vendredi 30 octobre 2015

Spectateurs, réveillez-vous !

 
Le beau temps, la morosité ambiante, la crise qui dure... tous les prétextes sont bons pour "ne pas se prendre la tête" et "passer un bon moment". Pourquoi blâmer un public abreuvé d'images et pris dans un entonnoir de campagnes de promotion envahissantes ? Le cinéma n'est plus un art sacré et il se confond désormais avec tous les médias, majeurs et mineurs, sans parvenir à retrouver sa majesté d'antan. Un discours d'arrière-garde ? Non, un constat lucide sur la place du cinématographe aujourd'hui, considéré par le plus grande nombre comme un simple produit de consommation. Comment expliquer autrement le triomphe qui nous accable actuellement ? 

Nous n'avons pas vu Les nouvelles aventures d'Aladin et ne comptons pas écrire une ligne dessus (remarquez c'est déjà fait !). 2 800 000 entrées en seulement quinze jours et une place en or au box-office pour la nouvelle coqueluche des ados, Kev Adams, qui cumule avec Les Profs 2 plus de six millions de spectateurs. Et ce n'est pas fini... Les jeunes et moins jeunes qui se sont rués dans les salles n'ont semble-t-il pas été alertés par les images calamiteuses de la bande annonce. Certes, ils n'ont pas eu la possibilité de lire les premiers retours très négatifs des spectateurs, censurés par le site AlloCiné qui perd une bonne part de sa crédibilité en participant pleinement au roulaud compresseur marketing. Mais la fréquentation du film ne faiblit pas, le signe d'un bon bouche-à-oreille. Alors, on abdique ? 

Marguerite, 1 million d'entrées

15 à 20 longs métrages par semaine, des centaines de blogs et de sites pour en parler... et le public ne se déplace que pour voir celui qui aura le mieux saturé l'espace. Bien sûr, réjouissons-nous que la popularité de Catherine Frot ait donné envie de découvrir Marguerite qui dépasse le million d'entrées. Ou avant lui La loi du Marché qui a, malgré la rudesse de son sujet, profondément interpellé. Et les autres ? Tombées dans les limbes des sorties hebdomadaires...  

Mon Cinématographe est l'ardent défenseur d'un cinéma accessible et de qualité, ouvert aux cinéphiles comme aux néophytes. Il n'est donc pas ici question de tomber dans un élitisme stérile qui condamnerait d'avance le succès. Mais le succès pour quoi ? Jurassic World, Fast and Furious 7, Avengers 2... des produits sans âme et manufacturés, de l'entertainment tiédasse, aussitôt ingurgité aussitôt (mal) digéré. Le merveilleux Vice-Versa ou le tonitruant Mad Max : Fury Road demeurant, hélas, des exceptions.

Il faut un sacré courage aujourd'hui pour être un distributeur indépendant. Réussir à susciter la curiosité d'un public qui en est malheureusement dépourvu. Comment alors le faire bouger de sa zone de confort ? Certainement pas avec mépris ou condescendance. Mais en l'encourageant à s'aventurer davantage grâce à notre insatiable envie de faire découvrir une œuvre qui le mérite. Ou pas. Car le spectateur sera seul juge, loin des critiques et des a priori. Mais il aura permis à la diversité d'exister. 

Antoine Jullien

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