (Yvan Attal), le mari de Claire, va soudainement rompre cet unanimisme... 

Yvan Attal et Sophie Quinton

Lucas Belvaux filme d'abord la ville dans sa globalité, lui apportant une vérité en filmant le port et l'activité professionnelle de Pierre, lui qui est en charge des départs et des arrivées des bateaux. Les embruns de la mer viennent remuer le spectateur et rompre avec l'apparente banalité de ce quartier aux témoins absents. Par sa mise en scène très méthodique, Lucas Belvaux épouse la même trajectoire qu'il donne au décor, scrutant d'abord les âmes du Havre pour se rapprocher d'un couple en crise. Elle veut protéger son mari et ne le croit pas lorsqu'il prétend, contrairement aux trente-sept témoins auditionnés par la police, avoir entendu la victime crier au moment de mourir. La voie étranglée d'Yvan Attal racontant la scène fait basculer le récit et dévoile la réelle ambition du film : démasquer la lâcheté quotidienne.

Nicole Garcia et Yvan Attal

Le comédien, que l'on avait rarement vu aussi grave à l'écran, est la mauvaise conscience des personnages. Un homme qui va prendre le risque de se mettre à dos une population qui a voulu s'endormir ce soir-là, ne réagissant pas au moment où une femme était en train de se faire assassiner. Lucas Belvaux évacue peu à peu la traditionnelle recherche du coupable pour s'intéresser à notre propre culpabilité. Un point de vue original et audacieux qui permet au réalisateur de traiter finement du couple mis à l'épreuve devant la faiblesse de Pierre. 

Porté par des comédiens remarquables et une musique discrète mais prégnante, 38 témoins nous saisit lorsque la police reconstitue le meurtre. La puissance de la séquence, glaçante, est le point d'orgue du film. La profonde dimension humaine de cette histoire se fait jour avec son lot de mensonges et de conséquences irrémédiables. Lucas Belvaux se pose non pas en donneur de leçons mais en moraliste et nous met, spectateur, face à nos responsabilités. Un film inconfortable qui nous poursuit comme la brume havraise enveloppe ses habitants. 

Antoine Jullien

mardi 13 mars 2012

Oslo 31 août


Après Louis Malle, le réalisateur norvégien Joachim Trier s'est à nouveau inspiré du roman de Drieu La Rochelle Le feu follet pour raconter le mal être d'un jeune homme, Anders, tout droit sorti d'une cure de désintoxication. Comme son titre l'indique, le film se passe dans les derniers beaux jours de l'été, dans un Oslo étrangement calme et bienveillant. Une sérénité en contradiction avec l'état intérieur du personnage aux penchants suicidaires.

Le cinéaste suit Anders retrouver d'anciens camarades perdus de vue après six années de cure. Joachim Trier filme avec beaucoup d'acuité ce retour difficile dans une société dont Anders se sent exclu. Les retrouvailles avec son meilleur ami, installé avec femme et enfant, se prolongent à plusieurs reprises, le cinéaste fragmentant la séquence afin de mieux faire tomber les masques. Il scrute ainsi notre rapport au monde et à une certaine normalité dont Anders ne peut et ne veut faire partie. Trier appuie pertinemment sur nos choix de vie et du bonheur prétendu qui en découle.

Anders Danielsen Lie

Même si la mort semble l'attendre au bout du chemin, Anders ne s'apitoie pas sur lui-même et sa profonde solitude l'amène à analyser justement sa situation. Une des meilleures scènes du film, qui le voit passer un entretien d'embauche, montre avec beaucoup de force que le passé nous rattrape sans cesse. Mais le cinéaste a eu le talent de ne pas faire de son personnage une victime, et l'on voit se dessiner, au fur et à mesure de ses rencontres, un jeune homme avec des failles qui a pu faire souffrir autour de lui.

Grâce au très beau travail de la caméra et du son, Joachim Trier rend palpable le monde intérieur d'Anders qui se fissure de partout. On aurait cependant aimé que le cinéaste soit moins froid dans son traitement et ne s'attarde pas autant sur certaines séquences qui auraient méritées d'être raccourcies. Oslo 31 août n'en demeure pas moins une oeuvre sensible qui nous pose des questions essentielles sur l'existence. On peut toutefois lui préférer une réponse moins désespérée.

Antoine Jullien

Bande-annonce Moonrise Kingdom


On connaît désormais le film qui aura l'honneur de faire l'ouverture du prochain festival de Cannes. Il s'agit de Moonrise Kingdom, le sixième long métrage de l'inclassable Wes Anderson. Le réalisateur de La famille Tenenbaum et La vie aquatique réunit une fois de plus un casting haut de gammes (Bruce Willis, Edward Norton, Tilda Swinton, Frances McDormand) auquel vient s'ajouter les fidèles compagnons de route du réalisateur, Bill Murray et Jason Schwartzman. 

Une histoire d'enfants et d'adultes au coeur de la Nouvelle Angleterre durant l'été 65. Sur une île, un jeune garçon et une jeune fille fuient leur quotidien pour vivre leur histoire d'amour à l'écart du monde. Inquiets, les adultes partent à leur recherche. 

On ne sait pas encore si le long métrage figurera en compétition mais à la vue des premières images, on reconnaît d'emblée le ton très personnel de Wes Anderson, un mélange savoureux de décalage et de nostalgie dans lequel le cinéaste confirme son amour des chansons françaises, après Les Champs-Elysées dans A bord du Darjeeling Limited. 

Le film sortira le jour de sa présentation cannoise, le 16 mai. 

vendredi 2 mars 2012

Jeu-Concours L'exercice de l'état


LE CONCOURS EST TERMINE. LA REPONSE ETAIT  BERTRAND ST JEAN. 


Mon Cinématographe vous propose de visionner gratuitement le film L'exercice de l'état sur la plateforme VOD d'UniversCiné. 

Pour cela, vous devez répondre à la question suivante : 

Quel est le nom du personnage interprété par Olivier Gourmet ? 

Merci de donner votre réponse dans la section "Commentaires" en indiquant votre Email dans le nom du profil afin que nous puissions identifier les gagnants. Les réponses ne seront pas publiées. 

Les 10 premiers qui répondront correctement remporteront le concours. 

Bonne chance ! 

Pour voir la critique de L'exercice de l'état dans Mon Cinématographe, c'est ICI
Pour retrouver la fiche technique du film sur UniversCiné, c'est ICI.