mercredi 15 décembre 2010

Monsters / Machete

La frontière americano-mexicaine a toujours inspiré les cinéastes, tous genres confondus. Pour son premier long métrage, le britannique Gareth Edwards a imaginé qu'une sonde de la Nasa s'écrase dans la jungle mexicaine, libérant sur terre des particules de forme extra-terreste. Six ans plus tard, le pays est devenu une zone de guerre désertée, peuplée de créatures monstrueuses. Deux américains vont tenter de rejoindre la frontière en traversant ce territoire dévasté. 

Le cinéma de science-fiction est un terreau fertile pour évoquer les problèmes actuels que vivent les deux pays, à commencer par l'immigration. C'est sous une forme originale que Gareth Edwards dépeint ce phénomène, en prenant pour sujet les aliens victimes de la violence des hommes. Si cet aspect politique est moins présent que dans le récent District 9, la réalisation, elle, s'en rapproche sensiblement. Même style documentaire, même ancrage contemporain. Mais à contrario du film de Neil Blomkamp, Gareth Edwards ne cède jamais à la surenchère ou au film d'action lambda. Pendant 1h30, il installe une atmosphère particulière, où le danger menace mais rattrapé sans cesse par l'histoire que vivent les deux protagonistes. Une "love-story" peu banale qui prend sens au fur et à mesure que les extra-terrestes apparaissent.  


S'il on a suffisamment de talent et d'astuces dans sa besace, on peut réaliser un long métrage ultra-réaliste sans disposer de budget pharaonique. Avec moins d'un million de dollars en poche (autant dire une panouille pour un long métrage de cet acabit), le réalisateur a réussi le prodige de créer un monde totalement vraisemblable qui aide beaucoup à l'identification des personnages. Bestioles en arrière-plan, carcasses d'avions et de bateaux, ville dévastée, Gareth Edwards est parvenu, grâce à un minimalisme minutieux, a jouer sur le hors-champ et compenser son manque de moyens par une créativité étonnante. Pris dans cette aventure à l'issue incertaine, le spectateur est désarçonné, balloté entre virée intimiste et film de monstres. 

Monsters pourra décevoir les amateurs du genre, frustrés par le manque d'action et le rythme en dents de scie. Les autres se réjouiront d'une oeuvre qui empreinte des chemins de traverse avant de se terminer sur une note poétique, un accouplement aussi étrange que beau. Gareth Edwards est un cinéaste à suivre. On redoute seulement qu'il se fasse un jour rattraper par le rouleau compresseur hollywoodien, comme tant d'autres avant lui.


Robert Rodriguez, lui, vient d'offrir à ses fans ce qu'ils attendaient. Après le dyptique Grindhouse co-réalisé avec son compère Tarantino, il donne à Danny Trejo, éternel second couteau qui accède enfin à la première marche du podium, un rôle de policier vengeur, adepte de la machète, des têtes coupées et des viscères exploitées. Un gars qu'il ne faut pas trop chercher, pris pour cible par un sénateur texan corrompu, adepte de la tolérance zéro et prompt à lâcher ses chiens quand ses projets politiques deviennent contrariés. Sans oublier une vengeresse borgne et une flicquette incorruptible. 

On rit devant ce spectacle grand guignolesque assumé de bout de bout. Si le côté vintage lorgne vers les séries Z des années 70 qu'affectionnent tant Rodriguez, le film, aussi étonnant soit-il, parle des flux migratoires à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, à sa manière bien sûr, décomplexée et sans fioritures. La politique sécuritaire en prend un méchant coup comme tous ceux que Machete envoie à ses ennemis. Parfois jubilatoire, le film s'entiche d'un casting improbable, de Steven Seagal en maître ès sabres à Don Johnson en flic pourri, sans oublier De Niro en politicien véreux. 

Trop long, répétitif, le plaisir des premières séquences s'amenuise et les clichés accumulés finissent par lasser. Le film manque peut-être du parfum de liberté de ses modèles, une déconnade un peu trop maîtrisée pour être totalement honnête. Gore, vulgaire, parodique, Machete ne pourra pas frustrer les amateurs du genre. Mais décevoir ceux qui en attendaient un peu plus.

Antoine Jullien

1 commentaire:

  1. Je verrai les films et je dirai ensuite mon avis.
    Si c'était le but de l'auteur, c'est atteint !
    En tout cas, mon intérêt a été ravivé par "Monsters". Comment faire un tel film, avec un tel budget et une telle réussite ? Tout l'art d'un bon réalisateur.
    Quant à machete... j'avoue ne pas avoir songé, avant de lire cette critique, à le regarder. Rien que l'affiche, partout, dans les métros, journaux... me donnait envie de regarder ailleurs...
    Mais... force est de constater que notre bon blogueur a l'art de nous manipuler et de nous donner envie de rester assis dans une salle obscure à côté de gens tout aussi ténébreux...
    Je reviendrai !
    --
    Steady as she goes!

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