Mel Gibson serait-il en train de sortir du purgatoire ? Conspué et banni d'Hollywood depuis ses frasques à répétition et ses propos antisémites, l'acteur déclinait inexorablement. Jadis cinéaste oscarisé et comédien bankable, il en était réduit à jouer des rôles de méchants bas de plafond afin de surnager au milieu du marasme. Et le voilà soudain distingué grâce à son cinquième film en tant que réalisateur qui raconte l'histoire d'un homme qui a refusé la violence. Le sujet paraît pourtant aux antipodes des valeurs de celui qui s'est complu à filmer outrageusement les meurtrissures de Jésus dans La Passion du Christ. Mais en y regardant d'un peu plus près, on comprend mieux les raisons qui l'ont motivé à se lancer dans un tel projet.
Durant la Seconde guerre mondiale, Desmond Doss s'est engagé dans l'infanterie comme médecin. Malgré son refus de tenir une arme et de tuer, il est devenu un héros, réussissant à sauver des dizaines de vies à Hacksaw Ridge (le titre original du film) lors de la bataille d'Okinawa. Il fut le premier objecteur de conscience à recevoir la Médaille d'honneur, la plus haute distinction militaire des États-Unis.
Mel Gibson a voulu rendre hommage à ce héros si atypique. L'homme a d'abord subi les brimades de ses camarades et les reproches de sa hiérarchie qui ne comprenait pas comment on pouvait s'engager sans se battre. Le cinéaste filme l’entrainement militaire et cette période de bizutage avec un classicisme old school où tous les protagonistes ont leur importance. Il parvient surtout à rendre palpable la détermination sans faille de Desmond Doss grâce à l'interprétation très convaincante d'Andrew Garfield (révélé dans The Social Network et à l'affiche du prochain film de Martin Scorsese).
Andrew Garfield
Si le filmage de la guerre a donné lieu depuis Le Soldat Ryan à un hyperréalisme incessant, on ne peut pas s'empêcher d'être bluffé par la manière dont Mel Gibson nous embarque dans cet enfer situé au sommet d'une falaise de plus de 120 mètres. L'horreur du conflit éclabousse le cadre de la caméra, les éclats d'obus et les bruits de balles résonnent durement à nos oreilles, la peur au ventre finit par nous gagner. Et au milieu du chaos, un homme que personne n'attendait, porté par sa foi religieuse et muni d'un courage admirable, qui a risqué sa vie pour celle de ses camarades.
La patte de Mel Gibson se fait alors lourdement sentir et ses plans édifiants de Desmond en martyr purifié puis inondé d'une lumière divine nous rappellent à quel point le réalisateur aime enfiler ses gros sabots, se fourvoyant à outrance dans l'imagerie pompière. S'il avait su bien décrire jusqu'à présent le calvaire de la guerre, il finit par tomber dans la manifestation la plus caricaturale de son spectacle, exaltant la violence à coups de ralentis sur les "méchants" japonais fauchés sur le champ de bataille. A cause de cette esthétisation gratuite et complaisante, Mel Gibson parvient à rentrer en complète contradiction avec le message de paix de son héros. Décidément, on ne se refait pas.
Antoine Jullien
Etats-Unis - 2h11
Réalisation : Mel Gibson - Scénario : Robert Schenkkan et Andrew Knight
Avec : Andrew Garfield (Desmond T. Doss), Vince Vaughn (Sergent Howell), Teresa Palmer (Dorothy Schutte), Sam Worthington (Capitaine Glover).
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