samedi 19 septembre 2015

Youth

 
Paolo Sorrentino n'est décidément pas dans les petits papiers des jurys cannois. Inexplicablement reparti bredouille avec sa Grande Bellezza, le voici à nouveau gros-jean comme devant, son dernier opus, Youth, n'ayant pas obtenu les faveurs des jurés du dernier festival de Cannes. Le cinéaste divise, en irritent certains, en charment d'autres. Son talent formel n'est pourtant plus à démontrer, faisant preuve une fois encore d'une incontestable maestria. Mais les palaces dorés des montagnes suisses semblent moins inspirer le réalisateur que les joyaux romains, et ne créé pas le bijou espéré. 

Deux vieux amis approchant l'heure du crépuscule profitent de leur vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes. L'un deux, Fred (Michael Caine), est un éminent compositeur britannique qui n'a aucune intention de reprendre la baguette, même si la Reine le lui demandait. Mick (Harvey Keitel), réalisateur, lui travaille toujours, s'empressant de trouver une fin à son prochain film. 

Michael Caine et Harvey Keitel

Sorrentino a une science de l'espace qu'il maîtrise à merveille. Il parvient à transformer un lieu d'apparence froid et terne en un décor étrange et extravagant. Ses angles de caméra qui distordent les pensionnaires de l'établissement contribuent aussi à l'incongruité du film. Le spectateur est plongé dans un monde parallèle où l'on croise un Dalaï Lama en lévitation, un sosie de Diego Maradona qui peut à peine marcher ou une Miss Univers aux formes sépulcrales, regardés à travers les yeux de deux vieux messieurs qu'une indéfectible amitié lie depuis des années. Spectateurs d'une communauté zigzagante, ils cherchent à trouver un sens à leur dérisoire existence compensée par de savoureuses saillies.


Un bon réalisateur se repère à son sens du détail. La mise en scène de Sorrentino en fourmille, d'un concert de vaches improvisé à un morceau de viande dévoré par une chanteuse après son concert en passant par un papier que l'on froisse et qui provoque des réactions en chaîne. Le cinéaste aime les ruptures et les ellipses et son inimitable faculté à varier les musiques en est la parfaite illustration, le classique le disputant à la house dans un étonnante homogénéité. Mais l'opération est à double tranchant et l'accumulation de scènes, aussi réussies soit-elles, finit par desservir le film.

Paul Dano grimé en Hitler ou la Miss Univers nue au bord de la piscine étaient-ils indispensables ? On peut en douter, comme le traitement réservé aux personnages féminins, assez sommaire voire suspect, mis à part l'intervention tonitruante et jouissive de Jane Fonda. Reste l'ironique placidité du grand Michael Caine, du haut de ses quatre-vingt deux ans, impérial en vieil homme dont les souvenirs s'estompent. Il est la pièce maitresse et l'une des principales raisons d'aller voir Youth dont la fin s'avèrera, malheureusement, moins probante que celle imaginée par le personnage d'Harvey Keitel.

Antoine Jullien

Italie / France / Suisse / Grande-Bretagne - 1h58
Réalisation et Scénario : Paolo Sorrentino 
Avec : Michael Caine (Fred Ballinger), Harvey Keitel (Mick Boyle), Rachel Weisz (Lena Ballinger), Paul Dano (Jimmy Tree), Jane Fonda (Brenda Morel).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Pathé Vidéo.

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