mercredi 19 octobre 2011

Exposition Metropolis


Jusqu'au 29 janvier, la Cinémathèque française consacre une exposition à Metropolis, le chef d'oeuvre de Fritz Lang. Réalisé en 1927, le long métrage fut à l'époque une entreprise monumentale : 311 jours et 60 nuits de tournage, 620 kilomètres de négatifs, 750 acteurs, 25 000 figurants et un budget colossal de 6 millions de marks. Mal reçu à sa sortie tant par le public que par la critique, le film connaîtra une vie chaotique, allant de version en version jusqu'à la découverte inespérée, en 2008, d'une copie intégrale dormant au Museo del Cino de Bueno Aires dont on peut voir la version restaurée dès aujourd'hui dans les salles *.  

Fritz Lang et Brigitte Helm sur le tournage de Metropolis 
© Deutsche Kinematek - Photo Archive 

Produite par la Deutsche Kinemathek de Berlin, l'exposition s'articule autour des six grandes étapes du scénario de Metropolis écrit par la femme du cinéaste, Thea von Harbou : La Cité des Fils ; La Ville Ouvrière ; La Ville Haute ; Le Laboratoire Rotwang ; Les Catacombes ; La Cathédrale. A travers ces séquences clefs, on peut découvrir plus de 800 photographies de plateau originales, des dessins préparatoires des décorateurs Erich Kettelhut et Otto Hunte, le robot reconstitué par Walter Schulze-Mittendorff ainsi que sa série des têtes sculptées La Mort des sept péchés capitaux. 

La Cité des Fils - Dessin inachevé d'Erich Kettelhut
© Deutsche Kinematek - Collection d'Erich Kettelhut

De nombreux extraits du film agrémentent le parcours de l'exposition. Les images de l'usine avec ses foules d'ouvriers marchant en cadence, les visions de la ville avec ses étages superposés évoquant New-York qui ont inspiré Fritz Lang lors de sa première venue dans la mégalopole en 1924, la fameuse séquence du robot entouré de cercles de feu nous rappellent à quel point le cinéaste était en avance sur son temps. Les nombreuses innovations techniques du film fascinent encore, comme ses images en trompe l'oeil figurant des décors gigantesques que l'on doit aux miroirs de Schüfftan ou ses nombreuses surimpressions qui culminent lors du célèbre plan des yeux. 

Metropolis - Modèle du décor de la Ville Haute 
© Deutsche Kinematek - Photo Archive 

Mais l'exposition ne met pas suffisamment en avant cette révolution technologique. On aurait aimé davantage d'explications sur l'utilisation de la caméra Stachow que Lang et son équipe avaient conçue à l'aide d'une nacelle afin de provoquer un sentiment de peur chez le spectateur. Les objets présentés, trop peu nombreux, ne traduisent pas assez le caractère novateur du film qui éclate dans la séquence saisissante où Maria est poursuivie dans les Catacombes par Rotwang qui la traque à l'aide d'une torche lumineuse. L'usage de la lumière et du travail de la caméra par l'opérateur Karl Freund demeurent stupéfiants. 

Tournage de Metropolis - Décor des Catacombes avec Brigitte Helm 
© Deutsche Kinematek - Photo Archive 

La partie sur la restauration de Metropolis est sans conteste la plus dense, racontée dans un très instructif documentaire Voyage à Metropolis que l'on peut visionner à la fin de l'exposition. Le long métrage est projeté pour la première fois à Berlin le 10 janvier 1927 dans sa version intégrale de 153 mn. En mars de la même année, le film sort à New-York dans une version amputée de 116 mn. Après plusieurs restaurations dans les années 80 et 90 dont une proposée par le compositeur Georgio Moroder dans laquelle il combinait des photos de plateau de scènes disparues à des séquences existantes colorisées accompagnées par une musique pop signée Bonnie Tyler et Queen (et oui!), le film connaitra un rebondissement majeur avec la version argentine retrouvée en 16 mm. Bien que la copie ait subit de sérieuses dégradations que l'on repère aisément dans la version définitive, c'est une occasion unique de découvrir ou redécouvrir ce film légendaire. 

Metropolis - Décor du laboratoire de Rotwang avec le robot Maria 
© Deutsche Kinematek - Photo Archive 

La Cinémathèque propose également une rétrospective intégrale de l'oeuvre du Fritz Lang. Cinéaste démiurge en Allemagne jusqu'au début des années 30 et le succès de M. Le Maudit, il fuira le nazisme et s'exilera aux Etats-Unis où il tournera pendant vingt ans. Du film noir (La Rue Rouge) au western (L'Ange des Maudits) en passant par le film d'aventures (Les contrebandiers de Moonfleet) et le film d'espionnage (Man Hunt) Lang abandonnera l'expressionnisme qui a fait sa gloire pour une mise en scène plus épurée où la fatalité le dispute à la paranoïa. En parallèle à cette rétrospective, on pourra constater les nombreuses influences que Metropolis a eu sur les cinéastes à travers le programmation Cités futuristes qui nous plongera dans des univers très influencés par le film de Fritz Lang : Blade Runner de Ridley Scott, Le Cinquième élément de Luc Besson ou Soleil Vert de Richard Fleischer.  

Antoine Jullien

Metropolis, l'exposition du 19 octobre au 29 janvier à la Cinémathèque française.
Intégrale Fritz Lang du 19 octobre au 4 décembre.
Cités Futuristes du 19 octobre au 4 décembre.
Rencontre avec Bernard Eisenschitz, l'auteur de Fritz Lang au travail, le samedi 22 octobre.
Retrouvez la saison 2011/2012 de la Cinémathèque ici.
La Cinémathèque française, 51 rue de Bercy - 75012 Paris
Renseignements : www.cinematheque.fr

* Sortie nationale de Metropolis au cinéma le 19 octobre dans sa version d'origine de 150 minutes.

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