mercredi 2 septembre 2015

L'été meurtrier du cinéma français

Microbe et Gasoil, le plus gros échec de Michel Gondry

Par le passé, il est arrivé au cinéma français de connaître, au cœur de l'été, des divines surprises : La Dilettante en 1999, Harry un ami qui vous veut du bien en 2000 ou Le premier jour du reste de ta vie en 2008 ont su déjouer les pronostics, prouvant qu'un bon film d'auteur pouvait trouver sa place au milieu des blockbusters américains. Mais on ne pourra pas en dire autant cette année tant la succession d'échecs made in France laisse pantois. Des œuvres inégales, pour certaines réussies, mais qui n'ont pas attisé la curiosité du public. 

Des spectateurs qui n'ont jamais paru autant vouloir s'abriter dans une zone de confort. La preuve, le seul film français ayant attiré les foules est Les Profs 2 (plus de 3 millions d'entrées) qui, et ce n'est pas lui faire injure, ne brille pas particulièrement par ses qualités artistiques. On ne peut s'empêcher d'être vaguement consterné face à ce carton alors que d'autres films auraient mérité de tirer leur épingle du jeu. On pense à Michel Gondry qui a connu un échec cuisant avec son Microbe et Gasoil, ode à une jeunesse à la marge qui n'a intéressée personne (95 000 entrées*) ou Coup de chaud de Raphaël Jacoulot, brillante étude de caractères à l'atmosphère très chabrolienne qui est passée inaperçue (60 000 entrées). Quant à Love de Gaspar Noé, son imposante présence médiatique, à coup de polémiques et d'interdiction en salles aux mineurs, n'a pas suscité le désir, c'est un euphémisme (50 000 entrées).

50 000 entrées seulement pour Love de Gaspar Noé

Si ces films sortaient un peu du lot, une foule d'autres, eux, ne brillaient ni par leur originalité ni par leur audace. Et ils ont tous bu la tasse : Nos Futurs (170 000 entrées), Les Bêtises (65 000), Les Chaises Musicales (55 000). Des longs métrages honorables à défaut d'être renversants, noyés parmi la quinzaine de sorties hebdomadaire. Et les films d'auteurs grand public ne peuvent pas non plus se réjouir, à voir les scores médiocres enregistrés par Floride de Philippe Le Guay (300 000 entrées à ce jour), le réalisateur étant pourtant un habitué des bonnes places au box-office (Les Femmes du 6ème étage et Alceste à bicyclette), ou La Belle Saison de Catherine Corsini (175 000 entrées) qui avait signé en 2009 Partir, un beau succès sorti en plein mois d'août.

Seules consolations, le très bon accueil réservé à la production franco-turque Mustang qui a attiré plus de 400 000 spectateurs conquis, et la rêverie poético-bucolique de Bruno Podalydès, Comme un avion, bénéficiant d'une belle carrière estivale (430 000 entrées).

Le film de Joann Sfar, sorti un 5 août dans l'indifférence générale

Et lorsque l'on voit l'embouteillage des sorties tricolores qui se profile pour cette rentrée, on peut raisonnablement être inquiets. Car les distributeurs ont aussi une part de responsabilité dans ces échecs répétés, à voir comment Wild Bunch s'est débarrassé du film de Joann Sfar, La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil, inexplicablement à l'affiche un 5 août. Une stratégie suicidaire qui condamne les films d'emblée.

Il faudra donc faire l'évènement pour que les spectateurs, de moins en moins enclins à tenter l'aventure, ne se déplacent. On peut d'ores et déjà miser sur une comédienne, Catherine Frot, étincelante dans la peau d'une aristocrate férue d'opéra et chantant affreusement faux dans Marguerite de Xavier Giannoli, le film français de cette rentrée pour lequel il serait vraiment dommage de passer à côté. 

Antoine Jullien 

* Source JP's Box Office

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