mercredi 26 octobre 2011

La politique fait son cinéma

L'EXERCICE DE L'ETAT / LES MARCHES DU POUVOIR

La politique est au coeur de deux films cette semaine. Une fois n'est pas coutume, c'est un cinéaste français qui damne le pion à son illustre confrère américain. 


"La politique est une meurtrissure permanente". Tel est le crédo de Bertrand St Jean (Olivier Gourmet), ministre des transports d'un gouvernement d'aujourd'hui, indéterminé. De l'accident d'un car scolaire à la conquête d'un fief local, l'homme va devoir aller de compromis en compromis, épaulé par son fidèle directeur de cabinet (Michel Blanc) et d'une conseillère en communication ad hoc (Zabou Breitman). 

Le cinéma français était jusqu'à présent resté trop timoré par rapport à la chose politique. Avec L'exercice de l'état, le réalisateur Pierre Schoeller créé une petite révolution. Conjuguant le meilleur du cinéma romanesque à une étude de caractères d'une lucidité et d'une acuité admirables, le cinéaste nous livre un film captivant de la première à la dernière image. Porté par deux excellents comédiens, Olivier Gourmet et Michel Blanc, dont les antagonismes apparents sont en réalité le révélateur d'une amitié que les aléas du pouvoir vont durement malmener, le long métrage ne verse pas dans un discours démagogique ou édifiant. Avant d'être un politicien, Bertrand St Jean est un être humain avec ses convictions et ses failles, de plus en plus béantes à mesure que le récit progresse. Gourmet n'en fait pas un personnage sympathique mais arrive à dégager une certaine empathie avec le spectateur, notamment lors d'une scène ennivrée où le ministre dîne en compagnie de son chauffeur et de sa femme. La réalité d'un monde qu'il ne voit plus lui explose soudain au visage.

Olivier Gourmet et Michel Blanc

A travers le cas de ce chauffeur recruté par le ministère comme un gage à la politique d'insertion du gouvernement, Pierre Schoeller montre des trajectoires qui se frôlent mais qui ne peuvent pas se rencontrer. Les réunions dans les bureaux, les incessants trajets, les coups de fils qui se répètent inlassablement, le quotidien du ministre semble bien éloigné de ses concitoyens. Grâce à un réalisme saisissant amplifié par la nervosité de la mise en scène, Pierre Schoeller réussit le prodige de nous faire entrer pour la première fois dans la peau d'un homme que les médias réduisent trop souvent à une simple image. 

Cette obsession de la communication se retrouve dans presque chaque séquence tant elle semble également contaminer le ministre. Peu à peu, l'homme se fait manger par la machine de l'état comme ce crocodile qui avale tout cru une femme nue sortie tout droit de l'un de ses rêves. Un onirisme discret renforcé par un cadre froid et une musique dissonante qui étouffent encore davantage les protagonistes. 


Sang, vomi, larmes.... l'homme politique se vide sans cesse face au rythme infernal de sa vie. Pierre Schoeller filme des hommes et des femmes corvéables à merci, bosseurs invétérés, qui se font une certaine idée de l'intérêt général. Et si le pragmatisme reprend souvent ses droits, ironiquement pointé par Didier Bezace dans une séquence savoureuse où il compare l'état à une "vieille godasse qui prend l'eau de partout", l'Exercice de l'état nous secoue et nous effraie mais apporte un maigre espoir en ces temps de populisme effréné. 





Une curiosité nous piquait à l'idée de voir George Clooney enfiler le costume d'un candidat démocrate. Fidèle supporter du président Obama, l'acteur-réalisateur avait du patienter avant de tourner son quatrième long métrage afin de ne pas contrarier l'enthousiasme ambiant. Les années ont passé et Clooney semble être revenu de cette période d'illusions. Sans pour autant sortir ses griffes.

Stephen Meyers est le jeune et déjà très expérimenté conseiller de campagne du gouverneur Morris qui se prépare à gagner les primaires démocrates. Mais face aux coups tordus du camp adverse et aux révélations embarrassantes sur son champion, Stephen va devoir changer son fusil d'épaule et explorer les arcanes du pouvoir. 

Ryan Gosling et George Clooney

Avec une élégante efficacité, George Clooney déroule son récit à un tempo moderato. Bénéficiant d'un scénario bien construit (adapté de la pièce de théâtre Farragut North) qui met en valeur la mosaïque des personnages gravitant autour du candidat Morris, Clooney semble prendre un plaisir manifeste à les filmer, à voir cette manière dont il cadre leurs visages au plus près lors de scènes de séduction ou d'affrontements verbaux. Après Drive, Ryan Gosling confirme sa présence singulière où la naïveté un peu caricaturale du début fera place à un cynisme absolu. 

Plus mordant avec son Good Night and Good Luck, le réalisateur se contente d'égrener des péripéties attendues en brossant un tableau assez convenu des moeurs politiques où l'on est prêt à tout pour accéder au pouvoir suprême. En se donnant le rôle du futur président, Clooney se montre tour à tour rusé et petit joueur. Si le charme et le charisme du comédien masquent habilement un personnage moins reluisant qu'il n'y paraît, on ne sent pas le cinéaste prêt à s'engouffrer dans des contrées plus obscures. La limite à un divertissement plaisant et honorable qui ne veut fâcher personne. 

Antoine Jullien



L'Exercice de l'état disponible en DVD et Blu-Ray chez Diaphana Vidéo.
Les Marches du pouvoir disponible en DVD et Blu-Ray chez Metropolitan Vidéo.

2 commentaires:

  1. Salut,absolument d'accord avec ton analyse.
    Félicitation pour ton blog, très intéressant, que je découvre par le biais d'un commentaire que tu as laissé sur L'exercice de l'Etat sous Allociné. D'ailleurs à ce sujet, y-a-t'il une astuce pour que le lien vers ton article apparaisse en lien hypertexte. Pour ma part il apparait toujours en texte "normal" sur Allociné....
    Si cela t'intéresse, je t'invite à participer à : http://chris666blogsallocinefr.over-blog.com/article-festival-d-automne-2-les-inscriptions-sont-ouvertes-86366039.html
    A +

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  2. bon film dans l'ensemble, j'ai bien apprécié.

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