mercredi 13 juillet 2011

Billet de (très) mauvaise humeur


Lorsque l'on s'adonne à l'exercice de la critique, il faut faire parler notre subjectivité mais essayer, le mieux possible, de déceler les qualités et les défauts objectifs d'un film. Truffaut disait lui-même : "Les français ont deux métiers, le leur et critique de cinéma." Le critique a ses goûts, ses préférences, ses univers de prédilection mais il se doit d'être le plus éclectique possible, allant vers des cinématographies qui ne sont a priori pas les siennes. Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Love est le parfait exemple du film que je me suis obligé d'aller voir. Pour une fois, je vais employer le "je" tant ce billet, comme son titre l'indique, est un message de colère et de protestation afin de comprendre le divorce latent entre la critique et le public. 

Ce divorce peut s'expliquer lorsqu'il s'agit d'oeuvres expérimentales ayant une approche radicale du medium cinema. Des films contestés et parfois contestables, que l'on adore où que l'on déteste mais qui ont le mérite d'avoir un regard et un style singuliers. The tree of life de Terrence Malick en est le spécimen récent le plus probant, certains y voient un chef d'oeuvre tandis que d'autres crient à la supercherie. 

Mais ce divorce n'est guère possible si l'oeuvre n'a rien de singulier ni d'original. Le film de Mia Hansen -Love a eu les éloges de la presse à tel point que l'on se demandait si elle ne s'était pas trompée de cinéaste. Un délire critique que l'on peut déjà expliquer par une indéniable connivence. En effet, avant d'être réalisatrice, la jeune femme était critique aux Cahiers du cinéma. Non que tous les critiques passés à la réalisation reçoivent systématiquement des louanges de leurs pairs mais le bienveillance semble de mise. 


On ne va pas faire la liste des superlatifs vus ou entendus à propos du film mais on constate simplement que l'on peut aisément écrire les mêmes dithyrambes d'une oeuvre d'Almodovar, Eastwood ou Polanski que d'un film de Mia Hansen-Love. Cependant, Mon Cinématographe avait déjà évoqué son précédent film, Le père des mes enfants, et en avait plutôt dit du bien, sans doute parce que son sujet fort donnait de la matière au récit, soit tout l'inverse de cet Amour de jeunesse. 

Alors, de quoi ça parle ? Et bien d'un amour de jeunesse, pardi ! Le titre n'est pas trompeur et l'on se farcit pendant 1h50 les atermoiements d'une jeune fille qui ne peut pas oublier son premier amour. On s'accroche dans un premier temps mais on perd vite espoir quand les deux tourtereaux, partis dans la maison de campagne des parents de la demoiselle, se disputent à coups de dialogues sortis tout droit d'un Arlequin du grenier. La suite ne donne guère d'encouragements, la réalisatrice instaurant un "terrible" suspense pendant dix plombes quand le petit ami va se baigner tandis que sa copine attend tout en préparant son petit-déjeuner. Devant tant de vacuité, on s'intéresse alors à la garde-robe de la jeune fille qui ne change pas malgré les sept années écoulées du récit. Même si elle est charmante à regarder, on attend qu'une suprême audace visuelle surgisse mais entre ouvrir une porte ou prendre un bain dans la rivière, la pauvreté consternante de la mise en scène éclate au grand jour. Je reste pourtant attentif, je me dis qu'il va quand bien se passer quelque chose d'un tout petit peu intéressant. Le petit ami parti en Amérique du Sud, la jeune fille sort quelques années plus tard avec un professeur d'architecture qu'elle va finir par tromper avec, je vous le donne en mille..... l'amoureux du début ! Mia Hanson-Love vient donc de nous dire un truc super capital : on ne peut pas quitter son amour de jeunesse. Si ça n'est pas une révélation, je ne sais pas ce que c'est.

Mais je veux terminer sur une note moins ironique et plus lucide en déplorant que ce cinéma nombriliste, prétentieux et vain bénéficie d'un tel aveuglement critique. Ce film résume à lui seul une caricature du cinéma français que l'on pensait à jamais endormie et qui va réveiller chez les esprits moqueurs leurs plus vilaines flèches. Mais comment leur donner tort ?! Par refus de la scène à faire et la défiance à un semblant de psychologie, la réalisatrice nous inflige un film hautain et creux dans laquelle sa seule idée de mise en scène est un plan montrant une date écrite sur un cahier d'écolier pour nous donner l'impression du temps qui passe. Même un étudiant en première année de cinéma n'aurait jamais osé le faire ! Cette fois, c'est bien le public qui aura raison. 

Antoine Jullien 



DVD disponible chez Pelléas. 

6 commentaires:

  1. je me permets de ne pas être d'accord avec votre critique . J'avais beaucoup aimé le père de mes enfants et c'est la raison pour laquelle j'avais envie de voir ce film là, d'y aller les yeux fermés en confiance en ayant à peine lu ou entendu les critiques bonnes ou mauvaises qui entouraient le film . Je trouve que c'est un film sensible et qui parle encore une fois du fait de l'idée de la perte et du deuil comme dans l'oeuvre précédente . Il y a à chaque fois comme un cheminement initiatique qui permets de grandir et d'aller vers l'inconnu . Rien n'est gratuit dans les signes et dans les plans à mon sens.
    Par contre the tree of live m'avait laissé sur ma fin( faim) et je n'étais pas loin en effet de penser que c'était une supercherie.

    RépondreSupprimer
  2. Je partage votre mauvaise humeur! Merci de me rassurer, je me sentais un peu seul...

    RépondreSupprimer
  3. pendant qu'on y est moi aussi ( vu cet aprem, dans des conditions un peu similaires - j'aime bien tester différents cinéma et faire des expériences donc quoiqu'il en soit, je ne vais pas regreter, d'autant que le film est certes sensible, la fille charmante, ça change de certains blockbusters ... Mais film qui m'a profondément ennuyé aussi par sa vacuité. Je plussoie sur les différences avec Tree of life de Malick ( étant un fervent admirateur du cinéma de Malick je ne peux qu'approuver ; d'ailleurs Tree of life, contrairement aux autres que j'adore, j'ai été déçu, et je comprend qu'il divise, mais ça joue dans une autre catégorie, c'est clair. Un amour de jeunesse j'y suis allé pas mal guidé par les critiques j'avoue. Je me retrouve dans votre analyse.

    RépondreSupprimer
  4. Certes, passés les trois premiers quarts d'heure du film de Hansen-Love, je n'ai pu que me laisser envahier complètement par la causticité contre laquelle je luttais au début du film (soit à partir du moment ou le dernier noeud dramatique gros comme une maison se fait jour, à savoir la mère du premier amour croisée dans le bus [bin voyons]) ; cependant, soyons objectifs : pour un film *français* réalisé *aujourd'hui en 2011* par une *femme* de *trente ans*, il faut bien reconnaître qu'Un amour de Jeunesse échappe de A à Z à la moindre tentation d'*auteurisme-préfabriqué-post-2000-à-la-C.-Honoré* ; ne serait-ce que par cette exemption absolue de caricature - mais non pas de maladresse, de vacuité, d'effets ridicules : je vous le concède -, le film de Hansen-Love gagne au moins à être connu pour sa naïveté presque rafraichissante [en matière de dramaturgie, entre autres] (même si c'est précisément ce qui en fait un film raté). Plus qu'une nullité prétentieuse (Un amour de jeunesse est à mon sens largement plus 'à côté de la plaque' que 'prétentieux'), le film de Mia Hansen-Love est parfaitement inutile et insignifiant.

    RépondreSupprimer
  5. Un amour de jeunesse dispose, à mon sens, de la douceur qui manque à tant de films du genre. C'est un drame poignant, qui se termine sur un non-dit bouleversant (affronté l'avenir par le passé). La mise en scène ose des figures souvent interdites (le long monologue du professeur sur l'art) qui pimentent le déroulement de l'intrigue de manière très intelligente. Lola Créton est sublime et tellement sincère qu'elle semble avoir vécu cette histoire teintée d'une amertume tenace et irréfutable: l'amour ne se meurt que dans le propos, jamais dans les faits.

    RépondreSupprimer
  6. Vous avez à la fois raison et moi aussi j'ai été très agacée par ce film, mais à la fois tort car vous passez à côté de quelques petites choses sensibles et très réussies (ce qui n'en fait pas un bon film, mais qui donne envie d'aller voir le suivant de MHL) ex : le fait justement que la jeune fille ne change jamais : elle porte les mêmes fringues, ne vieillit pas, quand elle se coupe les cheveux cela ne fait pas naturel, c'est bien vu : elle ne passe pas à l'age adulte et garde uniquement le niveau fusionnel ou paternel/maternel de la relation amoureuse. MHL le fait vraiment bien sentir dans cette permanence de l'adolescence qui nous donne un sentiment d'étrangeté. C'est surement comme ça que la jeune fille se voit. Une jeune fille qui n'arrive pas à s'affirmer et à communiquer avec les autres (cf avec sa mère, son père, son frère qui sont des ombres avec lesquels elle n'a pas de vraie discussion ni échange - autre ex : elle semble habiter chez son mari) ni passer à l'âge adulte, c'est plus ça le sujet qu'un amour de jeunesse en fait. Sophie

    RépondreSupprimer