mercredi 18 mars 2015

Hacker

 
Les échecs sont parfois étranges et Michael Mann vient d'en faire lourdement les frais. Sorti le même jour qu'un certain American Sniper, Hacker a essuyé une volée de bois vert de la part de la critique américaine et un rejet massif du public. Si le réalisateur de Heat et Révélations n'était pas un habitué des triomphes commerciaux, il n'avait jamais subi un revers aussi cinglant. Quid ? Une absence de star de gros calibre pour entraîner les spectateurs. Ou un désintérêt manifeste pour le hacking à grande échelle, ce sujet tellement contemporain qui a passionné Michael Mann durant des années. 

Très documenté, le scénario de Hacker débute à Hong Kong où une centrale nucléaire a été piratée, provoquant la fissure d'un caisson de confinement et la fusion de son cœur. Les motivations des criminels restent obscures, aucune extorsion de fonds ou de revendication politique n'ont été faites. Un groupe de hauts gradés chinois est chargé de les retrouver, aidé par le FBI à qui ils demandent de libérer un célèbre hacker américain (Chris Hemsworth) détenu en prison et qui pourrait être d'une aide précieuse afin de démasquer l'auteur du logiciel malveillant. Habitué à l'univers carcéral, l'homme va devoir reprendre ses marques avant de traquer ces criminels hyper connectés.

Wei Tang et Chris Hemsworth

Après plusieurs années d'absence, Michael Mann n'a rien perdu de sa superbe avec ce thriller qui est sa plus ambitieuse production à ce jour : 66 jours de tournage dans 74 décors différents et couvrant 4 pays. Lui qui a été un précurseur dans l'utilisation de l'image numérique, l'expérimentant avec plus ou moins de bonheur dans Collateral, Miami Vice et Public Enemies, semble avoir totalement dompté ce procédé en tournant intégralement son nouveau long métrage en digital. La nuit n'a d'ailleurs jamais parue aussi prégnante, notamment dans les nombreuses séquences se déroulant en Asie. Mais il fait preuve également d'une grande maestria dans l'intégration des images de synthèse, à voire l'incroyable séquence d'ouverture qui nous plonge directement dans l'attaque du système informatique de la centrale. Plus qu'aucun autre cinéaste avant lui, Michael Mann nous montre presque physiquement la violence de ce piratage moderne, capable des crimes les plus odieux avec une indécente facilité.

Chris Hemsworth et Michael Mann sur le tournage de Hacker

Le cinéaste est sur un terrain plus connu lorsqu'il filme des séquences de fusillade qui ont fait sa gloire, chaque spectateur ayant en mémoire la scène de braquage de Heat, devenue une référence du genre. Collant sa caméra à ses acteurs comme il l'affectionne depuis plusieurs films, le réalisateur nous embarque littéralement dans des scènes d'action à couper le souffle où le travail sur le son est aussi réaliste que perturbant. Les impacts de balle résonnent à nos oreilles, les douilles crépitent et l'implication du spectateur n'en n'est que plus manifeste. On se laisse littéralement embarqué jusqu'à l'apothéose finale, une séquence se déroulant à Jakarta au cœur d'une impressionnante cérémonie réunissant quelque 3000 figurants vêtus de costumes traditionnels. Malgré son caractère un peu invraisemblable, il s'agit là d'un pur instant de mise en scène, époustouflant de tension et de maîtrise. 

Mais le cinéaste bute sur quelques écueils qui l'empêchent d'accomplir une œuvre majeure. Le personnage interprété par Chris Hemsworth manque d'épaisseur, l'intrigue traîne par endroits et on a surtout l'impression que Michael Mann ne fouille pas suffisamment son sujet, privilégiant l'action au détriment du contenu. Mais il ne méritait certainement pas un tel affront (le film est sorti directement en DVD dans certains pays), et l'on espère qu'il pourra se remettre en selle au plus vite. Au moins pour tous ceux qui aiment un cinéma relié à des problématiques actuelles qui nous dépassent.

Antoine Jullien 

Etats-Unis - 2h13
Réalisation : Michael Mann - Scénario : Morgan Davis Foelh et Michael Mann
Avec : Chris Hemsworth (Nick Hathaway), Leehom Wang (Chen Dawai), Wei Tang (Chen Lien), Viola Davis (Carol Barrett). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Universal. 


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