L’intelligence artificielle est un thème récurrent dans le cinéma de science-fiction, surtout depuis l’avènement de l’ère informatique à la fin des années 70. Que ce soit dans Blade Runner, Terminator 2 ou A.I. Intelligence Artificielle, l’angle d’attaque de cette problématique est invariablement le même : les machines peuvent-elles devenir humaines ? Et si oui, est-ce un danger pour notre suprématie ? Mais à l’heure où notre civilisation occidentale vit de plus en plus connectée, où nos smartphones sont capables d’apprendre pour mieux nous aider (et nous vendre encore plus de nouveaux « besoins »), où les voitures se garent toutes seules, la problématique est en train de changer, voire de s’inverser. Neil Blomkamp est sans doute le réalisateur emblématique de cette évolution.
En 2009, le réalisateur sud-africain nous offrait District 9, un bijou de science-fiction qui imaginait des extraterrestres insectoïdes, parqués dans les faubourgs de Johannesburg, obligés de déménager leur bidonville. À l’époque, le film avait surtout été analysé, à juste titre, comme étant une métaphore de l’Apartheid. En 2013, dans Elysium, Blomkamp demandait à Matt Damon, armé pour l’occasion d’un exosquelette, de rétablir l’équilibre entre les « faibles » entassés sur une Terre livrée au chaos et les « puissants » jouissant d’une vie paisible sur une station orbitale. Ce second long métrage, bien décevant par rapport au premier, fut considéré comme un énième film sur la lutte des classes. À juste titre également. Avec Chappie, le réalisateur semble reprendre à son compte le thème de la machine essayant de s’émanciper pour devenir un être vivant à part entière. Mais les apparences sont parfois trompeuses.
Hugh Jackman
Nous nous retrouvons une nouvelle fois en plein Johannesburg où la police utilise des droïdes indestructibles pour maintenir l’ordre. L’un d’entre eux, nommé Chappie, va avoir la faculté d’apprendre, de penser et de choisir son destin en découvrant la vraie vie dans une métropole dangereuse partagée entre Deon, son créateur bienfaisant (Dev Patel) et une bande de malfaiteurs sympathiques mais endettés qui vont vouloir l’utiliser pour renflouer leur caisse, tout en lui apprenant le mensonge et la violence.
La narration du film est assez grossière et le chemin suivi par le jeune robot est très vite balisé. En ce sens, Chappie ne révolutionne pas le genre et lorgne sans scrupule vers le Robocop de Paul Verhoeven, le manga Appleseed et même District 9. Si l’ouverture du film, énergique et assez violente, pose une base intéressante, le cœur de l'intrigue peine à faire décoller le spectateur qui se demande où le réalisateur veut en venir. Bien évidement, notre robot héroïque souffre dans son apprentissage, tiraillé entre son envie de bien faire, les violences qu’il subit et les manipulations le poussant au crime dans l’intérêt de ses parents adoptifs (les rappeurs Yo-Landi Vi$$er et Ninja), mais tout ceci reste trop scolaire et enfantin. Jusqu’à la dernière demi-heure.
C’est alors que le film bascule et que l’on retrouve le réalisateur talentueux et énervé de District 9. Neil Blomkamp entreprend un vrai travail de destruction des corps (humain, mais pas seulement), la violence explose soudainement et cloue le spectateur sur son siège. Ce virage prend tout son sens si l’on remet en perspective District 9 et Elysium car les trois films partagent finalement le même thème. Dans ce cinéma là, le problème n’est plus vraiment l’émancipation des machines et leur devenir mais l’évolution de l’être humain passant par la machine ou tout du moins par une certaine transformation de notre corps. Dans District 9, Sharlto Copley se métamorphosait en alien, dans Elysium, le corps de Matt Damon était affublé d’un squelette mécanique lui donnant des capacités physiques hors du commun et dans Chappie, Blomkamp va encore plus loin. Certains sortiront de la salle horrifiés, d’autres y verront les prémisses d’une évolution sans précédent pour notre espèce. En ce sens, Chappie nous rappelle une fois de plus que la science-fiction est avant tout de l’anticipation même si tout ceci peut faire très peur. Wait and see…
Alexandre Robinne
Etats-Unis / Mexique - 2h
Réalisation : Neill Blomkamp - Scénario : Neill Blomkamp et Terri Tatchell
Avec : Sharlto Copley (Chappie), Dev Patel (Deon Wilson), Hugh Jackman (Vincent Moore), Sigourney Weaver (Michelle Bradley).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire