mercredi 26 mars 2014

Gerontophilia

 
Un titre aussi énigmatique ne peut qu'interpeller. Gerontophilia, soit l'attirance irrépressible pour les personnes âgées. Le réalisateur canadien Bruce LaBruce, connu jusqu'à présent pour des œuvres underground à la lisière de la pornographie, continue dans la voie de la subversion. Mais en racontant une histoire de fétichisme éprouvée par un jeune homme pour les vieux messieurs, il la transforme habilement en film romantique à l'humour mordant. 

En disposant d'un budget plus confortable que ses films précédents, Bruce LaBruce a soigné davantage l'esthétique de son film qui va dans une direction contraire au sujet prétendument scabreux qu'il veut traiter. De somptueux ralentis dans les couloirs d'un hospice aux plans enneigés d'un Quebec ensoleillé, le cinéaste enveloppe ses personnages dans une atmosphère harmonieuse qui épouse en réalité le réel propos du film, une histoire d'amour naissante entre deux hommes que rien ne prédisposait à subvenir. Le premier, Lake, 18 ans, est un garçon plutôt ordinaire qui vit avec une mère névrosée et sort avec une fille de son âge un peu excentrique. Le second, Mr Peabody, est un octogénaire encore séduisant qui refuse le traitement subi dans la maison de retraite où il est enfermé. Il va alors se lier d'affection avec Lake avant que leur relation ne prenne une autre tournure. 

Pier Gabriel Lajoie et Walter Borden

Pour le cinéaste, Lake est un personnage révolutionnaire dans la mesure où ce qu'il vit dépasse toutes les conventions. Mais le cinéaste n'use pas de provocation gratuite, il filme avec beaucoup de sensibilité cette histoire d'amour empreinte de tendresse et de sincérité. A travers les portraits de vieillards que dessine l'adolescent, le réalisateur finit par nous toucher en nous montrant que la normalité n'a pas forcément de limites. On pense évidemment à Harold et Maud d'Hal Ashby mais le propos de Bruce LaBruce est plus audacieux car Harold était amoureux de Maud malgré sa vieillesse alors que Lake, lui, est vraiment gérontophile, rien que dans cette scène assez surprenante où le jeune homme sauve un vieil homme de la noyade en lui faisant du bouche-à-bouche, se retrouvant soudain en bien mauvaise posture. 

Pier Gabriel Lajoie et Walter Borden sont remarquables et amènent beaucoup de force à leurs personnages, entourés par une belle galerie de seconds rôles. Bruce LaBruce en profite également pour dénoncer le sort des personnes âgées dans les maisons de retraite qui n'ont semble-t-il plus le droit de vivre, seulement de mourir. Le réalisateur ne s'étend pas davantage dans cette dénonciation mais elle est néanmoins bien présente et interpelle. En souhaitant s'ouvrir à un plus large public, Bruce LaBruce nous remue et évacue du même coup les quelques réticences que l'on aurait pu avoir face à un tel sujet, et devient in fine l'auteur d'un film à l'irrévérence salutaire. 

Antoine Jullien

Canada - 1h22
Réalisation : Bruce LaBruce - Scénario : Bruce LaBruce et Daniel Allen Cox
Avec : Pier Gabriel Lajoie (Lake), Walter Borden (Mr Peabody), Katie Boland (Désirée), Marie-Hélène Thibault (Marie). 



Disponible en DVD chez Epicentre Films.

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