mercredi 30 novembre 2011

Donoma


Il ne suffit pas de vouloir, encore faut-il avoir quelque chose à dire. Avec Donoma, son premier long métrage, Djinn Carrénard confirme que la débrouillardise et le système D doivent nécessairement s'accommoder d'un minimum de talent et d'invention. Avec un sens très sûr de la formule, affirmant que son film n'a coûté que 150 euros, il a réussi à provoquer un véritable buzz sans les moyens habituels de la production cinématographique. Il vient surtout de faire souffler un vent de liberté dont notre cinéma hexagonal a bien besoin. 

Trois histoires de couples. Une enseignante s'engage dans une relation ambiguë avec l'un de ses élèves. Une jeune femme décide de sortir avec le premier homme venu. Une autre, agnostique, va être amenée à se poser des questions sur la religion chrétienne. Toutes ces histoires trouvent une symbolique dans le lever du soleil qui donne son nom au film : Donoma (Le jour est là). 

Emilia Derou-Bernal 

Muni de sa seule caméra, sans lumière ni autres artifices, Djinn Carrénard filme ces couples qui se font et se défont en malmenant brillamment les clichés. Le réalisateur parle de guérilla, ce sont en effet des affrontements que l'on voit à l'écran. Une prof qui manipule son élève avant de se faire manipuler à son tour,  une femme qui joue avec un inconnu jusqu'à ce que le jeu lui devienne insupportable, le cinéaste retourne habilement les situations, transformant la victime de la veille en bourreau du lendemain. Une intensité qui va crescendo et qui renvoie à la réalité crue des rapports humains où le dominant et le dominé ne sont pas forcément ceux que l'on croit. 

Salomé Blechmans

Une parade des sentiments qui touche profondément par la justesse des personnages. Les comédiens, tous stupéfiants, ne tombent pas dans l'improvisation gratuite qui, sous ses airs de "faire vrai", sonne terriblement creux. Le réalisateur les filme comme ils sont, sans fioritures, dans leur vérité propre. Violents, aimants, jaloux, lâches, misérables, généreux, ils sont tout cela à la fois au gré de séquences inégales qui auraient peut-être mérité d'être raccourcies au montage mais qui apportent une densité dramatique indéniable. 

La qualité et la finesse du scénario ne doivent cependant pas entièrement excuser les faiblesses techniques qui sont à la fois l'atout et la limite du film. Si elles renvoient à une spontanéité qui correspond à l'ambiance souhaitée par le cinéaste, elles desservent aussi certaines séquences. On en viendrait même à conseiller au jeune réalisateur de prendre quelques cours de mise au point tant la médiocrité de celle-ci semble davantage due à des maladresses qu'à une réelle volonté artistique. Heureusement, l'essentiel est ailleurs. Avoir su réaliser un film choral sans les pièges inhérents au genre et traiter pertinemment de religion et des différents milieux sociaux prouvent qu'un vrai cinéaste est né, curieux et lucide sur le monde qui l'entoure. Souhaitons-lui une longue route. 

Antoine Jullien


DONOMA : Bande Annonce courte par Donoma

1 commentaire:

  1. Un réalisateur (et un grand !) est né. Un choc pour moi, quel dommage qu'il soit aussi peu diffusé.

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