mercredi 2 mars 2016

Saint Amour

L'ivresse au bout du chemin. En conviant Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde à un périple viticole à travers les routes de France, Benoît Delépine et Gustave Kervern s'attendaient à un voyage hautement alcoolisé. Le spectateur pouvait aussi avoir une crainte légitime, celle de voir deux comédiens en roue libre s'égarer dans des personnages de pochetrons. Mais le tandem iconoclaste à qui l'on doit Mammuth et Le Grand Soir ne s'en est pas laissé compté pour autant, gardant vaille que vaille le cap d'un récit en zigzag, bifurquant d'un côté puis de l'autre, donnant à l'ensemble une allure de film à sketchs savoureux mais inégal.

Tous les ans, Bruno (Benoît Poelvoorde) fait la route des vins... au salon de l'Agriculture. Mais cette année, son père (Gérard Depardieu) a décidé sur un coup de tête de l'emmener faire une vraie route des vins afin de se rapprocher de lui. Ils ne trinqueront pas tous seuls, accompagnés de Mike (Vincent Lacoste), leur chauffeur de taxi embarqué à l'improviste dans cette tournée à hauts risques entre belles cuvées et femmes rencontrées au cours de leur pérégrination.

Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde

Le tournage au salon de l'Agriculture fut "très rock'n'roll" selon les réalisateurs, les obligeant à tourner en caméra cachée avec deux acteurs que chacun reconnaissait au premier coup d’œil, à voir le nombre de personnes que l'on aperçoit en arrière plan en train de les photographier. Delépine et Kervern ne sont d'ailleurs pas très à l'aise avec ce décor et le début du film, trop flottant, s'en ressent. Une fois le périple entamé, les réalisateurs retrouvent leur verve et on est à nouveau prêts à les suivre. De plus, ils ont eu la bonne idée d'associer Depardieu et Poelvoorde à Vincent Lacoste qui arrive aisément à trouver sa place au milieu de ce duo infernal. 

Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste et Gérard Depardieu

Pourtant, le chemin est plus cabossé qu'à l'accoutumée et les séquences inutiles ou ratées sont nombreuses, des apparitions un peu pathétiques d'Izïa Higelin et Ovidie en passant par la grotesque séquence avec Anna Girardot. On avait aussi connu les cinéastes plus scrupuleux en termes de mise en scène, laissant aller leur caméra au gré des étapes successives. L'image est pour une fois assez laide, ressemblant aux reportages de l'émission Striptease

Mais les deux larrons font mouche à plus d'une reprise, comme lors d'une scène très drôle avec Michel Houellebecq qui devait à l'origine interpréter le chauffeur de taxi et qui se contente ici d'une mémorable apparition. L'intense complicité qui unit Poelvoorde et Depardieu, que rien ne semble pouvoir arrêter, est assez réjouissante, donnant lieu à quelques moments tendres, notamment lors d'une belle scène avec Andréa Ferréol (clin d’œil évident à La Grande Bouffe). Et tant pis si le final écolo célébrant les joies de la nature semble un peu forcé, sans doute sincère mais maladroit. Bien qu'il ne soit pas aussi gouleyant que Mammuth qui était plus charpenté et meilleur en bouche, ce Saint Amour se déguste plaisamment. Avec modération.

Antoine Jullien

France - 1h42
Réalisation et Scénario : Benoît Delépine et Gustave Kervern
Avec : Gérard Depardieu (Jean), Benoît Poelvoorde (Bruno), Vincent Lacoste (Mike), Céline Sallette (Vénus). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Le Pacte

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