jeudi 8 octobre 2015

Maryland

 
La place des femmes dans l'industrie du cinéma n'a jamais été autant décriée et lorsque l'une d'entre elles ose s'aventurer dans un genre peu exploré par les réalisatrices, on fait la fine bouche. Les films réalisés par des femmes ne devraient-ils se cantonner qu'au drame psychologique ou à la comédie sociologique ? Voilà une vision étriquée qu'Alice Winocour compte bien balayer. Alors que ses consœurs ont tendance, pour leur coup d'essai, à raconter les éternels atermoiements adolescents, l'apprentie cinéaste nous avait étonné avec son premier long métrage, Augustine, basé sur les travaux du professeur Charcot, interprété par Vincent Lindon et Soko. Cette fois, elle nous propose un thriller oppressant sous forme de huis-clos. Imparfait mais troublant. 

De retour de combat, Vincent (Matthias Schoenaerts), victime de troubles de stress post-traumatique, est chargé d'assurer la sécurité de Jessie (Diane Kruger), la femme d'un riche homme d'affaires libanais, dans sa propriété dénommée "Maryland". Sujet à des angoisses et des hallucations, Vincent éprouve une étrange fascination pour la femme qu'il doit protéger. Mais la menace rôde. 

Diane Kruger et Matthias Schoenaerts

C'est cette angoisse diffuse qui fait tout l'intérêt de Maryland, et ce dès la scène du cocktail où Vincent découvre Jessie. Alice Winocour épouse finement le point de vue de cet homme, le travail de la caméra autour des personnages le démontre. Dans la première partie du film, Diane Kruger est sans cesse observée par lui, située à l'arrière-plan de l'image ou sur les vidéos de surveillance. Puis une intimité commence à s'installer entre les deux et ils se retrouvent alors dans le même cadre, étouffés par le silence et les non-dits. Le danger qui plane sur eux les rapprochent mais une sorte de méfiance réciproque les éloignent dans le même instant. La force brute de Matthias Schoenaerts, omniprésent à l'écran, et la fragilité de Diane Kruger, plus en retrait, accompagnent superbement ces sentiments contrariés.

De cette menace, on ne saura pas grand chose. La vente d'armes et la corruption politique forment une toile de fond qui n'intéresse pas vraiment la réalisatrice. En revanche, elle parvient à faire naître l'inquiétude uniquement grâce à son décor, ce Maryland abandonné de tous et devenu vulnérable. Un bruit sourd, une porte qui claque, une bourrasque de vent, suffisent à créer une tension très réaliste. La cinéaste possède une maîtrise visuelle indéniable, réussissant d'intenses et rugueuses scènes de combat. Elle sait également, grâce à l'utilisation de la bande son, rendre l’atmosphère du lieu mystérieuse, presque irréelle. Malgré une fin indécise et ratée qui gâche un peu l'impression d'ensemble, Alice Winocour prouve qu'il faudra désormais compter avec elle et confirme de la plus belle manière qu'"il n'y a pas de films réservés aux hommes".

Antoine Jullien

France - 1h38
Réalisation et Scénario : Alice Winocour
Avec : Matthias Schoenaerts (Vincent), Diane Kruger (Jessie), Paul Hamy (Denis), Victor Pontecorvo (Tom).

Disponible en DVD et Blu-Ray chez France Télévisions Distribution.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire