samedi 25 mars 2017

Grave

 
Pour son premier long métrage, Julia Ducournau a frappé un grand coup. Qu'une réalisatrice française s'engage dans la voie trop souvent malmenée du film d'horreur made in France, voila une démarche pour le moins audacieuse, et la raison première de sa présence dans une trentaine de festivals (Cannes, Sundance, Gérardemer....) et son déferlement de critiques dithyrambiques, qualifiant l’œuvre de "déflagration" et de "choc". Mais la jeune cinéaste ne se contente pas d'explorer le genre, elle le transgresse allègrement en invoquant le cannibalisme et les démons de la chair. Si le résultat n'est peut-être pas la bombe attendue, il mérite vraiment que l'on s'y arrête de prêt.

Dans la famille de Justine, tout le monde est végétarien et vétérinaire. A 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d'intégrer l'école vétérinaire ou sa sœur aînée est également élève. Mais à peine arrivée dans l'établissement, elle subit un bizutage qui la force à manger de la viande pour la première fois de sa vie. Les conséquences ne vont pas se faire attendre. 


Julia Ducournau attache un souci particulier au décor qu'elle filme de manière très anxiogène. La séquence de bizutage qui montre les nouveaux arrivants totalement soumis aux anciens, évoque un climat concentrationnaire duquel il n'est pas possible de s'extirper, au risque d'être mis au ban des exclus. L’atmosphère sauvage et animale qui imprègne le lieu accentue le malaise et traduit les mutations de Justine. Julia Ducournau nous plonge dans un cinéma organique et sensitif percutant qui ne s'interdit pas certains dérapages et situations saugrenues, au bord du grotesque, notamment lors d'une improbable séquence d'épilation qui pourrait bien rester dans les mémoires.

A l'inverse de certains de ses confrères, la cinéaste respecte les codes du genre en ne le prenant jamais de haut, convoquant ainsi moult références, de David Cronenberg à Dario Argento pour l'utilisation très réussie de la musique. Et le cannibalisme finit par contaminer tout l'ensemble. Une déviance filmée à la fois comme une métamorphose et une métaphore sexuelle et identitaire. Justine découvre ainsi sa véritable nature, scandaleuse, et à travers elle l'amour de sa sœur. La complicité qui unit les deux femmes, parfois très crue, est incarnée par deux comédiennes étonnantes, Ella Rumpf et Garance Marillier dont la présence étrange irrigue tout le film. Et s'il souffre de quelques trous d'air, Grave s'achève sur une révélation bien compliquée à résoudre pour notre "héroïne". L'envie de fringale n'est pas prête de s'estomper. 

Antoine Jullien 

France / Belgique - 1h38
Réalisation et Scénario : Julia Ducournau 
Avec : Garance Marillier (Justine), Ella Rumpf (Alexia), Rabah Naït Oufella (Adrien) , Laurent Lucas (Le père). 

dimanche 12 mars 2017

Flashback - 7ème


Flashback, votre rendez-vous mensuel dédié à l'actualité du cinéma classique, en est déjà à son septième numéro. Chaque mois, avec Antoine Sire, nous faisons (re)vivre le cinéma d'hier à travers les très nombreux évènements qui lui sont consacrés.

Au programme, les rétrospectives autour de Dino Risi, le maître de la comédie italienne, à l'Institut Lumière, et Dorothy Arzner, la seule femme cinéaste de l'âge d'or hollywoodien que la Cinémathèque française met à l'honneur quelques mois après le festival Lumière de Lyon. 

Parmi les ressorties du mois de mars, nous revenons sur Le Diabolique Docteur Mabuse, œuvre ultime de Fritz Lang qui était de retour en Allemagne après plus de vingt ans passés au Etats-Unis, L'Emploi d'Ermano Olmi qui s'inscrit dans la tradition du néoréalisme italien ou encore Le Lion en Hiver d'Antony Harvey avec Katherine Hepburn et Peter O'Toole. 


L'émission permet aussi de se replonger dans l’œuvre de cinéastes totalement oubliés tels que le polonais Walerian Borowczyk dont les films ont fait scandale à l'orée des années 70. Mêlant l'érotisme à la triviliatié avec un souci certain de la provocation, le réalisateur est aujourd'hui célébré à l'occasion de l'édition d'un très beau coffret DVD chez Carlotta et d'une rétrospective intégrale au Centre Pompidou. 
 
Antoine Sire revient sur la haine réelle ou fantasmée entretenue par les actrices de légende Joan Crawford et Bette Davis sur le tournage de Qu'est-il arrivé à Baby Jane que raconte la nouvelle série Feud créée par Ryan Murphy et actuellement diffusée sur la chaîne américaine FX.  


Enfin, notre invité est l'historien du cinéma Jean Ollé-Laprune qui évoque pour nous la série documentaire Ciné Kino dédiée à l'histoire des cinématographies européennes et prochainement diffusée sur Arte. 

Antoine Jullien

Flashback animé par Antoine Sire et Antoine Jullien, chaque 1er lundi du mois sur Séance Radio.